Extrait de la première partie des Mémoires du capitaine Dupont

Première partie (1792 – 1815) des Mémoires du Capitaine Dupont

 

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Campagnes aux Antilles : Guadeloupe, Saint-Eustache et Marie-Galante Occupation des îles hollandaises. – Séjour à Saint-Eustache où une attaque anglaise est repoussée. – Retour en Guadeloupe. – Daniel Dupont en garnison à Marie- Galante pendant deux années.

 

Le 1er mars (1795), embarqué pour aller prendre possession des îles hollandaises. Le premier jour, après avoir été coucher à Deshayes et partis le lendemain, par un bon vent, nous avons été deux jours et sommes débarqués à Simson-Baie, île Saint-Martin ; de là nous avons fait route par terre pour gagner le Fort-Amsterdam, capitale de la partie hollandaise. Nous n’y sommes restés que trois jours et nous sommes repartis, quatre compagnies de notre bataillon, pour Saint-Eustache. Nous y sommes arrivés dans la même journée, la traversée n’étant que de huit lieues. Les Hollandais nous ayant remis les forts, on a hissé le pavillon français à côté du pavillon hollandais ; les troupes hollandaises montaient la garde avec nous, et nous avons vécu en bonne intelligence, ainsi qu’avec les habitants de l’île, pendant deux ans que nous y sommes restés en garnison.

 

Saint-Eustache est une petite île de trois lieues de circonférence, qui était bien riche avant la guerre de la Révolution. Son port était ouvert à toutes les nations et était franc. Aussi il s’y faisait un grand commerce, mais la guerre lui a causé sa ruine. Il y avait autrefois un volcan qui est éteint, qu’on nomme le Bol, et qui est aujourd’hui rempli de broussailles. À Saint-Eustache il y a beaucoup de juifs ; nous étions logés auprès de leur synagogue et nous les entendions prêcher et chanter de notre caserne. J’y suis entré une fois, c’était toujours le soir qu’ils s’y réunissaient.

 

Le 31 janvier (1796) je me trouvais détaché à la batterie Dewind qui est dans la partie sud de la colonie, et en vue de Saint-Christophe, qui appartient aux Anglais, quand je vis quatre bâtiments anglais appareiller et faire route pour venir attaquer les bâtiments français qui se trouvaient dans la rade. J’ai bien vite envoyé un homme de mon poste prévenir le gouverneur que deux vaisseaux et deux frégates faisaient route pour Saint-Eustache, et, quand ils ont été à portée de canon, j’ai commencé le feu ; mais ils m’ont fait beaucoup d’honneur : ils ne m’ont pas répondu… Ils se réservaient pour la rade, mais on les a si bien reçus qu’ils ont été obligés de laisser arriver vent arrière et de se retirer du combat pour réparer leurs avaries. Nous ne les avons plus revus.

 

Parti de Saint-Eustache à la fin de 1796 pour retourner à la Guadeloupe. Dans la nuit de notre départ, sous le vent de Saint-Christophe et au moment où nous y pensions le moins, il nous est arrivé un coup de canon d’une frégate anglaise qui nous donnait la chasse ; j’étais malade de la maladie de mer dans ce moment-là : j’ai été bientôt guéri, ainsi que tous mes camarades qui se trouvaient pris comme moi de la maladie de mer…

 

Nous étions trois goélettes, les deux premières se sont sauvées, mais la troisième a été prise et je me trouvais dans la première. Le lendemain, au jour, nous n’avons plus rien vu et nous sommes arrivés le lendemain à la Basse-Terre ; nous avons été casernés au Champ d’Arbau. À compter de ce moment, j’ai été fait sergentinstructeur et je n’ai plus guère monté la garde tout le temps que je suis resté sergent.

 

Parti de la Basse-Terre pour aller tenir garnison à Marie-Galante. Le premier jour aux Trois-Rivières, deuxième journée à la Capesterre, troisième journée au Petit-Bourg et embarqué de suite dans des embarcations pour la Pointe-à-Pitre. Et parti le lendemain pour Marie-Galante. J’y suis resté deux ans bien tranquille ; j’y faisais les fonctions d’adjudant sous-officier.

