Claudie Cachard, Les gardiens du silence (2006) dans la Revue EMPAN (mars 2007)

EMPAN, Prendre la mesure de l’humain

Des femmes et des hommes : un enjeu pour le social ? numéro 65, revue trimestrielle mars 2007

Notes de lecture

Les gardiens du silence

Cachard, C. 2006. Paris, Editions Des femmes 208 p.

C’est ce très beau titre qu’a choisi Claudie Cachard pour son second livre qui vient d’être réédité aux Editions Des femmes. Claudie est psychiatre et psychanalyste, et anime depuis maintenant vingt cinq ans le groupe Corps Psychose Psychanalyse.

Comment rencontrer ceux qui se taisent radicalement n? Comment donner une place psychanalytique à ce qui se dit en silence ? Ce sont les questions que posent ce livre.

Mais les Gardiens du silence, c’est d’abord une écriture qui nous prend par la main et nous emmène vers les lieux où la parole est vacante. Nous n’y sommes pas seuls. L’auteur est là, bordant les espaces en même temps qu’elle les approche ou les désigne. Par cette écriture singulière, précise, ne fuyant aucun détour et comme portant le lecteur, ce sont des lieux singuliers que notre lecture arpente et découvre.

C’est ainsi que garder le silence se retourne, et nous entendons alors combien il est possible d’être gardé par le silence. On pourrait dire aussi « veillé par le silence » et rejoindre ainsi le titre que ce livre porte dans sa traduction hongroise : « Les Veilleurs du silence »…

Ce que Claudie soutient est à la frange, au bord de la psychanalyse et aborde « les zones limites où le corps fait psychisme et où le psychisme fait corps » et « le fonctionnement psychique de dernière chance s’acharnant à traiter l’intraitable ». Le livre étudie les réponses psychiques que chacun a construites dans les situations extrêmes, et cherche à « reconnaître certaines analogies concernant les réponses fantasmatiques dont disposent les humains face à la souffrance grave et à l’irrémédiable. »

La question d’être le seul survivant, la culpabilité qui en résulte, mais aussi la toute-puissance qu’on trouve à se construire soi-même comme une crypte ou un tabernacle protégeant ses morts pas morts.

L’auteur ne refuse pas les questions, mais au contraire les considère chacune et les met à plat, envisage les dénis, les protections, la jouissance liée à la souffrance, « la terreur toute proche de la jouissance » ou la frontière « de l’horreur au sublime ».

Le livre a dix-sept ans. Il est étonnamment jeune et frais, adolescent peut-être. Il rejoint à sa manière propre certaines recherches actuelles et thérapeutes ayant longuement fréquentés les psychotiques, et donne son éclairage particulier et original sur ces questions difficiles.

Blandine Ponet

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