Grande soirée Irène Frain mardi 4 mars, 18 h 30 au 35 rue Jacob !!

L’Espace

Des femmes

Antoinette Fouque

vous invite à rencontrer :

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Irène Frain

« Au royaume des femmes »

(Bibliothèque des Voix, Des femmes)

Mardi 4 mars

à 18 h 30

***

A la Galerie des femmes,

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« Les métamorphoses d’Alice »

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Une exposition de Catherine Lopes-Curval

du 6 mars au 17 mai

de 11 heures à 19 heures

35, rue Jacob

et Impasse des Deux-Anges

75006 Paris

Tél : 01 42 22 60 74

http://www.desfemmes.fr

Mobilisation pour Ingrid Bétancourt, le 1er mars à 14 h 30 – Appel à manifester –

750e523c3ca460a4296e0be0a6b460bc.jpg A chaque combat de femme, l’Alliance des Femmes pour la démocratie, nous sommes présentes. Pour Ingrid Bétancourt, nous sommes inquiètes…

Suite aux nouvelles alarmantes concernant son état de santé et ses conditions de détention, nous demandons au Président colombien Uribe d’accepter de négocier. Nous l’encourageons et soutenons fortement à suivre cette voie pour cette cause humanitaire.

L’Alliance des Femmes pour la Démocratie appelle à la mobilisation pour libérer Ingrid Bétancourt.

Sa Présidente, Antoinette Fouque, vous remercie de signer la pétition que vous trouverez en empruntant le lien suivant http://www.agirpouringrid.com/base/article.php3?id_article=74 et de vous joindre à la grande manifestation de soutien organisée ce samedi 1er mars dès 14 h 30 devant la résidence de l’ambassadeur de Colombie à Paris. (angle rue de Grenelle et rue de Constantine, près des Invalides).

Toute notre reconnaissance anticipée pour diffuser cette information autour de vous.

Site officiel http://www.agirpouringrid.com

Antoinette Fouque citée par Charlotte Rotman (libération du 29.02.08)

Sexualité j’écris ton nom
Pilule, avortement, homosexualité, la révolution sexuelle est en marche et «faire l’amour est la plus merveilleuse façon de parler».
CHARLOTTE ROTMAN
QUOTIDIEN : vendredi 29 février 2008

On est en 1967. Un an avant l’effervescence de mai, c’est déjà la pleine ébullition… hormonale. Sur le campus de Nanterre, les garçons veulent pouvoir se rendre dans les chambres des filles. Le 16 mars, l’association des résidents abolit le règlement intérieur qui prohibe cette libre circulation. L’affaire monte jusqu’au Conseil des ministres.«On leur donne des maîtres, maintenant ils veulent des maîtresses»,maugrée le général De Gaulle. La révolution sexuelle est en marche. Quelques mois plus tard, la pilule est autorisée. Un cycle s’ouvre. Les femmes partent à la découverte de leur corps comme à la conquête de leurs droits.

Sur le même sujet
On s’est contenté de changer le contenu des contraintes »

Joëlle Brunerie-Kauffmann termine ses études de médecine en 1965. Gynécologue, elle est l’une des pionnières du droit à la contraception. «A vant la pilule, il y avait la méthode Ogino et celle du retrait. Les femmes se débrouillaient.» Certaines se rendent dans l’un des 42 centres du Mouvement français pour le planning familial qui milite pour une «maternité heureuse» et choisie. On y commande des diaphragmes en Angleterre et on y forme les (rares) médecins militants. Dans une consultation, gérée par la Mnef, Joëlle Brunerie, elle, «bricole dans l’illégalité». Jusqu’à ce que «la société reconnaisse officiellement aux femmes le droit de faire l’amour». Sans peur au ventre.

Conquête. C’est l’Assemblée nationale qui va leur octroyer ce droit. Grâce à une proposition de loi du député gaulliste Lucien Neuwirth (UDR) qui, dit-il, va transformer «les conditions d’existence de millions de couples». «J’ai reçu de nombreuses lettres de femmes retraçant leurs drames lamentables, la recherche d’un médecin « compréhensif », puis, au fil des jours, l’affolement, les demandes pour obtenir une « bonne adresse » et, finalement, l’avortement clandestin chez une matrone qui faisait payer cher ses « services »», explique-t-il lors du débat parlementaire. A l’époque, l’Institut national d’études démographiques (Ined) estime qu’il y a 300 000 avortements clandestins par an. Les opposants comme Jacques Hébert (lui aussi UDR) s’emportent, évoquant une modification «du patrimoine héréditaire de l’espèce» et «une flambée inouïe d’érotisme». La loi sur la contraception est votée en décembre 1967. Première conquête de la liberté sexuelle.