 

Marie-Galante est une petite île dépendant de la Guadeloupe qui a environ une vingtaine de lieues de circonférence, pays assez plat et qui a à peu près vingt mille habitants. Christophe Colomb la découvrit en 1493. Elle est à dix lieues de la Guadeloupe, à la même distance des Saintes et à peu près à la même distance de Dominique.

Extraits de « ABCMer » de Jean-François Marquet aux Éditions La Découvrance (NOUVEAUTÉ HIVER 2014-2015)

ABCMer

Jean-François Marquet

 

Illustré par 40 dessins de Sébastien Léger

 

Un avant-goût des mots :

À Dieu vat’, affaler, arriver

biture, bord, branle-bas

cambuse, cape, chiourme, cinglé, corbillard

débâcle, déglinguer, démarrer, déraper,

désemparé, draguer

estime

forban, fretin

gabarit, gouverner, guindé

Havre

jauge

larguer, lascar, ligne

nausée, nef

panne, parage, patachon

quart

ricochet

strapontin

tiens bon

 

va-et-vient, vadrouille, vrac

 

A DIEU VAT

A, comme A dieu va ou mieux, A dieu vat’

 

A dieu va ou A dieu vat’ est employé aujourd’hui, pour ceux qui l’emploient encore, comme une expression synonyme de à la grâce de dieu ou que dieu nous guide ou encore à dieu plaise.

A savoir tout de même qu’on peut écrire A dieu va en trois mots mais également Adieu en un seul mot et plus loin Va ou Vat’ en prononçant bien le T dont on dit qu’il viendrait du breton mais qui plus sûrement vient d’une ancienne façon de conjuguer le verbe aller avec un T à la troisième personne du singulier. Il est vrai en outre, qu’en langage marin on prononce volontiers les T comme dans bout ou canot Bref, autrefois, cet Adieu vat’ était dit pour souhaiter une bonne navigation mais pas seulement.

Car, comme disait Maxime Du Camp, l’ami de Flaubert, dans les mémoires d’un suicidé : «Quand la dernière montagne eut disparue sous les nuages, un sanglot monta jusqu’à mes lèvres et je poussai le cri des matelots en péril : A dieu va »

 

 

Explication de texte : en fait, dans l’ancienne marine à voile, Adieu vat’ était un commandement donné à l’équipage pour virer de bord par vent debout (de face).

La manoeuvre était particulièrement délicate sur ce genre de bâtiment parce que pendant le virement de bord le bateau n’est pas franchement manoeuvrant. Et s’il ne parvient pas à passer le lit du vent, sa vitesse tombe et il peut dériver vers des rochers ou vers un autre bateau de la flotte. C’est l’équivalant de Envoyez! Dans le commandement actuel qui dit d’abord Paré à virer! Envoyez! Le risque que comportait cette manoeuvre jadis nécessitait donc qu’on s’en remettre à Dieu.

 

AFFALER

A, comme Affaler,

 

Aujourd’hui dans le langage commun on utilise volontiers le verbe affaler sous la forme s’affaler… « J’étais tellement épuisé que je me suis affalé sur le canapé en regardant TF1».

On l’utilise donc pour dire qu’on se laisse tomber lourdement, qu’on se vautre, qu’on s’écroule, soit par fatigue soit parce que quelqu’un, quelque chose ou la télévision nous a fait tomber physiquement ou d’ennui.

Eh bien, ce n’est pas tout à fait ça ou plutôt ce n’est pas que ça. L’auteur à succès, Stephen King, qui a sans doute le pied marin, écrivait dans La ligne verte : « On peut affronter la bise mais mieux vaut s’affaler dans la tempête ». Il ne croit pas si bien dire.

