L’écrivain Christian de Moliner sur « Le temps s’écoule à Barde-Lons »

couv piletta.jpgLe temps s’écoule à Barde-Lons de Stéphane Piletta-Zanin aux éditions Xénia 23 €

Celui qui ouvre ce gros roman de 360 pages de Stéphane Piletta-Zanin ne trouvera pas une histoire à la narration classique et linéaire. Il existe certes un ersatz de fil directeur à ce livre, les amours contrariées d’Émilienne et d’Ulrich, mais il est éclaté en de multiples scènes et son personnage principal est le village de Barde-Lons, où paraît-il le temps ne s’écoule pas de la même façon que dans le reste du monde, ce qui explique les détours du récit. Cette petite ville est divisée en un haut protestant et un bas catholique sans compter quelques immigrants orthodoxes et des femmes adeptes de la sensualité et d’un culte qui serait la resucée de celui de la déesse mère et que les deux religions officielles essayent d’éradiquer. Le substrat lâche de cet ouvrage n’est que le prétexte à une centaine de digressions, des courts récits qui se rattachent paresseusement au reste de l’intrigue.

En parcourant ce roman, on songe irrésistiblement au magnifique roman de Jean d’Ormesson « la gloire de l’empire » par le goût des anecdotes et l’emploi de phrases longues aux multiples subordonnées. Bien sûr, M. Piletta-Zanin n’égale pas – et de loin ! – l’auteur de « Mes derniers rêves seront pour vous », mais il se tire honorablement d’un style fort difficile à manier et son texte n’est jamais lourd et indigeste à lire. Il faut donc saluer sa prouesse, car il domine les mots.

Néanmoins soit on accroche à ce roman et on lui trouve un charme poétique. Dans ce cas, il faut prendre son temps et savourer chaque phrase avec lenteur comme on le fait quand on goûte un bon vin. Soit au contraire, on trouve ce type de livre assommant et on l’abandonne dès la dixième page. Pour moi, il n’y a pas de juste milieu avec « Le temps s’écoule à Barde-Lons. »

Barde-Lons dans la sélection du très exigeant Thomas Morales (Causeur de décembre 2017)

couv piletta.jpgLittérature : Poindron & co, le sommet des non-alignés

Goûtez Piletta-Zanin, Poindron, Hanrez, Debur et les autres

https://www.causeur.fr/eric-poindron-marc-hanrez-debur-148572

 

 
 

La littérature file sur des rails bien rectilignes. Elle déboule à pleine vitesse dans les librairies comme une bête inhumaine traînant derrière elle, sa cohorte de wagons bien rangés où aucune dissidence n’est acceptée. La mondialisation n’aime pas les têtes qui dépassent du cadre. Elle hypnotise, elle lisse, elle ratiboise, elle nivelle pour mieux nous endormir, nous ensevelir. Elle se veut bienveillante, elle en devient toujours plus oppressante. C’est le corps de nounours avec le cerveau d’un commissaire politique.

La machine déteste les ratés

Les écrivains qui ne respectent rien et qui osent s’aventurer dans des zones étranges sont bannis du jeu. On accepte la singularité du créateur quand il ne dérange pas le système établi. La machine déteste les ratés, les à-coups, sa puissance d’intimidation se déploie sans discontinuité. Alors, celui qui a la prétention, le goût, la folie, l’imprudence de faire un modeste pas de côté est rappelé immédiatement à l’ordre. Ses livres connaissent le sort le plus atroce, la plus terrible des injustices : le silence médiatique. Cet hiver, après des Prix essentiellement tournés vers la Seconde Guerre mondiale, intarissable source d’inspiration, certains auteurs semblent s’être donnés le mot pour casser le train-train quotidien. Leurs ouvrages sont bizarres, tordus, jamais formatés par les règles du marketing éditorial, ils expriment une sensibilité esthétique forte.

 

Une dinguerie qui redonne confiance dans le genre humain. Ils méritent donc notre attention car le critique croule souvent sous des tombereaux de bien-pensance. La littérature lacrymale et victimaire lui sort par les yeux. A Causeur, la défense des causes perdues, des Don Quichotte de la plume, des vagabonds célestes, de tous ces flibustiers du désespoir est un honneur et un devoir. Pirotte et Blondin ne quittent pas ma table de chevet depuis mon adolescence, mais j’aime aussi les vivants comme le chantait François Valéry, toujours plus pénétrant dans ses textes que son homonyme, Paul.

