« Faire l’amour », lu par Jean-Philippe Toussaint lui-même

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Jean-Philippe Toussaint
Faire l’amour
lu par l’auteur


1 CD 18 €

« J’avais fait remplir un flacon d’acide chlorhydrique, et je le gardais sur moi en permanence, avec l’idée de le jeter un jour à la gueule de quelqu’un. Il me suffirait d’ouvrir le flacon, un flacon transparent qui avait contenu auparavant de l’eau oxygénée, de viser les yeux et de m’enfuir. Je me sentais curieusement apaisé depuis que je m’étais procuré ce flacon de liquide ambré et corrosif, qui pimentait mes heures et acérait mes pensées. Mais Marie se demandait, avec une inquiétude peut-être justifiée, si ce n’était pas dans mes yeux à moi, dans mon propre regard, que cet acide finirait. Ou dans sa gueule à elle, dans son visage en pleurs depuis tant de semaines. Non, je ne crois pas, lui disais-je avec un gentil sourire de dénégation. Non, je ne crois pas, Marie, et, de la main, sans la quitter des yeux, je caressais doucement la courbe évasée du flacon de verre dans la poche de ma veste ».
Jean-Philippe Toussaint

Ce roman paru en 2002 raconte l’histoire d’une rupture amoureuse. Une rupture dont on ignorera tout au long du roman le motif. Le narrateur accompagne sa femme à Tokyo. Ce voyage est peut-être le prétexte qu’ils se sont choisi pour consommer une rupture sans cesse rejouée, sans cesse différée, et qui les hante. Faire l’amour pour la dernière fois, avec toute la violence et l’amertume de sentir l’autre déjà un peu absent. Puis se séparer, et se retrouver pour parcourir Tokyo enneigé, dans une longue escapade faite de tendresse, de désir, de haine et d’agressivité.

Le récit commence par l’évocation d’un flacon d’acide chlorhydrique, arme que le narrateur transporte sur lui tout au long du voyage, et qui fait peser sur l’écriture une gravité, une violence sur le point d’éclater, à l’image des deux secousses sismiques qui ébranlent Tokyo pendant la nuit, et annoncent le grand tremblement de terre toujours redouté. À la fragilité d’un amour qui se termine répond la précarité d’un monde menacé, physiquement, de destruction.

Jean-Philippe Toussaint naît à Bruxelles en 1957. Il fait des études d’histoire et de science politiques. Considéré dès son premier roman, La Salle de bain (1985, Editions de Minuit), comme un auteur minimaliste, ses romans suivants confirment l’originalité et la singularité d’une écriture qui allie subtilement comique et gravité, délicatesse et trivialité.

3Ferdaous, une voix en enfer » de Naoual el Saadaoui

Ferdaous, une voix en enfer
Naoual el Saadaoui

Réédition

Office 23/11/2006

En Égypte, Ferdaous, détenue et condamnée à mort pour avoir tué un proxénète, reçoit dans sa cellule à la veille de sa mort une femme qui étudie la personnalité des détenues. « Ferdaous » signifie « paradis », mais c’est bien de l’« enfer » que vient la voix de celle qui se met à raconter sa vie, son éternelle fuite qui ne peut se résoudre que dans la mort. Une enfance dépourvue d’affection, dans une famille où le père est tout-puissant, puis un mariage forcé avec un homme vieux et répugnant qui la bat, poussent Ferdaous à la révolte. Elle s’échappe, mais la rue est le lieu de la prostitution, et les regards des hommes la ramènent bientôt chez son mari.
Mais ce mariage est-il autre chose qu’une forme de prostitution ? Elle a été donnée à son mari contre beaucoup d’argent, et ne doit sa subsistance qu’à son obéissance. Elle se donne à un homme qu’elle n’aime pas pour pouvoir manger. Alors autant pouvoir éviter les coups, et manger vraiment à sa faim. C’est ainsi que, malmenée par des hommes qui prétendent d’abord la protéger, mais ensuite la prostituent de force, Ferdaous choisit de le faire volontairement et à son compte, dans une société où, de toutes façons, les femmes sont mises au service des hommes sans rien y gagner. Quand un proxénète veut la forcer à travailler pour lui, elle se débat et le tue. Condamnée à être pendue, elle se réjouit de « ce voyage vers une destination ignorée de tous sur terre, y compris des rois, des émirs et des gouvernants ».
Dans ce roman publié pour la première fois en 1977, Naoual el Saadaoui décrit la société égyptienne à travers l’histoire d’une vie infernale, sans issue : les fréquentes répétitions, au cours du récit, de petites scènes, traduisent l’impasse dans laquelle se trouve l’héroïne, qui revit sans cesse les mêmes déceptions, se heurte sans cesse aux mêmes obstacles. Ainsi la prostitution apparaît-elle tragiquement comme la seule véritable liberté pour Ferdaous, dans une société où les femmes, soumises aux hommes, n’existent que pour accomplir leur volonté. Au seuil de la mort, elle entame un chant de liberté, puisqu’elle s’apprête à quitter l’enfer, et que, au plus près de la vérité, elle n’a plus peur de rien ni de personne.

