Gilbert Lascault évoque l’exposition de Mâkhi Xenakis (dans La Quinzaine Littéraire, du 1er au 15 mai 2010)

La Quinzaine littéraire du 1er au 15 mai 2010

maternite.jpg Arts – Les légions des soeurs par Gilbert Lascault

Mâkhi Xenakis, Maternité (2009) ciment armé teinté, fibre de verre, fourrure, tissus.

Sans cesse, la créatrice Mâkhi Xenakis (1) travaille. Elle sculpte, elle dessine, elle écrit. Elle invente des formes inattendues. Elle propose des séries d’oeuvres. Elle imagine les légions des soeurs, leurs multitudes, les kyrielles.

 
Exposition Mâkhi Xenakis Elles nous regardent…
Espace des Femmes-Antoinette Fouque
35, rue Jacob, Paris 6ème
8 mars – 30 mai 2010 
Mâkhi Xenakis médite souvent sur le Nombre, sur la féminité plurielle, sur les corps variés, sur leur épanouissement, sur leur densité douce et tendre, sur leur puissance impassible, sur leur force impartiale, sur une souveraineté sereine.
 
Actuellement (de 2007 à 2010), Mâkhi Xenakis sculpte ces êtres féminins étranges, des fétiches occidentaux, des poupées très roses et charnelles. Ce seraient des soeurs voluptueuses, des « Elles ». Mâkhi Xenakis les considère comme « les grandes créatures » et « les petites créatures ». Certaines sont isolées. Quelques-unes se causent, dialoguent, échangent des confidences, des espoirs, des déceptions, des désors ; elles sont peut-être voisines des Causeuses de Camille Claudel. « Deux « créatures » semblent être la mère et sa fille, évidemment plus petite. D’autres « créatures » forment un groupe, une réunion.
 
Ces « créatures » sensibles, sensuelles, séduisantes, ne ressemblent peut-être pas exactement aux femmes de notre terre. Elles viennent peut-être d’un autre astre. Leur peau semble douce, mate, duveteuse, presque soyeuse. Elles n’ont nul bras, de même que Vénus de Milo. Elles n’ont nulle jambe. Elles ont des seins massifs et leurs pointes sont érigées ; elles ont une fente discrète. Elles ont deux pieds (ou deux pattes ?). Leurs cheveux sont rares, légèrement ébouriffés. Elles sont nues. Impudiques ? Je ne sais pas… Elles semblent, quand même, coquettes ; elles portent au cou un ruban de velours pourpre, de même qu’Olympia (1863) de Manet… Les « petites créatures », relativement fragiles peut-être, sont protégées par des globes de verre, comme celles que l’on voyait dans les églises et qui préservaient des reliquaires. Et les « grandes créatures » s’installent sur des coussins épais de velours… Les yeux percés et perçants de ces « créatures » nous regardent, nous observent. Elles nous surveillent. Elles ne nous oublient pas.
 
A d’autres moments, de 1997 à 2004, Mâkhi Xenakis propose des sculptures différentes. Ce sont de longues et hautes figures sveltes, elles aussi féminines. Ces figures n’ont ni bras, ni jambes, ni pieds, ni seins, ni sexe. Au départ, l’artiste moule les têtes en plâtre (avec les trous des yeux, des narines, une bouche suggérée). La tête est portée par une tige filetée (un long cou) ; puis, elle se dresse au sommet d’un corps allongé qui serait une colonne grecque. Ces figures seraient des effigies, des doubles de femmes disparues et de déesses perdues, des formes dressées, des idoles hiératiques, des verticalités. En 2004, Mâkhi Xenakis réalise ces 260 sculptures, destinées provisoirement à la chapelle Saint-Louis de la Salpêtrière et aux jardins de l’hôpital. Ces effigies redoutables s’intitulent, alors, « les Folles d’Enfer », qui bouleversent Mâkhi Xenakis et nous troublent (2).
 
Ce texte de Mâkhi est à la fois un poème, un roman historique de la Salpêtrière et un rassemblement des archives de l’Assistance publique de Paris. Peu à peu, nous découvrons la Salpêtrière comme un lieu de souffrances et de terreur, comme une zone de cris et de supplices, souvent une détention souvent définitive dans la promiscuité et dans la puanteur… Le 14 mai 1657, Louis XIV, le Roi-Soleil, à 19 ans, signe les décrets du grand enfermement. Ce sera la rafle à l’aube. Interviendront les archers du roi qui attrapent tout ce qui arrive : « à la Salpêtrière on prend les femmes mendiantes/mais aussi/de plus en plus/les filles de joie/les folles/les orphelines/les libertines/les protestantes/les paralytiques/les crétines/les juives/les impies/les criminelles/les ivrognes/les mourantes/les sorcières/les mélancoliques/les aveugles/les adultérines/les homosexuelles/les épileptiques/les voleuses/les magiciennes/les convulsionnaires/les séniles/(…) ». La Salpêtrière mêle, entasse, amalgame celles qui sont méprisées et condamnées. La Salpêtrière les confond, les amalgame. Elle les enchaîne par les horaires, par les règlements méticuleux, par les messes, par les travaux sans relâche. Ce sont les cohues et les cohabitations, les foules des folles et des malheureuses.
 

Bien avant les « créatures » d’aujourd’hui, bien avant les effigies-colonnes, Mâkhi Xenakis suggère la féminité par les dessins (1988) ; elle les nommait, alors, les « petites bonnes femmes », solides, accroupies, énergiques… Et en 1992, elle évoque le féminin par les araignées, par la multiplication des pattes qui jaillissent, par celles qui tissent et piègent. Mâkhi aime l’araignée et la redoute ; dans un beau texte (en 2002, à l’Artothèque de Caen), Marie-Laure Bernadac appelle Mâkhi la « Spider-girl »…
Et, sur les murs de l’Espace des Femmes-Antoinette Fouque, les pastels
(2008-2010) de Mâkhi donnent à voir un foisonnement de boucles, de courbes, d’ondulations, la prolifération des cellules, l’exubérance de l’énergie vivace. Se devinent des mèches de cheveux, une colonne vertébrale, un entrelacs d’algues, les tentacules d’un poulpe monstrueux, des vides lumineux, des boucles incertaines, des fentes, des yeux. Se dessinent les forces tantôt centripètes, tantôt centrifuges. Mâkhi Xenakis traduit le mouvant, le fluide, le flottant, les chances de la vie.
 
1. Mâkhi Xenakis est née à Paris. Elle y travaille et crée. Son père était le musicien Ianni Xenakis ; sa mère, Françoise, est journaliste, écrivain.
 
2. Mâkhi Xenakis a publié plusieurs livres aux éditions Actes Sud : Laisser venir les secrets (2008), Les Folles d’enfer de la Salpêtrière (2004), Parfois seule (1999). Et aussi Louise Bourgeois : l’aveugle quittant l’aveugle (1998). A New York, Mâkhi rencontre Louise Bourgeois qui la sauve ; Louise et Mâkhi sont devenues des amies, des soeurs.

« Je suis née » de Chantal Chawaf, en couverture de La Quinzaine littéraire (1er au 15 mai 2010) – Article de Laurence Zordan

jesuisnee.jpgLa Quinzaine littéraire du 1er au 15 mai 2010
 
Ciel tombeau par Laurence Zordan
 
Romans, Récits
Chantal Chawaf Je suis née
Ed. des Femmes/Antoinette Fouque, 563 p., 20 euros

