Geneviève Asse dans Paris Match (artiste du Musée des femmes)

Geneviève Asse interviewée par Elisabeth Couturier (Culture-match in Paris Match | Mardi 23 Juin 2009)

Geneviève Asse, le bleu et l’âme

 Geneviève Asse, le bleu et l’âme

Geneviève Asse devant sa toile « Aube » et sur sa droite, une des stèles pour le poète Segalen et la « Porte Marine » | Photo Hubert Fanthomme – Paru dans Match

Ses tableaux ouvrent sur un espace sensible et poétique. A 86 ans, cette artiste majeure nous a reçus dans son atelier parisien.

Paris Match. Vous exposez depuis bientôt soixante ans. Qu’est-ce que ces années de pratique vous ont apporté ?
Geneviève Asse. Le temps a fait son œuvre. Il m’a ­permis de trouver mon langage. Pour cela, il faut travailler énormément, aussi bien la peinture que la gravure et le dessin. Ma passion pour la peinture ne m’a jamais quittée. Elle se nourrit de mes expériences et de ma vie intérieure.

Peindre presque toujours le même tableau, est-ce une sorte d’ascèse ?
Certainement ! Mais je ne fais jamais vraiment le même tableau. Mes surfaces varient comme l’océan. Mon sujet, c’est l’espace et la lumière. Il m’est en partie inspiré par le ciel et la mer que je regardais des heures durant, enfant, sur la plage, dans le golfe du Morbihan. De même, la dimension du tableau joue un rôle important et en modifie la perception. Et puis il y a cette ligne verticale qui coupe le tableau de haut en bas et qui est parfois rouge, comme une étincelle !

Pourquoi cette ligne verticale, alors que la ligne qui ­sépare le ciel et la mer est horizontale ?
Cette ligne verticale date de l’époque de mes études aux Arts déco quand je travaillais sur le thème de la fenêtre, sur la transparence. Je regardais alors attentivement Chardin et en particulier son tableau “La pourvoyeuse”.

Votre peinture invite à la méditation…
Cela reflète mon goût pour la solitude. J’ai besoin de ­travailler de longues heures dans mon atelier. Cela ne m’empêche pas d’être bien ancrée dans la réalité. Pendant la guerre, je n’ai pas hésité à m’engager dans la Résistance.

On parle du bleu Asse comme on parle du bleu Klein. Qu’est-ce qui les différencie ?
C’était un garçon intelligent, que j’ai bien connu dans les années 50 au Select à Montparnasse. Notre œuvre est très différente. Je ne réalise pas de monochromes : je peins à l’huile, avec des brosses, afin de restituer une émotion. J’ai d’abord utilisé le noir et le blanc, jusqu’à ce que la couleur bleue vienne me chercher. Elle me donne de la joie et de la paix. J’espère que mes toiles reflètent cet état de sérénité.

A-t-il été difficile d’exposer à une époque où peu de femmes artistes avaient accès à la reconnaissance ?
Cela n’a pas toujours été facile, mais j’ai eu beaucoup de chance. J’ai, très tôt, fréquenté des poètes comme Beckett, Bonnefoy, Ponge, Borges ou encore Supervielle et ils m’ont beaucoup soutenue. J’ai eu aussi la chance d’avoir des marchands fidèles, tels que Jan Krugier et Marwan Hoss.

Vous figurez dans l’expo “Elles” à Beaubourg. Que ­pensez-vous de cette initiative ?
Je suis partagée. C’est un sujet sensible. Pour moi, les ­artistes n’ont pas de sexe. Comme Vieira da Silva ou Joan ­Mitchell, j’ai dû me battre à égalité avec les hommes. Certes, il y a eu des moments de découragement : les marchands étaient plus frileux quand l’œuvre était signée par une femme. Point final