Argoul ouvre la marche en aimant le recueil d’Adriana Langer

Argoul article sur blog (octobre 2017)

https://argoul.com/2017/10/19/adriana-langer-oui-et-non/?fb_action_ids=10155779785769860&fb_action_types=news.publishes

Vingt nouvelles d’une Parisienne sensible qui offre au fil du temps la radiographie des désirs et des émotions humaines. Chaque texte est un instant suspendu, un fragment de vie comme un souvenir éternisé.

Mère et enfantconte le bonheur pour une mère de peigner les cheveux de sa petite fille afin d’en épouiller les lentes. Geste ancestral, geste primate, geste profondément social et apaisant qui crée comme une bulle de complicité et de bonheur pour les deux.

Vingt-quatre heures de la vie d’un vieil hommedit combien la retraite, pour un professeur d’université devenu veuf, est un repli sur soi, un encoconnement entre ses livres et ses tableaux. Le monde extérieur pressé, plus jeune, avancé, agresse le grand âge. Malgré le neveu qui vient d’avoir le bac et qui cherche sa voie, obligé à déjeuner avec le vieux, la transmission n’est plus guère possible. Passé un cap, le monde que l’on a connu est mort et s’effiloche ; le nouveau n’est pas pour nous.

L’expositionmontre combien l’art peut aider à s’abstraire du réel un moment, malgré la foule qui se presse devant les tableaux, malgré l’ambiance glauque du snobisme bourgeois, malgré les glapissements des guides en langues étrangères et les sonneries aigrelettes des mobiles. D’un coup, devant un paysage, le spectateur cultivé se trouve ailleurs.

Ce sont les trois nouvelles qui m’ont touché le plus dans ce recueil riche et ressenti. L’auteur a longuement ciselé ses textes, moins comme des nouvelles au sens littéraire, tournées vers l’effet par la concision, que comme des « émaux et camées »à la Gautier. La narratrice voudrait atteindre à l’acuité d’une Irène Nemirovsky, au naturel profondément humain d’unTchékhov (Rencontre). Mais elle est elle-même et, si ces exemples l’élèvent, son style a trouvé sa forme personnelle.

Je regrette un peu que la typographie soit si petite, le corps 2 mm comme dans la Pléiade mais en moins rond n’est pas facile à lire pour qui a un peu d’âge. Je me demande aussi pourquoi la femme de La bagueva nager avec son diamant au doigt : est-ce bien raisonnable ? Y a-t-il de quoi en faire toute une histoire ? Dommage aussi que la première nouvelle du recueil, Prérequis, soit à mon avis la moins bonne, juste une réflexion sur le rêve et ses fantasmes, et que son titre laisse à penser qu’il expliquerait le reste du recueil. Le titre lui-même, Oui et non, reste sibyllin : le oui est celui à la vie, mais le non ?

Mais ce ne sont que bénignes aspérités dans le ton général ; ces nouvelles méritent vraiment la lecture, hors du temps, en pleine humanité. Un moment suspendu.

Adriana Langer, Oui et non(nouvelles), 2017, éditions Valensin, 103 pages, €19.00

Attachée de presse Guilaine Depis, 06 84 36 31 85

Bio express: « Française d’adoption, aimant la ville de Paris où j’habite depuis l’âge de treize ans, j’ai passé une partie de mon enfance en Argentine et aux États-Unis. J’écris des nouvelles en parallèle à (et parfois en lutte avec) ma profession de radiologue, que j’exerce dans un centre anti-cancéreux. Plusieurs de ces textes ont été publiés, en France dans les revues Rue Saint Ambroise, Ravages, ainsi que dans la revue médicale Psycho-oncologie, et au Canada dans la revue Moebius. »

Précédent recueil :Ne respirez pas, éditions La Providence, 2014

Agoravox distingue l’écrivain Adriana Langer

Amaury Grandgil sur Agoravox (https://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/portraits-sensibles-200796#commentaires) et sur son blog (http://mesterressaintes.hautetfort.com) 19 janvier 2018

Si en France de trop nombreux auteurs parlent surtout d’eux-mêmes et rien d’autres, exécutant leurs psychanalyse sauvage devant tous les passants à travers leurs livres, appelant ça abusivement des livres d’ailleurs, il existe aussi des écrivains qui savent encore évoquer toute l’humanité des personnes qu’ils côtoient quotidiennement que ce soit dans la vie réelle ou dans la vie rêvée. C’est d’ailleurs un des aspects les plus puissants et les plus intéressants de la littérature, ouvrir à l’autre, ouvrir d’autres univers mentaux que le sien… Radiologue de profession, déjà auteure de quelques livres, Adriana Langer est de ceux-là. Son livre est d’ailleurs un peu comme une radiologie des cœurs et des âmes de ses personnages.