 
Le ciel de la Seconde Guerre mondiale fut des plus meurtrier pour les civils. Horreur d’un mouvement ascensionnel dans le ciel de l’Holocauste (« vous aurez alors une tombe dans les nuages où l’on n’est pas serré »), ou au contraire létale avalanche, promesse de carnage par l’impitoyable chute des bombes atteignant parfois ceux qu’elles devaient libérer. En cherchant à frapper l’occupant, les avions alliés faisaient parfois des victimes collatérales. Cette expression volontiers employée aujourd’hui élude la chair et le sang. Le livre de Chantal Chawaf en restitue la vividité, cette impression qui persiste même lorsqu’on l’on referme l’ouvrage, même lorsqu’on lève les yeux, selon l’image d’Yves Bonnefoy, ajoutant que c’est alors le moment où le lecteur, encore habité par sa lecture, la noue à sa propre existence. A quoi nous fait naître Je suis née ? Peut-être à une « poéthique » du ciel, à une poésie signant la quête de vérité, l’éthique d’une pure authenticité.
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Je suis née n’est pas né d’emblée puisque c’est la réédition d’un livre débaptisé, Le Manteau noir, paru en 1998. En se dépouillant de ce titre-vêtement, à quelle nudité l’ouvrage accède t-il ? Dans Nudités, Giorgio Agamben rappelle que celle-ci est « quelque chose qu’on aperçoit », tandis que l’absence de vêtements passe inaperçue. Quelle part d’inédit perçoit-on en 2010, qui échappait en 1998 ?  De quoi était recouvert le texte, il y a plus de dix ans ? La référence théologique du philosophe souligne qu’avant la chute, l’homme existait pour Dieu de manière telle que son corps, même en l’absence de vêtement, n’était pas nu. Ce « ne pas être nu » du corps humain, même en l’absence apparente de vêtement, s’explique par le fait que la grâce surnaturelle entourait la personne humaine comme un vêtement.
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Appliqué à une théorie de la littérature, cet accent mis sur le « vêtir » pourrait suggérer qu’il faut affronter un dénudement d’après les interprétations estampillées, telles que « écriture féminine ». Je suis née fait naître à d’autres interprétations du Manteau noir. « C’est après avoir choisi avec enthousiasme le titre qu’Antoinette Fouque me proposait à la place de celui de la première édition de ce texte, que j’ai eu l’idée de relire mes écrits d’enfant », confie l’auteur dans une préface, montrant que se dessine alors une réinterprétation allant au-delà d’une simple rétrospection. Une élucidation ne se ramène pas à une évocation. Je suis née refuse le verrouillage interprétatif qui se voudrait définitif. « Penser n’est pas posséder des objets de pensée, c’est circonscrire par eux un domaine à penser, que nous ne pensons donc pas encore », écrivait Merleau-Ponty.
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En cette échappée vers l’encore-à-penser nous ouvre à des correspondances, à des résonances. L’illustration de couverture, la Vénus de Lespugue, fait songer au poème que Robert Ganzo lui a consacré : « …Ton torse lentement se cambre et ton destin s’est accompli. Tu seras aux veilleuses d’ambre de notre asile ensevelie, vivante après nos corps épars, comme une présence enfermée, quand nous aurons rendu nos parts de brise, d’onde et de fumée ». Présence maternelle qui survit à la mort, même lorsque la femme enceinte est tuée sous les bombardements, même lorsque l’enfant naît par césarienne d’une mère défunte. Et Chantal Chawaf raconte l’histoire de l’enfant funéraire qui porte en elle la clarté miraculeuse d’une vie réchappée des bombes.

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Je suis née devient ainsi « je suis née » de la mort. Le titre est talisman, magie qui écarte les puissances mortifères. Le titre est aussi témoignage, il prend à témoin, il est le faire-part qui annonce l’inconcevable. Mais il est aussi référence non dite au « j’étais né » de Romain Gary dans La Promesse de l’aube : « Un matin, au retour d’une mission particulièrement animée – nous faisions alors des sorties en vol rasant, à dix mètres du sol, et trois camarades étaient allés ce jour-là au tapis – je trouvai le télégramme d’un éditeur anglais m’annonçant son intention de faire traduire mon roman et de le publier dans les plus brefs délais. J’ôtai mon casque et mes gants et restai longtemps là, dans ma tenue de vol, regardant le télégramme. J’étais né. »
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Naissance à l’écriture grâce à la reconnaissance éditoriale, pour l’aviateur, héros de la France libre. Naissance à l’écriture de l’orpheline de guerre, dont les parents ont péri… à cause des avions. Funeste chassé-croisé, où l’aviateur ôte son casque et ses gants, tandis que l’enfant est « ôtée » du ventre de la mère. Naissance à une étincelante mystification, avec le « j’étais né » qui fera naître d’autres « je », comme celui d’Emile Ajar. A l’inverse, naissance à une volonté de vérité qui s’emploiera à dénoncer la mystification entourant le bébé adopté illégalement. Quête de vérité, enquête, afin de mettre au jour la falsification de l’acte de naissance prétendant que l’enfant a été abandonnée, tuant ainsi une seconde fois ses vrais parents. Si l’oeuvre de Gary ouvre à un « je » légendaire, celle de Chantal Chawaf semble esquisser un « je » légataire, bénéficiaire d’un legs dont on a voulu le spolier, cette « origine qui, du fond de la mort, même inaccessible au cerveau, persiste à briller dans l’obscurité ».
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Authenticité face à tous les faussaires qui parlent la langue de l’Occupation : « On administre les morceaux de chair morte, informe. L’Etat français tente de se donner une contenance à travers le travail de ses fonctionnaires. Les enquêtes, les procès-verbaux, les compte-rendus écrits s’accumulent après chaque bombardement. L’Etat maintient l’ordre… Il rédige, il légalise les êtres humains, les viscères arrachés. On traduit en langue administrative, en rapports adressés à la police d’Occupation le peuple des morts. » La langue de l’auteur refuse cette langue-là, préfère le mutisme face à la gouaille de la mère adoptive, se révèle réticente à emprunter les chemins du témoignage. L’écriture de Chantal Chawaf n’est pas « mémorielle ». Elle n’a pas vocation à se satisfaire du devoir de mémoire. Se borner à écouter ceux qui témoignent n’étanche pas la soif de vérité : « pour elle, la guerre, ce sont des parents tués, elle veut voir la guerre avec les yeux qu’elle a pour imaginer ses parents ; elle doit chercher à voir, elle doit se donner du mal pour voir… Il ne suffit pas d’écouter ».
***
Cette exigence soustrait le livre à l’emprise de l’écriture du moi. Se distinguant de l’autobiographie, dont on a pu dire qu’elle se voulait explicative et unificatrice, il s’agit plutôt de rassembler des fragments, des bribes. Chantal Chawaf ne cède pas aux tentations de l’autofiction voulant que l’on mette sa vie en récit. Ou, si mise en récit il y a, elle regarde vers le ciel et non vers le nombril. Elle continue à élucider la phrase énigmatique de Kafka : « Les corbeaux affirment qu’un seul corbeau pourrait détruire les cieux. Cela est indubitable, mais ne prouve rien contre les cieux, parce que les cieux n’ont d’autre signification que l’impossibilité des corbeaux. » L’impossibilité des corbeaux peut signifier que l’abri utérin est plus fort que tous les blindages, protégeant l’enfant à naître, alors que tout n’est que déflagration autour d’elle. La guerre comme expérience intérieure, intitulé d’un opuscule d’Ernst Jünger : Je suis née donne un sens non militariste à un tel énoncé.

Antoinette Fouque invitée sur France Culture par Laure Adler (émission Hors-Champs du 23 avril 2010)

licra1.jpgAntoinette Fouque sur France Culture !

invitée de 22 h 15 à 23 h par Laure Adler

Vendredi 23 avril 2010. A réécouter ICI.

> Laure Adler

Dans le dernier film « Etreintes brisées » de Pedro Almodovar, Harry découvre en regardant la photo d’une plage immense et déserte en hors-champs un couple qui s’embrasse. Ce hors-champs va lui permettre de regarder autrement les autres.

Hors-champs : invitation au voyage, découverte d’itinéraires, tentative de comprendre ce qui fait évoluer, émouvoir, rêver des personnes du monde artistique, culturel et humanitaire qui sont hors-champs, c’est-à-dire hors promotion culturelle et qui ne sont pas sous les feux et les lumières de l’actualité.

 

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le générique de l’émission
« Dot », extrait de l’album de Gonzalès intitulé Solo piano

L’équipe

Production : Laure Adler

Réalisation : Brigitte Bouvier et Christine Diger

Attachée de production : Catherine Parent

Collaboratrice spécialisée : Laetitia Cordonnier

Cofondatrice du MLF, psychanalyste, éditrice, femme politique, écrivain, fondatrice et présidente de plusieurs organismes, directrice de recherche à l’université, ancienne députée européenne, elle est l’une des figures intellectuelles et historiques de notre temps.

Ses positions originales sur
la différence des sexes et ses concepts, tels la libido creandi, le matérialisme charnel, la géni(t)alité des femmes, enrichissent la psychanalyse et les sciences humaines, économiques et politiques.

En associant procréation et libération des femmes, elle a promu un modèle de société réellement hétérosexuée et paritaire.

 

Après avoir co-fondé le Mouvement de Libération des Femmes, et créé la pratique Psychanalyse et Politique, en 1968, elle a fondé et dirigé successivement :

          les Editions Des femmes (1973), première maison d’édition de femmes en Europe

          les librairies Des femmes (1974,1976,1977)

          des publications : Le Quotidien des femmes (1975), des femmes en mouvements (mensuel puis hebdomadaire, 1977-1982)

          l’Institut d’Enseignement et de Recherches en Sciences des Femmes et le Collège de Féminologie (1978) (champ qu’elle a fondé pour donner sa place à l’expérience spécifique des femmes dans l’élaboration des connaissances)

          l’Alliance des Femmes pour la Démocratie (AFD) (1989)

          l’Observatoire de la misogynie  (1989)

          le Club Parité 2000 (1990)

          l’Espace Des femmes – édition, librairie, galerie – (2007), un lieu de rencontres et de débats dédié à la création des femmes.

