Bernard Géniès, auteur d’un splendide article sur « Scènes d’enfants » de la photographe Carole Bellaïche pour le supplément SORTIR du Nouvel Obs (24 déc 09 au 6 jan 10)

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LE NOUVEL OBSERVATEUR – SORTIR OBS
 
Jeudi 24 décembre au mercredi 6 janvier 2010
 
Il y a du bonheur dans les photos de Carole Bellaïche. Il y a du bonheur parce qu’il y a des enfants qui font des gâteaux, qui courent vers le bord de la mer, qui plongent dans l’eau miroitante d’une rivière, qui regardent des fleurs. Rien de plus simple. C’est la vie de tous les jours, telle que la mènent les enfants de la photographe. On est loin des clichés de stars réalisés par la photographe – Catherine Deneuve, Isabelle Adjani, Jane Birkin – que l’on retrouve également dans l’expo. Loin, vraiment ? Peut-être pas tant que cela. Car photographier ce n’est pas seulement montrer. C’est aussi dire. Une émotion, un sentiment. Mais ce peut-être également l’amorce d’un récit, l’évocation d’une situation. De fait, les images de Carole Bellaïche apparaissent parfois comme les plans d’un film dont l’action semble un instant suspendue. En couleur ou en noir et blanc, ces photographies sont empreintes d’une douceur qui ne doit rien à la naïveté ou à la mièvrerie. Elles sont, pour reprendre le titre du livre de Catherine Grive qu’elles illustrent, « Ces choses qui font battre le coeur » (Albin Michel). Tout est dit là, dans quelques mots. Bernard Géniès
Des Femmes Espace-Galerie, 35 rue Jacob (6ème), 01.42.22.60.74 www.desfemmes.fr Du lundi au samedi, de 11 h à 19 h. Jusqu’au 31 décembre

Le magazine Photos a aimé l’exposition de Carole Bellaïche (décembre 2009)

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PHOTOS
Déc. 09
Carole Bellaïche – Moments d’enfance
 
Ode à l’enfance et aux joies du quotidien, cette exposition est née d’une rencontre entre l’auteur Catherine Grive et la photographe Carole Bellaïche. La première cherchait une illustratrice pour son livre « Ces choses qui font battre le coeur » (Albin Michel Jeunesse). La seconde a pris prétexte de cette invitation pour capter chez ses enfants une quarantaine d’émotions. Carole Bellaïche, « Scènes d’enfants » Galerie des Editions des Femmes, 35 rue Jacob, Paris 6ème.

La Quinzaine se remémore son numéro 85… Avec Antoinette Fouque ! (16 au 31 décembre 2009)

antoinette_fouque.jpgLA QUINZAINE LITTERAIRE 16/31 Déc. 09 – biMensuel

Il y a 40 ans dans La Quinzaine
 
Sur le site de La Quinzaine littéraire
 
Le numéro 85 du 16 décembre 1969 vient d’être mis en ligne.
 
Au sommaire :
Les livres de La Quinzaine : Bonjour minuit, Les tigres sont plus beaux à voir de Jean Rhys sont chroniqués par Diane Fernandez ; « Soljenitsyne, la Russie, l’exil » d’Yves Léger fait le point sur la situation de l’écrivain dissident. A la rubrique Romans français, Jean Wagner parle de Tentative de visite à une base étrangère de Raphaël Pividal et de Portrait de l’enfant de Louis Calaferte, Joseph Guglielmi chronique Le Carnaval de Jean-Claude Montel, Marie-Claude Jalard Brancula de Roger Curel. Suivent ensuite les romans étrangers : Fiorella de Carlo Cassola par Antoinette Fouque-Grugnardi Blanche-Neige de Donald Barthelme par Serge Fauchereau, Les Oeuvres d’Eustace de James Purdy par Alain Clerval, Infantilia de Lars Gyllensten par Claude Bonnefoy ; à la rubrique Livres cadeaux : « Les meilleurs livres pour enfants » par Simone Lamblin, « Les meilleurs livres d’art de l’année » par Jean Selz. Louis Marin rend compte de l’exposition Klee et le visible. En Histoire : le monde que nous avons perdu de Peter Laslett par Philippe Aries ; en Philosophie : Maurice Merleau-Ponty La Prose du monde par Anne Fabre-Luce ; Gilbert Lascault rend compte du numéro 39 de la revue L’Arc consacré à Michel Butor ; Rachid Boudjedra chronique Andreï Roublev de Tarkovsky ; Gilles Sandier célèbre l’Open Theater de New-York ; George Perec poursuit son feuilleton W.

