La vie en bleu, France Bleu Normandie, émission avec Franck Archimbaud

La vie en bleu, France Bleu Normandie, émission avec Franck Archimbaud

On cuisine ensemble – Le chef Franck Archimbaud présente sa recette de Pavlova. Itw de celui-ci. Il rappelle son livre « L’homme qui voulait otrechoze », paru aux éditions Iggybook.

On cuisine ensemble – Le chef Franck Archimbaud présente sa recette de Pavlova. Itw de celui-ci. Il rappelle son livre « L’homme qui voulait otrechoze », paru aux éditions Iggybook.

Franck Archimbaud sur Radio Notre Dame

En Quête de Sens

Émission du 31 mai 2021 : Quel avenir pour les restaurants et les bars après cette crise ?

Réécoutez l’émission ici

Franck Archimbaud, traiteur et restaurateur en Normandie, il a mis à profit le premier confinement pour écrire son autobiographie : « L’homme qui voulait Otrechoze » (Scripta) du nom de son entreprise

Chef Damien, chef cuisinier et co-fondateur du site 750g, spécialiste de la cuisine accessible et équilibrée. Il a ouvert 3 restaurants en région parisienne et publie « Mangez bon, mangez bien » (Editions Webedia)

Max de Villers, gérant du bar « Les chaises » à Paris 20e

Franck Archimbaud invité de l’économie de France 24

Franck Archimbaud invité de l’économie de France 24

Durement impactés par la crise sanitaire en 2020, les professionnels de la restauration espèrent voir le bout du tunnel avec la levée progressive des restrictions, entamée mercredi avec la réouverture des terrasses, entre autres. L’invité d’Ali Laïdi est Franck Archimbaud, traiteur et restaurateur en Normandie, qui a mis à profit le premier confinement pour écrire son autobiographie : « L’homme qui voulait Otrechoze » (éd. Scripta), du nom de son entreprise.

Revoir l’émission : https://www.youtube.com/watch?v=MVXSIe8mU4I

La revue des Comptoirs interviewe Franck Archimbaud 

Après avoir traversé un tunnel de plus d’un an, entre inactivité et réouverture sous contrôle, les cafés-restaurants voient le bout du tunnel. Cette période pénible a laissé des séquelles, mais aussi ouvert de nombreuses opportunités. Nous sommes partis sur le terrain pour prendre le pouls de cette profession convalescente. Entretien avec Franck Archimbaud, traiteur et restaurateur à Rouen et Tours, et qui a mis à profit le premier confinement pour écrire son autobiographie et lancer sa société de conseils.

La revue des comptoirs : Quel a été votre pire moment de découragement et votre meilleur souvenir ?

Franck Archimbaud : Le pire, c’est quand nous avons compris qu’il y allait avoir plusieurs temps dans le confinement, que finalement ce n’était pas juste un trimestre. C’est à ce moment-là que je me suis inquiété. Tenir trois mois c’est une chose, mais plus c’est compliqué. Le meilleur a été le fait de marquer un temps d’arrêt. Quand on a une entreprise, on ne fait plus la part des choses entre nous et elle, c’est un peu comme notre bébé, on s’investit énormément. Il faut reconnaitre que marquer une pause ce n’était finalement pas si mal. Pour ma part, cela m’a permis de faire le point. Donc c’est un mélange de moments de bonheur et de désastre pour notre secteur. 

RDC : Comment avez-vous entretenu la flamme ? Brûle-t-elle toujours ?

FA : Oui, la flamme brûle toujours car je suis avant tout un cuisinier.  Elle part du produit brut, des saveurs, des fruits, des légumes, des épices, des matières premières de qualité. Je suis un gourmand au départ, un amoureux des produits. Après, il y a l’acte de cuisiner. On met tout notre cœur dans la préparation d’un plat. Donc j’ai eu envie de préparer de bons repas à ma famille, cela entretient la flamme. Le cran d’après est de faire de notre passion un métier et cela demande beaucoup d’énergie, or elle a pris un coup pendant cette période d’arrêt. 