 

Élue au Parlement européen de 1994 à 1999, elle a siégé aux Commissions des Affaires Étrangères, des Libertés Publiques et des Droits de la Femme (Vice-présidente).

 

Elle a pris la défense des femmes en danger dans le monde entier : Eva Forest (1975), Aung San Suu Kyi, qu’elle a rencontrée en 1995 à Rangoon, après avoir publié son livre Se libérer de la peur en 1991, Leyla Zana (1994), Taslima Nasreen (1994), les infirmières bulgares (2006)…

 

En Californie, elle a présidé l’Alliance Française de San Diego (1985 – 1988), et le secteur international du Women’s International Center  (1985-1988).

 

Elle a représenté la France et l’Union européenne aux Conférences des Nations Unies du Caire (1994), de Pékin (1989) et d’Istanbul (1996), et participé en tant que Présidente de l’AFD à celles de Rio (1992), de Vienne (1993) et de Copenhague (1995), oeuvrant à la pleine intégration des droits des femmes dans les droits de la personne humaine.

 

Elle est membre de l’Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes depuis 2002.


Elle est l’auteure de:

Il y a deux sexes. Essais de féminologie (Gallimard-Le Débat, 1995 ; deuxième édition revue et augmentée, 2004 )

–  Gravidanza. Essais de féminologie II  (Des femmes, 2007)

Génération MLF – 1968-2008 (sous sa direction) (Des femmes, 2008)

Qui êtes-vous, Antoinette Fouque ? (entretiens avec Christophe Bourseiller, Bourin éditeur, 2009)

Le bon plaisir, 3 CD à partir d’une émission de France-Culture réalisée par Françoise Malettra (Des femmes, 1990).

 

Elle a réalisé un film : Sonia Rykiel, Rhapsodie in black (50 mn, projeté en 2008 au Musée des Arts Décoratifs).

 

Ses travaux et créations font l’objet d’ouvrages et de recherches dans plusieurs pays, et notamment :

– d’un livre, Penser avec Antoinette Fouque (Des femmes, 2007) qui rassemble des contributions de Alain Touraine, Charles Juliet, Jean-Joseph Goux, Chantal Chawaf, Laurence Zordan…

– d’un film, Antoinette Fouque, Qu’est-ce qu’une femme ?, un portrait réalisé par Julie Bertuccelli pour l’émission Empreintes, diffusée sur France 5 et Arte (2008).

 

Titres universitaires et formation _________________________________

Licence de Lettres Modernes à Aix-en-Provence

D.E.S. de Lettres Modernes à Paris-Sorbonne

D.E.A. avec Roland Barthes à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes

Formation psychanalytique avec Jacques Lacan, Ecole freudienne de Paris

Doctorat en Sciences Politiques (André Demichel, Paris 8)

Habilitation à diriger des recherches (Paris 8)

 

Décorations ________________________________

Commandeure de la Légion d’Honneur (juillet 2006)

Commandeure des Arts et des Lettres (juillet 2009)

Lecture de l’oeuvre de Mâkhi Xenakis par Dominique Frot, jeudi 27 mai à 19 h

Dans le cadre de l’exposition « Elles nous regardent… » prolongée jusqu’au 30 mai 2010, nous vous proposons une Lecture le 27 Mai 2010 à 19 heures, par la comédienne Dominique Frot de deux nouvelles du livre de l’artiste Mâkhi Xenakis : « Laisser venir les secrets » publié aux éditions Actes-Sud. à l’Espace-Galerie des Femmes-Antoinette Fouque, 35 rue Jacob, 75006 Paris.
d frot envoi.jpgDominique Frot, Après une double formation, celle du Conservatoire national d’Art Dramatique de Pariset celle de l’Ecole Normale supérieure Musique de Paris, Dominique Frot a travaillé au théâtre avec Gilles Dao, Luc Bondy, Peter Brook, François Verret, Thomas Ostermeier, Claude Regy, Robert Wilson, Serge Valletti, Hubert Colas, Pascal Rambert, Xavier Marchand, Jean-Claude Fall, François Orsoni…
 
Au cinéma, elle vient de terminer le tournage de « L’Ecureuil et la couleuvre », réalisé par Laurent Heyneman, qui sera prochainement diffusé sur France 2 et celui de « Les mains libres » réalisé par Brigitte Sy qui sortira le 16 juin prochain. Elle intervient dans « Le Père de mes enfants » réalisé par Mia Hansen-Love, sur un scénario inspiré de la vie de Humbert Balsan, producteur français. Ce film obtint le prix spécial du jury à la sélection officielle du festival de Cannes 2009. Il sortira prochainement en France, en Allemagne et aux USA. Enfin, sortie le 13 octobre de « elle s’appelait Sarah » réalisation Gilles Paquet-Brener. http://www.dominiquefrot.com/ 
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Mâkhi Xenakis est née à Paris, où elle dessine, sculpte et écrit. En 1987, lors d’un séjour de deux ans à New-York, elle rencontre Louise Bourgeois et publie, en 1998, la première édition du livre, Louise Bourgeois, l’aveugle guidant l’aveugle. Elle expose régulièrement son travail de dessins et de sculptures. Ses autres livres : Parfois seule, Laisser venir les fantômes, Les folles d’enfer de la Salpâtrière et Laisser venir les secrets sont publiés aux éditions Actes Sud. Ses dessins et ses sculptures figurent dans des collections publiques tel que le FNAC, le centre Pompidou, la manufacture de Sèvres, la Bibliothèque nationale de France, le Fond municipal d’art contemporain. Expositions récentes : Collection Florence et Daniel Guerlain, Musée des Beaux-Arts de Besançon, Beautés monstres, musée des Beaux-Arts de Nancy, elles@centrepompidou, Paris. http://www.makhi-xenakis.com/

 

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A propos du livre « Laisser venir les secrets » : Quand Mâkhi Xenakis s’est-elle autorisée à écrire ? On voudrait que ce soit quand Louise Bourgeois lui a donné comme viatique son poème « Ce qui compte, ce n’est pas ma voix, c’est ta voix ». En tous cas, Louise Bourgeois, l’aveugle guidant l’aveugle fut son livre fondateur. Un premier texte, La Petite Fille, ouvre Laisser venir les secrets.. Une petite fille qui veut ici exorciser « sa tête de cheval », qui sait que pour s’échapper de ses terreurs, de ses fantômes, elle devra d’abord se laisser dévorer par eux. Suit Jalousie. Texte violent et brutal d’une femme blessée qui tente d’échapper à la douleur en cernant au plus près la sensation de la jalousie. Depuis Les Folles d’enfer, Mâkhi Xenakis s’est inventé à son propre usage une nouvelle forme d’écriture : une prose scandée
non ponctuée. Dans ces deux textes qualifiés par elle de textes de douleur, Mâkhi Xenakis fait de nouveau entendre la singularité de sa voix dans toute sa plénitude. Des oeuvres graphistes de l’auteur ponctuent le livre et nous dévoilent les liens cachés qui unissent écriture et dessin où peur, vertige et force de vie sont prégnants chez elle depuis toujours. Michel Parfenov, juin 2009.
Xenakis002.jpgA l’occasion de son exposition à la galerie des femmes, Mâkhi Xenakis présente des sculptures récentes, ainsi que plusieurs séries de dessins et de gravures réalisés entre 1988 et 2010. Les livres écrits par Mâkhi Xenakis et édités aux éditions Actes Sud sont également présentés ainsi qu’une vidéo qu’elle a réalisée lors de son travail sur les folles d’enfer de la Salpêtrière en 2004.
 

 

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Texte de la conférence de Mâkhi Xenakis donnée à la Nouvelle Orléans lors d’un symposium sur Joan Mitchell

Texte de la conférence de Mâkhi Xenakis donnée à la Nouvelle Orléans lors d’un symposium sur Joan Mitchell


« IL y est question de création, d’exile, de maternité … aussi de Louise Bourgeois et  … de père…. » M.X.