Têtu annonce les deux livres phares d’Antoinette Fouque de cet hiver ! (comme auteure et comme éditrice !) (janvier 2010)

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Mémento
Après L’Imparfaite, revue sociologique érotique décloisonnée des étudiants de Sciences-Po Paris, voilà Monstre, une revue « gay » qui revitalise un adjectif qui n’était plus assez transgressif, devant les très à la mode bobo ou queer. C’est « justement cela qui laisse le champ libre à sa réactivation », dixit les fondateurs de Monstre. * Aux éditions Bourin : Qui êtes-vous Antoinette Fouque ? Interviewée par Christophe Bourseiller, elle expose sa pensée phare, qui place la procréation au coeur de l’éthique et de la libido des femmes. A méditer… * Fouque encore, avec, aux éditions Des femmes « Des mots pour agir contre les violences faites aux femmes. Souvenirs, Monologues, Pamphlets et Prières », édition augmentée des Monologues du Vagin, sous la direction d’Eve Ensler et de Mollie Doyle.

Le(la ?) mystérieux(se ?) J.-L. D. signale la sortie du coffret Duras dans Le Monde 2 (12 décembre 2009)

durasblog.jpgLE MONDE MAGAZINE
12 Déc. 09
 
Marguerite Duras
Filmée par Benoit Jacquot. Côté visuel, un DVD contenant deux films : en 1996, devant la caméra de Benoit Jacquot, Marguerite Duras explique son désir d’écrire l’histoire de « la mort du jeune aviateur anglais », ce jeune homme abattu dans le ciel par les Allemands près de Deauville et veillé par les gens du village. Elle dit que la mort de ce jeune homme symbolise l’amour du petit frère, l’amour des hommes, des gens. Elle explique aussi dans Ecrire comment elle a découvert sa passion littéraire. Côté audio, deux CD dans lesquels Fanny Ardant lit des textes de Marguerite Duras : ceux qu’elle écrivit à partir des deux films, des propos échangés. J.-L. D.
1 coffret, 1 DVD. 2 CD, Montparnasse/Ed. des femmes

Le magazine « Nouveau consommateur » évoque l’oeuvre de Coline Serreau, nourrie par la pensée d’Antoinette Fouque (déc 09-jan 10)

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Déc 09 – jan 10 bimestriel

Le magazine de la consommation responsable. Nouveau Consommateur.

Coline Serreau
« La vie ne tient que par la réciprocité, la solidarité, l’entraide, le don… ».
ColineMouansSartoux2La grande cinéaste et la réalisatrice des grands films comme « Trois hommes et un couffin », « La crise » et d’autres succès nous livre une réflexion sur l’exigence d’une écologie populaire, féministe et solidaire. Coline Serreau, une femme à entendre, et une femme à voir, à travers les images des mondes en luttes qu’elle nous offre. Par Nathalie Calmé ( Extrait d’article Nouveau Consommateur N° 32 Décembre 2009)

