Femme actuelle parle de « La clause de l’Européenne la plus favorisée » (30.06.08) « 

30 juin – 6 juillet

7bc9cbcaf789a596cfad5412c6a89b48.jpg POURQUOI LES FRANCAISES NE SE SENTENT-ELLES PAS PLUS CONCERNEES ?

Alors que notre pays prend, le 1er juillet, la présidence de l’Union Européenne pour six mois, 44% de nos sondées estiment que l’Europe n’est pas assez concrète dans leur vie quotidienne. En cause, de nombreuses idées reçues.

L’Europe n’a rien fait pour moi…

Et pourtant saviez-vous ?

(…)

Pour s’informer « La clause de l’Européenne la plus favorisée », sous la direction de Gisèle Halimi, Editions des femmes.

Article de fond sur « Blottie » (par Pierre Cormary, Le Magazine des Livres, mai-juin 2008)

 zordan2.JPGParole en souffrance (sur Blottie de Laurence Zordan)

Un père blessé dans sa fierté filiale par une fille qui ne veut pas lui donner la preuve de sa réussite sociale. Un petit garçon défiguré à cause d’une vengeance qui tourne mal. Un accident de roller qui rend une mère aphasique et paralysée juste après qu’elle ait eu son enfant. Une petite fille sous influence d’un grand-père bourreau. Le jeu du foulard dans les écoles. Dans un roman de Laurence Zordan, les événements se lient sans se relier systématiquement. Le mal est aussi structurel que conjoncturel. La fatalité s’ajoute au déterminisme. On est dans la tragédie (tout ce qui arrive a un sens) comme dans le drame (tout ce qui arrive arrive par hasard). Comme le dit Gentiane, l’héroïne, « j’ai toujours moqué les gens qui cherchent un sens à leur vie, de braves toutous qui veulent une laisse métaphysique pour museler le non-sens ». Hélas, c’est elle qui, après son accident, tentera de substituer le sens au non-sens de son existence. En vérité, la métaphysique est une question de survie. Mémoire et raison vont en tous cas dans cette direction et nous font trouver (ou imaginer, mais quelle importance ?) des causes aux événements, des liens entre les situations, du sens, enfin, à nos malheurs. C’est que le mal n’est supportable qu’en perspective. La difficulté qu’il y a lire un livre de Zordan réside précisément dans cet enchevêtrement de hasard et de nécessité qui conduisent la narration. Le texte épouse en effet l’impossible objectivité qu’il y a rendre compte de la réalité en même temps que l’obsessionnel et subjectif besoin de le faire. Blottie fonctionne comme un monologue intérieur, celui de Gentiane, tout en restant écrit à la troisième personne (« elle »). Et donc, les accidents imprévus s’entrecroisent avec les incidences intérieures. Les lignes de fuite se juxtaposent avec les lignes droites.

Le grand art de Zordan est de montrer que la réalité ne laisse jamais tranquille la compréhension qu’on croyait avoir d’elle. Est réel en effet ce qui est à la fois flou et radical, insaisissable et qui pourtant nous saisit, incompréhensible mais qui ne laisse pas d’être. Est réel ce qui nous surprend et nous prend à notre corps défendant – un corps qui ne peut d’ailleurs plus se défendre. Supplicié dans Des yeux pour mourir, médicalisé jusqu’à l’insoutenable dans Le Traitement, hémiplégique et muet dans Blottie, le corps selon Zordan est cette membrane perpétuellement souffrante qui révèle l’existence autant que son empêchement – comme si nous ne pouvions qu’exister que dans le blocage de cette existence. Gentiane voudrait d’abord être la maman de Violaine mais la maman de Violaine est gentiane, sans majuscule et sans force, réduite à l’hémiplégie sur son lit. Si la littérature dite féminine est une littérature du manque et de l’excès, alors celle de Laurence Zordan l’est par excellence. Chez elle, le déficit de l’expression va de pair avec l’excédent de ce qu’il y a exprimer. C’est ce pauvre père, humble bureaucrate, qui aurait tant voulu transmettre à sa fille son goût des lettres et qui passe à son bureau pour un zouave dont tout le monde se paye la tête. C’est cette mère qui voudrait dire au monde entier que sa fille est innocente des rituels d’étranglement auxquels on la soumet dans la cour de récréation mais qui ne le peut car elle est incapable de parler ou d’écrire. C’est cette nounou étrangère qui s’exprime si mal et qui ne comprend pas que la petite fille ne veut pas mettre l’écharpe qui lui rappelle les étranglements. C’est enfin ce chirurgien qui parle toutes les langues sauf la sienne, car la sienne, plus que langue maternelle, est langue paternelle, de ce père qui était bourreau dans des camps de prisonnier. « J’ai voulu être polyglotte pour recouvrir les cris de douleur qu’il arrachés à tous ces malheureux, dira-t-il un jour. J’ai voulu découvrir toutes les littératures du monde pour montrer qu’elles contredisaient son idéologie de purification ethnique. »