Naoual el Saadaoui, médecin en Égypte, est connue dans le monde entier pour son engagement dans la lutte pour les droits et les libertés des femmes arabes. En 1982, elle a reçu en France le prix de l’amitié franco-arabe pour ses livres : La face cachée d’Eve et Ferdaous, une voix en enfer (aux éditions Des femmes-Antoinette Fouque).

« Souvenirs 1843 – 1854 » INEDITS de Juliette Drouet, collectés par Gérard Pouchain

Souvenirs 1843-1854
Juliette Drouet
Édition établie par Gérard Pouchain.

Office 16/11/2006

Juliette Drouet, amante et inspiratrice de Victor Hugo, a vécu dans l’ombre du grand poète. Et pourtant, elle laisse derrière elle une quantité impressionnante d’écrits : des milliers de lettres, mais aussi de courts récits, témoignages de choses vues ou vécues. Ce sont ces textes, écrits entre 1843 et 1854, qui sont réunis ici pour la première fois dans leur intégralité.
On y trouve des portraits du poète, saisi dans son intimité : notamment, le récit très émouvant du voyage au cours duquel Victor Hugo apprend dans un journal la mort de sa fille Léopoldine.
Mais aussi des souvenirs plus personnels, comme ceux du couvent (« commande » de Victor Hugo qui, pour l’écriture des Misérables, avait demandé à Juliette de les mettre par écrit), et de l’exil à Bruxelles et à Jersey.
On découvre enfin des témoignages historiques passionnants : par exemple, le récit extrêmement frappant des journées insurrectionnelles de février 1848, et celui du coup d’État de décembre 1851.
Ce recueil a pour vocation de sortir Juliette Drouet de l’ombre : connue pour sa relation avec Victor Hugo, elle ne l’est pas suffisamment pour ses écrits qui révèlent un véritable talent littéraire. Une écriture à la fois délicate et expressive, à travers laquelle on devine une femme très sensible et d’une grande liberté d’esprit.
La sortie de ce recueil accompagnera une exposition consacrée à Juliette Drouet pour le bicentenaire de sa naissance, exposition qui se tiendra à partir de décembre 2006 à la Maison de Victor Hugo (place des Vosges à Paris) et dont le commissaire scientifique est Gérard Pouchain.

Juliette Drouet naît en 1806 dans une famille d’artisans. Très tôt orpheline, elle est élevée par son oncle (dont elle prend le nom) et fait sa scolarité dans un pensionnat religieux à Paris. Maîtresse du sculpteur James Pradier, avec lequel elle a une fille, elle commence sur son conseil une carrière de comédienne. Interprétant en 1833 un rôle dans Lucrèce Borgia, elle rencontre Victor Hugo, et abandonne alors sa carrière théâtrale pour se vouer à son amant, qu’elle accompagne dans son exil à Bruxelles, puis à Jersey et à Guernesey.

« Sheh ! Bien fait pour toi ! » de Hacina Zermane & Myriam Mascarello

Sheh ! Bien fait pour toi !
Hacina Zermane et Myriam Mascarello

En partenariat avec Sidaction (ce livre sortira à l’occasion de la journée mondiale de la lutte contre le sida).

Office 16/11/2006

Être maghrébine, musulmane et séropositive : une gageure que Hacina relève depuis bientôt quinze ans. Contaminée par son mari alors qu’elle n’a que dix-neuf ans, Hacina se retrouve atteinte d’une maladie dont elle ne connaît même pas le nom et dont elle ne perçoit, des années durant, aucun symptôme.
Son témoignage est inédit : jamais une jeune femme issue de l’immigration maghrébine n’a osé faire le récit de sa vie avec le sida. Dans son milieu, le sida est une maladie honteuse : un déshonneur pour la famille, une punition divine destinée à celles qui s’écartent du droit chemin. C’est ce qu’on lui répète sans cesse : « Sheh ! » (« Bien fait pour toi ! »).
Il faudra quatorze ans à Hacina pour se dresser contre ces préjugés, se révolter contre ces croyances mortifères. Quatorze ans pour oser rencontrer sa maladie et accepter de la combattre. Ce témoignage est l’histoire de sa renaissance à partir de cette prise de conscience.
Hacina y raconte son enfance, sa révolte adolescente contre une famille aimée mais dévorante, sa rencontre à dix-sept ans avec Baba, musulman mais Malien, père de ses quatre enfants. Elle parle de sa maladie, des inconnus qui l’aident, des proches qui l’accablent, de la découverte du Mali et de la polygamie.
Un récit pudique qui s’adresse à tous ceux qui risquent de mourir deux fois : à cause du virus et à cause du silence.