Certains le pensent et le disent : l’écologie risque de perdre sa capacité subversive, de voir dissoudre ses potentialités d’émancipation, de constater que sa contribution à la résolution de la crise socio-environnementale planétaire est déviée ou minimisée… Analyses et propos sévères ? Il est pourtant vrai que l’inflation de l’adjectif « durable », utilisé pour qualifier à peu près tout, devrait nous faire réfléchir… Il semble que les grands médias, les grandes entreprises et les décideurs convergent pour segmenter la dite crise, la décomposer de telle façon que nous ne soyons plus en présence que d’une addition de « petites » crises, isolées les unes des autres : crise financière, crise du climat, crise agricole, crise du pouvoir d’achat, crise alimentaire… Celles et ceux qui ont à cœur de participer au long et difficile combat pour l’intérêt général, le bien commun et la sauvegarde de notre habitat qu’est la Terre, savent que ces crises sont les divers aspects d’un unique « désordre global ». Ils savent aussi que des solutions, concrètes et singulières, existent pour en sortir. C’est dans cet esprit que la réalisatrice Coline Serreau nous propose son nouveau film : La terre vue de la terre. Solutions locales pour un désordre global Ce film, qui sortira en une série de six documentaires, s’inscrit, philosophiquement, dans la même lignée que La Belle Verte, qui fut, en son temps, un vrai déclic et un déclencheur de la conscience écologique. L’idée commune ? Le rapport que l’humain entretient avec la terre qu’il habite est fondateur de son identité ; il est aussi le signe de son devenir. Lorsque ce rapport est malmené, quand la terre est meurtrie, c’est l’humanité même de l’humain qui est mutilée. Mais le nouveau film de Coline Serreau n’entend pas seulement décrire cette crise, il veut montrer que d’autres choix, théoriques et concrets, peuvent être mis en pratique. A travers des entretiens avec des penseurs et praticiens – de l’agrobiologiste Pierre Rabhi à l’économiste Hassan Zaoual, de l’écologiste Vandana Shiva au philosophe Patrick Viveret…-, La terre vue de la terre. Solutions locales pour un désordre global ouvre le champ des possibles !

Une écologie d’enfance

ColineBelleVerteBonOn ne dira jamais à quel point la fibre sociale, humaniste et écologiste de Coline Serreaun’est pas une « mode » passagère, à la différence de beaucoup de personnes qui verdissent leur discours, à cause de l’air du temps. Cette fibre remonte à son enfance et à sa jeunesse. Coline Serreau me racontait l’importance jouée par un groupe particulier de femmes dans l’éveil de sa conscience. Ces femmes animaient l’Ecole de Beauvallon, dans la Drôme. « C’est par le biais de ma famille que j’ai vécu dans ce lieu, trois ans durant. Ma tante, Simone Monnier, était l’une des responsables de cette maison qui accueillait des enfants en difficulté. L’Ecole de Beauvallon avait été fondée en 1929 par Catherine Kraftt et Marguerite Soubeyran. J’appelais Marguerite «  mamie ». Toutes ces femmes étaient extraordinaires. Marguerite Soubeyran avait étudié les grandes pédagogies nouvelles, comme celles de Piaget, Montessori et Steiner. Elles étaient aussi en faveur des médecines naturelles. J’ai acquis beaucoup de connaissances sur la santé et l’écologie dans ce cadre-là. Nous vivions dans la nature. Cette expérience m’a apporté la certitude qu’une vie plus humaine, intelligente, simple, fraternelle, naturelle était possible. » Aujourd’hui, cette éducation laisse encore son empreinte. Au détour de la conversation, elle résume : « Vivre dans la simplicité volontaire, se réapproprier notre autonomie est notre plus grande arme. C’est retrouver la liberté et le pouvoir sur nos vies. »