Chez Zordan, la parole est toujours en souffrance et la conquête de celle-ci devient l’enjeu de ses textes. « Les pires accidents de la vie sont langagiers » disait Amélie Nothomb, cette autre déesse autodestructrice, grande spécialiste des sabotages amoureux et des mots qui assassinent. Dans Blottie, tout le drame débute par une faute d’orthographe que fit un jour le père dans un message informatique, écrivant « succint » au lieu de « succinct », et devenant, parce qu’il se targuait par ailleurs de littérature et de beau langage, la risée de ses collègues et le bouc-émissaire de son patron. Plus tard, lorsque sa fille se rendra chez ce dernier (comprenant trop tard qu’elle en fut la complice) afin de venger la mémoire de son père, elle le menacera de « l’engloutir dans le langage » dont il osé se moquer, c’est-à-dire de le diffamer progressivement par la rumeur, les ambiguïtés, les demi-vérité et les demi-mensonges que permet le pouvoir des mots, et cet enfer qu’on appelle nuance. Faire périr quelqu’un par attentat sémantique. Hélas ! C’est au moment où elle dégoupille sa bombe littéraire qu’explose pour de bon la bonbonne d’oxygène qui servait à faire vivre son père et qui va défigurer le petit-fils du patron. Comme dans Le comte de Monte-Cristo, la vengeance outrepasse son but et ce sont les innocents qui doivent payer pour les coupables. La réalité se mêle décidément de ce qui ne la regarde pas. Ou est encore plus imprévisible que prévu – comme dans cette belle scène où, des années plus tard, le garçon blessé, qui est devenu un adolescent romantique (et sans doute amoureux de celle qui a été sans le vouloir sa bourrelle) vient offrir des fleurs à celle-ci. « Le bonheur, est-ce lorsque tout s’arrange ? La sérénité après les péripéties ? Le bouquet de fleurs d’un garçon que je croyais avoir mutilé à vie ? » En fait, le pire, comme toujours, c’est la normativité des choses, la chute du langage singulier dans « le langage commun pour émotions ordinaires », et dans lequel s’enferme progressivement le mari désemparé – tandis que leur fille Violaine se met à imiter l’aphasie de sa mère dans un étonnant jeu de cache-cache des mots. C’est que « les mots de Maman sont cachés et qu’il faut les trouver ». Cependant, il y a des urgences où la condamnation de la mère au mutisme peut entraîner la condamnation de la fillette au martyr. Lorsque celle-ci est injustement accusée par l’école de sadisme à l’égard de ses petits camarades, prouvant par là-même qu’elle est bien la digne petite fille de son grand-père tortionnaire, et que seule la mère pressent son innocence, l’incapacité à dire les choses, à dire la vérité, se transforme en enfer intérieur. Car la mère sait que l’enfant qu’on croit cruel finit par le devenir pour de bon, selon le concept satanique de prophétie auto-réalisé.Mais pour Laurence Zordan, « il est impossible que la tendresse infinie soit impuissante. Il est inconcevable que la langue cachée des
émotions soit étouffée par ceux qui se payent de mots, des mots à la parade, dans un défilé verbeux. »

