Elisabeth Bing dans Le Journal des Psychologues (par Eva-Marie Golder, novembre 2009)

psychologue_fond.jpgLE JOURNAL DES PSYCHOLOGUES

NOVEMBRE 2009

DOSSIER INTIME DE L’ECRITURE

RECITS CLINIQUES ET ECRITS DE L’ANALYSTE

Par Eva-Marie Golder

Lorsque les représentations ne s’organisent pas en récit qui ait un sens, la pensée est effractée, l’écriture est suspendue, et c’est bien de sa propre inscription dans la réalité et de son sentiment d’appartenance dont il est question. L’histoire ne peut être écrite. (…)

Bibliographie : Bing E., 1976, Et je nageai vjusqu’à la page. Paris, Editions des femmes, 1993

nageai.jpgElisabeth Bing
et je nageai jusqu’à la page
320 p. – 22,50 € – 1982 – Réédition 1993, augmentée d’une postface

Le succès des ateliers d’écriture imposait la réedition de cet ouvrage publié une première fois en 1976, et qui a fait école…
Elisabeth Bing a choisi pour titre de son ouvrage l’expression enfantine petit François à qui l’écriture, labyrinthe mortel pour celui qui ne trouve pas sa voie, aura fini par apporter la paix et la confiance :  » je nageai jusqu’à la page où je m’endormis « . Car ceci n’est pas à un récit comme les autres…

Vaste poème où il s’agit de dire la différence et l’excès,  » texte oralisé « , recueil de créations enfantines, analyse des refoulements imposés dès leur plus jeune âge aux enfants qui ne correspondent pas à une norme d’éducation précise, témoignage, ni euphorique, ni pessimiste d’une femme qui a participé aux premiers ateliers d’écriture, plaidoyer pour une écoute de l’imaginaire, rêve intime d’une écriture de l’expression de soi, du voyage intérieur, d’une écriture-danse, travaillée, créatrice, libérée des tabous de l’âge adulte, telles peuvent être les mille et une façons d’aborder cet ouvrage.

 » Tout geste est de torture s’il est condamné de l’intérieur « . Comment renaître à l’expression, quand la norme vous a in/formé depuis votre plus jeune âge ? Rétablir une positivité du geste, offrir aux enfants bloqués la possibilité d’une course libre, d’une marche accordée avec leur être profond, montrer que l’écriture ne se confond pas avec les règles de la grammaire,  » créer un état de dérangement (…) pour que renaisse le désir « , tel est l’enjeu de ce livre sensible et émouvant.
Accorder la pulsion d’écrire à la pulsion du sang dans les veines, au rythme personnel des battements du coeur, au cheminement intérieur, « rétablir l’accord profond entre ce sang noir qui coulait de la plume et le rouge sang des veines « , c’est la démarche même d’Elisabeth Bing dans ce livre à la fois concret et poétique.
Au terme d’un parcours qui rappelle à chaque lecteur une relation oubliée entre son corps et sa parole, l’auteur nous aura appris à « oser l’impudence de faire écrire les autres «  ; à  » décontracter «  l’enfant (en nous) qui écrit, à libérer ses gestes, ses mots ; à suggérer que la vie est  » voix et corps « .

Du même auteur
Les Hommes de traverse

Elisabeth Bing a travaillé avec des enfants dits  » caractériels  » à partir de 1969. Elle a participé aux premiers ateliers d’écriture, et a poursuivi ses activités auprès d’adultes, à Paris comme à Aix-en-Provence.