« Chanteuses de blues » de Buzzy Jackson

51Q0R68D6SL__AA240_.jpgChanteuses de blues
Buzzy Jackson

Traduit de l’américain par Luc Carissimo.
(Titre original : A Bad Woman Feeling Good)

Office 09/11/2006

Mélange de rythmes africains et de musique européenne, né dans les riches États du Sud des États-Unis, le blues est intimement lié à l’histoire, le plus souvent tragique, des Noirs. Dès son origine, il est chanté par des femmes qui ont rapidement imposé leur forte personnalité, capables d’exprimer, au mépris des conventions sociales répressives, leurs aspirations, leurs désirs, leur sexualité, leurs émotions, leur liberté… et défini une attitude face à la vie.
Dès les toutes premières, comme Mamie Desdoumes ou Ma Rainey (1886-1939), la « grand-mère du blues », apparaissent quelques caractéristiques rarement démenties par la suite et notamment une mauvaise réputation : des lieux, villes ou quartiers organisés autour de la vie nocturne, des bordels et du monde interlope, d’activités illégales et violentes, du « péché »… A la fois mères (respectées) et femmes « sexy », servies par des voix rauques et profondes, une vitalité débordante, une grande force physique, elles revendiquent une sexualité agressive (souvent bisexuelle). Aimant les fêtes et la boisson, elles s’inscrivent dans une marginalité dans laquelle elles peuvent affirmer une forme de liberté impossible par ailleurs, parce qu’elles sont noires, parce qu’elles sont femmes, et parce qu’elles sont pauvres.
Elles sont les premiers maillons d’une chaîne de transmission qui, de femme à femme, de génération en génération, chacune à sa façon particulière, dans la revendication ou la révolte, le raffinement ou la sophistication, constitue l’histoire du blues. On s’arrêtera sur quelques figures magnifiques, que ce livre nous donne envie de découvrir ou de redécouvrir, Bessie Smith (1894-1937), Billie Holliday (1915-1959), Aretha Franklin (atypique dans ce monde de « mauvaises femmes »), Tina Turner ou Janis Joplin notamment…
Ainsi, ce livre prend le contrepied d’une idée communément admise, selon laquelle la chanteuse de blues est une femme vertueuse et mélancolique : pour Buzzy Jackson, la chanteuse de blues est à l’origine une femme de mauvaise vie bien dans sa peau, « a bad woman feeling good ».
Buzzy Jackson est docteure en histoire de l’université de Berkeley. Chanteuses de blues est son premier livre.

« La Princesse de Clèves » en livre audio !

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Michèle Morgan lit
La Princesse de Clèves
de Madame de La Fayette

Mise en espace sonore par Simone Benmussa
Coffret 2 Cassettes – 25,50 €
Coffret 2CD – 27 €

Madame de La Fayette, née en 1634 à Paris, issue d’un milieu de petite noblesse, fréquenta dès sa jeunesse les salons et en particulier l’hôtel de Rambouillet. En 1655, un mariage de raison la lia à un homme beaucoup plus âgé qu’elle, le comte François de La Fayette. Son salon rue de Vaugirard était un lieu de rencontres des lettrés et elle devint l’amie de Henriette d’Angleterre, dont elle écrivit l’histoire, publiée après sa mort. La Princesse de Clèves parut, sans nom d’auteur, en 1678. Avant sa mort en 1693, Madame de La Fayette joua un rôle diplomatique important entre la Savoie et la France.
A Madame de La Fayette, on ne doit pas seulement le premier roman d’analyse, mais une révolution des lettres françaises : pour la première fois, le cœur du roman, c’est la vie d’une femme, La Princesse de Clèves ; pour la première fois, dans la société aristocratique du XVIIe siècle, qui la réduit au silence, elle fait entendre sa voix intérieure.
Au temps de Henri I, Catherine de Médicis, Diane de Poitiers miroir historique sans doute nécessaire pour risquer l’analyse qu’elle fait des mœurs de son temps –, “ il parut alors une beauté à la cour ”. Elle, une très jeune femme – si grave est la voix du texte dans la splendeur de sa langue sobre, qu’on oublierait parfois ses seize ans.

Michèle Morgan lit « La Naissance du jour » de Colette

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Michèle Morgan lit La Naissance du jour de Colette
Précédé de Le Cactus rose de Sido lu par Colette

1 Cassette – 16,50 €
1 CD – 18 €
“ C’est folie de croire que les périodes vides d’amour sont les “blancs” d’une existence de femme ”, écrivait Colette, en 1937. Car c’est le temps où peut fleurir sa vie propre, saison de poèmes comme l’atteste La naissance du jour, composée l’été de ses cinquante-quatre ans. L’âge où s’offre, en coupe d’oubli, le dernier amour n’est-il pas plutôt celui d’inventer, hors des dépendances, sa maturité au pays du soleil ?