« Rue de Rome » de Pomme Jouffroy

Rue de Rome

Pomme Jouffroy

Office 23 mars 2006

Ce roman se déroule dans un atelier de lutherie de la rue de Rome : après la mort du vieux luthier qui dirigeait l’atelier, repris par son assistant, Julien, une jeune femme est engagée pour y faire son apprentissage. Mais sur l’atelier pèse le souvenir fascinant du vieil homme, un souvenir qui paralyse Julien, et qui s’immisce entre les personnages, prenant la place de la relation qui aurait pu exister entre eux.
Plongeant au cœur de l’univers singulier de la lutherie, ce roman polyphonique mêle les destins de trois personnages : tandis que la présence fantomatique du vieux luthier plane sur l’atelier, le récit de sa mort s’insère dans le récit principal, dans un brouillage subtil des repères temporels, et confère au roman un charme mortifère.

Pomme Jouffroy est chirurgienne à l’hôpital Saint-Michel à Paris. Elle a publié un premier roman en 2002, Il n’y a plus d’hôpital au numéro que vous avez demandé… (Plon).

« L’envol des femmes » de Colette Deblé, textes de Jean-Joseph Goux

L’Envol des femmes

Colette Deblé

Monographie

Textes de Jean-Joseph Goux

Office 23 mars 2006

« Par le lavis, le dessin et la peinture, Colette Deblé poursuit son approche de la femme dans l’art, telle qu’elle est représentée par les hommes depuis la préhistoire à nos jours. Par sa démarche iconoclaste nommée « citation picturale », elle contemple son image allégorique ou historique, des saintes aux mères, des héroïnes aux martyres. Elle en analyse les postures, en rompt les contours traditionnels pour mieux la posséder, lui insuffler une vie qui passe par sa propre main. Son œuvre exprime le bonheur de recréer la femme auparavant livrée au regard masculin. C’est son invitation « visible » au dialogue. »Jean-Luc Chalumeau,
Le Nouvel Observateur (07/11/2002)

« De quel aventureux sanctuaire sont détachées ces idoles légères, ces profils précieux échappés des murailles de la crypte, et qui vont vers là-bas, vers les plafonds célestes, vers là-bas dans la direction des colonnes dressées et des nuées blanches ?
La peinture souffle où elle veut. Il y a simplement cet arrachement du sol antique, ce décollement des assises et des soubassements vers des cîmes invisibles. (…)
La femme : déesse d’un envol religieux sans site ni croyance, pur élancement allègre qui allège le corps de son volume de douleur pour en silhouetter la beauté visible sur un fond d’air et de vent. Femme offerte au souffle ascensionnel qui la transporte, l’envoie en l’air, la prend vers le zénith, l’emmène dans l’espace hors-tableau qui déroule la limite. Infini : verticalité de messager des voûtes. (…)
Colette Deblé offre par un geste obscur de prêtresse, l’esquisse d’une architecture, pour y disposer ses encres ».

Jean-Joseph Goux,
Juillet 1997

« A-t-on jamais tenté d’explorer par les seuls moyens plastiques l’histoire de l’art ou l’un de ses aspects, comme le font l’historien ou l’essayiste à l’aide de l’écriture ?
Mon projet est de tenter, à travers une infinité de dessins, de reprendre les diverses représentations de la femme depuis la préhistoire jusqu’à nos jours afin de réaliser une analyse visuelle des diverses postures, situations, mises en scène.
La citation picturale ne saurait être une citation littérale comme est la citation littéraire parce qu’elle passe par la main et la manière du citateur. D’où un léger tremblé doublement allusif de l’œuvre citée et citateur.
Mon projet explore ce « tremblé » parce qu’il suppose un exercice extrêmement long de la citation vers son usure et sa fatigue.
En fait, poursuivant ce travail jour après jour, c’est une sorte de journal intime quotidien à travers l’histoire de l’art que je poursuis ».