RDC : Comment avez-vous utilisé ce temps libre inattendu ?

FA : Finalement, je n’ai jamais vraiment décroché. J’ai été très mobilisé au pilotage de mon entreprise. Il me fallait trouver du financement pour survivre. Une société, c’est un peu comme un avion, il faut rester en l’air, faire entrer de l’argent, assurer des salaires, régler les charges… Quand d’un seul coup tout s’arrête, l’avion va piquer du nez, il faut trouver des stratégies pour éviter qu’il ne tombe. Certains sont déjà tombés malheureusement et peut-être que d’autres vont continuer. Toutefois, j’étais davantage chez moi et j’avais nécessairement plus de temps libre. J’ai ressenti le besoin de faire un point et d’écrire un livre [son autobiographie, L’homme qui voulait Otrechoze, NDLR]. J’ai commencé le métier à 14 ans et depuis c’est une course contre la montre. En général, les gens comme moi n’écrivent pas, mais là d’un coup j’ai eu beaucoup de temps. Je me suis rendu compte que j’étais toujours en train de courir, depuis 40 ans, mais aussi que nos carrières sont intéressantes. Écrire m’a permis de poser tout ce que la vie m’a enseigné. En parallèle de mes activités, j’ai donc décidé de mettre en place un projet de transmission et j’ai créé une société de conseils pour les restaurateurs. Je veux leur faire gagner du temps et partager mon expérience. 

RDC : Qu’est-ce qui a changé chez vous durant cette parenthèse ? 

FA : Dans les conseils que je vais tenter de transmettre, je dirais qu’il est important de prendre du temps pour soi, ne pas être dans l’acte de consommation en permanence. Mon livre, c’est l’histoire d’un jeune de 14 ans issu d’un milieu modeste, qui ne savait pas quoi faire comme métier. Puis, qui a pensé à être pâtissier et ensuite cuisinier. À partir de là, tout s’enchaîne. Les stages, les restaurants en France et à l’étranger, les postes à responsabilités… C’est toujours une course vers les autres. Mais finalement, la véritable quête commence par une course vers soi-même, un temps consacré à soi pour vraiment savoir qui on est. Donc, il faut savoir trouver son équilibre de vie. Prendre soin de soi est essentiel et dans ce parcours je n’avais jamais appris à le faire. Préparer des repas, des mariages, cuisiner c’est une course contre la montre, un tempo, nous sommes toujours en train de courir derrière un objectif de générosité. Finalement, même si dans l’avenir je vais être toujours autant mobilisé par le travail, je vais m’organiser autrement. 

RDC : Avez-vous des regrets ?

FA : Non, pas vraiment. 

RDC : Comment jugez-vous l’action du gouvernement face à la pandémie ?

FA : Globalement, ce n’était pas trop mal. Je ne sais pas si j’aurais fait mieux, je ne veux pas critiquer. Mais, le choix d’avoir ralenti la vie en sacrifiant la culture et les restaurants, c’est une décision lourde de conséquences. Cela va me couter cher à moi, au secteur, et cela va aussi laisser des traces dans la société. 

RDC : Pensez-vous que votre entreprise survivra ? 

FA : Il va y avoir de la casse, mais elle va survivre. Elle a pris une claque, je vais perdre 50 % de mon entreprise en termes de CA. Je ne récupérerai jamais l’équivalent d’avant crise. D’ailleurs, selon moi 50 % des professionnels des CHR ne vont pas repartir de la même manière. On constate un changement de société profond. Les gens se sont posé des questions. Tous les restaurateurs le disent, ils ne vont pas retrouver leur équipe. Dans mon entreprise, sur mes 15 employés, deux jeunes ne reviennent pas pour des raisons familiales, deux ont changé de métier, d’autres changent de région. J’ai anticipé le recrutement pendant la covid, mais il va y avoir un manque. Je vais embaucher au fur et à mesure de la saison. 

RDC : Et si la crise avait aussi du bon ? Sortez-vous plus fort de cette épreuve ?