«Pour la première fois, les femmes avaient le droit de dire qu’elles ne voulaient pas d’enfants ou pas tout de suite,se souvient Joëlle Brunerie. Ça a été un raz de marée de bonheur.»Et de baise.«Il y avait une liberté sexuelle, réelle, psychique, libidinale, conquise»,s’enthousiasme Antoinette Fouque, figure du féminisme.«A la Sorbonne, on dormait les uns sur les autres», se souvient un témoin. Les uns avec les autres. Les mots sur les murs invitent à «jouir sans entraves».On prône l’amour libre. On part à la découverte des écrits de Sade, publiés par Pauvert. Dans la foulée, les femmes se retrouvent… entre elles. A Vincennes, quelques intellectuelles organisent des rencontres non mixtes.«En AG, les femmes ne parlaient pas», se souvient Antoinette Fouque. Là, «sans oreille d’hommes», la parole se répand. «Le désir des femmes aussi, a circulé hors du contrôle et du mode de jouissance des hommes.»

«Orgasme final». Deux ans après 68, le Mouvement de libération des femmes (MLF) ira déposer une gerbe en l’honneur de«la femme du soldat inconnu». Dans son sillage, le Front homosexuel d’action révolutionnaire (Fhar), mené par Guy Hocquenghem et Françoise d’Eaubonne, voit le jour. Son acte fondateur est l’irruption salle Pleyel, à l’émission de Ménie Grégoire sur RTL consacrée à l’homosexualité, «ce douloureux problème». «C’est l’orgasme final. Couchons-nous et demain les gouines et les pédales seront le genre humain», chantent les homos.

Le 20 novembre 1971, pour la première fois, le MLF appelle à une manifestation à Paris : «Travail, famille, patrie, y en a marre. Contraception, avortement libres et gratuits.» A l’église Saint-Ambroise, le cortège veut «libérer la mariée», quand les cloches sonnent. Petit à petit, les corps se dénudent. Après la minijupe (lancée par l’Anglaise Mary Quant en 1965), le short fait son apparition dans la rue. Les seins s’exposent pour la première fois à la piscine Molitor, à Paris. Le désir s’affiche.

«Apprenons à faire l’amour, car c’est là le chemin du bonheur. C’est la plus merveilleuse façon de parler et de se connaître», conseille aux lycéens le docteur Carpentier, après l’exclusion en 1972 de deux élèves du lycée de Corbeil-Essonnes qui s’étaient embrassés sur la bouche. Cette même année, le premier rapport sur le comportement sexuel des Français est un événement et la courbe des mariages amorce sa chute. Le 3 janvier, la loi reconnaît que «l’enfant naturel a en général les mêmes droits et les mêmes devoirs que l’enfant légitime dans ses rapports avec ses père et mère».

Les 13 et 14 mai 1972, se tiennent les journées de «dénonciation des crimes contre la femme» à la Mutualité, à Paris. Les murs sont couverts de slogans : «C’est nous qui portons, accouchons, avortons. C’est nous qui risquons notre vie. C’est nous qui nourrissons, qui lavons, qui veillons. Et pourtant c’est pas nous qui décidons, nous qui parlons.»L’entrée est gratuite pour les femmes, c’est 5 francs pour les hommes. Pour la première fois, on montre un avortement selon la méthode de l’aspiration (la méthode de Karman).

«Jugez-nous !». Le 11 octobre 1972, à Bobigny, s’ouvre le procès de Marie-Claire Chevalier, 16 ans, violée par un camarade de classe et jugée pour avoir avorté. Son avocate Gisèle Halimi (fondatrice de Choisir la cause des femmes) accuse la loi, «objectivement mauvaise, immorale et caduque».A la barre, Simone Iff, vice-présidente du planning familial, les actrices Françoise Fabian et Delphine Seyrig disent avoir eu recours à l’avortement. Dehors, les manifestantes clament : «Nous avons avorté, jugez-nous !» Marie-Claire est relaxée.