 

Cette année, nous avons eu la chance de lire un très grand Philippe Lacoche et un splendide Yves Charnet. Ces écrivains des bordures n’ont pas leur rond de serviette dans les émissions de télé, ils pratiquent leur art dans la pénombre, loin de la capitale, dans cette province qui résiste tant bien que mal au bétonnage de l’esprit. Avant Noël, faites donc aussi l’expérience du poète surnaturel Eric Poindron et lisez son étrange questionnaire paru au Castor Astral. Le dandy aux belles bacchantes est un enlumineur de l’existence. Un chasseur de fantômes. Tout simplement un esthète. Dans un registre à la lisière du fantastique, partez à la conquête du roman de Stéphane Piletta-Zanin, Le temps s’écoule à Barde-Lons  publié chez Xénia dans la Collection Iréniques. Vous n’en sortirez pas tout à fait indemne, c’est tourbillonnant d’érudition. « Mais là encore, il y aura(it) du travail tant le Je et le Moi (et on n’aborde même pas le Surmoi !) peuvent être choses complexes » écrit-il, dans un texte flamboyant. Pourquoi les « petites » maisons d’édition semblent-elles se moquer des modes et des oukases ? La liberté guide leur choix. Elles défrichent le champ littéraire souvent dans l’indifférence générale sans renoncer à notre plaisir. La poésie, parent pauvre de l’édition, en fait souvent les frais. Les éditions du Bretteur sortent « America Felix », un recueil de Marc Hanrez, une échappée solitaire et solaire dans une Amérique éternelle. Un road-movie aux accents jazz où le chrome des voitures et le souffle des paysages décoiffent l’amertume. Dans son poème « Deer Hunting », Hanrez fait le pont entre les deux continents :

aurais-je imaginé jamais

retrouver l’Ardenne au cœur

du Wisconsin et revivre

là-bas mon service militaire

en chassant le chevreuil        

Encore plus insensée et improbable, les éditions Atlantica reviennent sur l’aventure Sigma, l’histoire d’un festival d’avant-garde entre 1965 et 1996 dans un livre illustré et formidablement documenté de Emmanuelle Debur. C’était un temps où Bordeaux, la somnolente, la nonchalante bourgeoise était réveillée en sursaut par le théâtre expérimental. Magic Circus, Pink Floyd, Bartabas ou les travestis Mirabelle secouaient les pavés bien ordonnés de la capitale girondine. Vous n’en aurez pas fini avec l’incongru car, en début d’année prochaine, le 10 janvier exactement, un nouveau roman de Laurent Graff aux Dilettante qui s’intitule « La Méthode Sisik » risque de perturber le sommeil de nombreux lecteurs.

L’étrange questionnaire, Éric Poindron, Le Castor Astral, 2017.

L’étrange questionnaire d’Eric Poindron

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Le temps s’écoule à Barde-Lons, Stéphane Piletta-Zanin, Éditions Xénia, 2017.

Le temps s’écoule à Barde-Lons : Retraits amoureux, ou les avatars d’Emilienne

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America Felix, Marc Hanrez, Poèmes , Éditions Le Bretteur, 2017.

Sigma 1965/1996, histoire d’un festival d’avant-garde, Emmanuelle Debur, Éditions Atlantica, 2017.

SIGMA 1965/1996 – Histoire d’un festival d’avant-garde

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« une écriture riche d’un excellent niveau esthétique » selon Lettres capitales

L’archéologie imaginaire de Stéphane Piletta-Zanin : «Le temps s’écoule à Barde-Lons»

http://lettrescapitales.com/larcheologie-imaginaire-de-stephane-piletta-zanin-temps-secoule-a-barde-lons/

Si vous n’avez jamais entendu parler du village de Barde-Lons, ne le cherchez pas sur la carte, lisez plutôt le livre au titre évocateur de Stéphane Piletta-Zanin, « Le temps s’écoule à Barde-Lons ». Vous apprendrez ainsi que la Bardale, la rivière qui coule en bas dans la vallée, connue déjà du temps des Romains, provient d’un mot qui dénommait « une petite alouette huppée », un oiseau qu’à l’époque les Gaulois « devaient prendre aux pièges et au filets, pour les faire rôtir ». À cela, il faut ajouter d’autres détails géographiques et historiques qui mélangent à cet héritage des vestiges celtes et des traditions qui se perdent dans la nuit de l’Histoire. Mais, surtout, il faut considérer avec un œil attentif les événements susceptibles de traduire le secret du temps qui passe à travers les sécheresses, les vendanges et autres circonstances de la vie ordinaire, pour comprendre que, plus que tout, ce qui compte dans l’histoire de ces lieux, c’est le passage du temps figé dans la « parfaite réminiscence » de la mémoire.