 

1.jpgJ’aimerais d’abord vous remercier pour ce grand honneur que vous me faites en m’invitant à participer à ce Symposium sur Joan Mitchell aujourd’hui. Je suis à la fois très fière et très impressionnée. Je voudrais m’excuser aussi pour mon mauvais accent et mon pauvre vocabulaire…

 

Je dois dire qu’au départ je croyais avoir été invitée uniquement comme amie artiste de Joan Mitchell. Mais, quand j’ai reçu le programme, j’ai réalisé que j’étais supposée parler pendant une heure !… Je dois dire que mon premier souhait fut de « disparaître dans un silence complet». Comme l’aurait dit Louise Bourgeois dans un livre qu’elle publia en 1947…

 

Et puis, mes proches me dirent que je ne devais pas être inquiète, que ce qui serait intéressant c’est que je donne mon regard justement non pas de spécialiste de l’art abstrait Américain, ce que je ne suis pas, mais plutôt d’amie de Joan, d’artiste avec mes émotions et mes propres critères. Je me suis alors dit que même si ma rencontre avec Joan avait été relativement brève dans le temps, elle fut suffisamment enrichissante et déterminante pour moi pour que je tente de redonner un peu de ce qu’elle m’avait appris avec l’énergie qu’elle m’avait donnée…

 

Peut être que je pouvais essayer de faire réapparaitre aujourd’hui la Joan solaire et unique que j’avais rencontrée. Comme j’avais fait apparaître Louise Bourgeois dans le livre que j’ai écrit sur elle : « The blind leading the blind » en 1998. Et comme j’avais fait également apparaître mon père, dans le livre que j’ai écrit après sa mort : « Laisser venir les fantômes » en 2001.

 

2.jpgParler aujourd’hui de Joan me fait prendre conscience de l’importance que cette rencontre fut pour moi et comme elle fut déterminante dans ma vie future. Trois personnes influèrent de manière capitale ma vie d’artiste. Trois grands artistes qui ont de nombreux points communs.

Le premier fut mon père, le compositeur de musique Iannis Xenakis qui me donna la vie… et qui malgré lui me fit comme l’on dit en Français « tomber dans la marmite de l’art»

 

La seconde fut Louise Bourgeois, que je rencontrais lorsque je vivais à New York en 1987 et 1988. Et qui me sauva la vie… en me donnant l’autorisation de m’accepter et de me construire dans mon art.

 

La troisième fut Joan Mitchell qui me montra le chemin pour m’installer dans ma vie d’adulte femme et artiste en France…

Je vais être amenée à parler d’eux trois, non pas parce que je n’ai pas assez de choses à dire sur Joan… mais parce que j’ai l’impression que si j’utilise ce « fil conducteur » de mes souvenirs entre ces trois artistes, à propos de certaines questions que j’ai abordé avec eux je pourrais peut être m’approcher plus facilement des secrets et de l’universalité de l’art …

 

Ce qui est certain c’est que je crois n’avoir jamais retrouvé chez aucun autre artiste qu’eux trois ce tel charisme, cette telle soif de découverte, cette telle lucidité permanente du temps qui passe…. Cette telle exigence d’authenticité tant pour eux mêmes que pour les autres. Pour l’instant allons vers les paroles de Joan Mitchell quand elle parle de sa peinture.

 

 

 

 

3.jpgQuand elle dit : «  Si une peinture est bonne il n’y a rien à en dire »…

On se dit qu’elle a raison, que le choix d’un mot au détriment d’un autre en réduit souvent déjà le sens et ne montre plus qu’un seul aspect du travail…

Que justement si l’artiste choisit de sculpter de peindre ou d’écrire une musique c’est parce que les mots, le langage ne convenait pas à ce qu’il avait à exprimer.

Alors, que dire de plus sur ses peintures ?….

Elle dit aussi ; « Peindre, c’est une manière de se sentir vivre »

 

« Sentir, exister, vivre, je pense que c’est la même chose, mais la qualité n’est pas la même. Exister c’est la survie, cela ne veut pas nécessairement dire sentir. Vous pouvez dire bonjour et bonsoir. Sentir c’est quelque chose de plus, ce n’est pas simplement survivre.

 

Si on se plonge dans les entretiens qu’elle a eus avec Yves Michaux en 1986 en en 1989, dont ces citations sont extraites,  ou bien dans les films qui ont étés fait sur elle, on constate qu’elle cherche toujours l’authenticité et la simplicité d’une idée. Elle n’est jamais péremptoire ou didactique.

 Souvent, au début des entretiens, elle parle de ses chiens…  qui la regardent peindre, ou pour qui elle dit peindre…

Quand elle est plus en confiance, elle se met à parler de nature, de lacs, de champs, de musique, de poésie, de sensations, de lumières…

Elle dit que quand elle est en train de faire un tableau elle se sent protégée de l’idée du temps qui passe… Pour elle le temps qui s’écoule l’angoisse et lui fait penser à la fin, à l’absence à la mort.

 

 

4.jpgElle dit que c’est pour cette raison qu’elle a choisi la peinture. Pour elle, à part la photographie, toutes les autres formes d’expression artistique, que ce soit la musique, l’écriture, le cinéma, le théâtre… ont un début et une fin. A un moment cela s’arrête, Alors que la peinture est le seul lieu où elle se sent tranquille, heureuse parce que le temps ne s’y écoule pas de la même manière. Elle a l’impression que c’est elle qui contrôle le moment où cela doit s’arrêter et que tant qu’elle ne l’a pas décidé, la mort ne peut pas arriver…

Dans le film que Marion Cajori a fait sur elle juste avant sa mort, C’est impressionnant de voir à quel point Joan est émouvante et juste. Le
moment où
elle parle de Little Joan and Big Joan. Comment juste par les intonations de sa voix, les légers changements de son regard, nous voyons apparaître successivement la grande Joan et la petite Joan…

Avec cette simple image si poétique, elle décrit parfaitement la dualité incontournable dans laquelle l’artiste se retrouve confronté ; D’une part celle de l’artiste dans son atelier, qui doit s’imposer une grande solitude pour aller vers cet inconnu qui ressemble souvent à un gouffre sans fond… Mais qui peut aussi brutalement devenir magique, s’éclaircir et donner quelque chose de vivant. C’est ce dont parle Joan quand elle dit qu’ « elle fait alors de la bicyclette sans les mains »… Mais aussi, l’artiste hors de son atelier qui doit passer du temps à prendre des décisions et à accepter de créer des liens sociaux et professionnels avec le monde extérieur.

Pour Joan Mitchell, L’abstraction n’est pas un style.

« Je veux simplement faire qu’une surface fonctionne. C’est juste une utilisation de l’espace et de la forme, une ambivalence des formes et de l’espace. Le style en peinture a à voir avec les étiquettes. Beaucoup de peintres sont obsédés par la volonté d’inventer quelque chose. Tout ce que je voulais c’était peindre. « J’avais une telle admiration pour les grands peintres. Si tu étudies de prés un Matisse, la manière dont la peinture est posée et la manière dont le blanc est mis. Moi je voulais poser la peinture comme Matisse. J’y ai travaillé dur il y a très longtemps. »

 

5.jpg

Et c’est vrai que si l’on va dans un musée et qu’au détour d’une salle, on découvre un Joan Mitchell, on peut ressentir la même impression que lorsque l’on se trouve devant un Matisse. Tout à coup le tableau nous attire par sa force, sa lumière mais aussi par son extrême fraicheur… Le tableau semble juste terminé. Contrairement à d’autres artistes, il n’appartient pas à une époque passée, on ne peut pas le dater, il est toujours d’aujourd’hui… La fluidité entre les couleurs, la liberté des touches, l’extrême sensibilité de chaque coup de pinceau nous laisse croire que le tableau respire… qu’il est vivant… et la jubilation nous envahie.

Pourtant, dans les peintures de Joan, au milieu de cette énergie vibrante, souvent, dans un coin du tableau, un orage s’apprête à gronder… Je vais tenter maintenant de la faire réapparaitre telle que je l’ai vue, par quelques souvenirs, quelques instants.

 

6.jpgLa première fois que j’ai rencontré Joan, c’était à l’école des Beaux Arts de Paris. Monique Frydman, une amie peintre commune faisait une présentation de son travail devant des étudiants. Nous étions plusieurs de ses amis à être venus la soutenir. Joan était là. Après la conférence, Nous nous retrouvions un petit groupe autour de Monique à boire un verre dans un café. J’étais assise juste en face de Joan. Nous commencions à discuter puis, Joan, quand elle apprit que j’étais artiste se mis à me poser des tas de questions. Je pensais à ma rencontre avec Louise Bourgeois, quelques années plus tôt à New York et aux questions un peu semblables qu’elle me posait quand je lui disais que j’étais artiste. Je sentais que je devais faire attention à tout ce que je disais…Et puis tout d’un coup je ne sais plus comment, elle comprit que mon père était le musicien. Elle semblait bien connaître ce domaine.