De fait, de plus en plus de médecins et de militants, au Mlac (Mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception), pratiquent des avortements. Il faut légiférer. Le 26 novembre 1974, face aux députés (presque exclusivement hommes), Simone Veil défend son projet de loi. Ce texte prévoit que «la femme enceinte que son état place dans une situation de détresse peut demander à un médecin l’interruption de sa grossesse» avant la fin de la dixième semaine. Le débat est d’une violence inouïe. On entend : «L’avortement, c’est un génocide légal.» Le 29 novembre 1974, le projet de loi est adopté à 3 h 40 du matin.

Après le succès du Dernier Tango à Paris et de Gorge profonde, sortis en 1972, les Valseuses de Bertrand Blier font un tabac (4 millions de spectateurs en six mois). Et Emmanuelle de Just Jaeckin, d’abord interdit par le gouvernement Pompidou pour «manque de respect envers le corps humain», fait 16 000 entrées le jour de sa sortie. Le Monde s’interroge : «Le sexe a-t-il remplacé la religion comme opium du peuple ?»

Tendre sorcière par Anne delabre (sur Thérèse Clerc, dans Le Nouvel Obs du 21.02.08)

danielle et thérèse.JPGDU JEUDI 21 Février 2008

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Qui va là ?
Thérèse Clerc : Tendre sorcière
Montreuil, sa ville de coeur, doit à cette féministe de 80 ans une Maison des Femmes et bientôt un anti-lieu de retraite, la Maison des Babayagas, héroïnes de contes russes.

Femme au foyer, mère de 4 enfants, c’est à 40 ans, après son divorce, que Thérèse Clerc (1) rejoint le mouvement féministe. Et c’est par une de ses amies, chez qui se tenaient les premières réunions du Mouvement pour la libération de l’avortement et de la contraception (Mlac), qu’elle débarque à Montreuil, rue Hoche. C’était en 1974. Avant, elle habitait dans un vaste appartement à Paris, boulevard de Ménilmontant. Et encore avant, juste après la guerre, dans un tout petit logement boulevard de Charonne, avec «des toilettes, pour 32 personnes, sur le palier». De cette époque, elle garde le souvenir de l’église du 179 rue de Charonne : «J’y ai fait ma conscience politique. J’y ai appris Marx», sourit-elle en ajoutant : «C’était un christianisme qui méritait vraiment son nom !». Bien loin du christianisme de sa famille, avec un père Croix-de-Feu…
En fouillant plus loin encore dans la mémoire de son enfance à Bagnolet, elle se souvient des voisins communistes qui, en 1936, adoptent deux orphelins de la guerre d’Espagne. «Ce qu’ils ont fait, nous ne l’aurions pas fait», lui dira sa mère. Même scénario durant l’Occupation quand la voisine de la rue Ramey (18e) recueille un enfant juif.

Aujourd’hui Thérèse Clerc ne quitte plus Montreuil dont elle apprécie «une culture qui n’est pas de consommation, avec des espaces de réflexion et tous les soirs une ou deux sorties possibles». Certes, en 34 ans, beaucoup de choses ont changé : la petite épicerie du quartier, «lieu où l’on cause», a été remplacée par un cabinet d’architectes. Les cités sont reléguées «tout là-haut, dans un coin où ça ne gêne pas», tandis que les pavillons bobos sont en centre-ville. Subsistent malgré tout des lieux de rencontres, de mélange. A la Croix-de-Chavaux, par exemple. Le dimanche matin, «tout le monde se retrouve» au Bistrot du Marché après avoir fait ses courses.
Figure locale et actrice de la ville, Thérèse regarde tout ça avec recul. Sa préoccupation aujourd’hui est de voir aboutir son projet de Maison des Babayagas, du nom des sorcières des contes russes. Une «anti-maison de retraite» autogérée et écologique. Son financement n’est toujours pas bouclé alors que la première pierre doit être posée en mars. «L’utopie est la fille du rêve.»

(1) «Thérèse Clerc, Antigone aux cheveux blancs», de Danielle Michel-Chich, Editions des Femmes, 14 Euros.