Colette Deblé

Colette Deblé est née en 1944. Mère de deux enfants, elle vit et travaille à Paris et dans l’Aisne.
Elle peint et dessine depuis son enfance. Après avoir passé le concours des Beaux-Arts de Paris, elle renonce à en suivre les cours pour gagner sa vie comme maquettiste. Elle commence à exposer en 1976, à 32 ans.
Elle expose en France et dans de nombreux pays européens.
Quelques-uns de ses dessins ont été publiés accompagnés de textes de Guillevic, Jacques Derrida, Jean-Joseph Goult, Gilbert Lascaux, Jacques Henric, Jean-Pierre Verheggen…

Jean-Joseph Goux est philosophe, Professeur à l’université de Rice (USA), au département d’études françaises. Il a été directeur de programme au Collège international de Philosophie et professeur associé à l’Ecole des Hautes-Etudes en Sciences Sociales.
Son travail s’articule entre économie, philosophie, psychanalyse et esthétique.
Il a notamment publié Economie et symbolique (Le Seuil, 1973), Les Iconoclastes (Le Seuil, 1978), Les monnayeurs du langage (Galilée, 1984), Œdipe philosophe (Aubier, 1990), Colette Deblé : défloraisons ( ouvrage collectif, 1992, La Différence), Femmes dessinées (en collaboration avec Colette Deblé, 1994, Dumerchez), Frivolité de la valeur (Blusson, 2000).

« A la recherche de l’utérus perdu » de Patricia Rodriguez

À la recherche de l’utérus perdu

Patricia Rodriguez

Traduit de l’espagnol (Mexique) par Nelly Lhermillier

Office 16 mars 2006

Camila, médecin anesthésiste dans une clinique de Mexico, assiste à une intervention chirurgicale au cours de laquelle un utérus (apparemment tout à fait sain) est prélevé sur une jeune patiente et emporté dans une glacière par une infirmière inconnue. Elle achète par ailleurs les archives personnelles d’un chirurgien réputé qui vient de se suicider, et dont le contenu va s’avérer pour le moins explosif…
Les questions qu’elle pose, ou se pose, au sujet de ces deux affaires (forcément liées…) vont l’entraîner vers l’univers terrifiant des expérimentations médicales secrètes, de trafics d’embryons et d’organes, où les questions d’identité sexuelle, de désir de maternité… et de domination économique se mêlent d’une bien étrange manière…

Très habilement construit comme un récit policier (qui amène de découvertes en découvertes avec ce qu’il faut de suspens), ce roman plein d’humour et d’une saine vitalité, permet ainsi de « révéler » ce qui, sous couvert de progrès technologique, deviendrait une sombre et terrible machination contre l’espèce humaine, les femmes en particulier, face à laquelle un solide appétit de vie, une grande énergie, et une bonne dose de solidarité pourraient constituer un premier, même si bien dérisoire, rempart. Avec une ironie digne de Docteur Folamour, l’auteure dresse un constat qui apparaît progressivement inéluctable alors que s’exprime le très réel sentiment de voir franchies, avec l’instrumentalisation du corps et les manipulations sur la vie, les barrières du sacré, comme un blasphème réellement terrifiant (d’autant plus terrifiant d’ailleurs qu’il est vraisemblable et crédible…).

Patricia Rodriguez Saravia, née à Mexico en 1945, est psychiatre, psychanalyste, professeur, et a publié huit textes, romans ou nouvelles. Elle a obtenu un prix littéraire au Mexique pour Cuando tu estes muerta (une nouvelle où la narratrice évoque la mort de sa mère), et vient d’en obtenir un second.

« Oui, nos cercles se touchent », correspondance de Christa Wolff

6259974.jpgOui, nos cercles se touchent
Correspondance

Christa Wolf – Charlotte Wolff
Traduit de l’allemand par Nicole Casanova

Office 16 mars 2006
176p. 23 €

« Est-ce que les sentiments pâlissent, quand on vieillit ? Tout devient-il intérieurement plus silencieux, blême comme la lune ? Parfois, quand je suis malade comme maintenant et que je ne peux pas travailler, j’ai cette impression. Un terrain intérieur silencieux et blême, d’où l’on ne peut extraire aucun sens. Et chaque renaissance qui surviendra à un moment quelconque, sera s’illusionner soi-même, mais cela, on l’oubliera encore, heureux d’être de nouveau en marche.
Chère Charlotte, je t’embrasse. »
C. W.