Elle est aussi de celles et ceux défendant un genre méprisé et dédaigné dans notre pays en 2018 qui est celui de la nouvelle. Pourtant il eut ses grands maîtres. Celle-ci est souvent plus exigeante que le roman, elle demande plus de réflexion sur l’écriture car elle doit en quelques pages esquisser des personnages, leur psyché, leurs pensées, leurs sentiments, leurs joies, leurs peines, autant de portraits sensibles. Elle est dans la tradition de Guy de Maupassant, Ivan Tourgeniev et d’autres tel Marcel Aymé qui lui ont donné ses lettres de noblesse. On retrouve également dans cet ouvrage un peu de l’esprit de Dino Buzzati, un ton un peu doux amer.

Dans la rue, dans des soirées mondaines, au travail, on peut souvent avoir envie d’en savoir plus sur les personnes que l’on rencontre. Pourquoi a-t-il cette tête ce type à la fenêtre ? Qu’est-ce que ressent cette femme toute seule à la table d’un café ? Pourquoi ce vieux monsieur a-t-il l’ai si guilleret ? On voudrait leur parler, les aborder, voire même les consoler. On voudrait faire savoir à tout le monde ce qu’ils peuvent bien ressentir mais la pudeur nous retient ainsi que la crainte d’importuner. Adriana Langer fait preuve de beaucoup d’humanité et de bienveillance envers ses personnages. Elle sait les faire vivre avec sensibilité et douceur sans pathos ni causticité trop appuyée ainsi qu’il est d’usage chez des littérateurs confondant verve et hargne. Cela devient tellement rare cet art du portrait sensible que ce livre est d’autant plus précieux à lire…

(ET un commentaire de Panda, que je ne connais pas :

« Merci beaucoup pour ce compte rendu concernant ce merveilleux ouvrage. Je l’ai lu il est super extra.

L’article que tu lui consacre vaut largement le fait de le lire j’en parle et pour cause je l’ai approuvé et pour circonstances qui en vaut plus d’une.

Mais comme l’écrit moderatus, il est dommage de constater que les français lisent de moins en moins. L’article est le reflet presque intégral et je n’aurai pas pu faire mieux indiscutablement.»)

Alice Masson a lu « Oui et non » pour France Net Infos

Alice Masson sur France Net Infos 7/12/2017

Les éditions Valensin présentent « Oui et non », un recueil de nouvelles très réussi signé Adriana Langer.

En savoir plus sur http://www.francenetinfos.com/oui-non-superbe-recueil-de-nouvelles-de-adriana-langer-174185/#3LWCjrFvBbIMqbMI.99

Le résumé du livre :

Avec ce recueil de nouvelles, vous êtes comme le visiteur privilégié d’une exposition privée et permanente, où seraient rassemblés vingt tableaux de peinture hollandaise du dix-septième siècle. Chacun concentre et recrée une situation, une émotion, un désir ou un rêve, dans un instant suspendu, mystérieux et pourtant limpide, pris dans l’éternité de sa propre lumière.

Adriana Langer  se consacre depuis des années à cet art si particulier de la nouvelle. Par son écriture précise et tendre, nous découvrons un monde, proche et pourtant inconnu. De l’amour et de la vie, pleine ou ténue, charnelle ou éthérée, obstinée à trouver son chemin ; ses thèmes sont ceux de chacun d’entre nous, aimer et vivre, encore et malgré tout.

De Rabelais à Céline, les médecins devenus écrivains sont nombreux. Leur expérience quotidienne de l’humain leur donne matière à penser et à s’émouvoir. Par ailleurs, les poètes persans ne disaient-il pas déjà que les mots avaient une valeur thérapeutique, que la poésie et la littérature avaient le pouvoir de soigner et de changer l’Homme en son entier ? Les textes qui composent « Oui et non » sont autant d’échographies de l’âme, ou plus précisément d’électrocardiogrammes qui mesurent les soubresauts du cœur, les va et vient du bonheur.

Mon avis de lectrice :

Avec un immense talent, Adriana Langer construit autour du lecteur un cocon chaud et douillet dont il est très difficile de sortir. Avec son recueil de nouvelles « Oui et non », elle nous entraine dans une aventure un peu folle, dans un monde qui serait tout autant un paradis qu’un enfer.