Ses lieux

J’aime…
Mon cinéma
«Je fais partie des Amis du Méliès, je le défends contre les attaques d’UGC et MK2. Nous sommes même allés jeter des tombereaux de pop-corn en bas de l’escalier de l’UGC Bercy !»
– Le Georges-Méliès, centre commercial de la Croix-de-Chavaux, Montreuil; 01-48-58-90-13.

Mon église
«J’apprécie cette église du XIIe qui a vécu le baptême de Charles V, même si je n’y vais jamais. Je préfère aller au Centre civique d’éducation religieuse, qui organise des conférences intéressantes.»
– Eglise Saint-Pierre-Saint-Paul, 2, rue de Romainville, Montreuil (93).

L’Orient culinaire
«Ce n’est pas un restaurant turc selon Lunifer, la femme qui le tient, mais de la cuisine ottomane, succulente.»
– Le Gramophone, 1, rue Pépin, Montreuil; 01-49-88-74-56

Je n’aime pas…
L’intégrisme
«Je déteste les restaurants intégristes de Montreuil qui ne servent pas d’alcool, où il y a très peu de femmes, et où celles-ci sont toutes voilées…»

Anne Delabre
Paris Obs

Soirée GIACOMETTI, avec Claude Delay et France Huser, le 7 février, 18 h 30, 35 rue Jacob (selon nos habitudes !)

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CE jeudi 7 février, à partir de 18 h 30, est organisée suite au vif engouement d’Antoinette Fouque pour l’ouvrage de sa très chère amie (et consoeur psychanalyste) Claude Delay, « Giacometti, Alberto et Diego, l’histoire cachée » une grande soirée ART à l’Espace Des femmes. (35 rue Jacob, métro St-Germain des Prés)

Claude Delay m’a fait une impression spécialement forte la première fois que je l’ai entendue évoquer son essai, venant de sortir chez Fayard, puisse t-elle vous faire la même !

Notre maison exprime également sa chaude gratitude à France Huser, talentueuse critique au Nouvel Observateur, d’avoir accepté de dialoguer avec Claude Delay. En plus des livres de Claude Delay, vous aurez l’occasion de lui faire également dédicacer sa « Fille à lèvre d’orange », publié chez Gallimard qui sera disponible tout au long de la conférence.

Par ailleurs, LA nouvelle de 2008 est la prolongation de l’exposition de Colette Deblé jusqu’au 5 mars prochain ! Notre peintre fétiche de l’année (pour le moment, c’est l’unique !) nous honorera encore de sa rieuse présence lors de cette soirée Sculpture/Peinture (le livre de France Huser, adoré par ma délicieuse voisine de bureau, Aude Mathon – aux goûts de laquelle on peut se fier – évoque m’a t-elle confié la muse de Modigliani……)

De quoi vous ouvrir l’appétit sur le programme de cet inoubliable jeudi 7 février ! Trois gourmandises de choix : Giacometti, Modigliani et Colette Deblé ! La cerise sur les bouchées étant la découverte conjointe de l’enchanteresse Claude Delay accompagnée de son exquise lectrice France Huser… dont je vous copie l’éloge (Nouvel Observateur du 8 au 14 novembre 2007) :

Un livre de Claude delay
Giacometti Frères

Toute sa vie Diego Giacometti se sera effacé au profit de son aîné Alberto, dont il fut un des modèles favoris

Le premier visage qu’Alberto Giacometti dessina, à 12 ans, était celui de sa mère, Annetta. Il était son fils aîné, son préféré. Alors, à Stampa, ce village des Grisons cqui portait le nom de jeune fille d’Annetta, par un après-midi d’été, un petit garçon de 5 ans, Diego, tendit sa main droite sous la dame d’une machine agricole. La moitié du deuxième doigt et le bout du troisième furent coupés, le pouce abîmé. Cinquante ans plus tard, Diego avoua à son frère Alberto qu’il ne s’agissait pas d’un accident. Il voulait attirer sur lui l’attention de sa mère.

Dans un livre bouleversant, Claude Delay, qui connut Diego, explore les secrets des deux frères, le lien magique qui les unit. Diego dissimule sa mutilation et devient sculpteur, mais sa vie est d’abord consacrée à l’oeuvre de son frère. Il saura construire la plus légère armature comme le plus lourd des socles, il s’occupera du moulage en plâtre, de la patine des bronzes. « Diego, frère de travail, son ambidextre, sa sentinelle », écrit Claude Delay. Quand Alberto était à Paris, la mère n’avait-elle pas commandé à Diego : « Tu dois rejoindre ton frère ? le protéger » ?