Ecoféminisme

Cette articulation entre la résistance contemporaine des femmes entre le patriarcat qu’elles subissent, aux quatre coins du monde, y compris en Occident, et le souci de la terre, est l’un des axes structurants de la pensée et de l’action de Coline Serreau. Dans son documentaire, deux personnes mettent le doigt sur ce lien, Antoinette Fouque, figure mythique du MLF, et Vandana Shiva, figure majeure de l’écoféminisme en Inde et dans le monde. Dans un entretien accordé à Patrice Van Eersel, la réalisatrice soulignait avec force : « La terre et l’utérus, c’est le même mot. Mater, matière, utérus, terre, tout ça a la même racine. L’humus, l’humanisme, l’humilité… Les progressistes, dont je me suis longtemps sentie proche, n’ont jamais voulu voir le fond du problème : la relation entre la terre et l’utérus […] Ce que nous appelons « civilisation » repose sur l’écrasement de la puissance créatrice des mères. Si nous ne remontons pas jusque-là, nous ne réparerons rien. Le ventre et le sexe des femmes, autrement dit le lieu d’o
ù sort le vivant, n’est pas respecté. Il est considéré comme « rien » et non comme une entité intelligente. Sa fonction est vitale, mais elle est évacuée de tout respect, de tout comptage, elle n’existe pas dans l’ordre de ce que les humains appellent « création ». Si vous acceptez ce meurtre et sa symbolique, tous les crimes deviennent possibles. »

Comprendre le fonctionnement du capitalisme

Le substantif « intelligence » et le verbe « comprendre » reviennent souvent dans la parole de Coline Serreau. L’écologie et le sens aigü de la justice sociale ne peuvent se satisfaire d’une approche qui ne serait qu’émotionnelle ou sentimentale. L’affect doit se lier à la pensée la plus exigeante. Dans son parcours de vie, au coeur de sa jeunesse, dans les années 1960, la rencontre avec Karl Marx a été décisive : « Le Marxisme m’a expliqué le fonctionnement de la société à travers le principe de la lutte entre les classes sociales, les règles de l’économie capitaliste, ainsi que les leviers par lesquels il serait possible de la faire changer. Et justement, Marx m’a permis de le comprendre, à travers son analyse intelligente du progrès, de la société, de l’organisation des classes sociales. Si nous n’avons pas cette grille d’analyse, nous ne comprendrons pas comment le monde fonctionne. C’est un peu comme si nous voulions faire des études de physique sans jamais avoir fait auparavant des études de mathématiques. » C’est très certainement ce souci de l’analyse de structures qui lui fait dire que l’on ne devrait pas tout « individualiser ». Le tout est plus que la somme de ses parties, nous enseigne la pensée écologique (cf. Edgar Morin), et la société est plus que la somme des individus qui la composent. Il nous faut donc entrelacer le personnel et le collectif et refuser un développement personnel qui ne se concentrerait que sur la seule… personne ! : « Il nous faut retrouver, chacun d’entre nous, dans nos individualités, un sens à notre vie. Mais c’est ensemble que nous nous en sortirons. La vie ne tient que par la réciprocité, la solidarité, l’entraide, le don… » C’est pourquoi Coline Serreau dénonce, avec raison, cette écologie asociale, apolitique, axée uniquement sur les changements de comportement et oublieuse de la critique nécessaire et vitale du système capitaliste : « Il faut arrêter de culpabiliser les gens. Ils ont leurs problèmes de vie quotidienne : leurs factures à payer, le chômage, les maladies… Ce ne sont pas eux qui sont directement coupables. Les gens vivent comme ils peuvent leur petite vie. Je veux simplement leur dire que lorsque tout va aller très mal, il existera des solutions, des alternatives ». Coline Serreau, une femme à entendre, et une femme à voir, à travers les images des mondes en luttes qu’elle nous offre. »

 Nathalie Calmé est journaliste et écrivain. Elle anime l’Association pour la Diversité Active et la Solidarité Internationale(ADIVASI).

Couv__NC32A lire la suite dans NC 32 ( Décembre 2009)

 Aller plus loin :

* Serreau, Coline (2009) Le jeûne. Un choix de « simplicité volontaire » In Desbrosses Philippe et Calmé Nathalie (sous la direction de), Médecines et Alimentation du futur Santé et modes de vie (143-148) Paris – Le Courrier du Livre

* Serreau, Coline (2009) La grande colère de Coline Serreau. Entretien avec Patrice van Eersel. Nouvelles Clés, 62, Juin-Août, 42-45

* Serreau, Coline (2009) La Terre vue de la terre. L’image au service des peuples et de la terre. Entretien avec Nathalie Calmé. Alliance, 20, Février-Avril, 16-20.