 

A mon grand étonnement et contrairement à la réaction habituelle en France, elle me regarda très intensément avec beaucoup de compassion. Elle me dit que cela devait être terrible d’avoir un père comme celui là, à la fois, à cause de la réaction des autres mais aussi parce qu’il devait avoir une très forte personnalité et que je devais certainement avoir beaucoup de mal à me faire ma propre place… Elle semblait vraiment bouleversée par cette découverte et me dit qu’elle voulait mieux me connaître et découvrir mon travail. Elle avait envie de savoir comment je me débrouillais avec ce grave problème…

J’étais d’autant plus stupéfaite que j’avais appris à éviter de parler de mon père et à ne jamais aborder la question dans ce genre de discussions. Surtout en France et à cette époque là, dans les milieux artistiques, c’était très mal vu d’être l’enfant de quelqu’un de célèbre. Mon père à cette époque était très connu dans les années 70, 80 il faisait figure de « musicien révolutionnaire »…Mais la réaction des gens à mon égard depuis mon enfance étaient plutôt de l’ordre de la suspicion : « Elle est une « fille à papa »… elle doit être snobe… prétentieuse… idiote…. » ou alors les gens s’adressaient à moi, comme « passeuse » d’un message que je devrais transmettre à mon père, ne cherchant pas une seconde à savoir si je voulais bien remplir ce rôle et quel type de personne je pouvais être par ailleurs. Donc j’avais pris l’habitude de mentionner le moins possible mon nom et ne jamais aborder cette question. Et pour la première fois ce soir là, à 35 ans, je rencontrais Joan Mitchell qui en quelques secondes semblait tout comprendre et voulait avoir une conversation normale et intéressante sur ce sujet… Soudain tout devenait simple…

Ce souvenir montre comme Joan, était particulièrement différente et sensible, Comme elle avait ses propres jugements et n’était pas influencée par l’esprit bien pensant ambiant Parisien…

 

8.jpgPeu de temps après, elle vint me rendre visite chez moi. Elle était accompagnée d’un jeune artiste. Après leur avoir fait visiter l’endroit où je vivais, je les emmenais dans mon atelier. Après un moment, ce jeune artiste commença à me dire ce qui était bien et ce qui ne l’était pas dans mon travail. Il se mit avec beaucoup de mots à m’expliquer ce que je devrais laisser de côté et ce vers quoi il fallait mieux que j’aille. Il semblait persuadé de connaître la vérité. J’avais un peu envie de lui dire qu’en fait je m’en fichais de ce qu’il pensait et que j’aurais vraiment préféré entendre les réactions de Joan…

Joan le laissait parler et puis au bout d’un moment elle lui coupa la parole : « Et comment
peux tu être sur que tu as raison quand tu dis ces choses là ? Pourquoi est ce
que tu saurais mieux que Mâkhi ce qu’elle à a faire ? »

« Qu’est ce qui te permet de juger tout ça avec tous ces mots ?… » Notre ami se tut un peu vexé… Alors, elle se leva regarda attentivement tous les dessins accrochés au mur, se mit à me poser des questions, me fit parler un peu puis dit qu’elle se sentait bien dans l’univers de mon travail mais que cela lui était difficile d’expliquer pourquoi. A cette époque mes dessins se transformaient constamment, je faisais des nids qui devenaient des araignées qui devenaient des visages… A un moment, elle me dit : « tu vois, j’aime bien tes têtes et leur regard parce qu’ils me font penser à mes chiens …. » Je ne connaissais pas encore bien la vie de Joan et son attachement à ses chiens mais je fus remplie de joie quand elle me dit ça. C’était pour moi un très grand compliment…

 

7.jpgLa question de ce que l’on dit devant un travail amène à parler de ce que l’on dit aux élèves dans l’éducation artistique en général. Et Joan raconte la même chose, quand, jeune femme voulant être artiste, elle entra dans une école d’art et découvrit les professeurs lui dire « tu dois faire ça, tu ne dois pas faire ça »… Elle raconte alors, tout simplement comment elle partie de l’école, se mit à voir des expositions, à rencontrer des artistes et finalement après avoir découvert leur travail, chercha à rencontrer De Kooning et Kline qui à l’époque n’étaient pas du tout connus. Cette question du parcours qu’un jeune artiste est supposé suivre pour se construire est une question que nous abordions souvent avec Joan. Je crois qu’elle retrouvait certaines similitudes dans nos parcours et dans la relation que nous entretenions avec l’autorité de nos pères… Elle aimait me faire parler de mon enfance et essayait de comprendre pourquoi mes parents ne parvenaient pas à accepter que je devienne moi même une artiste. Déjà petite fille, je passais mon temps à peindre et à dessiner mais mon père avait décidé que je serais une grande mathématicienne. Il refusa que j’aille à l’école des Beaux arts. Il disait que je n’avais qu’à apprendre l’art toute seule que ça n’était pas dans les écoles que l’on pouvait apprendre ce genre de choses. Par contre, étudier les Mathématiques, ça c’était indispensable!… J’ai tenté de faire ce qu’il voula
it… Mais au bout de quelques années, je sentis que je
ne m’étais pas bien construite; j’étais restée dans une peinture trop Française trop Européenne, j’avais besoin de me nourrir d’un art plus libre, plus contemporain…

C’est comme ça que je suis partie avec David à New-York en 1987. Pendant un an, je m’identifiais aux voitures que l’on nettoie avec ces énormes brosses bleues mécaniques totalement déchainées!…. Qu’elle liberté incroyable dans tout cet art que je découvrais enfin… De Kooning, Rothko, Newman… Joan Mitchell.

 

10.jpgPendant un an je détruisais tout ce que je faisais, j’étais dans un état de grande dépression. Et puis, j’ai découvert, le travail de Louise Bourgeois et cela a été un choc énorme.

J’avais l’impression que chaque nouvelle œuvre que je découvrais m’aidait à me reconstituer, à retrouver mon centre de gravité…

J’ai cherché à la rencontrer et c’est comme ça qu’elle m’a effectivement sauvé la vie en acceptant ce que j’étais et en m’aidant à trouver mon chemin… Louise Bourgeois aussi aimait parler de l’enfance et des pères…

Joan et Louise avaient cette même faculté à s’intéresser aux autres, à leur parcours. Toutes deux étaient d’une grande curiosité même pour des sujets qui pouvaient être éloignés de leurs préoccupations. Par exemple, l’une comme l’autre aimaient avoir de longues conversations sur les sciences et la médecine avec David qui est un scientifique. Elles pouvaient toutes les deux être très sociable si elles se sentaient en bonne compagnie mais elles pouvaient aussi interrompre une entrevue brusquement si quelqu’un les énervait.

 

11.jpgQuand nous avons décidé avec David de rentrer en France, en 1989, j’étais très triste de perdre cette véritable amiti
é que j’avais avec Louise… Ce fut un véritable miracle
pour moi de retrouver aussi vite une personne aussi forte et talentueuse que Joan qui acceptait une nouvelle amitié ….

 

14.jpgA 65 elle était toujours très curieuse de rencontrer des nouvelles personnes. Je me souviens qu’après quelques semaines, nous avions vraiment l’impression de faire partie de son groupe d’amis proches. Elle aimait particulièrement les jeunes artistes, particulièrement les jeunes femmes artistes. Joan aimait aussi nous inviter chez elle, à Vétheuil. A cette époque, j’avais l’habitude d’occuper notre fils Ulysse, de deux ans et demi, en lui donnant du papier et des crayons de couleurs. Il passait son temps à recouvrir des feuilles blanches de grands traits colorés et abstraits, on peut dire que cela faisait un peu penser aux dessins de Joan Mitchell…

 

17.jpgJoan semblait très amusée et intéressée par l’activité d’Ulysse, au bout d’un moment, elle se mettait à côté de lui et se mettait à dessiner aussi. Immanquablement, Ulysse au bout d’un moment, voyant les dessins de Joan, lui disait moitié sérieusement moitié en plaisantant : « Mais non, ça n’est pas comme ça que tu dois faire, regardes comme je fais ». Joan n’était pas seulement amusée par la situation, on avait l’impression qu’elle cherchait sérieusement à desceller quelque chose d’important…

 

A quel moment quelques coups de pinceaux ou de crayon deviennent ils de l’art et à quel moment cela reste il un joli dessin d’enfant ?…

 

16.jpgTous les enfants de cet âge dessinent ce genre de dessins avant de se mettre à représenter des personnages ou des animaux. Ces dessins ont en eux une grande liberté, qui sera perdue quelques années plus tard par l’école et les conventions, mais ces dessins n’expriment pas grand chose sur nous même ni sur le monde…

Joan non seulement avait réussi à retrouver cette liberté de l’enfance mais elle était nourrie de toute une vie de réflexions et de travail acharné quotidien… Entre les dessins automatiques de ce petit garçon de deux ans et ceux rayonnants de vie et de maitrise de Joan, une vie entière de création acharnée les séparaient…

 

15.jpgIl y a le travail de maitrise physique, où le corps et la main parviennent de mieux en mieux à exprimer la volonté de l’artiste mais aussi tout le cheminement mental d’un être humain qui découvre son destin et l’inéluctabilité de la mort. Les dessins d’un enfant de deux ans, s’il n’a pas vécu de traumatisme majeur sont dans l’instant de vie pure, dans l’insouciance du futur et donc de la mort. Joan, elle s’en rapprochait de plus en plus, nous sommes en 1992, elle disparaîtra en octobre de cette même année.