La peinture chez les Giacometti est une histoire de la famille. A Stampa, Giovanni père et Cuno Amiet, le parrain d’Alberto, ne parlaient que des questions de la représentation. « Je savais, disait Giacometti, que je serais obligé, un jour, de m’asseoir devant le modèle, sur un tabouret, et d’essayer de copier ce que je vois. » En 1935, donc, il prend un modèle. Diego pose chaque matin. « La ressemblance ? Je ne reconnais plus les gens à force de les voir », confesse t-il à un journaliste qui lui demande : « Vous reconnaissez bien votre frère, tout de même ? » Et Giacometti de répondre : « Il a posé dix mille fois pour moi ; quand il pose, je ne le reconnais plus. »

A lire ces pages ferventes de Claude Delay, un extraordinaire portrait de Giacometti s’impose. Maigre, ridé, le regard tendu sous les paupières lourdes, il marche penché en avant, à l’image de ses sculptures – comme s’il devait lutter contre d’incommensurables « gouffres de vide ». Un sillage blanc le suit, un nuage de plâtre. Tous les jours, de sa voix rocailleuse, il appelle sa mère au téléphone, lui parlant dans le dialecte des Grisons, le bregagliote. Annette est là, sa femme, et Caroline, la radieuse, qu’iol appelle « la grisaille » parce qu’il la peint dans des couleurs grises. Elle pourra dire « j’étais son délire », et décrira à René Char sa plus belle nuit d’amour : toute la nuit, jusqu’à l’aube, elle avait marché et parlé avec Giacometti, le long de la voie ferrée, là où elle était venue le rejoindre, près de Stampa.

Sur son lit de mort, Giacometti regarde encore Diego. « On aurait cru », confia Diego, qu’il « dessinait avec les yeux ». Une dernière fois il luttait contre cette terreur qu’il éprouvait devant le vide qui isole chacun de nous dans l’espace. Une dernière fois, il tentait cette « aventure » qui consistait pour lui à « voir surgir quelque chose d’inconnu, chaque jour, dans le même visage ».

France Huser

A signaler : deux expositions « Giacometti, oeuvre gravé » à la BnF et « l’Atelier d’Alberto Giacometti » à Beaubourg.

Photo : Alberto Giacometti à côté des bustes de son frère Diego

Alberto Giacometti est né en 1901 en Suisse. Il s’installe à Paris en 1922. Diego, son cadet (né en 1902), le rejoint en 1927, année de la première exposition au Salon des Tuileries. Alberto est mort à Coire, en Suisse, en 1966, et Diego en 1985.

Réforme, article de Joël Schmidt sur Claude Delay (01.08)

Réforme Joël Schmidt

UN COUPLE DE FRERES

Un couple, oui, que celui formé par Alberto Giacometti et son frère Diego. Annetta, leur mère, donne l’ordre éternel à ce dernier de protéger son frère. Derrière la vie errante, clochardisante parfois, autodestructrice d’Alberto à l’exigence telle qu’il brisa si souvent ses oeuvres, dans l’ombre de ce peintre et sculpteur, halluciné parfois, se dresse souvent Diego qui vient à son secours, le calme de ses folies perfectionnistes, de ses amours difficiles, de ses relations conflictuelles avec les autres artistes de son temps. Claude Delay, avec Giacometti Alberto et Diego, l’histoire cachée, nous raconte cette sorte de vie double où Diego, maître dans l’art des meubles et de ses ornements, apporte toujours la lumière de son réconfort aux ténèbres d’Alberto, à ses angoisses, ses doutes, ses peurs de toutes les morts.