FA : Oui, dans l’ensemble, il y a du positif, parce que pour a première fois j’ai eu le temps de tracer un chemin vers moi-même. Grâce à ça, je me suis découvert et je me suis recentré. J’ai pu écrire un livre et mettre au point un projet de transmission, donc cela a été riche de créativités. Aussi, je suis impatient de voir au niveau de la société ce que ça a généré en termes de créativité. Quand on reste un an à la maison, quand on ressort, on a imaginé plein de nouveaux projets. 

RDC : Comment entrevoyez-vous l’avenir ? Quels sont vos projets de développement ?

FA : Je vais être obligé de fermer certaines sociétés, et je vais mettre plusieurs années à m’en remettre. Je vais devoir réduire la voilure. J’ai arrêté tout projet de développement. Je vais surtout réorganiser mon temps pour conseiller car j’ai énormément à transmettre. J’ai une caisse à outils pleine de solutions et d’astuces qui vont faire gagner un temps fou aux entrepreneurs de la restauration, les plus jeunes notamment. La société va tourner la page, reprendre ses habitudes, mais nous devons faire face à nos endettements. Nous avons pris un coup, il nous faut de la force pour tenir.

Le restaurateur Franck Archimbaud décide de passer le restant de sa vie à la transmission de ce qu’il a appris pour son propre développement personnel

Le restaurateur Franck Archimbaud a été interviewé cette semaine par l’Obs, Au coeur des Villes et France 24.

Il vient de publier un récit touchant parce que sincère, du parcours d’un homme attachant qui prend la responsabilité d’une quête d’Amour dans un monde où les hommes et les femmes sont généralement confinés à des rôles sexués et sociaux, rôles qui n’ont pas réussi à le nourrir spirituellement – et donc à le rendre heureux.

Cette croyance que le dehors (réussite sociale, amour personnel) remplira le vide du dedans (manques affectifs originels, conformisme aux attentes, craintes et croyances de la famille), crée en chacun de nous un élan effréné vers l’Autre (responsabilité professionnelle, femme ou homme, pays, etc). Cet élan a été stoppé net par une crise économico-sanitaire, ce qui a  permis à Franck Archimbaud de donner naissance à ce témoignage franc, donc libre. Il a certainement pu découvrir que ralentir et vivre/savourer le moment présent est maintenant ce à quoi il doit s’employer pour toucher cet otrechoze en lui-même.  

L’ audacieux Franck Archimbaud le patron de la société de restauration Otrechoze, écrit le livre de sa vie et décide de passer le restant de son existence à la transmission. Archimbaud-consulting.fr

Dans l’Obs, Boris Manenti interviewe Franck Archimbaud pour le dossier Covid des pages économie

Franck, restaurateur : « Avant la crise, tout allait bien pour moi. Mais le Covid va casser mon entreprise »

A la tête de plusieurs restaurants et d’une importante activité de traiteur en Normandie, Franck Archimbaud a vécu la pandémie et les fermetures comme un coup de massue, avec des dégâts sur l’activité qu’il développait.