Nelly Carnet repère le livre audio de Charles Juliet et Valérie Dréville dans la revue « Autre sud » (septembre 2009)

julietblog.jpgAutre sud – septembre 2009 – n°46 Chroniques et notes p.155

« J’ai cherché… » de Charles Juliet. Lu par l’auteur et Valérie Dréville, la Bibliothèque des Voix, éditions Des femmes. CD.
 
Un ensemble de textes retrace le trajet de Charles Juliet, de la voix tragique à la voix de l’exultation. Les souvenirs, « de l’enfance à l’âge adulte » en passant par l’école militaire, deviennent des micro-récits autobiographiques scandés, martelés par une voix qui, posée d’une certaine manière, souligne certains des mots les plus importants. Retenons par exemple cette « attente de ne rien attendre » prenant sa source dans la mort portée en soi. Devant la tombe, dans le cimetière de plein champ en surplomb du village, Juliet cherche la mère morte. La voix entendue fait alors résonner toute la lourdeur des mots ressassés. La multiplication des deuils, celui de la mère génitrice puis celui de la jeunesse fraternelle, ne fait qu’accentuer la solitude radicale. Le tutoiement de cette mère inconnue comme au travers l’expression « le tragique de ton regard » permet de confondre la disparue et celui qui en porte le deuil éternel. La faim, le double de soi comme un autre en négatif, harcelant, épuisant et plongeant dans l’ennui, occupent les nuits et les jours de l’auteur qui vit la mort dans le corps et dans l’âme. Il est comme terrifié par lui-même. C’est « la haine de soi/qui s’acharne », dit-il. Solitaire, refoulé dans la cave du monde, il est demeuré en survivance pendant de longues années. Les mots qui demeurent de cette expérience radicale sont devenus la mémoire de cette « descente aux Enfers ».
 
La lecture, qui devient parfois le sujet même des textes, est l’une des autres activités qui aura également occupé Charles Juliet une bonne partie de son existence. L’expérience de la lecture qui nous fait plonger en nous-mêmes et nous sépare du monde quotidien, projette le lecteur, pourrait-on dire, dans un autre enfer fervent et éclairant. Car Juliet a été travaillé par de qu’il lisait et s’est retrouvé écartelé entre deux mondes, interne et externe.
 
D’autres textes sont cependant plus lumineux mais concernent la période la plus récente de la vie de l’auteur. Ils disent son enthousiasme dans le cadre de rencontres. Si certains sont encore frappés de noirceur, ils ne concernent plus l’intériorité de l’auteur mais le chaos du monde dans lequel il vit aujourd’hui.
 
L’écriture, sans doute plus féminine que masculine à cause de sa superposition avec la figure tragique de la mère, est une écriture parturiente. Elle fait naître et laisse parler les morts aussi bien que les « exilés des mots ». A l’écoute des deux voix, on comprend que la conquête des mots fut aussi conquête de soi et de son destin.
 
Nelly Carnet

Le fidèle Argoul vous recommande une seconde fois ( ! ) le coffret Sarraute pour Noël sur son blog « Fugues et fougue » et sur « Medium4you » (18 décembre 2009)

sarrauteblog.jpgVendredi 18 décembre 2009 http://argoul.blog.lemonde.fr/2009/12/18/le-noel-des-livres-sur-fugues/

Article repris par Medium4You. 
Quelques idées de cadeaux pour les fêtes, à destination de ceux qui ne dédaignent pas de lire (ni, donc, de prendre un peu de temps pour penser sans bruits ambiants). Tous les livres ont été chroniqués cette année sur Fugues et vous pouvez en retrouver les notes en cliquant sur le lien souligné.
 