Le Verbe triomphant grâce à l’Amour ? la mère sauvant l’enfant coûte que coûte ? C’est là la sagesse du roi Salomon que l’auteure semble reprendre à son compte – ou à celui de son espoir. Il faut le lire jusqu’au bout ce beau livre difficile où l’écriture de la cruauté irradie de tendresse, où le langage de l’amour parle celui de la torture. L’on se dit alors que la part d’obscurité qui constitue l’écriture zordanienne n’est là que pour faire supporter au lecteur ce qu’il ne pourrait pas supporter dit dans une langue plus franche. Impossible, en tout cas, d’en sortir intact.

« Le temps du tableau » par Pierre-Georges Goudiou (Sitaudis)

bbaff30d43165f23d26dc968f690ec36.jpg http://www.sitaudis.com/Parutions/le-temps-du-tableau-de-catherine-weinzaepflen.php

Voilà un livre écrit en vers mais rarissime : le seul, peut-être avec Eugène Onéguine, qu’on puisse lire en continu avec un désir intact du début jusqu’à la cent-trentième page.
Le vers bref ne se met pourtant pas ici au service d’un récit, il donne à voir, d’abord des tableaux (vrais ou rêvés, chacun muni d’un titre) qui tiennent rarement sur une seule page mais ne débordent jamais la seconde, puis défilent les vingt-deux scènes impossibles et pourtant palpitantes, parfumées d’un théâtre imaginaire ; et le continuum n’a pas été rompu, incroyable … à la fin, tels ces interprètes magnifiques qu’on est confus de voir revenir pour un bis réclamé par leurs seuls proches, l’auteur a glissé une « lettre » en vers également (Migrations) qui aurait eu sa valeur dans un autre contexte mais qui épaissit sans raison le recueil, dommage.
Avant cette chute en trop, CW a réussi le prodige de ne pas lâcher son lecteur, de lui imposer le fil d’une douce, d’une sensuelle tension continue avec des fragments autonomes ; alors, ce lecteur, surtout celui du type envieux parce qu’il lui arrive d’écrire lui aussi en vers, revient sur les exploits pas courants de l’auteur, il cherche à savoir comment ses coups sont montés.
Pas de majuscule, pas de ponctuation, ça coupe et décape, le temps du tableau file droit et vite.
Le montage, voilà peut-être le seul secret de Catherine Weinzaepflen cinéphage, cinéphile, cinélogue,(cf. page 80 le titre dédicace à J.F. Stévenin ) un peu cinoque et beaucoup poète ; chacune de ses fins suscite la faim de la suivante mais impossible de prélever la moindre séquence sans dénaturer le tout.

Pierre-Georges Goudiou

Cette poésie qui nous est chère….

L’objet de ce Bulletin Poésie estival est de vous inciter à découvrir « Le temps du tableau » de Catherine Weinzaepflen et « On dirait une ville » de Françoise Collin. Les deux « marchent » étonnamment bien pour de la poésie, et ont en commun d’être aussi profonds que faciles et de ne plus pouvoir être lâchés dès le moment où on s’aventure à les ouvrir. (Si vous n’aimez pas la poésie, passez votre chemin… Sinon, des détails, des infos, des extraits etc etc Construction hyper organisée, liens à gogo pour approfondir etc)

Comme le remarquait Jocelyne Sauvard dans son superbe article sur Antoinette Fouque l’année dernière, la cofondatrice du MLF (1er octobre 68, date historique), (…) Antoinette Fouque n’est pas que la personnalité aux multiples activités, engagements, et missions, elle est aussi écrivain, au sens du Robert : personne qui compose des ouvrages littéraires. Qui puise au plus près de la poésie. Exemple. « Il pleut. Ciel bas, noir outremer à l’est. Mer formée, lourde, de plomb ou d’obsidienne, selon les fonds. Le petit bouquet du jour, crocus et narcisses, arrive avec le café et mes trois quotidiens… » (…) http://editionsdesfemmes.blogspirit.com/archive/2007/09/22/antoinette-fouque-par-jocelyne-sauvard-sitarmag.html