Qu’importe la pluie prévue. Deux Français sur trois ont l’intention de se rendre au bar, au café ou au restaurant à partir de ce mercredi 19 mai, date de réouverture des terrasses (à 50 % de leur capacité pour les plus grandes, et avec des tables de six personnes maximum), rapporte un sondage de l’Ifop. Cette liberté retrouvée est la plus attendue, devant la sortie au cinéma ou au théâtre (34 %), et le shopping (32 %). Sans doute parce que ces établissements sont fermés depuis le 30 octobre, soit plus de six mois. Une sacrée attente pour les clients, qui a semblé encore plus longue aux professionnels. C’est le cas de Franck Archimbaud, à la tête de plusieurs restaurants en Normandie et en Touraine. Dépité par le manque de visibilité depuis le début d’année, il fait face à d’importantes difficultés financières.
« Avant la crise, tout allait bien pour moi. Ça tournait bien, mon activité de traiteur surtout, qui représentait environ 80 % de mon chiffre d’affaires – 1,5 million d’euros en 2019. J’ai tout monté avec mes fonds propres et je n’avais plus qu’un seul prêt à rembourser, que j’avais souscrit peu avant pour racheter un concurrent à Tours et du matériel. Mais le Covid est arrivé et ça a été la déflagration… »
En 2007, Franck Archimbaud, cuisinier de formation, lance une activité de traiteur baptisée Otrechoze, tournée vers l’alimentation en circuit court et biologique, en Normandie puis en Touraine. Dans la foulée, il ouvre le restaurant Otrechoze au cœur de la zone franche urbaine de la Grand-Mare, en périphérie de Rouen. Puis, en 2013, un second restaurant à l’aéroport de Rouen Vallée de Seine.
En 2017, son activité de traiteur s’étoffe avec des salles de réception pour mariages et fêtes variées à Montlouis-sur-Loire, près de Tours. Enfin, en 2019, il reprend Le Saint-Pierre, restaurant gastronomique iconique de La Bouille en Normandie. Une activité complète, stoppée net par la pandémie.
« Je l’ai vécu par étapes. D’abord le premier confinement, s’il a surpris tout le monde, nous a permis de prendre conscience que quelque chose de grave se jouait. Moralement, on anticipait une reprise normale à l’été, et donc on se préparait à endurer le choc. J’ai passé mes quatorze salariés en chômage partiel et j’ai tenu à compenser le manque à gagner sur les salaires – cela représentait 40 000 euros par mois. Pour l’ensemble des établissements, j’ai fait des demandes de PGE [prêts garantis par l’Etat, NDLR], pour un total de 300 000 euros. Et le fonds de solidarité apportait 1 500 euros par mois. »
Franck Archimbaud profite néanmoins de ce temps pour écrire un livre, « L’homme qui voulait Otrechoze » (éd. Scripta), sur son parcours, de l’école hôtelière à la gestion d’un groupe de restauration.
« Ce premier confinement, pour moi et pour l’équipe, a été comme une pause, un trou d’air, qu’a compensé le PGE. Parce qu’il fallait continuer à payer les loyers et les charges. J’ai bien tenté de négocier avec mes bailleurs, mais aucun n’a voulu faire de report sur les loyers. Par exemple à Tours, pour les salles de réception, c’est tout de même 5 000 euros par mois ! Et, côté assurance, Axa n’a rien fait. Au contraire, ils sont venus me voir avec un avenant disant qu’ils ne dédommagent pas le Covid, et que si je ne signais pas, ils rompaient notre contrat – j’avais assez de problèmes, j’ai signé… »

Les dettes s’accumulent

Franck Archimbaud a pu (un peu) souffler pendant l’été. Le 2 juin 2020, les restaurants rouvraient, avec des dispositifs de distanciation, le port du masque obligatoire et un maximum de dix personnes à la même table. Le Saint-Pierre et les restaurants Otrechoze retrouvent des couleurs, mais pas l’activité de traiteur, toujours à l’arrêt avec l’absence de mariages, ni l’établissement de l’aéroport de Rouen.

« Disons qu’on a bricolé. Ça a redynamisé les équipes, fait du bien au moral. Mais ça n’a duré que l’été. Très vite, on a parlé de deuxième vague, et le reconfinement est arrivé. Je pensais que ça durerait jusqu’à décembre, et qu’on pourrait rouvrir pour Noël. Mais non, ça a duré, et c’est là que tout est devenu très compliqué… »

Le 30 octobre 2020, les restaurants ferment sans visibilité sur la reprise, que beaucoup espèrent pour la fin d’année. Sauf que non. Des bruits évoquent le 15 janvier 2021, voire le 1er février… Ça sera finalement ce mercredi 19 mai, uniquement en terrasse. Soit six mois et demi de fermeture totale. Pour Franck Archimbaud et pour les autres.