Peu de temps après la publication de son célèbre roman Cassandre, Christa Wolf, qui est tombée sur son nom dans un ouvrage de Charlotte Wolff, lui écrit ; cette lettre sera la première d’une longue correspondance qui s’achèvera avec la mort de Charlotte Wolff, trois ans plus tard.
L’amitié entre les deux femmes, née de la découverte de points communs nombreux (à commencer par leur nom), restera épistolaire : aucune rencontre ne pourra jamais avoir lieu.
Echanges denses et captivants entre deux personnalités hors du commun, ces lettres sont aussi très émouvantes : à mesure que grandit la complicité entre les deux femmes, les paroles deviennent plus intimes, d’une intimité bouleversante, puisqu’elles vont accompagner Charlotte Wolff jusqu’à la mort.
Après la mort de Charlotte Wolff en 1986, Christa Wolf lui a consacré un très bel éloge funèbre inclus dans ce volume.
Charlotte Wolff, en cinquante années d’exil, a quelque peu perdu sa maîtrise de la langue allemande. Ses lettres sont pleines d’anglicismes, d’à peu près ; Nicole Casanova, dans sa traduction, a cherché à respecter les pulsions qui animent cette écriture et lui donnent une vie si particulière et intéressante.

Christa Wolf est née en 1929 en RDA. Romancière engagée (elle milite activement pour le renouveau démocratique en RDA), ses œuvres sont célébrées très tôt des deux côtés du mur. Elle est l’auteure de nombreux romans, parmi lesquels Le Ciel partagé (1963), Christa T. (1968), Trame d’enfance (1974), Cassandre (1983)…

Charlotte Wolff, juive allemande née en 1897 dans une petite ville de Prusse occidentale, étudie la médecine et la philosophie à Berlin. Les événements politiques la forcent à quitter l’Allemagne en 1933, pour s’installer à Paris puis à Londres, où elle meurt en 1986. Médecin et psychologue, elle publie en 1942 un essai, The Human Hand, et, en 1969, son autobiographie, On the Way to Myself.

Nicole Casanova est journaliste et traductrice. Spécialiste de littérature allemande, elle collabore à La Quinzaine littéraire, et a traduit de très nombreux ouvrages, dont les textes de Lou Andreas-Salomé parus aux éditions Des femmes.
Elle est également l’auteure de L’Atelier des métamorphoses, entretiens avec Günter Grass (Belfond, 1979), Mes Allemagnes, souvenirs (Hachette, 1987), et a participé à l’ouvrage collectif Ils écrivent en allemand/ Jetz-Autoren (Pauvert,2001).

« Trois femmes » de Sylvia Plath

Trois femmes
Sylvia Plath

Traduit par Laure Vernière et Owen Leeming.

Réédition

Office 15/03/2006

Trois femmes est un poème à trois voix : trois longs monologues enchâssés mais solitaires, sans réponses. Un poème consacré à la question de la féminité : dans chacun de ces monologues, la femme est aux prises avec son identité sexuelle et sa place dans un univers dédié à la domination masculine. Aux formes rondes de la femme (en particulier celle du ventre fécondé) est opposée la forme plate de l’homme : l’homme qui, « jaloux de tout ce qui n’est pas plat », cherche à aplatir le monde, à en supprimer les reliefs.
Mais la femme, du côté de la vie, peut aussi enfanter la mort, être malgré elle privée de l’enfant qui a arrondi son ventre pendant plusieurs mois. Ainsi, le thème de l’échec de la gestation côtoie celui de la fécondité heureuse : identifié à la nature, le ventre de la femme est tour à tour une montagne qui donne vie et la terre qui engloutit. Ce poème sur la fécondité est alors tragiquement traversé par l’obsession de la mort.

Sylvia Plath (1932-1963) est née près de Boston de parents enseignants, émigrés allemand et autrichiens. À huit ans, son père meurt à la suite de l’amputation d’une jambe gangrenée. Ce premier drame la marque très fortement et hantera nombre de ses poèmes. Elle décide dès l’adolescence de devenir écrivain, et commence très tôt à publier des poèmes et des nouvelles. Partie étudier en Angleterre, elle fait la connaissance de Ted Hugues, un jeune poète anglais. Après la naissance de leur second enfant, le couple se sépare. Peu de temps après, Sylvia Plath se donne la mort. Surtout connue comme poète (Ariel), elle est aussi l’auteure de nouvelles et d’un roman (La Cloche de détresse).