Psychanalyste et romancière, Claude Delay entrevoit dans la vie d’Alberto et dans celle de son frère une sorte de gémellité que l’image de la mère impose par sa longévité, parce qu’ils sont nés à un an d’intervalle du même ventre, parce que la première femme d’Alberto s’appellera Annette, avant que Caroline en devienne le dernier modèle. Rien n’échappe à la pensée interprétative mais sans outrance de Claude Delay pour nous expliquer cet étrange et indispensable couple de frères associé à des symboles psychanalytiques dont l’évidence comme la perspicacité paraissent souverainement indéniables. L’amitié qui lia l’auteur à Diego donne ce supplément de souffle qui fait d’un livre réussi un grand essai. Joël Schmidt

Edmonde Charles-Roux adore le livre de Claude Delay (La Provence, 02.02.08)

LIVRES – LA PROVENCE 2 février 2008

BIOGRAPHIE / LA PSYCHANALYSTE CLAUDE DELAY AUTEUR D’UN OUVRAGE REMARQUABLE

ALBERTO ET DIEGO GIACOMETTI LES FRERES INSEPARABLES

Photo : Sur la couverture de ce livre, l’un des plus beaux clichés de Cartier-Bresson. Alberto sous la pluie à Paris.

PAR EDMONDE CHARLES-ROUX
DE L’ACADEMIE GONCOURT

Il fallait que vienne le jour où Diego Giacometti sortirait de l’ombre, le jour où il passerait du rôle de l’assistant rarement nommé et du protecteur ignoré de son frère, à celui de l’alter ego de son illustre aîné. Alberto Giacometti, sculpteur et peintre de génie, artiste de stature internationale. Or, c’est chose faite avec la parution d’une biographie intimiste, dont l’auteur Claude Delay, écrivain et psychanalyste, se trouve avoir été une amie de Diego.

J’ai abordé les premières pages de cet ouvrage avec des réserves. Qu’avais-je à craindre ? Trop de « psy » ? Je sentais comme une peur que le souvenir que je gardais d’Alberto et des beaux dimanches passés chez Derain, à Chambourcy, avec Balthus et lui, allait s’en trouver changé, bousculé. Je suis sortie de cette lecture conquise et émue.

C’est le moment où jamais de lire ce livre si on veut mieux apprécier les rétrospectives consacrées à l’oeuvre d’Alberto qui se succèdent dans les plus grands musées européens et pour mieux comprendre l’étonnant couple que formaient les deux frères. Alberto, le perpétuel angoissé, fit de son frère Diego son modèle favori, son fondeur et son conseiller. Diego, lui, oeuvra toute sa vie au profit de son frère. Il deviendra pour Alberto « son frère de travail, son ambidextre, sa sentinelle », nous dit Claude delay.

Sur la couverture de ce livre, l’un des plus beaux clichés de Cartier-Bresson. Une photo célèbre, celle d’Alberto sous la pluie qui tombe sur le quartier d’Alésia à Paris. Cartier-Bresson l’a surpris non loin de la rue Hippolyte Maindron, à deux pas des ateliers des deux frères. Alberto traverse dans les clous, se faisant un abri de son imperméable. Sa célèbre tignasse apparaît à peine. Etrange figure à la tête à demi cachée et qui avance…

Alberto et Diego sont indissociables. Ils sont nés à treize mois d’écart. Alberto en 1901, Diego en 1902. Leur père était un peintre impressionniste reconnu, leur mère, Anetta, une femme rayonnante, mère de quatre enfants qui vivaient tous au village de Stampa, dans les Alpes suisses et grisonnes, fiefs de protestants austères. Le jeune Alberto dessine tout ce qu’il voit. Plus tard, il fera poser son frère Diego à vie.
En Italie où il accompagne son père, Alberto est bouleversé par Tintoret. Puis à Padoue nouvelle découverte et nouveau choc : Giotto. S’étant décidé pour la sculpture, Alberto est envoyé à Paris. Il y suivra l’enseignement de Bourdelle de 1922 à 1927.

Alberto est un étudiant solitaire qui travaille d’arrache-pied et que son maître n’apprécie guère. Et quand il réussit à montrer pour la première fois deux de ses oeuvres, Bourdelle lui dit : « On peut faire des choses comme ça chez soi mais on ne les montre pas… ». Le jeune provincial suisse en quête d’un vrai contact le trouve en la personne d’un grand artiste nommé Laurens.

Enfin le jour vint où les collectionneurs s’emparèrent des productions de Diego encore confidentielles tandis que les marchands firent main basse sur les premières oeuvres d’Alberto.
Le livre de Claude Delay éclaire de façon nouvelle la manière dont les deux frères se rendirent indispensables l’un à l’autre. Et puis, Claude Delay écrit bien et d’une écriture à elle. Il faut avoir lu son livre.