La langue qu’elle utilise est remarquable, et s’adapte aux circonstances et aux personnages qu’elle évoque. « Oui et non » est un pari difficile mais réussi haut la main, celui de relater en quelques paragraphes toute l’intensité d’une émotion et parfois même d’une vie. Ce magnifique recueil dépasse largement le stade de l’intention et donne ses lettres de noblesse à un exercice stylistique extrêmement difficile qu’est l’art de la nouvelle.

Dans ce concentré d’humanité, Adriana Langer nous permet de passer un moment d’exception à la lecture de « Oui et non », chuchotant à l’oreille attentive de ses lecteurs une suite logique d’histoires entremêlées et pourtant indépendantes. Le tout forme un très beau recueil qu’on prend un immense plaisir à feuilleter, lire et relire… Bonnes lectures…

Le quotidien tumultueux et le regard guérissable dans «Oui et non» d’Adriana Langer, MERCI à Dan Burcéa de Lettres capitales

Dan Burcea 3/12/2017 sur son blog http://lettrescapitales.com/quotidien-tumultueux-regard-guerissable-oui-non-dadriana-langer/

Le quotidien tumultueux et le regard guérissable dans «Oui et non» d’Adriana Langer

Inutile de rappeler que ce qui définit en premier lieu le genre littéraire de la nouvelle est sa brièveté. À la fois appui et érosion de son socle structurel, celle-ci l’oblige à se raccrocher à l’art de la narrativité du roman auquel elle emprunte le caractère fictionnel qui la met à l’abri de toute forme ambiguë du réel et de contamination avec d’autres genres, comme le reportage, par exemple.

En publiant le volume « Oui et non », Adriana Langer sait que derrière l’oxymore qu’enferme ce titre se cache une liberté totale de « recréer une situation, une émotion, un désir ou un rêve, dans un instant suspendu, mystérieux, et pourtant limpide, pris dans l’éternité de sa propre lumière ». Vaste programme, donc, si habilement présenté par son éditeur dans ces lignes du quatrième de couverture !

Les vingt nouvelles contenues dans ce recueil s’inspirent d’une thématique que l’on pourrait qualifier de thématique du quotidien tumultueux et du regard guérissable des personnages pris entre l’agitation du monde contemporain et le passage toujours trop vif du temps qui laisse des empreintes sur les visages et les pensées de ceux qui espèrent et rêvent en secret à leur jeunesse perdue et à la fragilité de leur beauté. Immobilisés entre deux instants décisifs de leur vie, entre la révélation d’un diagnostic, entre deux rendez-vous ou entre deux déménagements où les cartons emprisonnent des objets et des souvenirs, les personnages d’Adriana Langer s’accrochent à la lisière de l’instant présent curieux, assoiffés du sens majeur de leur existence, un sens qui leur échappe et qui refuse de se laisser facilement déchiffrer.

Pour mieux comprendre la démarche d’écriture qui est la sienne, il suffit de lire attentivement « Rencontre », une des plus belles nouvelles reproduisant un dialogue imaginé par la narratrice entre Katherine Mansfield et Anton Tchekhov, les deux maîtres que l’on suppose incontestables dans l’art d’écrire d’Adriana Langer. Écho et clin d’œil au docteur Tchekhov et à la souffrante Kathleen Beauchamp, l’écrivaine française fait sienne cette réflexion commune entre les deux auteurs à qui elle offre la parole : « Le monde entier est là, sous nos yeux, la souffrance est une ombre fidèle, brutale et familière ». À son tour, Adriana Langer oppose à cette fragilité de l’être une introspection attentive proche d’une étiologie de l’âme à l’aide d’un regard scrutateur dont elle a l’habitude en tant que radiologue. C’est avec cette minutie que la mère regarde la partie capillaire de son enfant, que la femme contemple son visage, que la visiteuse d’une exposition de peinture utilise pour chasser ses pensées qui empêchent « comme des grains de sable » la contemplation de la beauté qui se présente devant elle sur les toiles exposées.