L’événement 2009 a été « la crise ». L’économie répugne aux Français pas snobisme aristo contre l’argent. C’est bien dommage parce qu’ils ne comprennent pas grand-chose au monde comme il va et que n’importe quel démagogue peut les manipuler. Pour comprendre, lisez ce court et percutant texte d’un économiste de renom : Michel Aglietta, La crise. Lisez aussi la très claire analyse de Lionel Jospin. Le capitalisme va-t-il disparaître ? Mais non, Amartya Sen ne condamne pas le capitalisme. D’ailleurs, par quoi le remplacer ? La dictature du parti unique ? Capitalisme et socialisme sont comparés, une note utile pour comprendre. Vous pourrez prolonger par les analyses régulières d’un ami de ce blog, à retrouver dans la catégorie « invités ». Et par exemple offrir à vos amis inquiets pour leur épargne son dernier livre, ‘Gestion de fortune’. C’est un bon investissement. Comprendre les marchés ? Lisez ‘D’où va venir la reprise’, ‘Rebond de mars à juillet’, et surtout ‘Sommes-nous au printemps du grand cycle Kondratiev ?’ C’est tout simplement notre avenir qui se prépare sous nos yeux.
Mais place au rêve et à l’évasion. Le prix Nobel de Littérature de l’an dernier était français. Il faut lire Le Clézio. Nombre de ses livres ont été chroniqués sur Fugues, vous les trouverez dans la catégorie « relire les classiques ». Parmi ses meilleures œuvres : L’inconnu sur la terre’. Ou encore, ‘La quarantaine’ qui conte le déracinement du métis à Paris et du Blanc à Maurice.
Vous pouvez poursuivre dans la voie classique, bien abandonnée au profit des modes. C’est dommage là encore, Flaubert par exemple, avait tout dit des comédies des hommes, et notamment de la bêtise du bourgeois content de lui. Il fustige la médiocrité, déplore l’ennui du collège (déjà…), observe impitoyablement ‘l’homme qui paie’, et débat en son temps de l’identité nationale ! Une ‘Sociologie de la bourgeoisie’ alerte et édifiante (sans jargon à la con) est parue récemment en poche, n’hésitez pas à vous documenter !
Parmi les contemporains, Alain Finkielkraut est incontournable avec ce magnifique livre qui dit ses émotions qui font penser, à lir
e de la bonne littérature.
‘Un coeur intelligent’ est bien ce qui est paru de meilleur ces temps-ci ! Rappelons, en ces temps de débat identitaire, la suite de romans de Georges Simenon, rassemblés par la Pléiade dans ‘Pedigree’ (qui peut se lire tout seul en poche). Pour être modernes, écoutez plutôt que lire. Nathalie Sarraute, aux éditions des Femmes, sort en CD ‘Tropisme et autres textes lus’.
Vous pouvez aborder le monde contemporain par de bons livres, très différents. La mer, Moitessier en a parlé sans égal dans ‘La longue route’, récit mythique de son tour du monde et demi en solitaire. David Ignatius a analysé la lutte naïve et sans fin des Américains contre le terrorisme, dans un Moyen-Orient très compliqué. ‘Une vie de mensonge’ est instructif, rempli d’action et de rebondissements. Les immigrés ? Donna Leon à Venise évoque leur existence exploitée, le regard des gens et les actes symboliques des bonnes âmes dans un roman policier récent. C’est une autre