Orpiment par Véronique Vassiliou : article « Jaune soufre » CAHIER CRITIQUE DE POESIE (1er semestre 2006)

Catherine Weinzaepflen
Orpiment
Des Femmes
186 p., 17 E

Véronique Vassiliou
Jaune soufre

« et tout le tableau – c’était mon but – comme un précipité de la détermination de cette femme. »

Catherine Weinzaepflen, Orpiment

Artemisia est le titre d’un livre d’Anna Banti publié chez POL en 1989. Un film en a été tiré en 1997 par Agnès Merlet. Orpiment leur succède. Le motif en est le même, le traitement fondamentalement différent. Artemisia Gentileschi est née à Rome en 1593. Elle était femme et peintre, peut-être la première femme peintre de l’histoire de la peinture. Dans une écriture fluide, élégante et sensible, Catherine Weinzaepflen dessine une anamorphose. Sous les traits de cette femme peintre, un autoportrait affleure sur fond de peinture sociale. En effet, il s’agit aussi de toutes les femmes et de leurs difficultés d’être. Être a(i)mantes, mères et auteurs – de leur vie. Des « battantes » écrit Catherine Weinzaepflen. Ce roman n’est en aucun cas un pamphlet féministe rigide. Il me serait tombé des mains. Au contraire, il dresse intimement – grâce à un je narrateur – le portrait nuancé d’une femme sensuelle et délicate, combative et exigeante, douce et maternelle, contemplative et inventive de la tête aux pieds. Il exprime avec grâce des difficultés de conjugaison, des tensions – donc des liens – qui ne sont jamais des contradictions : être mère et travailler passionnément, être soi et être la compagne d’un homme, peindre et faire des listes de course, être fragile et devoir être forte, passer de la colère à la supplique.

Ce roman est avant tout une « composition ». Il est parsemé de lettres, de dialogues aux allures de poèmes. Il est ponctué de tableaux jamais décrits mais magnifiquement rendus par la narration de leur facture, versant couleurs, versant parti pris, du point de vue de l’artiste qui reprend ici sa grande dimension étymologique : créateur / auteur.

Un roman à lire d’urgence donc, apaisant et juste.

« Vivre l’Hisoire » de Simone Veil

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Simone Veil
Vivre l’Histoire
Entretiens avec Antoinette Fouque
1 Cassette – 16,50 €
1CD 18 €

 » La profession d’avocat que j’avais choisie venait du goût de défendre des idées que je pensais justes et dont je trouvais qu’elles n’étaient pas suffisamment entendues. Au fond, je crois que toute ma vie, je pars en guerre… Ce qui m’importe, c’est la personne humaine, c’est l’homme, c’est la femme, le respect de l’homme et de la femme, de leur liberté, de leur dignité et de leur bonheur ; je ne conçois pas de possibilité de bonheur sans respect de la personnalité. C’est une sorte de combat pour une certaine forme de vie. » Simone Veil

Dans ces entretiens réalisés en novembre 1985 avec Antoinette Fouque, Simone Veil parle de sa vie de femme politique.
Son enfance heureuse et libre, en dépit des difficultés économiques et de la sévère morale paternelle, auprès d’une mère aimée et admirée qui tout au long des années reste une grande figure lumineuse, son adolescence traversée par le Front populaire et tragiquement marquée par le nazisme, sa prise de conscience de sa judéité et du traitement des différences par les totalitarismes l’ont déterminée à s’engager activement dans la politique. Magistrat ou ministre, elle a toujours œuvré contre les abus de pouvoir pour l’instauration d’une loi, bonne en ce qu’elle respecte la dignité de la personne humaine et la liberté individuelle. Libérale, elle dit sa méfiance des idéologies, de l’embrigadement, du jeu politique qui sacrifie trop souvent l’authenticité à l’intrigue pour la prise de pouvoir ; elle dit son goût de la contestation et des joutes d’idées. Elle se montre un témoin attentif des grands bouleversements de notre époque, du mouvement de mai 68 comme des mouvements des femmes.
Une voix de femme se fait entendre qui interpelle le monde politique et témoigne, dans l’attention qu’elle porte aux autres, d’une vie simplement exemplaire..