Ce besoin de contemplation représente justement une autre coordonnée essentielle de l’univers narratif d’Adriana Langer. Devant la brutalité du monde – nous dit-elle –, « il nous faut mettre des œillères pour écarter, avec d’immenses efforts, les bruits et l’agitation autour de nous, mais aussi en nous, les pensées distraites qui nous mènent de-ci de-là, les soucis, les inquiétudes : afin d’apercevoir, de goûter un moment bref et infiniment précieux de beauté et de tendresse ». Loin d’être un obstacle insurmontable à leur condition, ce besoin rend à ces personnages leur humanité et offre à l’écriture toute sa substance fictionnelle. Qu’il s’agisse de la présence ou de l’absence, du questionnement ou de la révélation surprenante d’un sens insoupçonné de soi ou de la condition de l’autre, l’attitude de la narratrice a la délicatesse d’un « silence émerveillé », comme elle aime le nommer. N’est-ce pas autour de ce sentiment que se construit ce que nous pourrions appeler son portrait en habit d’acrobate « lançant en l’air des balles trop nombreuses, essayant de toutes les rattraper, ne pouvant s’interrompre, craignant à chaque instant, malgré ses efforts, d’en laisser choir » ? « Toute activité – écrit celle-ci –, qu’elle soit de l’ordre de l’effort, du travail ou du loisir, de ce qui est considéré agréable ou désagréable, tout était gêne et bruit vis-à-vis de ce silence harmonieux ».

Cette démarche qui consiste à dompter l’agitation du monde et à la convertir en pépites de contemplation et en instants de silence a valeur de thérapie capable de transformer « l’observation des choses, délicate rosée tapissant le monde de sa douceur et de sa légèreté » en une joie apte à s’émerveiller, par exemple, devant « l’exubérance blanche inespérée d’un prunier en fleurs début mars ». Il convient de rajouter ici une autre expérience contemplative – celle du regard dans le miroir projetant la réflexivité du visage personnel et du visage social des femmes devant le temps ennemi de leur beauté.

Comment se retrouver devant autant d’obstacles ? La meilleure réponse ne consisterait-elle pas dans ce que le professeur de piano dit à son élève en la guidant vers la parfaite harmonie entre la technique et l’art où « jouer sans fautes » est tout aussi essentiel et exigeant que « jouer sans cœur » ? C’est à ce jeu entre justesse et beauté que nous invite le volume de nouvelles d’Adriana Langer.

Le lecteur sera surpris et émerveillé à la fois par cet univers qui met la féminité dans une lumière parsemée d’étincelants éclats et d’interrogations intimes qui font taire les violences et laissent transparaître la fragilité et la beauté de l’instant tout en gardant le frisson d’une inquiétude à peine esquissée, dans de fulgurantes apparitions, comme celle d’Irène Némirovsky, dans « Boucles blondes », « lucide et incompréhensiblement aveugle » devant les cruautés de l’Histoire.

Livre aux accents nostalgiques et vivifiants, « Oui et Non » est à son tour un excellent miroir capable de nous conduire vers une résilience apte à nous réconcilier avec nous-mêmes et avec le monde, tout en gardant une admirable maîtrise de style et une remarquable complexité des personnages qui peuplent ses pages.

Dan Burcea

 

Le grand Alfred Eibel a été charmé par l’écriture d’Adriana Langer

Alfred Eibel (20/11/2017, sur son blog https://memoirememoires.wordpress.com)

Vingt nouvelles. Des personnages pris dans les rets d’une miniaturisation du monde qui s’égarent parfois dans des amours parallèles, qui superposent leurs souvenirs dans l’attente du mot juste qui se fait prier. « Nos vies bariolées traînent leur part d’ombre ». Adriana Langer part à la recherche du tréfonds des vies ; à la recherche du reflet d’une action passée inaperçue. C’est ce qui fait l’originalité de ce recueil et son charme.

Michèle Venard, très cultivée en matière de nouvelles, reconnaît « souffle, matière et style » à Adriana Langer

Michèle Venard  6/11/2017

Je viens de lire en chambre le recueil de Nouvelles dont le titre Oui et nonm’évoquait Sarraute.  Mais son auteur, Adriana Langer, a son univers propre, élégant et précis. Les dégradés de blancs et de gris sont les couleurs de sa palette et la densité du contraste dessine des tableaux subtilement transparents. Ainsi, elle colore les journées et ébahit les sens. Avec minutie et délicatesse Adriana Langer capture des images, examine les intérieurs, cadres de vie et corps en mouvements restreints, explore de légères démangeaisons contre les peaux et dans les âmes. Il lui arrive de suspendre sa respiration pour être à l’écoute d’autrui et saisir son rayonnement, saisir des moments précieux de beauté de lumière et de vie : tendresse pour les mères attentives à leurs filles, pour les hommes vieillissants dont les capacités s’émoussent, pour les femmes artistes aux enfances éblouies, …

Adriana Langer a choisi d’écrire des textes brefs juxtaposés dans ce recueil publié aux éditions Valensin et présenté aux journalistes et au public par son attachée de presse Guilaine Depis.