société, l’américaine, qu’évoque Michael Connelly dans ‘La blonde en béton’ ou dans ‘A genoux’ : pas très séduisant mais édifiant… Passons à l’Angleterre de l’intérieur, de nos jours, dans cette ‘Étrange affaire’ de Peter Robinson. Encore un policier mais qui a la densité des romans classiques avec une psychologie fouillée. Ou encore ‘L’été qui ne s’achève jamais’, sur les turpitudes d’une bourgeoisie friquée et les jeunes garçons fascinés par le sexe. Ian McEwan évoque tout simplement un ‘ Samedi’, tranche de vie dans une Grande-Bretagne d’aujourd’hui. Petit rappel de l’Afghanistan, ce célèbre livre devenu film, sentimental et qui se lit bien : ‘Les cerfs-volants de Kaboul’, de Khaled Hosseini est réédité en poche.
Vous aimez voyager ? Ou du moins vous évader par les récits de voyages ? Outre ceux publiés dans Fugues (catégorie « fugues en… »), Wilfred Thesiger vous raconte ‘Dans les montagnes d’Asie’. Paul Theroux vous dit l’Inde et le choc des cultures dans son superbe ‘Suite indienne’. Tandis qu’Alain Fleischer se souvient de l’année de ses 13 ans, en séjour linguistique en Angleterre, lorsqu’il était ‘L’amant en culottes courtes’. C’est mignon, sans doute exagéré, mais rempli de vie et d’émois. Si vous voulez en savoir plus sur les relations entre les sexes, Alain Braconnier vous dit tout dans ‘Le sexe des émotions’ : indispensable pour relativiser les querelles de couple… Per Petterson, le suédois, évoque son enfance mouvementée dans ‘Pas facile de voler des chevaux’. Et Troy Blacklaws, le sud-africain, la sienne avec la mort de son jumeau dans le beau ‘Karoo boy’.
En histoire, rien ne vaut le roman pour l’atmosphère, et le policier pour l’intérêt. Sophie Chauveau vous emmène dans ‘Le rêve Botticelli’, roman reconstitué de la vie du peintre. Viviane Moore dans la Sicile médiévale, tenue par les Normands, avec ‘Le sang des ombres’. Paul Doherty, éminent professeur d’histoire médiévale, met en scène Robin des bois dans son roman policier ‘L’assassin de Sherwood’ ; vous y apprendrez plein de choses dont l’enseignement ne vous parle jamais. Peter Tremayne dit ‘Le châtiment de l’au-delà’ dans l’Irlande chrétienne. Anne Perry, spécialiste du monde victorien, décrit une ‘Mémoire coupable’.
Et s’il vous prend l’envie de réfléchir, de quitter un peu ce monde impatient et émotionnel qui vit au jour le jour, branché en permanence sur le futile et l’insignifiant, posez-vous un moment. Seul, au calme, lisez les grands philosophes. Ils ne sont pas si compliqués que ça. Nietzsche a dit beaucoup dans le Prologue d’Ainsi parlait Zarathoustra. Il a analysé la science, le mythe de la « vérité » scientifique qui serait la seule dans ‘Le gai savoir’. Le risque, au fond que tous les « spécialistes » autoproclamés du système d’enseignement prennent le pouvoir pour eux tout seul. Un peu comme sur le climat ou l’absence de « débat » frise l’escroquerie démocratique au profit d’une nouvelle religion… Après cela, vous pouvez toujours revenir au roman policier historique avec Peter Tremayne et ‘Les mystères de la lune’ !
Bonnes lectures, la joie d’offrir ce qui est bon et… de bonnes fêtes !

