« Ils ont lapidé Ghofrane » de Monia Haddaoui

Ils ont lapidé Ghofrane
Monia Haddaoui

Office 28/09/2006

Octobre 2004, le corps de Ghofrane Haddaoui, 23 ans, est découvert sur un terrain vague de Marseille, recouvert de multiples blessures, le crâne défoncé. L’autopsie établira que la jeune femme est morte après de longues heures d’agonie. Profondément atteinte, sa mère entreprend alors avec une détermination et une force peu communes de découvrir la vérité, une façon de se battre pour sa fille et de permettre à sa famille de traverser l’épreuve debout. Parallèlement à l’enquête de police, et avec une énergie désespérée, elle se bat sur tous les fronts, créant un vaste mouvement de solidarité, et commence ses propres recherches, aidée de ses autres enfants et des amis plus ou moins proches, sincèrement touchés par l’horreur du drame. Alors que les premiers éléments de l’enquête officielle se limitaient à un suspect, elle parvient à retrouver des témoins qui amèneront à deux inculpations supplémentaires. Il est essentiel pour cette mère en deuil d’infirmer la théorie de la défense plaidant, classiquement, un crime passionnel et d’établir que sa fille a été lapidée, par plusieurs personnes, de la façon la plus terrible qui soit. Pour que justice soit faite.

Dans ce récit minutieux de son enquête, plein d’un recueillement digne, la mère de Ghofrane interroge le crime et ses conséquences tout en exprimant, simplement et avec un courage exemplaire, une révolte contre un acte barbare dont certains cherchent à minimiser la portée.

« Ce ne sont que des mots » de Catharine A. Mc Kinnon

femin31395.jpgMacKinnon.jpgCe ne sont que des mots
Catharine A. McKinnon

Traduit de l’américain par Isabelle Croix et Jacqueline Lahana.

Office 28/09/2006

Ce ne sont que des mots réunit trois articles, « Diffamation et discrimination », « Harcèlement sexuel et harcèlement racial » et « Égalité et liberté d’expression ». L’auteure analyse la façon dont la pornographie, aux États-Unis, est protégée par le premier amendement de la Constitution : en la considérant comme une forme d’expression, c’est-à-dire comme une pensée, des « mots » et non des actes, les juges en font non un acte de discrimination, mais une parole diffamatoire. Or, dans la pornographie se joue un rapport de forces dissymétrique où la femme est dominée, et ce qui est en jeu alors, ce n’est pas « que des mots », c’est un acte de discrimination réel (l’auteure nous rappelle en effet que, au delà du terrible contexte dans lequel les films sont fabriqués, le visionnage de ces films a des conséquences catastrophiques).
Dans le premier article « Diffamation et discrimination », Catharine A. McKinnon rappelle qu’à l’origine, l’amendement garantissant la liberté d’expression avait été mis en place pour défendre la liberté d’expression des communistes (soupçonnés de menacer la sécurité du gouvernement). Or les pornographes, protégés par le premier amendement, se trouvent en fait du côté du pouvoir, et non du côté des opprimés. Le deuxième article, « Harcèlement sexuel et harcèlement racial », compare ces deux types de harcèlement, et analyse le subtil glissement interprétatif qui permet de transformer le harcèlement, acte discriminatoire, en opinion, protégée au nom de la liberté d’expression. Le troisième article, « Égalité et liberté d’expression », met en lumière le conflit qui existe aux États-Unis entre la législation sur l’égalité et la législation sur la liberté d’expression, la seconde occultant bien souvent la première.

Catharine A. McKinnon, docteure en droit et en sciences politiques, avocate à la Cour suprême, est l’une des grandes figures du féminisme américain. Ses nombreux ouvrages (dont Le Féminisme irréductible, publié en 2005 aux Éditions Des femmes-Antoinette Fouque) s’attaquent aux violences sexuelles faites aux femmes, et notamment à la pornographie.

« Fritna », lu par Gisèle Halimi elle-même

Comment une femme peut-elle supporter de ne pas être aimée par sa mère ? C’est cette question que pose Gisèle Halimi dans un récit autobiographique centré sur la figure de Fritna, la mère, qui ne donna que de rares marques d’affection à ses deux filles, et montra toujours une préférence pour ses fils. L’auteure interroge le passé, les raisons pour lesquelles elle fut privée de l’amour de cette femme rayonnante qu’elle aimait d’un amour éperdu : son enfance en Tunisie, dans une famille juive où les femmes sont dominées (une domination acceptée et entretenue par la mère) ; l’adolescence, et le départ pour Paris ; l’exercice de son métier d’avocat, son engagement féministe et l’entrée en politique.
Cette quête infinie d’amour et de reconnaissance s’achève avec l’enterrement de Fritna : tandis que Gisèle, jusqu’à la fin, cherche auprès d’elle l’affection qui lui a toujours manqué, sans renoncer à l’interroger sur les raisons de ce manque, avec la mort survient la résignation. Son sentiment d’injustice fondamentale ne sera jamais apaisé, et la question restera sans réponse.

Gisèle Halimi, née en Tunisie en 1927, devient avocate à Tunis en 1949, puis poursuit sa carrière à Paris. Fortement engagée sur le plan politique, elle milite pour l’indépendance de l’Algérie, préside une commission d’enquête sur les crimes de guerres américains au Viêt-nam… Féministe, elle est signataire en 1971 du manifeste des 343 femmes qui déclarent avoir avorté. Aux côtés de Simone de Beauvoir, elle fonde en 1971 le mouvement féministe Choisir la cause des femmes et milite en faveur de la dépénalisation de l’avortement.