Plus que jamais d’actualité : le livre audio de Chahdortt Djavann (IRAN)

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Comme toujours, Antoinette Fouque a été la première à débusquer les enjeux essentiels du monde, à déployer une énergie considérable pour soutenir les femmes – fussent-elles à l’autre bout de la planète – menant des combats pour la liberté.
Suite à ses engagements fondamentaux et à son film pionnier sur l’Iran, elle décide en 2004 de publier un livre audio de Chahdortt DjavannBas les voiles !
Il est plus que jamais d’actualité !
« J’ai porté dix ans le voile. C’était le voile ou la mort. Je sais de quoi je parle. » Chahdortt Djavann Bas les voiles !
LIV7935.jpgLa mort, c’est bien ce que subissent encore aujourd’hui certaines femmes qui refusent de porter cette « étoile jaune de la condition féminine » comme nous le rappelle Chahdortt Djavann.
J’avais treize ans quand, la loi islamique s’est imposée en Iran sous la férule de Khomeyni rentré de France avec la bénédiction de beaucoup d’intellectuels français.
[. ] Quand je retrouve le souvenir et l’image des petites filles voilées des écoles iraniennes, quand je pense à celles qui, en France, sont utilisées à leur corps défendant ou par l’effet d’une redoutable manipulation islamique pour servir d’emblèmes aux Propagandistes de l’identité par le voile », la tristesse le dispute en moi à la colère. Allons-nous enfin nous réveiller ?
Romancière, elle est née en Iran. depuis plus de dix ans, elle vit à Paris, où elle a étudié l’anthropologie.

En Iran, depuis notre livre et notre film, rien n’a changé… Hélas !

regfem.jpg« Mouvement de libération des femmes iraniennes, année zéro »…
Un film réalisé par des femmes du MLF et « Des femmes filment », avec des femmes iraniennes. 16 millimètres couleur, son optique, durée : 13 minutes.
 
Mars 1979, Téhéran
Une infirmière :
« … depuis jeudi dernier, les religieux nous posent des problèmes. Nous pensons qu’ils ont commencé par le voile et qu’ils n’en resteront pas là. Il y a quelques jours que nous sortons dans les rues pour dire que nous ne voulons pas de voile. Si c’était ça qu’ils voulaient, ils devaient nous dire qu’il y a une inégalité entre l’homme et la femme… Si nous ne parlons pas maintenant, quand la Constitution sera écrite, ils ne nous accorderont plus rien… »
 
Une seconde infirmière :
« Dans notre hôpital, les hommes et les femmes ont travaillé ensemble, ils ont condamné le sexisme. Le chef de notre service a fait afficher un papier disant : sera expulsé quiconque fait du tort à une femme parce qu’elle est une femme. »
 
Tanareh :
« L’islam a toujours été réactionnaire avec les femmes, elles le sentent, du moins celles qui ont commencé à manifester. Dans la famille, les femmes ont toujours été les premières victimes, les premières à être battues. Elles n’ont pas d’indépendance financière. Ma mère n’a pas pu divorcer, elle n’en avait pas les moyens économiques, elle a été obligée de tout supporter. Et en plus, mon père la battait. »
 
Nahim : « Sous le Shah, il y avait une loi, la Loi de la défense de la famille, qui interdisait la polygamie ; ils ont annulé cette loi. A partir de là, les femmes se sont dit : « Les hommes vont épouser on ne sait combien de femmes, divorcer quand ils veulent, être des super-mecs… La suprématie masculine, quoi ! » On était déjà énervées et ça nous a préparées à descendre dans la rue. »…