Comme il fallait donc s’y attendre, Histoire et Temps finissent par se rencontrer dans le territoire de la Narration, là où l’Auteur-Narrateur démultiplié, selon ses propres dires, en « Je, Moi, Il, mais finalement aussi bien Elle, Elles, Eux et que sais-je encore », prend possession, chapitre après chapitre, d’un monde décrit de façon « photographique » et peuplé de personnages à part. Lieu d’un pittoresque septentrional, le village accueille ses habitants dans un espace imaginaire et volontairement suspendu entre des frontières infranchissables. Leur passion et leur manière « italico-byzantine » de se mouvoir dans cette communauté montagnarde isolée du monde font d’eux des personnages de légende dont la simple évocation suffit pour impressionner le lecteur. Faisons ainsi connaissance avec le Collectionneur, le Grand Louis, le mystérieux Magdalena et la Princesse Either Nic Lochlainn, « une femme à la beauté pure », les deux ecclésiastiques, le Pasteur et le Curé, le Fouilleur, l’Assassin, Hans-Peter et Dino et, enfin avec le Narrateur se cachant furtivement, comme nous l’avons vu, sous de multiples identités et, surtout, la mystérieuse Emilienne, héritière de l’ancêtre Adèle, et auteure probable du journal sur lequel repose l’histoire de Barde-Lons.

Dès lors, alimentée par cette multitude de personnages bariolés, l’intrigue se construit à l’aide de l’accumulation d’une série d’événements les reliant les uns aux autres à la fois par le côté ancestral, patriarcal et par une suite de péripéties qui permettent à chacun de se positionner et de construire à son tour une histoire commune avec les autres. Le lecteur est ainsi sollicité à suivre avec attention ce développement passionnant, sa patience étant le prix à payer pour accéder à la totalité de ce monde particulier qui revendique plus d’une fois l’utilisation de certaines clés de lecture lui permettant d’interpréter certains passages difficilement compréhensibles autrement.

Prenons ici un seul exemple, pour illustrer ce propos. Dans une discussion que Magdalena entretient avec le Collectionneur, le premier lui parle d’un supposé Tchèque immigré du nom d’Alex Houdusly qui, à l’occasion de longues discussions avec l’intéressé, refuse « une société où l’on parlerait encore de viviparité » et envisage « d’enfermer toute société » dans des castes. S’agit-il d’un monde pris dans un désespoir tout aussi réel que métaphysique, d’un Éboli que le narrateur emprunterait à Carlo Levi pour parler d’un exil semblable à celui de la région de Basilicate ? Au meilleur des mondes de Aldous Huxley ? On ne saurait pas le dire avec précision, tant les pistes sont codées et demandent des éléments de compréhension.

Le geste littéraire de Stéphane Piletta-Zanin ne perd en rien ni de son élan ni de son souffle, au contraire il justifie la comparaison que l’on est tenté d’oser – toute proportion gardée – avec « Les cent ans de solitude » de Gabriel Garcia Màrquez. Barde-Lons pourrait être, par sa silhouette flottante et par le mystère qui peuple l’histoire, l’origine, les faits et gestes de ses habitants, une réplique sans conteste du Macondo màrquezien. La différence résiderait dans le cas du romancier français dans le transfert vers une érudition qui s’étend du domaine latiniste-byzantin jusqu’au moments culturels clé qui traverse l’Europe de l’illuminisme et jusqu’à nos jours.

Les amateurs de récits fantastiques et de romans à clé seront ainsi comblés et garderont en mémoire ce monde particulier et étrange, réel et imaginaire à la fois. Le lecteur est appelé, par une invitation à la benevolentia, à la « bienveillante distance et compréhension » de se plonger dans cette « œuvre d’archéologue-restaurateur » où le narrateur tente de « dire la vérité à partir des seuls témoignages recueillis ». En d’autres termes, il est invité à une plongée radicale dans un imaginaire qui prend petit à petit une place prééminente et qui finit par brouiller tout parcours vers la réalité.

« Le temps s’écoule à Barde-Lons » fait partie de ces ouvrages que l’on pourrait qualifier de romans d’aventures fantastiques à mi-chemin entre voyage et mystère, entre fantasy et saga qui passionnent autant un public très large .