Depuis deux couvertures de livres, de Clarice Lispector et Hélène Cixous, les plus attentifs avaient pu noter le dessin au feutre sur papier comme autre talent possédé par Antoinette Fouque. A présent et jusqu’à la fin de l’été, ils sont invités à venir voir, au milieu d’une foultitude d’autres illustres artistes (Louise Bourgeois, Niki de Saint-Phalle, Aurélie Nemours, Sonia Delaunay etc voir liste complète en empruntant ce lien : http://editionsdesfemmes.blogspirit.com/archive/2008/06/15/concert-inedit-mardi-17-juin-a-20-h-huit-femmes-compositrice.html) certaines de ces oeuvres à la Galerie des Femmes, 35 rue Jacob.

Mais, revenons-en à la POESIE, puisque nous l’aimons aux éditions Des femmes. Cette année, deux excellentes surprises au niveau de ce genre littéraire : « Le temps du tableau » de Catherine Weinzaepflen et « On dirait une ville » de Françoise Collin. Pour les deux, les premières critiques sont dithyrambiques. Si vous souhaitez recevoir en service de presse l’un, l’autre ou les deux de ces recueils, je vous remercie de me communiquer votre adresse postale. Envoi immédiat. Je vous quitte en vous livrant suffisamment d’informations pour vous donner l’eau à la bouche sur ces deux pépites !

A très bientôt, je suis à votre disposition pour toute mise en relation avec Catherine Weinzaepflen ou Françoise Collin.

« Le temps de penser », de Richard Michel (La Chaine Parlementaire, juin-juillet 2008)

1109907706.jpg(source hebdomadaire Belle 24 juin 08 – Rubrique La télé au féminin)

Dimanche 29 juin 08 + 11 rediffusions

La Chaîne Parlementaire, 7h30

Pour visionner l’émission avec Laurence Zordan comme invitée de Richard Michel, sur le thème « Penser avec Antoinette Fouque », c’est ici :

PENSER AVEC ANTOINETTE FOUQUE

Laurence Zordan

Anciennne élève de l’Ecole Normale Supérieure et de l’ENA, Laurence Zordan63449 est agrégée de philosophie.
Haut fonctionnaire, spécialiste des questions de sécurité et de géostratégie, elle a publié aux éditions des femmes Des yeux pour mourir (2004), Le traitement (2006), A l’horizon d’un amour infini (2007) et au mois de juin 2008, un ouvrage intitulé Blottie.
Elle a participé à l’ouvrage collectif de réflexion Penser avec Antoinette Fouque qui vient de paraître aux éditions Des Femmes.

Les « empreintes » qui jalonnent l’émission :
«C’est la grandeur du mouvement féministe que d’avoir de plus en plus renforcé l’union de la femme dans ses besoins universalistes et de la femme qui cherche à recréer l’unité de son corps, de son désir et de ses amours, de son engagement dans la vie publique et de sa passion pour sa vie privée.» (Penser avec…, Alain Touraine, page 24)
«La parité, c’est la reconnaissance que l’un des deux sexes est en charge de la procréation, et la symbolisation de cette procréation […] elle est le coeur de la démocratisation.» (Gravidanza : Féminologie II, Antoinette Fouque, page 203, Penser avec…, page 109)
«D’un écrasant fardeau elles tirent une « triple dynamique » où se joue l’avenir du XXIème siècle : équilibre démographique, développement durable, démocratisation.» (Il y a deux sexes : Essais de féminologie, 1989-1995, Antoinette Fouque, in Penser avec…, page 103)
«La création génitale est le lieu de toute création de génie. Lacan disait qu’un être de génie est celui qui met au monde un objet qui n’existait pas avant lui. Le génie des femmes est cette capacité de faire venir au monde cet objet génital unique, comme un objet absolument vivant, pensant, parlant.» (Gravidanza : Féminologie II, Antoinette Fouque, in Penser avec…, page 179)

Penser avec dans Le Monde des Livres (27.06.08)

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PENSER avec Antoinette Fouque

Alain Touraine
Charles Juliet
Roger Dadoun
Chantal Chawaf
Jean-Joseph Goux
François Guéry
Anne-Marie Planeix
Jean-Pierre Sag
Laurence Zordan
Patricia Rossi
Karim Benmiloud

la mutation d’une culture à une autre… A.T.