Interview Thérèse Clerc (www.capcampus.com)

06.jpghttp://www.capcampus.com/mode/mode-et-marques/therese-clerc-une-femme-d-exception-a6186.htm

Thérèse Clerc : une femme d’exception !
Elle nous livre son regard sur la société , les jeunes et la mode du haut de ses bientôt 80 ans !

Capcampus

Madame Clerc, après avoir créée la Maison des femmes, vous ouvrirez bientôt la maison des Babayagas. D’où et depuis quand vous est venue cette volonté de vous engager pour les femmes ?

Thérèse Clerc

Cela remonte à un bon moment maintenant. Mai 68 fut un vrai déclic pour moi. C’est à ce moment que j’ai véritablement pris mon avenir en main. Je n’étais pas heureuse dans mon mariage, alors après 20 années de vie commune, j’ai décidé de m’en aller. Ce fut une véritable libération pour moi. J’ai réalisé combien les femmes étaient oppressées, discriminées, dans une société qui ne les laissait pas vivre libres et dont le seul but était de prendre le contrôle sur leur corps.
Dès cet instant, je me suis plongée dans la lecture d’œuvres féministes, ai assisté à des débats et à des groupes de paroles de femmes. Je n’aimais pas l’école, reflet d’une éducation faite pour les hommes, alors je me suis formée toute seule

Capcampus

En quoi consiste la maison des femmes, quels en sont les objectifs ?

Thérèse Clerc

Il s’agit d’une association d’aide aux femmes. Nous leur apportons un véritablement soutient moral et les aidons à s’insérer dans la société en leur apprenant les bases de la législation. Nombre d’entre elles sont issues de l’immigration et ne sont pas informées des démarches administratives les plus rudimentaires. Souvent il s’agit de femmes opprimées par leur mari et enfermées dans des croyances que l’on leur a imposées depuis des millénaires. Alors nous essayons tant bien que mal de leur ouvrir les yeux et de leur faire prendre conscience de leur place dans la société. Ce qui compte en priorité est qu’elles acquièrent la joie de leur corps.

Capcampus

Vous n’êtes donc pas en accord avec leurs croyances ?

Thérèse Clerc

Pour dire simple, je déteste toutes les religions patriarcales. Il s’agit une fois de plus d’un moyen mis en place par les hommes pour prendre le pouvoir sur la Femme, et pour la rabaisser. Mais il n’y a pas que la religion ! Le pouvoir électoral en fait de même, ainsi que le corps médical. Tout est bon pour nous contrôler. Pour moi, le couple est le tombeau de la femme et la famille son cimetière.

Capcampus

Quels types d’activités proposez-vous alors à ces femmes?

Thérèse Clerc

Il existe différents ateliers : des cours d’alphabétisation, de français, de droit, mais aussi des cours de théâtre, de sport, etc. Nous tenons tout particulièrement à permettre à ces femmes de mieux comprendre ce qui les entoure pour qu’elles puissent enfin se libérer. Ainsi, nous les emmenons chaque semaine visiter les institutions et administrations. Notre dernière sortie était à la poste où un employé à généreusement accepter de leur enseigner les bases pour ouvrir un compte, remplir un chèque, etc. Chaque visite est un émerveillement pour nous comme pour elles !

Capcampus

Et n’importe quelle femme peut adhérer à votre association ?

Thérèse Clerc

Bien sûr ! Au début les femmes venaient peu nombreuses, aux environs de 3 ou 4. Aujourd’hui notre association a un tel succès que nous sortons parfois à 25 !

Capcampus

Comment parvenez-vous à gérer votre vie de famille et votre vie privée ?

Thérèse Clerc

C’est vrai qu’entre les interviews, les associations et la création d’autres projets ça n’est pas évident. Je n’ai pas une minute de libre. J’ai 14 petits enfants et je ne les vois pas très souvent. Mais je sais qu’ils sont fiers de leur grand-mère. Récemment j’ai tourné un film sur la sexualité des vieux. Je décolle d’ailleurs la semaine prochaine pour Montréal où nous avons été sélectionné au festival. Alors que certains passent leurs journées devant leur poste de télé, de mon côté, j’ai à peine le temps de l’allumer.