 

Mais remontons un peu le temps. En fait, affaler vient d’un mot néerlandais qui signifiait «faire descendre ou laisser descendre ». En terme marin on ne s’affale donc pas mais on affale des objets, un colis, ou un homme le long du mât au bout d’une corde ou encore un filet. On affale même la morue dans la cale, d’ailleurs le matelot chargé de cette manoeuvre est appelé l’affaleur. 

 

On peut aussi affaler en grand ou affaler en bande, c’est-à-dire laisser tomber le plus vite possible, c’est comme ça qu’on affale une voile par exemple. Comme quoi on peut aussi bien affaler une morue qu’un phoque. Autrefois, on utilisait aussi ce verbe pour dire que le bateau était poussé par le vent vers la côte. En somme, on affale sous les rafales.

D’ailleurs, s’affaler quand on parle du bateau lui-même c’est, ni plus ni moins, qu’il s’est échoué et pas forcément sur un canapé.

 

FRETIN

F, comme fretin

 

Fretin est à l’origine un diminutif. Le diminutif d’un mot de l’ancien français fret qui

voulait dire débris et fret n’était autre que le participe passé du verbe freindre qui, lui,

voulait dire briser qui vient lui-même du latin frangere qui en français actuel a donné

enfreindre ou encore fraction. Là, il faut se souvenir de ses versions latines.

 

Dans ce sens de débris, de chose sans valeur, fretin a disparu excepté dans l’expression menu fretin. Le menu fretin qualifie des choses et surtout des personnes de peu d’importance. Ainsi, Marivaux, en parlant de ses proches pouvaient dire :

« Pour ce qui est de mes parents, ce n’est pas du fretin non plus : on les appelle Monsieur et

Madame », on sent bien que ce n’est pas rien.

 

Bref, la police peut avoir arrêté le menu fretin sans avoir mis la main sur les caïds ou les cerveaux de l’affaire. Et ça n’est pas sans rapport avec le sens maritime du mot fretin, un mot qui n’est pas lié à la navigation ni à la construction navale mais bien à la pêche.

 

Dès le début du XVIIème siècle le menu fretin s’emploie principalement par les morutiers pour désigner les prises de trop faible taille, donc de dernière qualité et pour tout dire : invendable. En somme à la fois petit et sans valeur.

 

Aujourd’hui, les pêcheurs professionnels comme les pêcheurs du dimanche nomment menu fretin les poissons trop petits qu’ils remettent généralement à la mer quand ils ne sont pas morts étouffés au fond du filet sous le poids des poissons les plus gros.

Enfin, dernière précision, le fretin n’est pas celui qui met son bateau en location,

lui, c’est le fréteur du bateau, et celui-là n’est pas forcément menu.

 

Capture d’écran 2014-11-18 à 23.59.45.pngPATACHON

P, comme patachon

 

Aujourd’hui, bien sûr, on connaît le mot patachon qu’on emploie plus guère que dans l’expression mener une vie de patachon et pour dire que quelqu’un mène une vie un peu instable voire franchement dissolue. Mais, sait-on encore que le nom de patachon était celui qu’on donnait au cocher qui conduisait la diligence qu’on nommait une patache. Une diligence à deux roues assez inconfortable mais qui permettait de voyager à peu de frais. Et le fameux cocher qui en tenait les rênes était réputé pour s’arrêter régulièrement dans des auberges où il ne buvait pas que de l’eau.

 

Mais, me direz-vous, quel rapport avec la mer ? En fait, cette patache terrestre a un ancêtre marin, un bateau particulier. Son nom viendrait de l’espagnol pataje qui désignait un petit bateau de guerre.

 

La patache était donc au XVIIIème siècle un petit bateau qui naviguait au service de plus grands navires entrant dans les ports pour y percevoir le droit d’ancrage ou bien la gabelle. C’est donc logiquement que cette embarcation est devenue la barque officielle du service des douanes qu’on a appelé patachon celui qui pilotait cette barque. En argot marin, le patachon a désigné tous les douaniers. Un surnom pas vraiment plus sympathique que son concurrent le gabelou.