* L’expérience de la grossesse associée à la revendication de liberté et d’égalité lui permet (…) d’élaborer un nouveau contrat humain. A. Touraine

* La thèse de la chair pensante produit le déblocage d’une aporie que Lou Andreas Salomé et Hannah Arendt ont approchée sans la trouver. F. Guéry

Un matérialisme charnel subvertissant les abstractions idéalistes, une nouvelle éthique dans la dimension du don, de l’hospitalité… J.J. Goux

* Cette pensée, historiquement, inscrit la géni(t)alité des femmes, leur libido creandi, dans le fonctionnement du monde. C. Chawaf

Légion d’honneur pour la fondatrice de la Maison des Babayagas (Lien Social, 26.06.08)

492a34912e469271bb26fc06f6dc3ed4.jpg Le 11 juin, Thérèse Clerc, 81 ans, fondatrice de la Maison des femmes de Montreuil (Seine Saint-denis) et initiatrice de la Maison des Babayagas – une maison de retraite autogérée, citoyenne et écologique – a reçu les insignes de Chevalière de la Légion d’honneur. Sa marraine, l’historienne Michèle Perrot a rendu hommage à ses quarante années de combat féministe. Simone Veil, séduite par le projet de la Maison des Babayagas, a salué cette « idée portée par des femmes qui ont envie de vieillir ensemble, de se soutenir les unes et les autres » et qualifié cette intiative d’« importante pour la cité ». Pourtant, les 18 futures résidentes attendent encore le feu vert du Conseil général pour bâtir la Maison des Babayagas. En effet, cette intiative innovante, ne relevant ni du logement social, ni de la maison de retraite, ne rentre dans aucune case administrative. Cependant, Thérèse Clerc et ses amies continuent à se battre pour que les portes de leur maison ouvrent bientôt. « Mourir vieux, c’est bien, mais mourir bien c’est mieux ! », conclut l' »Antigone aux cheveux blancs »

Thérèse Clerc. Antigone aux cheveux blancs. Danielle Michel-Chich, éditions des femmes, 2007

L’Université de Beyrouth suit Françoise Collin !

d438b38050a58637fe367d1a73f4db03.jpgun commentaire sur « On dirait une ville » à paraitre dans la revue des lettres de l’univ de beyrouth

« On dirait une ville »

Françoise Collin

Editions des femmes- Antoinette Fouque

Le texte que propose « On dirait une ville » se donne sous une forme apparemment simple. Mais cette simplicité « trompe l’œil », car en vérité elle transporte une construction complexe, où des flux d’images et de pensées conjoignent rêves, souhaits perceptions et souvenirs qui se croisent, entrent en résonances, se font écho, dessinant en filigrane, une fiction.

On peut lire cette fiction comme une genèse : celle d’une naissance à un monde multiple où la vie ne se soutient que par l’écriture.

Avant, il y a la douleur : un meurtre mal effacé, les sables d’un désert, la confusion des pôles, la folie. Deux enfants nus, desséchés . Peinture inaugurale d’un paysage dévasté, image à la Tarkowski d’un univers sans dieu, livré au vide, à la douleur hantée par l’oiseau doublé d’un ange.

Où chercher l’ombre de sa vie d’abord perdue sinon au delà du désastre ?

Voilà qu’ à l’horizon une forme noire grandit, c’est celle d’une femme qui « avance d’un pas décidé ». Armée de plans et d’instruments de mesure elle choisit et construit non sans joie, son lieu : un chez elle où elle pourra écrire. Alors une ville naît à la place du désert. Est-ce un cimetière ? L’oiseau et l’ange tournoyant autour des restes de la douleur se posent sur le papier en milliers de signes, nous entrons dans le cœur du texte.