Tous les dessins, toutes les toiles réalisés lors de cette dernière année rivalisent chacun en maitrise, en liberté, en énergie et en couleur. Ils ont en eux à la fois, la gravité terrible de la mort et la sensation de ces instants de vie qui bientôt ne seront plus.

Joan parlait de la mort, sentait que sa maladie l’en rapprochait de plus en plus sans pour autant, à part les dernières semaines, savoir qu’elle serait si proche.

Est-ce pour cette raison que ses dernières œuvres semblent si vivantes, si libres ? Contrairement à d’autres artistes qui sentant la mort venir se laissent engloutir par elle et laissent leur œuvre s’en absorber. Joan semblait par la vie et la lumière qui émanaient de ses dernières œuvres se battre dans un corps à corps sans merci avec elle. Comme ci, tant qu’elle dessinerait elle tiendrait la mort à distance, elle la déjouerait …

La mort a fini par gagner la partie mais ses œuvres sont là, éclatantes, éternelles et plus vivantes que jamais.

Comment ne pas s’arrêter en silence devant un des derniers tableaux de Joan intitulé, justement « Merci »…

 

der.JPGJ’aimerai reprendre quelques souvenirs croisés sur une question qui me préoccupait beaucoup à cette époque ; la question d’avoir des enfants quand on est une femme artistes…

J’aimerais d’abord revenir sur ce que m’a dit mon père puis sur ce que m’a dit Louise Bourgeois par rapport à cette question. Mon père qui, comme je le disais précédemment a dédié sa vie à la musique me disait toujours, lorsque j’étais petite fille, avec son autorité naturelle… que je devrais rester indépendante, faire des mathématiques, avoir beaucoup d’amants et ne jamais avoir d’enfants…

 

13.jpgIl prônait un modèle d’artiste que l’on retrouvait beaucoup dans sa génération. Mon père est né en 1922. Joan elle est née en 1925. Devenus adultes juste après la guerre, ils durent reconstruire leur vie avec des nouvelles règles, des nouvelles lois et un désir de liberté et d’indépendance impétueux. Surtout chez les jeunes artistes, La notion de famille devenait démodée, caduque. Elle était réservée aux « bourgeois » et le fait de faire des enfants était synonyme de régression et d’aliénation.

Une des premières grandes désobéissances que je fis à mon père quand j’avais 18 ans fut de tomber follement amoureuse d’un jeune homme ; David.

 

J’avais bien sur le droit de coucher avec qui je voulais mais il ne fallait pas que ce soit avec le même… Alors je me suis mise à lui mentir et à m’inventer des tas d’amants. Bien plus tard, au grand désespoir de mon père, je partis vivre avec David à New York pour deux ans. Nous commencions à construire notre vie d’adultes, nous avions une trentaine d’années. David qui ne venait pas d’une famille d’artiste me disait de plus en plus souvent qu’il souhaitait avoir des enfants. Pas un enfant, des enfants…

Et moi, même si je me disais que je n’avais « pas le droit de faire des enfants », je commençais à en avoir de plus en plus envie… A cette époque, Je voyais très souvent Louise Bourgeois dans sa maison de New York. J’avais la chance, de la voir à une période de sa vie où elle était très disponible et où l’on pouvait passer des heures avec elle à discuter de tas de choses passionnantes.

 

 

 

 

 

 

 

 

25.JPGLouise est née en 1911. Elle rencontra Robert Goldwater vers l’âge de 26 ans. Il vivait et travaillait à New York, elle décida de l’épouser et de le suivre. Avant de tout quitter pour partir vivre à New York, et ne parvenant pas à être enceinte, elle adopta un petit orphelin français… Peu de temps après son arrivée elle tomba enceinte de Jean-Louis puis de Alain. C’était très rare à cette époque qu’une femme artiste ait 3 enfants. Un jour, alors que nous parlions toutes les deux depuis des heures, je me lançais et lui posait la question : « est ce possible d’être à la fois une artiste et de faire des enfants ? » Elle me regarda avec grand étonnement, réfléchie puis me dit :

« Bien sur, c’est un don de soi de faire des enfants, cela demande beaucoup de temps beaucoup d’attention, mais jamais mes enfants ne m’ont empêché de travailler. Ca n’est pas ça qui empêche de travailler. Tout ça c’est des chis chis… Bien sur que vous pouvez faire de enfants et continuer de faire votre art…

Alors je lui ai fait confiance et un peu plus tard, Ulysse, notre premier fils est né.

 

18.jpgMaintenant nous arrivons à Joan, Un jour, probablement vers le mois d’avril 1992, nous étions chez elle, nous venions d’apprendre que j’étais de nouveau enceinte. Non pas d’un enfant mais de deux enfants… des jumelles… Je dois reconnaître que je ne savais pas trop quoi penser. Quand nous avons annoncé la nouvelle à Joan, elle semblait très émue, très excitée. C’était surtout l’idée qu’il y ait deux bébés dans mon ventre qui semblait la fasciner le plus…

Au bout d’un moment elle me demanda ce que cela me faisait comme impression. En fait, tout était très confus pour moi, passer de un enfant à trois… et puis là je désobéissait franchement à mon père… Toutes les questions d’organisation du temps, de places…

 

19.jpgJe connaissais la vie de Joan et son choix, comme beaucoup d’artiste femme de cette génération elle avait consacré sa vie entière à son œuvre. J’avais peur qu’elle se désintéresse de moi comme artiste, qu’elle pense que j’allais tout abandonner… j’avais peur qu’elle ne m’aime plus… alors je lui ai répondu que j’étais inquiète, que j’avais peur de ne pas pouvoir continuer à peindre…

Elle a brandit sa canne dans les airs, s’est mise à la faire tournoyer violement et m’a regardée de manière furieuse !! « Comment peux-tu me dire, à moi, une chose pareille !!! Regardes moi, je suis seule, je deviens vieille, je bois et pourquoi ?… juste parce que je suis tombée amoureuse d’un homme qui ne voulait pas d’enfants, qui voulait être le seul dont je m’occupe !!! et moi ?….je voulais me consacrer uniquement à mon art, garder ma grande liberté !….

Et qu’est ce que j’en fais de toute cette grande liberté ?….

 

Une journée c’est énorme, il te suffit de bien travailler 3 ou 4 heures et ça va, ça suffit !! Tu peux accomplir ton œuvre !

Regardes moi, fais tes enfants, profites en, continues ton art et ne m’embête plus avec ces conneries !!

J’ai écouté Joan, je ne me suis plus jamais plainte, j’ai eu mes deux filles et je me suis épanouie dans mon travail et ma vie familiale.

 

20.jpgSi j’attache de l’importance à ces anecdotes et si je me permets de les mettre en avant c’est que je trouve qu’aujourd’hui encore dans le monde de l’art cette question reste trouble ; beaucoup de jeunes femmes artistes encore aujourd’hui suivent sans trop le savoir ce dogme encore puissant. Et bon nombre d’entre elles arrivées à un âge certain se retrouvent dans la même tristesse étonnée. Il n’est bien sur pas question pour moi de dire qu’une femme n’est accomplie que si elle fait aussi un enfant. De nombreux individus (homme ou femme) ont fait ce choix sans le regretter. Je trouve juste qu’une idée préconçue subsiste encore aujourd’hui et que le choix des femmes à ce sujet ne leur appartient pas encore forcément tout à fait.

 

Et ce, contrairement au monde des femmes écrivains, comédiennes ou musiciennes. J’aimerais revenir maintenant sur un autre point commun ; l’exil.

 

Tous 3 étaient des exilés, tous 3 disent avoir souffert de cet exile.

 

21.jpgEt pourtant, n’est ce pas ce déracinement forcé qui leur a permis d’acquérir une telle liberté, une telle indépendance par rapport aux conventions artistiques qui régnaient dans leur domaine.

