Tendre sorcière par Anne delabre (sur Thérèse Clerc, dans Le Nouvel Obs du 21.02.08)

danielle et thérèse.JPGDU JEUDI 21 Février 2008

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Qui va là ?
Thérèse Clerc : Tendre sorcière
Montreuil, sa ville de coeur, doit à cette féministe de 80 ans une Maison des Femmes et bientôt un anti-lieu de retraite, la Maison des Babayagas, héroïnes de contes russes.

Femme au foyer, mère de 4 enfants, c’est à 40 ans, après son divorce, que Thérèse Clerc (1) rejoint le mouvement féministe. Et c’est par une de ses amies, chez qui se tenaient les premières réunions du Mouvement pour la libération de l’avortement et de la contraception (Mlac), qu’elle débarque à Montreuil, rue Hoche. C’était en 1974. Avant, elle habitait dans un vaste appartement à Paris, boulevard de Ménilmontant. Et encore avant, juste après la guerre, dans un tout petit logement boulevard de Charonne, avec «des toilettes, pour 32 personnes, sur le palier». De cette époque, elle garde le souvenir de l’église du 179 rue de Charonne : «J’y ai fait ma conscience politique. J’y ai appris Marx», sourit-elle en ajoutant : «C’était un christianisme qui méritait vraiment son nom !». Bien loin du christianisme de sa famille, avec un père Croix-de-Feu…
En fouillant plus loin encore dans la mémoire de son enfance à Bagnolet, elle se souvient des voisins communistes qui, en 1936, adoptent deux orphelins de la guerre d’Espagne. «Ce qu’ils ont fait, nous ne l’aurions pas fait», lui dira sa mère. Même scénario durant l’Occupation quand la voisine de la rue Ramey (18e) recueille un enfant juif.

Aujourd’hui Thérèse Clerc ne quitte plus Montreuil dont elle apprécie «une culture qui n’est pas de consommation, avec des espaces de réflexion et tous les soirs une ou deux sorties possibles». Certes, en 34 ans, beaucoup de choses ont changé : la petite épicerie du quartier, «lieu où l’on cause», a été remplacée par un cabinet d’architectes. Les cités sont reléguées «tout là-haut, dans un coin où ça ne gêne pas», tandis que les pavillons bobos sont en centre-ville. Subsistent malgré tout des lieux de rencontres, de mélange. A la Croix-de-Chavaux, par exemple. Le dimanche matin, «tout le monde se retrouve» au Bistrot du Marché après avoir fait ses courses.
Figure locale et actrice de la ville, Thérèse regarde tout ça avec recul. Sa préoccupation aujourd’hui est de voir aboutir son projet de Maison des Babayagas, du nom des sorcières des contes russes. Une «anti-maison de retraite» autogérée et écologique. Son financement n’est toujours pas bouclé alors que la première pierre doit être posée en mars. «L’utopie est la fille du rêve.»

(1) «Thérèse Clerc, Antigone aux cheveux blancs», de Danielle Michel-Chich, Editions des Femmes, 14 Euros.

Ses lieux

J’aime…
Mon cinéma
«Je fais partie des Amis du Méliès, je le défends contre les attaques d’UGC et MK2. Nous sommes même allés jeter des tombereaux de pop-corn en bas de l’escalier de l’UGC Bercy !»
– Le Georges-Méliès, centre commercial de la Croix-de-Chavaux, Montreuil; 01-48-58-90-13.

Mon église
«J’apprécie cette église du XIIe qui a vécu le baptême de Charles V, même si je n’y vais jamais. Je préfère aller au Centre civique d’éducation religieuse, qui organise des conférences intéressantes.»
– Eglise Saint-Pierre-Saint-Paul, 2, rue de Romainville, Montreuil (93).

L’Orient culinaire
«Ce n’est pas un restaurant turc selon Lunifer, la femme qui le tient, mais de la cuisine ottomane, succulente.»
– Le Gramophone, 1, rue Pépin, Montreuil; 01-49-88-74-56

Je n’aime pas…
L’intégrisme
«Je déteste les restaurants intégristes de Montreuil qui ne servent pas d’alcool, où il y a très peu de femmes, et où celles-ci sont toutes voilées…»

Anne Delabre
Paris Obs

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