Capcampus

Mais à bientôt 80 ans, comment faites-vous pour être toujours si dynamique ?

Thérèse Clerc

C’est l’espérance qui me maintient en forme. J’ai l’impression que chaque jour est un pas de plus pour parvenir à mon rêve. Certaines choses me révoltent, comme les lois qui ne sont pas appliquées, et je me bats chaque jour pour que cela évolue.

Capcampus

Que pensez-vous de la jeunesse d’aujourd’hui ?

Thérèse Clerc

Malheureusement je constate aujourd’hui un manque d’engagement certain chez les jeunes. Les intellectuels se font de plus en plus rares, les réflexions sont trop peu nombreuses ou mal orientées.

Capcampus

Et les manifestations contre le CPE. N’était-ce pas là une forme d’engagement de la part des jeunes ?

Thérèse Clerc

Je pense que le débat sur le CPE n’a pas été assez mûri. Les jeunes ne se posent pas les bonnes questions. J’ai le regret de constater qu’ils s’accrochent à de vieilles lunes alors qu’il est grand temps qu’en arrive une nouvelle. Mille interrogations restent encore en suspend quand elles daignent être soulevées d’ailleurs. C’est pour cette raison que je souhaiterais créer un café intergénérationnel, qui ouvrirait le débat entre jeunes et seniors sur le travail, le temps choisi, les 35 heures, l’identité, la citoyenneté, etc.

Capcampus

Et concernant les femmes plus particulièrement qu’en pensez-vous ?

Thérèse Clerc

Les femmes restent encore naïves face à leur environnement. Elles n’ont pas conscience d’être manipulées. C’est regrettable mais je ne perds pas espoir que cela change un jour.

Capcampus

Et du point de vue de la mode quel regard y portez-vous ?

Thérèse Clerc

C’est un sujet qui me passionne. J’ai longtemps travaillé dans le textile et je pense que cela manque d’innovations. Pour nous les vieilles, il n’y a que très peu de choix et il en va de même pour les femmes rondes. Je réfléchis actuellement à travaillé sur de nouvelles matières plus amples. Le stylisme est un art qui m’intéresse véritablement. D’ailleurs nous organisons régulièrement des défilés de mode avec les femmes de l’association. Chacune vient habiller dans sa tenue traditionnelle. Cela donne lieu à de magnifiques défilés de boubous et djelabas. Un régal pour les yeux !

Capcampus

Pour finir quel message souhaiteriez-vous délivrer à nos lectrices ?

Thérèse Clerc

Tout simplement : méfiez-vous des hommes. Sachez lire entre les lignes. La grammaire même est un signe de notre invisibilité. Combien de noms n’ont pas de féminins ? Souvent l’anonymat du langage est le reflet de l’effacement de la femme, et cela jusqu’aux comptes les plus populaires.

« Laissez-moi » de Marcelle Sauvageot, lu par Fanny Ardant

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Marcelle Sauvageot

2 CD 27 €

Dans un sanatorium, en exil hors de la vie, une jeune femme reçoit une lettre de l’homme qu’elle aime : « Je me marie… notre amitié demeure… ».

Lucide, sobre, précis, le livre est sa réponse. Avec un esprit et une sensibilité à vif, aiguisés par la maladie, les insomnies et la proximité de la mort, l’auteure analyse ce qu’a été leur histoire. Se dessine alors le portrait d’une femme sensible, sincère, volontaire et d’une rare exigence qui, au plus fort de la passion, aura su obstinément préserver « un petit coin qui ne vibre pas », qui regarde, analyse, mesure et juge.

« “Je me marie… Notre amitié demeure…”

Je ne sais pas ce qui s’est passé. Je suis restée tout à fait immobile et la chambre a tourné autour de moi. Dans mon côté, là où j’ai mal, peut-être un peu plus bas, j’ai cru qu’on coupait la chair lentement avec un couteau très tranchant. La valeur de tout chose a été brusquement transformée. »

Marcelle Sauvageot