Belgique : Bernard Delattre fait le point sur la Gestation pour autrui (www.lalibre.be, 06.01.10)

gpaa.jpgFrance – Mères porteuses : un obstacle après l’autre

Par Bernard Delattre – Mis en ligne le 06/01/2010

Enième mise en garde contre la légalisation de la gestation pour autrui. Elle émane cette fois de l’Agence de biomédecine. Les partis sont embarrassés.

Correspondant permanent à Paris
 
Tolérée dans les années 80 puis interdite par la loi de 1994 sur le respect du corps humain, la gestation pour autrui (GPA) pourrait bien, en France, être le grand débat éthique de l’année 2010. Un nouvel avis, en tout cas, vient de tomber dans ce dossier délicat, que les politiques tardent à trancher. Alors que, en attendant, 300 à 400 Français recourent chaque année à des mères porteuses. Soit clandestinement en France, soit en se rendant dans les pays étrangers où cette gestation est autorisée – alors qu’elle est passible d’un an de prison et de 15000 euros d’amende dans l’Hexagone.
 
Cette nouvelle pierre dans le jardin des opposants à la GPA, elle vient d’être jetée par l’Agence de la biomédecine. C’est cet établissement public, agissant notamment dans les domaines de la procréation et de l’embryologie, qui serait amené à encadrer l’activité des mères porteuses si ces dernières étaient un jour reconnues en France. Mais, dans un avis divulgué par le journal catholique « La Croix », cette agence vient de s’exprimer « contre toute modification de la loi ».
 
Selon elle, des « risques d’iniquité » découleront forcément de la définition, « malaisée », de l’infertilité utérine. Il sera « difficile » d’établir des critères toujours incontestables pour l’appréciation des motivations des gestatrices et des parents d’intention. Il ne sera pas simple de fixer « les prérogatives et devoirs des professionnels (de santé) face à des situations de conflit au cours de la grossesse ou de l’accouchement ». Les risques de litiges juridiques seront nombreux. Le législateur n’est donc pas au bout de ses peines s’il veut « rendre applicable dans des conditions éthiques » la GPA. Mieux vaut, dès lors, ne pas se lancer dans ce chantier-là.
 
Ces derniers temps, déjà, quantité d’obstacles sont venus se mettre en travers de la route des partisans de la reconnaissance des mères porteuses.
 
L’Académie de médecine a jugé que ce ne serait « pas un progrès scientifique ». L’Eglise catholique et des associations familiales sont montées au créneau. Le Conseil d’Etat s’est dit défavorable à la légalisation du prêt d’utérus. La jurisprudence française, après avoir oscillé ces dernières années, a fini par trancher en défaveur des mères porteuses : la Cour de cassation a validé l’opposition du parquet à la reconnaissance de bébés nés de la sorte – et donc à l’octroi à ces enfants d’un état civil et de papiers d’identité. Une kyrielle de personnalités de la société civile (de Sylviane Agacinski-Jospin à Marcel Rufo, en passant par Gisèle Halimi, Catherine Dolto ou Boris Cyrulnik) ont pris position contre « l’exploitation des femmes et la promotion du tout génétique ».
 
Mais autant de personnalités (menées par exemple par Elisabeth Badinter, Antoinette Fouque ou Elisabeth Roudinesco) sont de l’avis exactement inverse. Et l’opinion est favorable à la GPA. Selon plusieurs sondages réalisés ces deux dernières années, une majorité de Français approuvent la légalisation des mères porteuses, sont prêts à recourir à cette forme de gestation si elle était autorisée, et trouvent même que les mères porteuses devraient être rémunérées.
 
Résultat de ce gros clivage, la classe politique flotte. Spectaculairement.
En 2008, un groupe de travail du Sénat a prôné la légalisation encadrée (exclusion des couples homosexuels, pas de rémunération de la mère porteuse, etc.) de la GPA. Un groupe de députés a aussitôt fait part de ses réserves. La majorité de droite compte nombre d’opposants résolus à la GPA. Mais la secrétaire d’Etat (UMP) à la Famille, Nadine Morano, veut « un cadre légal, pour limiter les dérives ». Du coup, son parti en est réduit à « considérer qu’il est normal qu’il y ait un débat » sur le sujet. A gauche, si les Verts prônent plutôt la légalisation des mères porteuses, au PS, on trouve autant d’opposants que de partisans. Les premiers redoutent une « marchandisation du corps des femmes ». Les seconds trouvent impératif de mettre fin au « tourisme procréatif » qui envoie à l’étranger – souvent à prix d’or et dans des conditions peu reluisantes – les Français candidats à cette forme de gestation.
 
On n’a donc pas fini d’en parler.
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