« Financièrement, c’est devenu compliqué. Le PGE a fondu comme du beurre au soleil, je n’avais pas de trésorerie, pas de chiffre d’affaires. J’ai bien tenté de faire de la vente à emporter, mais ça n’a fonctionné qu’un peu à Noël, au Nouvel An et à la Saint-Valentin, sinon pas vraiment. Les gens ont privilégié les pizzas et les burgers, pas la gastronomie à emporter. »

« Pour les finances, heureusement que le fonds de solidarité a augmenté [son aide] à 10 000 euros, ça nous a évité le crash immédiat. Les reports de charges ne changeaient pas grand-chose aux frais divers et je n’ai pas voulu souscrire de nouveau PGE. Avec les emprunts courants, le PGE précédent, les reports de charges, etc., je voyais s’accumuler les dettes. J’arrivais alors à plus de 500 000 euros à rembourser, le tout sans aucune visibilité sur la date de reprise. C’est un sacré coup porté au moral. »

Activité menacée

Déprimé, « au milieu du brouillard », Franck Archimbaud opte pour « la navigation à vue » :

« Je ne vais pas mentir, mais c’est dur. Pour les finances, je joue les prolongations, continue à demander des reports, mais ça devient très compliqué. Je veux tout faire pour sauver mon projet, mon bébé, mais ça fait un an que je n’ai plus de salaire, que je pioche dans mes économies, que je réduis la voilure au maximum, que je suis soutenu par ma compagne… Je ne sais pas quand ni comment, mais le Covid va casser mon entreprise. »

Pudiquement, cela signifie que le restaurateur fait les comptes et envisage de fermer une partie de son activité. Si le 19 mai apparaît comme « le soleil derrière le brouillard », seul Le Saint-Pierre dispose d’une terrasse. Et encore, avec la jauge de 50 %, cela le limite à vingt clients par service. « Même si ça ne représente que 5 % de l’activité, je vais rouvrir parce que ça sera la première possibilité pour les équipes de recuisiner, de se remobiliser. »

La longue fermeture a eu raison de l’entrain. Deux salariés de Franck Archimbaud ont décidé de le quitter pour se reconvertir, et deux autres vont enchaîner congé maternité et congé parental – « C’étaient deux piliers, qui sont dans d’autres projets de vie, et je ne sais pas si elles reviendront… »

Toute l’hôtellerie-restauration semble en plein doute à l’approche de la réouverture : 100 000 salariés pourraient ne pas reprendre leur activité, d’après une étude citée par « les Echos ». « J’ai lancé des recrutements, mais j’ai beaucoup moins de réponses qu’auparavant », constate notre restaurateur, miné. « J’espère juste que ça va enfin repartir pour de bon, que je puisse sauver ce qui peut encore l’être, que je maintienne l’emploi et ce projet qui est toute ma vie. »

Le livre de Franck Archimbaud « se lit avec passion »

Franck Archimbaud, L’homme qui voulait Otrechoze

Un chef d’entreprise qui se raconte est peu courant ; un chef devenu chef par orientation scolaire dès la classe de cinquième l’est moins ; un chef sorti du rang car issu d’une famille ouvrière pour créer son entreprise l’est décidément peu. C’est dire l’intérêt d’une telle biographie, écrite comme une envie, pour le lecteur curieux de saisir le ressort de l’entreprise.

Franck Archimbaud est né en 1967 à Barentin en Normandie de parents ouvriers en HLM. Il est l’aîné d’une fratrie de quatre dont seule la dernière est une sœur. A donc pesé sur ses épaules depuis tout petit le sentiment d’être celui qui guide et protège : un chef. Il fera le lycée hôtelier de l’Avalasse à Rouen, réputé, et en sortira diplômé en 1984, poursuivant par une spécialité de pâtissier-chocolatier. Il sera chef de cuisine à 22 ans et gérant de restaurant à 24 ans. La cinquantaine arrivée, il a besoin de faire le point du demi-siècle écoulé ; le coronavirus présent inhibe ses entreprises de restauration événementielles comme son restaurant Le Saint-Pierre à La Bouille et lui laisse du temps. Il retrace son itinéraire en cherchant le pourquoi et les failles, donnant son exemple pour le meilleur comme pour le pire.