C’est une excellente occasion de le découvrir et d’explorer son univers et de savourer son écriture riche et d’un excellent niveau esthétique.

Dan Burcea

Stéphane Piletta-Zanin, « Le temps s’écoule à Barde-Lons », Xenia Éditions, 2017, 376 p., 23 euros.

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« une réflexion érudite sur la littérature véritablement fascinante » Barde-Lons dans « L’Incorrect »

IMG_9715.JPGUn catalogue foutraque 

« Le Temps s’écoule à Barde-Lons » de Stéphane Piletta-Zanin chez Xenia 376 p. 23 €

« J’affirme solennellement ici que je n’ai rien structuré (inutile donc de me le reprocher !)« , écrit Stéphane Piletta Zanin dans son ouvrage « Le Temps s’écoule à Barde-Lons ». Voilà qui est dit : inutile de chercher la logique narrative dans ce catalogue un peu foutraque d’habitants hauts en couleurs. A l’instar de Dino, le gérant du salon de coiffure pour hommes et pour dames où l' »on cause », ou du rémouleur Martial qui fait boire ses clients pour mieux les faire parler, Stéphane Piletta-Zanin recueille les confidences et les contes parfois drolatiques des habitants de Barde-Lons. Même s’il a parfois trop tendance à les interrompre à coup de parenthèses explicatives et de jeux de mots, même s’il multiplie les clins d’oeil appuyés aux lecteurs, critiques littéraires forcément jaloux et autres éditeurs, au risque de briser la magie de l’histoire, il prête vie à une galerie de personnages très réussie et propose une réflexion érudite sur la littérature véritablement fascinante.

Marie André

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Minuscule note bi(blio)graphique de Stéphane Piletta-Zanin

stephaneP.jpgMinuscule note bi(blio)graphique

Piletta-Zanin  (SPZ comme on l’appelle volontiers) apparaît au monde en 1957, le 1er avril précisément.

 Beaucoup, dans la vaste confrérie des gens de Justice, déplorèrent immédiatement date et événement. Quant au reste du monde, bon nombre  célèbrent encore ou révèrent le jour par un déferlement d’humour.

Vers ses vingt ans il fonde avec d’autres une revue littéraire : YMER. Aussitôt parue, aussitôt disparue. Le groupe explose en effet, l’idée tout aussi bien, comme il en est souvent des projets que l’on fait à ses vingt ans. Cependant, la revue serait toujours activement recherchée par des collectionneurs avertis. A moins qu’ils ne fussent mus par une addiction  en quelque sorte aux cartons de bouquinistes. Cela existe : SPZ en sait quelque chose ; un procès a été formé par un groupe de copropriétaires contre l’un de ces afficionados, mais ce au motif paraît-il avéré que les poutres de l’appartement en cause ployaient et commençaient à céder sous le poids des ouvrages accumulés. Comme quoi la passion de la lecture peut être dangereuse !

 

Néanmoins il s’éprend d’art. Autant qu’il le peut, il cherche à acquérir des œuvres. Il rencontre ainsi certains personnages, dont l’un, H.N a été combattant chez les Républicains durant la guerre d’Espagne. Il lui raconte les tranchées, les bombardements, les guerriers arabes de Franco, Hemingway frappant sur sa Corona. Il ne le sait pas, mais c’est déjà du matériel qu’il accumule pour son « Barde-Lons ». Ouvrage où tout est véridique bien sûr, autant que saura l’être la néo littérature para- fantastique. Lui succèdera – incessamment – « Le roman posthume (ou la brigade des porcs tueurs) ». Ce  dernier, récit issu d’un fait divers :  l’abattage d’un porc prévu – en période d’hostilités et en Bosnie-Herzégovine – pour un événement festif, mais d’où tombera, la bête ayant été ouverte, la main à moitié dévorée  d’une femme.

Histoire pour partie véridique donc et où l’on trouve un général d’aviation italien  baptisé selon le rite orthodoxe, en mission en Afrique,  porteur de prénoms teutoniques, grand amateur de femmes, de comptines et de cantines ; un  curé également muté en Afrique, pourvu cependant d’un oncle au Vatican,  lequel curé proposera au général italien d’écrire toutes les lettres aux familles, avec citations individualisées, mais contre remise de tout  son stock de préservatifs en vue de leur fourniture aux familles locales. Enfin un diplomate suisse en effet, sacrifié, mais qui sait tout, voit tout, comprend tout et finira par mourir au détour d’un vers « ô mon crâne, étoile de nacre qui s’étiole ». Véridique donc !