Je pense qu’Adriana Langer a le souffle la matière et le style pour passer au plus vite à l’écriture du roman.  Et rédiger un très grand roman.

 

Bertrand du Chambon signe pour le Salon littéraire un sublime article sur « Oui et non »

Bertrand du Chambon, sur L’internaute (Le salon littéraire) 31/10/17

http://salon-litteraire.linternaute.com/fr/roman/review/1946203-adriana-langer-ou-la-delicatesse

Adriana Langer ou la délicatesse

Commençons par une mise au point, une fois n’est pas coutume, qui n’a rien à voir avec l’auteure ni avec son texte : ceci sera intitulé Bons Conseils aux éditeurs…Tout d’abord, ne nous infligez point votre nom d’éditeur aux côtés de celui de l’auteur. L’auteur est un écrivain : un roi, un prince. C’est le nom de l’auteur qui doit ressortir, et le vôtre ne peut que s’effacer poliment devant lui. Quand on a la chance, de surcroît, d’avoir comme auteure une reine ou une princesse, et c’est le cas ici, on s’efface. On s’appelle éditions du Serpent, ou éditions des Seuils, ou de Madame La Découverte, et on se fait petit. Ensuite, on ne publie pas de livre à la couverture trop souple, au papier trop mince, et l’on ne fait pas imprimer de texte en corps 8 ou 9, difficile à lire et agaçant ; cela réduit le nombre de pages à une centaine, alors qu’on en aurait bien compté 150 si on avait choisi du Verdana en corps 12. On aurait pu jouir alors d’un bon livre, qui pèse entre nos mains.

Ces récifs une fois franchis, passons aux récits, ou plus exactement aux nouvelles : Adriana Langer en propose dix-neuf, à la suite d’une préface étrange appelée « Prérequis ». Toutefois, au bout de quelques pages, on est saisi par la beauté, la délicatesse de ces textes courts, à la fois très subtils, rusés et puissants. Un vieil homme rentre chez lui et contemple les cerisiers :

« Ils sont ornés de magnifiques, abondantes fleurs, incongrues dans cette morne ville qui les entoure, au sein de la laideur des voitures, du bruit, des odeurs, et même, de la plupart des pensées humaines. Cette floraison : une fugacité neutre, ne délivrant ni message de l’au-delà ni règle de vie, n’exigeant nulle visite à nul temple, donnant tout, ne demandant rien. Simplement, elle nous arrose quelques instants, avec une générosité inexpliquée et imméritée, de son incroyable beauté. »

La contemplation calme n’est pas le seul apanage de ce recueil ; on nous offre aussi des événements ténus, de la lumière, des relations humaines fines et presque impalpables, comme dans la nouvelle « Mère et enfant », qui est un petit chef-d’œuvre de délicatesse dont on ne dévoilera pas ici la moindre bribe : il faut se jeter dessus et la lire en entier (parfois, ne citer qu’un morceau d’un texte n’offre rien, c’est l’entièreté du propos et la progression qui comptent).

Un léger intertexte se promène à travers ces pages : Irène Némirovsky, Élisabeth Gille, ou plus loin Anton Tchekhov, Katherine Mansfield, sans nous infliger de leçon, mais en nous indiquant que l’art de la nouvelle est rare, et qu’il faudrait peut-être en lire plus souvent. Nous nous rappelons alors les poncifs que l’on prononce au sujet des short stories : brièveté, lucidité, finesse – nous n’y échapperons pas. Mais cette brièveté est tellement délicieuse, et bienvenue… Le roman, lui, trop souvent, délaye. La nouvelle découpe.

C’est notamment l’impression que l’on a en lisant la nouvelle intitulée « Boucles blondes » : après avoir évoqué, durant une soirée dans un restaurant russe, la fin tragique d’Irène Némirovsky et les écrits de sa fille, Élisabeth Gille, l’auteure tourne les talons, abandonne soudain le registre pathétique, et annonce le choix prochain d’un autre restaurant, un autre jour ! Cruauté désinvolte après une allusion puissante : la nouvelle le peut. Un roman y parviendrait moins aisément.

… Quant à la dernière nouvelle, intitulée « Oui », c’est un miracle de finesse.

On lira et relira donc les nouvelles d’Adriana Langer avec bonheur. Ce sont de ces bijoux que l’on pose sur une table et dont on a plaisir à rembellir nos doigts.

Bertrand du Chambon

Adriana Langer, Oui et non, éd. Valensin-David Reinharc, octobre 2017, 102 pages,19 €