Patricia Chatel rédige un magnifique papier sur le coffret Duras pour le site de référence LeLittéraire.com (9 décembre 2009)

durasblog.jpgLE LITTERAIRE.COM 9.12

Des Livres et Nous !
 
ECRIRE & LA MORT DU JEUNE AVIATEUR ANGLAIS
 
« Un inconnu, c’est quelqu’un, la mort baptise aussi ». Marguerite Duras, La mort du jeune aviateur anglais.
 
Ce coffret comporte deux films inédits en DVD jusque-là, La mort du jeune aviateur anglais et Ecrire, tous deux réalisés par Benoit Jacquot qui fut assistant de Duras sur India Song et Nathalie Granger.
Il s’agit des deux entretiens filmés en 1993 dans sa maison de Neauphle-le-Château, un lieu pour écrire, achetée avec les droits cinématographiques de « Un barrage contre le Pacifique ». Face à Benoit Jacquot hors champ, on s’attend à voir une vieille dame usée par l’alcool. Bien au contraire, l’oeil est perçant, la voix ferme et la parole touchante. La voix lointaine du réalisateur questionne. Les deux se tutoient et semblent bien se connaître ce qui ajoute un caractère très intime aux films. Parfois, c’est l’auteure qui relance le dialogue, face à un Benoit Jacquot, soudain devenu muet. L’émotion culmine, comme à la fin dEcrire.
 
Toutefois, c’est La mort du jeune aviateur anglais qui séduit le plus, le film qui parle le mieux de Marguerite, celle qu’on a envie d’aimer.
Elle y rapporte une anecdote qui l’a profondément touchée, l’histoire d’un aviateur britannique de vingt ans dont Marguerite Duras a découvert la sépulture à Vauville en Normandie. A partir de ce fait divers, l’auteure nous embarque dans une fiction authentique et spontanée et face à nous un livre s’écrit, en direct. Cette mort à la fleur de l’âge lui rappelle celle du « Petit frère », mort sans sépulture durant la guerre du Japon tandis que ce jeune soldat orphelin, dont personne ne réclamera jamais le corps, trouve après la mort une famille avec les gens du village qui le veillent, payent une sépulture et l’entretiennent au fil des années. Comme touchée par une sorte de grâce, la lumière de Caroline Champetier caresse le visage de Marguerite, traque son regard ou capture ses mains.
 
Ecrire est une sorte de testament ouvert, le manifeste qu’elle n’a jamais rédigé car l’écriture de Duras est toujours en devenir.
« C’est le livre qui avance, qui grandit, qui avance dans les directions qu’on croyait avoir explorées, qui avance vers sa propre destinée et celle de son auteur, alors anéanti par sa publication : sa séparation d’avec lui, le livre rêvé, comme l’enfant dernier-né, toujours le plus aimé. »
Elle parle également de la nécessaire solitude de l’écriture, celle qu’on se doit de choisir si l’on veut toucher à l’intime.
A partir de ces échanges, Marguerite Duras publiera deux livres éponymes, toujours disponibles en collection Folio.
 
Deux films indispensables pour aborder le processus de création littéraire de l’auteure.
 
NB – Le DVD est complété par deux CD comprenant les textes lus par Fanny Ardant, ainsi qu’une nouvelle, Roma.
 
Caractéristiques du coffret
Le DVD
 
La Mort du jeune aviateur anglais
Un film de Benoit Jacquot avec Marguerite Duras. Avec la collaboration de Yann Andrea.
Image : Caroline Champetier, Julien Hirsch, Dominique Texier.
Son : Michel Vionnet, Patrick Collot.
Montage : Eric Vernier.
Production INA, 1993 – 36 minutes – Couleur
 
Ecrire
Un film de Benoit Jacquot avec Marguerite Duras. Avec la collaboration de Yann Andrea.
Image : Caroline Champetier, Julien Hirsch, Dominique Texier.
Son : Michel Vionnet, Patrick Collot.
Montage : Eric Vernier.
Production INA, 1993 – 43 minutes – Couleur
 
Les 2 CD
Textes de Marguerite Duras lus par Fanny Ardant
La mort du jeune aviateur anglais – Roma – Ecrire
Production Des femmes-Antoinette Fouque, 2009
Réalisation : Michelle Muller – Piano : Joëlle Guimier – Durée : 2h30
Gallimard pour les textes
 
Patricia Chatel, le 9 décembre 2009
 
Marguerite Duras, Ecrire & La mort du jeune aviateur anglais, Coffret de 1 DVD et 2 CD, réalisation Benoit Jacquot, une co-édition Des femmes-Antoinette Fouque / Editions Montparnasse, novembre 2009 – 30 euros