Le meilleur est de vouloir le meilleur, le pire est de laisser sur sa route nombre de chemins non suivis. Ainsi des filles. Il explore à 10 ans sa petite voisine de 8 qui le sollicite ; il s’éclate à 16 ans avec une fille de trois ans plus âgée lors d’un stage aux Deux-Alpes qui l’initie. Suivront, au fil des années de bougeotte, Maryse, Patricia, Marie, Béatrice, Elisabeth, Marie-José, Geneviève, Eldrine, Alice, Kamilia et Mathilde. Il officie à Rouen puis au Havre, Houlgate, Paris, Rhodes, Lille, Amiens, Marseille, Avignon, puis de retour à Rouen. Il aura passé dix ans dans la multinationale Sodexo avant de créer en 2003 sa propre société de traiteur éco-responsable : Otrechoze, installée en Normandie et en Touraine avec un pied à Paris. Il dit de la cuisine qu’elle est une école de discipline et d’obstination qui exige organisation et force de caractère. La cuisine vous fait tout seul : « La restauration est un domaine qui permet aux personnes qui n’ont pas réalisé de longues études d’entrer en autodidacte dans un monde qui offre – pour peu qu’on soit courageux, et doté d’une bonne présentation – de réelles perspectives d’évolution » p.227.

« Hypersensible », l’auteur ne se sent à sa place que lorsqu’il décide lui-même. Il n’impose pas, il écoute et se met au service. « Cette différence, c’était que j’avais déjà ‘l’œil du client’, ce constant souci de satisfaire que même certains grands chefs ne parviennent pas toujours à conserver » p.211. D’où sa capacité d’adaptation – signe d’intelligence – malgré son sentiment de ne jamais être à sa place faute d’une éducation bourgeoise et de ses codes, le sport, le piano, le théâtre, la peinture, les belles choses. « Otrechoze est aussi, d’une certaine manière, un pied de nez au système français un peu trop centré autour des diplômes et de l’orthographe, ce dont j’ai souffert depuis l’enfance » p.259. Rassurons-le, l’auteur a saisi le vocabulaire du jeune cadre dynamique qu’il manie à la perfection lorsqu’il parle de son entreprise. Face au « nouveau » éternel du marketing, Franck Archimbaud prône une cuisine de qualité « qui respecterait ses fondamentaux, différente, sans renier ses valeurs essentielles ». Autrement dit le mouvement, l’adaptation au monde qui bouge sans cesse. Bien plus qu’une mode, « la » tradition – telle qu’elle se perpétue.

D’où sa reprise à Rouen du relais postal en face du collège de la Grand’Mare, quartier populaire et immigré de Zone franche urbaine (ZFU) où la haine et la violence naissent du désœuvrement et de l’absence de lieu où se retrouver. « L’idée était (…) d’un restaurant solidaire et social valorisant les circuits courts et favorisant la relocalisation de l’emploi » p.324 avec cuisine de saison avec produits bios issus du développement durable. De quoi cocher toutes les cases des idées dans le vent écologique et socialiste. Le succès ne résiste malheureusement pas à la faible rentabilité et la Mairie ne suit pas après sept ans mais c’était une belle expérience. « Un cercle vertueux au sein duquel on pouvait lutter contre la malbouffe tout en créant du lien dans un quartier dans lequel personne ne voulait vivre. La culture, déguisée en dîner-concert, était accessible à tous » p.357.

Ce livre, écrit comme Montaigne « à sauts et gambades » tout au long de ses expériences, vise à « insuffler l’énergie nécessaire à toute réalisation et toute survie » p.433. D’où le lien intime entre les rencontres amoureuses ou sexuelles et les entreprises à chaque fois renouvelées, du défi de créer une carte à celui de redresser un restaurant ou de faire tourner une entreprise. Les écoles apprennent certaines techniques comme écrire et compter ou réaliser une purée savoureuse et dresser une table, mais « on n’apprend pas à s’accepter tel qu’on est, à faire honneur au moment présent, à se faire confiance inconditionnellement. On n’apprend pas même à regarder, observer, ressentir, à penser autrement ni s’ouvrir à ‘autre chose’ »p.434. Tout enfant, le petit Franck rêvait déjà d’autre chose, comme son père avant lui qui avait rêvé d’être marin pour partir.