 

Coupés de leurs racines, éloignés du confort d’être dans un pays familier où l’on parle sa langue maternelle. La bataille nécessaire pour se construire leur donna cette indépendance rare qui leur fit créer un art totalement singulier, unique que l’on reconnaît immédiatement sans hésitation.

 

Ce qui semble d’autant plus paradoxale c’est que pour construire cette œuvre unique et résolument novatrice, c’est en allant chercher leur racines perdues qu’ils l’ont trouvée… Cela dit, ces exils n’avaient pas les mêmes motivations… En ce qui concerne l’homme… il avait du fuir pendant la guerre son pays, parce qu’il était condamné à mort pour des raisons politiques. En ce qui concerne les femmes, elles ont chacune traversé l’océan pour vivre avec l’homme qu’elles aimaient…

En aucun cas ces exiles ne furent décidés de manière stratégique pour leur carrière.

 

22.jpgEn aucun cas ils ne se sont battus pour leur art pour des raisons stratégiques. Juste la nécessite de faire encore et encore une autre œuvre pour se sentir vivant. Mon dernier souvenir avec Joan est un souvenir particulièrement fort et émouvant. Nous nous sommes vues à Vetheuil avant l’été 1992. Mon ventre commençait à bien grossir, elle me demanda de la prévenir dés que mes filles naitrait, elle tenait à venir les voir très vite. L’été se passa et le 1er octobre mes filles naissaient. De la maternité j’appelais Joan qui avait une drôle de voix… Elle me dit qu’elle devait partir à l’hôpital mais que dés qu’elle serait de retour elle viendrait nous voir. Quelques jours plus tard nous apprenions qu’elle était hospitalisée à l’institut Curie et que les choses n’allaient pas bien.

Dés que j’ai pu confier pour quelques heures mes bébés, j’allais la voir à l’hôpital. A ma première visite, elle avait encore de l’énergie, elle parlait beaucoup, s’énervait même encore après les infirmières mais se réjouissait de pouvoir aller voir autant qu’elle le voulait une reproduction d’un tableau de Monet qui était juste dans le couloir devant sa porte…

 

23.jpgUn peu submergée par mes nuits blanches et tous mes bébés… je
ne suis retournée la
voir que quelques jours plus tard.

 

En entrant dans la chambre j’ai compris immédiatement, comme tous les gens qui venaient, que c’était bientôt la fin. Beaucoup de ses amis proches venaient et repartaient en silence, c’était un moment d’une profonde tristesse. Tout semblait suspendu, arrêté…

Longtemps je suis restée imprégnée de ce que j’avais vu en allant la voir à ce moment là ; J’étais stupéfaite de voir à quel point la mort, lorsqu’elle s’approche d’un vivant lui fait prendre les mêmes gestes, les mêmes expressions que ceux d’un nouveau né.

C’est difficile à décrire mais un bébé lorsqu’il vient de naître ne voit pas encore vraiment, il cherche plutôt une présence en dodelinant de la tête, sa bouche est encore comme celle d’un petit poisson, il la tortille et l’ouvre de manière maladroite… ses mains encore un peu recroquevillées s’approchent maladroitement de son visage… toutes ces attitudes, toutes ces images, je les retrouvais chez Joan qui les derniers jours était devenue inconsciente…Comme si la mort et la naissance se rejoignaient .

Comme si pour mourir, il fallait retrouver le corps et les gestes que l’on avait eus au moment de notre propre naissance …

Joan Mitchell la dernière personne qui m’avait aidée à me construire dans ma vie d’artiste disparaissait au moment même où mes deux filles naissaient…

C’est toujours après que l’on prend conscience de l’importance d’une rencontre. Je n’oublierais jamais à quelle point elle m’a nourrie et aidée à me construire, je n’oublierais pas non plus sa disponibilité, sa générosité et son talent.

 

24.jpgFrancis Picabia disait : « Pour que vous aimiez quelque chose il faut que vous l’ayez vu et entendu depuis longtemps, tas d’idiots »… Cela se confirme aujourd’hui pour l’œuvre de Joan, plus les années passent plus on voit ses tableaux irradier de vie, de force et de liberté.

Plus les années passent, plus les gens sont nombreux à réaliser à quel point ses œuvres sont majeures. Il est évident que Joan Mitchell comptera parmi les artistes les plus importants de sa génération. Et que ce moment que nous passons ces jours ci en sa compagnie et en compagnie de ses œuvres sont des moments importants et privilégiés…

 

Je vous remercie infiniment de m’avoir fait participer à ce symposium.

 

Je vous remercie. M.X.

Claudie Kibler cite Chantal Chawaf à propos de Serge Plagnol (La Marseillaise, 21 avril 2010)

cha.jpgLa Marseillaise Edition Le Varois
21 avril 2010
 
Devant un paysage immense et si beau, Serge Plagnol entouré de ses amis Alin Avila, M. Arada de la Galerie Area à Paris, Léo Trouillas, photographe, et Jean-Pierre Lebris.
 
Exposition. Le Toulonnais Serge Plagnol à la Villa Tamaris Pacha.
 
ITINERAIRE D’UN ARTISTE QUI AIME LA FORÊT
 
Que l’oeuvre ici accrochée est belle ! Elle habite l’espace naturellement, avec évidence.
 
Pour Serge Plagnol, toulonnais, il était important d’exposer en la Villa Tamaris Pacha, ce lieu mythique chargé d’histoire, de l’autre côté de la rade, où face à face Toulon et la Seyne regardent vers les Deux Frères, ces rochers si chers à l’artiste… « Je les avais peints lorsque j’avais quinze ans », déclare l’artiste.
 
Les oeuvres se côtoient « parce qu’elles entrent en vibration, sont en correspondance, et non pas parce qu’elles furent créées à la même époque ». Plénitude, harmonie, émotion…
 
« Je retrouve des oeuvres de collections privées que je n’avais pas vues depuis quinze ans ». Emu, l’artiste évoque avec tendresse et reconnaissance les articles remarquables qu’écrivit alors Louise Baron. Ce n’est pas une rétrospective mais un parcours de vingt ans que le visiteur découvre sur les trois niveaux.
 
Alin Avila est séduit par les « Paysages de Pan » qui se déploient sous ses yeux comme des fresques. En osmose avec l’oeuvre qui le renvoie aux sources de la vie, à l’essence même de l’univers, le passant contemple sans se lasser les « Veilleurs de nuit » que sont les cyprès, inscrits dans l’éternité, dont on perçoit la musique, les vibrations émises. Soudain apparaît un visage de femme, image transfigurée, subliminale, palimpseste : Serge Plagnol inscrit la mémoire d’une photo de sa mère retravaillée, à peine apparente, lointaine. « La peinture est porteuse de souvenir », dit l’artiste…
 
« La femme, l’arbre, pour Serge c’est la même chose », lance Alin Avila, ami d’enfance et collectionneur galeriste à Paris. « Sa peinture fait penser à l’origine de la vie, par cette présence obsessionnelle, presque hallucinée, du sexe de la femme, dans le geste visionnaire du coloriste, puissant dans son don d’alchimiste de désintégrer le dessin des formes. C’est là qu’il renoue, consciemment ou inconsciemment avec les origines de l’Art, de la peinture. Cette symbolique spiritualité fossile transmise par les premiers hommes, créateurs des mystérieuses figures paléolithiques représentant les signes couplés jusqu’à l’abstrait des organes masculins et féminins dans une célébration énigmatique de l’humanité, continue dans l’oeuvre de Serge Plagnol, descendant novateur de nos ancêtres magdaléniens », commente Chantal Chawaf, écrivain, dont le dernier ouvrage « Je suis née », sidérante immersion dans le monde des morts, vient d’être publié par Antoinette Fouque.
 
Paysage de la mer avec visage de la mère… Retour à l’essentiel, la vie, la mère qui donne la vie, la mer à Tamaris, source de vie, les arbres sans lesquels il n’y a pas de vie… D’où cette plénitude en contemplation. Le bonheur.
 
« Extraordinaire », commente Biel Genty, graveur. « Serge a tout de même exposé une centaine de toiles à l’Orangerie du Sénat. Ce n’est pas rien », s’exclame, admiratif, Pierre-Yves Lebris, cameraman.
 
Création de la vie, de l’Art, d’arbres indispensables à la vie qui dans l’oeuvre de Serge Plagnol sont habités d’une forte spiritualité.
 