Très tôt PZ s’éprend des grands textes ; Salammbô, (et son voyou de mercenaire à qui elle cède assez rapidement, chaînette d’or ou pas), les filles du feu… Il dévore le Grand Jules (comme le Grand Louis du Barde- Lons) enfin il tombe amoureux de l’écriture de celui que tout un continent désigne affectueusement par son surnom : Gabo.

Ainsi « Le temps s’écoule à Barde-Lons »  sous-titré « retraits amoureux ou les avatars d’Emilienne »  avec ses plus de deux cents références littéraires ou musicales se veut bien sûr un hymne à l’amour au temps du Choléra ou, plus encore, aux cent ans de solitude.

Avocat en vue – il se verra nommé pour la conduite de certains des plus grands procès criminels depuis Nuremberg –  il n’abandonne cependant jamais tout à fait l’écriture.  Ecrit alors en catimini. .Jamais aussi heureux qu’en tenant une plume. Quelques ouvrages, romans (les oreilles d’Agamemnon, un homme de rien,) et nouvelles (nouvelles toscanes, Shogan Shogan mourra un jour) , appelés bien sûr à une prochaine réimpression, voient ainsi le jour, mais en  une édition intimiste, tout aussi improbable qu’artisanale: Mode d’emploi :  Les itinérants du spectacle.

Sous cet angle du monde politico- judiciaire il se voit très tôt confié des mandats à caractère politique (et donc économique). Au milieu des années 80, c’est tout un Etat (fût-il cantonal) qui est ébranlé par un vaste scandale de fausses factures, ce bien sûr au profit d’amis politiques de la même couleur évidemment que ceux qui étaient  alors en charge du principal Département visé. Des hiérarques, des personnalités étrangères, politiques ou militaires, étaient en effet invités à se faire traiter  en Suisse, mais ce à des conditions économiques bien particulières : la manne de l’Etat pourvoyait !   On lui confie alors, relativement jeune encore, des mandats en arbitrage (au-dessus du milliard de pounds !). Là, c’est tout le développement (et l’avenir) d’un Etat européen en matière de réseaux de communication qui est en jeu. Eminemment stratégique bien sûr ; la Défense n’est jamais bien loin ! Cela provoque quelques grincements de dents, d’autant qu’il se refuse à toute espèce de co-listage. Sans pitié paraît-il – ce qui est totalement faux –  il devra solliciter à Paris et du Bâtonnier alors régnant la sanction la plus grave contre un Confrère. Simplement l’injustice caractérisée l’insupporte, le révolte !

Il sera  parmi les premiers avocats autorisés à plaider devant le Tribunal pénal  international pour l’Ex-Yougoslavie, participera à certains des plus grands procès, ce qui donnera lieu à un « roman critique » : Pour l’Amour de Sarajevo (L’âge d’Homme ; 2014).  Exemple impossible et assez singulier sinon rare, il faut le dire, d’un  « roman » incorporant   quelque 172 notes de bas de page à caractère politique ou historique, allant par exemple d’un des plus grands mensonges historiques (les massacres en forêt de Katyn ; un demi-siècle d’omerta è politique),  avec exécutions effectuées au moyen d’armes prises à l’ennemi :  au soutien de l’administration Clinton au trafic d’armes malgré un embargo UN, ou à la position de la France sur le même sujet et dans les mêmes circonstances d’embargo en Syrie.  Une note spécifique avait été consacrée aux groupements islamistes, leur nombre et leur importance. Cependant chaque deux semaines il fallait la compléter : il y sera finalement  renoncé. 

Dès lors, parmi les premiers arrivants au TPIY, il participe au développement de l’association des conseils de la défense ( ADC) et se bat pour le représentativité de la langue  française.  Ainsi, il n’hésitera pas à utiliser,  avec une  fréquence parfois remarquée il est vrai,  des structures dont le Procureur et l’Accusation, évidemment anglophones, se plaignaient en audience qu’elles fussent  « slightly archaïc », à l’effet volontaire- prétendaient-ils quoique à tort bien sûr – de retarder les traductions et, pour eux donc, la communication des actes en cause. Mais on ne se refait pas !