Kate MILLET IRAN.JPG

Quatrième de couverture :
des femmes du M.L.F. éditent…
 
EN IRAN – Kate Millett
 
1981, traduit par Sophie Dunoyer – Photos Sophie Keir
 
Téhéran, 8 mars 1979
Hier, pendant le meeting à l’Université, elles se sont soulevées pour protester, manifester. Contre l’ordre de Khomeiny de remettre le voile. Des femmes en colère, venues de toute la ville.
« Non, ont déclaré les gauchistes qui avaient organisé le meeting dans l’intention d’en faire un forum public d’éducation pour les femmes, manifester n’est pas productif, c’est de la dissidence contre le nouveau régime, cela divise la révolution. Attendons de voir comment est reçue la loi imposant le tchador.
« Non, nous n’attendrons pas. Nous allons descendre dans les rues. Tout de suite. »
Elles se sont heurtées aux grilles fermées à clé. Fermées avec des chaînes. Par de jeunes fanatiques islamiques. Alors elles ont escaladé les immenses grilles de l’Université de Téhéran. Du haut des murs, les femmes grondaient – à la foule : « C’est cela, notre liberté ? » « Avec ou sans tchador, nous avons renversé le Shah ! » « Nous, femmes iraniennes, ne nous laisserons plus enchaîner. »
Cinq mille femmes ont marché jusqu’aux bureaux du gouvernement. Elles furent accueillies par les fusils.
« Les ennemis des femmes sont aussi ceux de la révolution. »
Jusqu’ici, partout nous étions piétinées. De tout temps. De toutes parts maintenant nous redressons la tête. Un mouvement de vaste envergure, historique, colossal. Une libération mondiale… Aujourd’hui, ici, en Iran, nous proclamons la naissance d’un mouvement de libération des femmes.
 
K.M.
 
Féministe active aux Etats-Unis, Kate Millett combattit pendant des années, dans le CAIFI, l’impéraialisme américain et la dictature du Shah en Iran. Au lendemain de la révolution, elle fut invitée par des femmes iraniennes à prendre part à leur premier rassemblement, à l’occasion de la journée internationale des femmes. Auteur de La politique du mâle, En vol, Sita, La cave, elle est aussi sculptrice et fait maintenant de la photographie…
 

Iran / Voile : Chahdortt Djavann dans l’enregistrement de son livre audio aux Editions des femmes

Texte recopié du catalogue des trente ans des Editions des femmes :
chah.jpgChahdortt Djavann
 
Lorsque les Editions Des femmes m’ont proposé de faire un CD de Bas les voiles ! et d’en lire moi-même le texte, j’ai été à la fois émue et inquiète. Emue d’une invitation qui était un geste de reconnaissance et de sympathie. Inquiète, parce que je n’étais pas sûre de réussir cet exercice dont je n’avais pas l’expérience. Je ne savais pas poser ma voix. L’émotion précipite mon débit. J’avais conscience, en outre, de mon accent étranger. Je me disais que personne ne me comprendrait et que, de toute manière, je n’arriverais pas au bout de ma tentative.
En même temps, l’idée me séduisait, lire moi-même les mots et les phrases que j’avais écrits dans ma protestation solitaire. Il y avait une grande délicatesse dans la proposition des Editions Des femmes de m’inviter ainsi à faire entendre ma voix.
L’expérience ne m’a pas déçue. La lecture de son propre texte est une épreuve étrange et enrichissante. Se lire à haute voix, c’est à la fois se mettre à distance et se retrouver, s’obliger à écouter et à entendre, à retrouver les mots conçus dans le silence. Ce n’est pas simplement se relire, c’est prendre conscience soudain de l’impact que le texte aura peut-être. Imaginer furtivement ce que d’autres pourront entendre. Si écrire, c’est donner naissance à une idée, à une pensée, à des sentiments, à des émotions, à des convictions…, enregistrer la lecture d’un texte, c’est essayer par un effort très profondément corporel de faire entendre la voix de chaque idée, de chaque phrase, de chaque mot. Au cours de ma lecture à haute voix, j’ai été encouragée par la présence bienveillante de Michelle Muller, qui de temps en temps, non sans un fou rire, corrigeait ma prononciation de tel ou tel mot. J’avais par exemple, à cause de mon accent, beaucoup de mal à prononcer correctement le mot « dehors ».
 
Le soutien sans condition d’Antoinette Fouque, au moment de la sortie de Bas les voiles !, a été très précieux pour moi. J’ai senti que mon témoignage et mes analyses pouvaient parler à d’autres, à beaucoup de femmes occidentales qui n’avaient pas connu la répression des islamistes.
Antoinette Fouque a su m’exprimer une compréhension intellectuelle et une solidarité sans failles qui constituaient un engagement immédiat, sans conditions et sans réserves. La confiance qu’elle a su m’inspirer m’a donné confiance en moi. Elle m’a aidée en me faisant comprendre que je pouvais compter sur elle. Expérience rare.
C.D.