Claudie Kibler Andreotti

Exposition « Ibiza Eterna », La sérénité retrouvée de Christine Spengler à l’Espace Cardin (23 avril au 2 mai 2010) – Projet d’un second livre aux éditions Des femmes-Antoinette Fouque en cours…

Christine Spengler présente : EXPOSITION et LIVRE à l’Espace CARDIN – 3, avenue Gabriel 75008 PARIS

« IBIZA ETERNA », LA SÉRÉNITÉ RETROUVÉE » – 23 AVRIL – 2 MAI 2010

« La déesse Tanit »

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Dans ce livre et cette exposition « Ibiza Eterna, la Sérénité retrouvée », mécénés par la Chambre de Commerce d’Ibiza et Formentera, Christine Spengler rend hommage aux îles de son enfance où elle revient après chaque reportage pour exorciser et oublier le bruit des guerres.

Ce livre d’auteur, où alternent des textes machine et des textes écrits de sa main, elle y rend hommage
à la déesse de l’île, Tanit, qui l’a toujours inspirée et laisse libre cours à son imaginaire pour recréer avec sa technique propre du photomontage l’Ibiza rêvée qu’elle a connu enfant.

 

« J’ai tenu à immortaliser les habitants des îles, des plus grands aux plus petits »…

Défilent ainsi sous nos yeux les paysages limpides et purs d’Ibiza et de Formentera, des « payesas » en robe de soie posant au bord des falaises, sur des rochers abrupts ou sur des moules géantes, entourées de cactus, de massifs d’hibiscus et de bougainvilliers violets et rouges.

Sur ses photos, des salamandres escaladent les tours puniques, un chien « podenco » descendant des Égyptiens, orné d’orfèvrerie locale…

 

cs3.jpg« Printemps à Dalt Vila »

C’est un hommage à la nature d’Ibiza et de Formentera qui est célébré ici, à leurs traditions, loin des images de nuits festives de ces îles….

Ce livre très personnel où l’on sent, comme dit Carmen Garrido, Directrice du Cabinet Technique du Musée du Prado, l’influence de Dali mais aussi de Jérôme Bosch – tableaux que Christine eut l’occasion de voir, toute petite, lors de ses visites au Musée du Prado où l’emmenait régulièrement sa tante Marcelle.

 

L’auteur dédie ce livre à sa mère, Huguette Spengler, l’artiste surréaliste qui lui parlait déjà de « Dali et de Gala » lorsqu’elle était enfant.

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« Miracle à Cala Xarraca » (Petite Vierge flottant)

 

Christine Spengler à propos de son livre :

” Je remercie Dieu d’avoir créé les îles magiques d’Ibiza et Formentera…où ne survivent pas les serpents mais
où fleurit l’amandier…”

 

Le livre sera disponible en service de presse fin mars 2010.

 

blog de Christine Spengler : christinespengler.blogspot.com

Fabienne Pascaud a remarqué dans Télérama le livre de H.D. (17 avril 2010)

pour-l-amour-de-freud,M36201.jpgQui est fasciné par l’inventivité, l’audace, la transgression permanente des nombreuses Américaines qui, de Gertrude Stein à Djuna Barnes, de Natalie Barney à Sylvia Beach, s’expatrièrent en Europe au début du XXe siècle (à Paris surtout et rive gauche…) pour y créer enfin en liberté ne manquera pas cet ouvrage de la méconnue poétesse imagiste et romancière avant-gardiste Hilda Doolittle (1886-1961). Tourmentée par une bisexualité trépidante, l’artiste y raconte son analyse avec Freud – alors âgé de 77 ans – à Vienne, en 1933, alors que Hitler vient de prendre le pouvoir. Et celui qu’elle appelle « papa » dans sa correspondance apparaît ici d’intime façon : au milieu de ses chiens, de ses antiquités égyptiennes, regrettant le temps qui passe et qu’Hilda le considère davantage comme sa mère que comme son père, lui qui se sent pourtant si « masculin »… Lumineusement préfacé par Elisabeth Roudinesco, ce récit insolite fait pénétrer l’univers d’une créatrice troublante et troublée, fragile et obstinée, constamment en quête. D’elle-même, de sa sexualité, de son art. Et celle qui fut l’égérie d’Ezra Pound, qui vécut à Londres dans une communauté proche du groupe de Bloomsbury de Virginia Woolf se révèle un étrange médium : à travers ses interrogations se rejoignent celles de bien des femmes.

Fabienne Pascaud

Telerama n° 3144 – 17 avril 2010

Le premier article écrit sur l’exposition, prolongée jusqu’au 30 mai 2010, de Mâkhi Xenakis

Paru jeudi 25 mars 2010 sur le blog d’Alan Argoul http://argoul.blog.lemonde.fr/2010/03/25/makhi-xenakis-elles-nous-regardent/

Qui ? Les femmes, ou plutôt la féminité – façonnée en potier, comme Jéhovah le fit jadis aux commencements du monde. Gouttes de terre rose que le Souffle animera, fera chair. Deux trous pour les yeux, deux trous pour le nez, deux trous pour la bouche, deux seins, deux pieds, deux fentes tout en bas, devant et derrière. La Femme est née sous le signe du deux. Double de l’homme dont elle est côte, double dans le temps avec l’enfant, double en soi. Mais celles de Mâkhi Xenakis n’ont pas de mains, symbole de l’agir, du pouvoir sur les choses : seraient-elles des bites en acte réservées aux mâles ?

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Mâkhi Xenakis a de qui tenir. Fille de Françoise, journaliste et écrivain et du compositeur Iannis, elle est artiste, née à Paris en 1956. Elle sculpte, elle peint, elle écrit. De la sensation aux sentiments et aux idées : les trois étages de l’humain. Elle a étudié l’architecture avec Paul Virilio, créé décors et costumes pour le théâtre. Ses livres sont publiés aux éditions Actes Sud.

makhi-xenakis-elles-vous-regardent-dessin.1269254592.jpgCe qu’elle dessine est accroché aux murs de l’Espace des femmes. Alentour des sculptures et par contraste, les dessins sont précis, ils portent non sur la totalité mais sur le détail. La féminité se fait enveloppante, ensorceleuse, agrippante. L’œil perçoit des entrelacs d’algues ou de poils qui entourent un vortex où il est attiré, saisi de vertige. Ce sont des bouches, des sexes, des grottes. Les cheveux des sirènes marines, les mandibules des goules avides, la prolifération des cils paramécies. Les dessins sont un dedans qui captive votre envie d’explorer, les sculptures un dehors qui vous donnent envie de protéger.

Ce qu’elle sculpte entre 2007 et 2010, ces boules roses en goutte d’huile, bien assises, Mâkhi les appelle des « créatures ». « Inspirées à la fois des déesses archaïques, des femmes ‘impudiques’ de Manet ou de Picasso, des Causeuses de Camille Claudel ou encore de certaines sculptures de Louise Bourgeois. Ces ‘créatures’ se montrent telles qu’elles se ressentent à la fois dans leur fragilité leur vulnérabilité mais aussi leur plénitude, leur animalité, leur étrangeté. » Dit-elle.

Leur présence est forte, surtout lorsque vous visitez l’exposition quand il y a peu de monde. « Elles n’attendent personne pour être. » Elles sont là, vision en triangle à l’oeil, en pyramide au toucher, bien campées sur leur nid et impassibles. Elles sont l’œuf, la terre-mère, la chair qui devient. Guilaine Depis, l’attachée de presse des Femmes, attire judicieusement le regard sur leur surface : elles sont couvertes d’un léger duvet blond, pareil à la vraie peau humaine. Nous sommes loin du marbre antique qui irradie sa lumière depuis l’intérieur. Nous sommes dans le travail de l’artisan et non des dieux. La terre est mate et ne brille pas comme la pierre mais elle n’est pas froide comme elle et si vous pouviez toucher (c’est interdit !), elle apparaîtrait tiède comme la chair. Peau de terre contre peau de pierre, nous sommes au XXIe siècle après, pas au Xe siècle avant. Les dieux n’insufflent plus la vie, à nous de la faire naître.

 

 

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Placides, reposantes, elles vous regardent. Les féminités posées. Sans rien dire par les mots, mais leurs formes et leur couleur disent pour elles. Point de bavardage mais une parole. Point de futile mais du fondamental, du féminin pluriel. Vous vous sentez étrangement apaisé parmi elles. Elles nidifient à plusieurs. Elles ont essaimé parfois sous cloche de verre pour être emportées et adoptées.

Elles sont là, elles vous attendent. Venez les voir !

Exposition présentée du 8 mars au 30 mai 2010 (prolongation d’un mois) du lundi au vendredi de 11h à 19h, le samedi de 13h à 19h, Espace Galerie des Femmes, 35 rue Jacob 75006 Paris

Librairie-espace des Femmes
Le site de Mâkhi Xenakis
Une vidéo de Mâkhi Xenakis