 

 

Capture d’écran 2014-11-18 à 23.57.15.png

QUART

Q, comme quart

 

Le quart vient du latin quartus qui veut dire quatrième, et logiquement il divise tout en quatre, il peut même couper les cheveux, en quatre. « Le quart de rouge, la boisson du garde rouge », eh bien ce quart de rouge, que chante Nino Ferrer n’est autre que le quart d’un litre de vin rouge ; Mais je vous vois d’ici partir au quart de tour et vous

demander ce que le quart a à voir avec le langage marin.

 

En fait, le quart est la période, autrefois de 6 heures soit un quart de journée, puis de 4 heures, période donc pendant laquelle plusieurs membres de l’équipage

accompagnés d’au moins un officier sont de veille pour assurer la sécurité du bateau, la navigation, les manoeuvres et la surveillance des éventuels navires

ennemis. Ces membres d’équipages sont appelés les hommes de quart.

 

Il y a donc les quarts de jour et les quarts de nuit. Ces derniers n’étaient pas franchement les préférés des matelots c’est pourquoi ils ont appelé le quart qui va de minuit à quatre heures : le quart du cimetière et celui qui va de quatre à huit heures : le quart du bouledogue.

Toujours en terme marin, le quart désignait également la ration d’un quart de litre attribué au matelot. Par extension il a signifié le gobelet en fer blanc qui fait cette contenance et qu’on utilise toujours même à terre.

 

A savoir enfin que dans l’argot des prostitués faire le quart c’est faire le trottoir.

 

Les Éditions de La Découvrance : leur histoire

Début 2005, je rachète La Découvrance après avoir créé une maison d’édition pyrénéenne en 2002. Le catalogue de La Découvrance est alors composé de livres régionaux (toutes régions) et de livres maritimes. Le fond est constitué de près de 400 titres qu’une personne commercialisait directement auprès des libraires. 

En 2006, j’opte pour une diffusion distribution nationale par le biais de De Borée et je restreins le catalogue à l’univers maritime.

En 2008, après la réorganisation (déménagement) de De Borée, je suis dans l’obligation de déposer le bilan. De soixante parutions annuelles, je décide de n’en publier que douze à quinze par année et je travaille seule après avoir licencié les deux salariées. Le plan de continuation est accepté.

En 2011, je confie la diffusion distribution à Pollen jusqu’au 30 septembre 2014.

Le catalogue de La Découvrance est d’inspiration océanique, des récits de navigation anciens et actuels, des fictions littéraires. Des auteurs récompensés par des prix littéraires et dont les romans sont appréciés au-delà des habitués du maritime : Olivier Bass ; Corentin de Chatelperron dont le livre et ses exploits ont fait l’objet de la presse nationale (TV France 2, Canal +, radio et papier comme Libération, Le Point, etc) encore ce début d’année malgré un livre paru en mars 2011 ; Roger Taylor, auteur anglais, traduit, remarqué par son minimalisme dans la presse nautique et par le prix Yann Quéffelec 2013 ; un journal de bord inédit de Lapérouse édité, etc 

Aujourd’hui, il est temps pour La Découvrance d’évoluer vers l’aventure terrestre – tout en privilégiant le texte maritime – c’est pourquoi dès la rentrée 2014 – et dans un premier temps – seront réédités des textes anciens de voyageurs.

Enfin, un beau livre de photographies d’art vient de paraître avec le concours d’un professionnel, le premier d’une lignée sur le thème des couleurs de l’eau et de la terre.

En parallèle de l’édition des livres sous forme papier, La Découvrance produit des e-books au format epub.

 – Principaux salons auxquels participent La Découvrance et ses auteurs : Étonnants Voyageurs de Saint-Malo, Printemps du Livre de Montaigu, festival Livre et mer de Concarneau, la Mer en livres de Le Conquet, festival de Saint-Vaast-la-Hougue, festival Amerigo Vespucci de Saint-Dié, Grand Pavois de La Rochelle, Nautic de Paris, etc.

Catherine Artheix, directrice de La Découvrance