 Il est également parmi les premiers avocats  à être listé au sein de la Cour pénale internationale. Il  se confronte au terrain, est nommé chef de Mission pour la Défense en lien au Darfour et au Congo (RDC). Dans une base militaire en  Afrique et lors d’un interrogatoire particulièrement tendu avec un jeune procureur qui deviendra membre  d’une équipe  présidentielle américaine, il va imposer à la CPI l’adoption quasi  immédiate de nouvelles règles techniques et pratiques  en lien au traitement physique des dossiers et surtout des informations contenues. A défaut, il aurait conseillé à son client de ne rien dire – droit premier de la défense – et pris le premier avion pour l’Europe. Il craignait des fuites même au sein d’une telle institution. Quelques années plus tard, le phénomène des lanceurs d’alertes et de l’organisation du traitement fuites s’invitera dans le discours sociétal,  judiciaire et politique. Telle Cour des comptes ne vient-elle pas d’instaurer un lien informatique sécurisé pour toute dénonciation sous couvert d’anonymat !  Retour peut-être d’une nécessaire bocca della verità  (ou plus tard :  bocca di Leone) qui s’imposerait encore à nos sociétés modernes ?

Aujourd’hui, il a été  choisi pour la révision d’un méga procès criminel. Mais tout en conduisant en parallèle d’importants projets immobiliers

                                                                        ***

Cependant, comme d’autres avaient leur gueuloir, il va se chercher quelques lieux, qu’il a tôt fait d’appeler ses écritoires. L’un en Toscane, le premier, où il écrit, en plein ciel, tout contre le clocher roman ; le second en terres ibériques, l’après-midi uniquement, tout en haut d’un moulin désarmé mais plongeant sur la mer,  le troisième ; les vestiges d’une tour minoenne, s’écroulant elle depuis des siècles dans la passe et sur les sépultures qui s’y trouvent, le dernier enfin, au milieu des vignes où il a poussé, tout contre une façade du XIVème qui aujourd’hui menace ruine. Ce qu’il s’emploie à sauver, en dépit des thuriféraires bien locaux d’un Département aussi aveugle qu’obtus…

Là cependant, il écrit jusqu’à tard, à nuit bien avancée.

Et lorsqu’ils voient de la lumière, parfois des passants, des amis  entrent; partagent un verre, et le plus souvent sollicitent un conseil.

Et une histoire démarre à nouveau.

 

 

 

Stéphane Piletta-Zanin, écrivain chez Xenia

stephaneP.jpgNé en 1957, Stéphane Piletta-Zanin se lance dès 1976 dans des études de lettres en même temps que de droit. Sur le plan juridique, il aura été ces dernières années sur le devant de la scène et du droit international humanitaire, avocat chef de Mission pour La Défense, notamment pour la CPI. Il a été choisi pour défendre dans le cadre du procès dit de la « bataille de Sarajevo », ce qui a conduit à l’élaboration d’un premier roman. Mais avec « Le temps s’écoule à Barde-Lons », c’est surtout un hommage à la littérature, fantasque en particulier, à quoi l’on assiste.

ROMAN « Le temps s’écoule à Barde-Lons » de Stéphane Piletta-Zanin

couv piletta.jpgParution le 22 novembre 2017

Avec cet ouvrage, nous voici plongés dans un monde à la fois fantastique et surréaliste. Comme dans « Un balcon en forêt, des buses y lancent leurs cris lancinants et ténébreux…

Barde-Lons, c’est un village sans réelles frontières, ni dans le temps ni dans l’espace. Ce pourrait être un bourg médiéval de Bourgogne, ou plus vraisemblablement de quelque part dans la vallée d’un fleuve, avec cependant des coteaux couverts de vignes.

Dans la mémoire locale se croisent les souvenirs d’une ancienne ambassade qu’envoyèrent les Byzantins, à la recherche d’or, d’un cimetière dévasté par une coulée de boue. Traces aussi des vieilles guerres de religion. Mais cela sera résolu par le penchant pour l’alcool que se découvrent le curé du bas et le pasteur du haut. Il est vrai qu’il s’agissait de trouver moyen de divulguer les confidences du confessionnal sans violer le secret de la confession. Et l’histoire d’un écrivain qui deviendra célèbre pour n’avoir jamais rien publié.

Le roman oscille ainsi entre allitérations littérales et jeux d’écritures pour n’avancer, avec des personnages qui feront alliance avec le narrateur, que de clins d’oeil textuels en soumissions littéraires. Mais tout cela se veut surtout un hommage à la littérature elle-même, en premier lieu à Gabo. A commencer par les eaux diaphanes de la Bardale, cette rivière en dessous de Barde-Lons, mais qui roule dans son lit des galets ronds comme des oeufs de dinosaures…