Etrange rencontre dans cette ville, que celle des étrangers qui vous font découvrir que vous aussi êtes une étrangère, mais différente d’eux. Etrange, l’appartenance à ses origines, au pays où vous êtes né, à la culture qui a fabriqué votre identité, aujourd’hui vacillante. Tout se trame par petites touches, par petites scènes, par petites histoires. Une galerie de portraits, apparemment. Mais s’y nouent des vœux et des rêves. Tandis que la mort rôde partout voici qu’elle se souvient du temps très long que prend une année dans l’enfance. Tantôt, elle convoque l’inexistence, tantôt elle suspend le temps et son être à une goutte d’eau jusqu’à ce qu’elle tombe.

Mais elle joue le jeu, va à ses rendez-vous, semble faire comme les intellectuels natifs de cette ville, devenue Paris grâce aux noms propres des lieux égrenés ; elle les imite mais eux, qui la renvoient à son étrangeté, sont également pour elle des étrangers, avec leurs mœurs, « leur parler parisien » ; elle va, elle revient dans son quartier proche de la rue Saint Maur, où elle coudoie Africains, Indous, Lettons, Arabes, Turcs,Vietnamiens, mais aussi des squatters dont un breton qui la vole, la boulangère maquillée dès le matin, la chauffeur de taxi épuisée. en fin de journée. Les uns l’irritent, l’encombrent, d’autres l’attendrissent, la grugent, la volent. Elle se sent plus proche de ceux-là que des autres Chacun, chacune son histoire.. C’est un broyage immense dont elle devient le témoin.

Elle joue le jeu certes, mais si elle habite toujours ce monde là qu’elle a rencontré et dont elle fait la plus contemporaine des expériences, il reste qu’elle s’en sépare légèrement, laissant les cris et les paroles résonner « sous elle ».

Ainsi à travers les récits d’aventures quotidiennes sommes-nous reconduits à penser les fils d’un processus qui tressent, étape par étape, le devenir d’une inscription dans un monde perçu comme chaotique.

« Chronique d’un été » , l’intitulé de la seconde partie de ce livre fascinant, célèbre le temps d’une grâce donnée : « Ce qui faisait chemin depuis longtemps est arrivé » . Un vœu s’est posé sur la table : il faut laisser être ce qu’on n’ose pas nommer des retrouvailles, seulement inscrire ce qui les compose et les accompagne. Tempo de sonate : quatre ou cinq mots – un lys, une rose, une cerise – ce sont les notes d’une mélodie, reprises à travers chaque mouvement et composées jusqu’à la fin ; il y a les temps d’allégresse – un oiseau sans nom chante – et les andante des jours immobiles. Il faut retenir son souffle, célébrer un dimanche sur la Lys, entendre le bruit de la tondeuse. C’est un été chaud. Un mot de trop tuerait le miracle en cours. De toute façon il n’y a plus rien à dire. On est au delà de l’adieu.

L’art, le grand art de Françoise Collin tient à sa capacité de suggérer une pensée, un désir à travers la mise en forme d’un détail qui vous tient en arrêt, qu’on exhausse en le nommant dans sa pure nudité. Entre l’Epiphanie joycienne et le Haïku, elle nous tient, dans son style à elle, dénudé, sans pathos. Alors, d’un simple mot à l’autre, l’énigme ne cesse pas de résonner et congédiant tout sens, on peut entendre bruisser le pas du temps, la mort omniprésente, cet indicible réel qui nous hante.

Marie claire Boons-Grafé

« Le temps du tableau » présent sur les meilleurs sites !

– sur le site « palce des libraires » : http://www.placedeslibraires.fr/dlivre.php?ALIS=0b72fe2147301048ceccdb72d387d10a&gencod=9782721005847&region=20

– à la librairie Decitre : http://www.decitre.fr/livres/Le-temps-du-tableau.aspx/9782721005847

– Le Matricule des anges : http://www.lmda.net/din/tit_lmda.php?Id=59291

– Sur Poezibao : http://www.paperblog.fr/715272/poezibao-a-recu-n38-dimanche-18-mai-2008/