Cette sagesse de la cinquantaine issue d’une expérience multiple d’homme pressé est contée dans le mouvement, sans trop d’introspection mais avec ce souci de tirer à chaque fois une morale de l’action et de se réinventer après le Covid – lorsque cela viendra. Il se lit avec passion.

Franck Archimbaud, L’homme qui voulait Otrechoze, 2021, édition Scripta, 439 pages, €23.00 e-book Kindle €5.99

Attachée de presse BALUSTRADE : Guilaine Depis, 06 84 36 31 85 guilaine_depis@yahoo.com

Article de Paris-Normandie

Article de l’Auvergnat de Paris pour les Pros des Bistrots et Restos du Grand Paris (depuis 1882)

Franck Archimbaud, de cuisinier militant à écrivain philanthrope

Franck Archimbaud – «Je crois que l’on peut changer le monde en changeant son monde»

Franck Archimbaud publie L’homme qui voulait Otrechoze, un livre autobiographique qui retrace son chemin depuis son enfance dans une modeste famille normande, son école hôtelière, son évolution dans le milieu de la restauration et jusqu’à la fondation de sa société Otrechoze, une enseigne à consonance singulière qu’il a créée et qui renvoie à un mode de restauration mettant au centre les filières locales et durables. Un parcours parsemé de rêves, de projets, de réussite et d’échecs, de remise en cause et de rebondissements, bref une vie bien remplie d’ idéaux et de volonté  capable de faire pousser les limites, une quête de sens, de spiritualité et d’amour à donner aux autres.

Dès les premières pages de votre livre, vous parlez d’un « précieux secret appelé à être partagé » et de votre travail d’écriture comme d’« un moment de rare d’intensité ». Occasion de vous interroger sur les raisons profondes qui vous ont poussé vers ce projet. Comment est né ce livre et à quel appel intérieur vous concernant répond-il ? 

Ce livre est la matérialisation, le résultat d’un besoin viscéral et irrépressible de transmettre ce que la vie m’a enseigné.

Je souhaite partager le long cheminement de pensée qui m’a conduit à ce mystérieux Otrechoze. Le mot, le livre sont imbriqués. Imprégné d’un constant esprit de synthèse, j’ai toujours tout analysé en cherchant à créer des liens entre les idées et les choses. Touché par les déséquilibres, écologiques et sociaux, de notre société, j’ai réfléchi à ce changement nécessaire. Individuel et collectif. C’est ainsi que j’ai inventé Otrechoze, fruit d’une quête altruiste. J’ai rêvé d’un processus universel. Suffisamment dépouillé, aisément transposable et appropriable. Un mot familier, qui parle à tous, mais orthographié autrement pour être clair sur les intentions. J’ai pu prendre conscience très tôt de ma fragilité et de ma finalité en tant qu’être humain. J’ai expérimenté le fait qu’un seul mot peut tout changer, structurer la pensée. J’explique ce cheminement dans mes conférences.

C’est comme une percée, une porte qui s’ouvre vers un monde inconnu, vers ce qui n’est pas prédéfini.

La mise à l’arrêt forcée par la pandémie a favorisé ce travail en m’offrant un temps inédit. Un temps pour me consacrer au délicat exercice de l’écriture. D’ordinaire, les gens comme moi ne prennent jamais le temps de se poser pour écrire, pris dans la roue infernale du travail.

Vous parlez, en évoquant votre adolescence, de « la Simplicité du chemin vers soi-même » qui a été pour vous une garantie de bonheur au sein de votre famille. Quelles ont été les valeurs qui vous ont construit et qui vous ont été transmises au sein de votre famille ? Et pourquoi parlez-vous d’une « angoisse existentielle intrinsèque à l’héritage paternel » ?

Le moment du repas concentrait toutes les valeurs familiales. En particulier celui du dimanche midi. Le repas incarnait à la fois l’acte de partage et de réconfort, la convivialité, l’esprit chaleureux, le plaisir, la satiété, la bonne chère. Le bonheur, c’est à table qu’on le trouvait. Pour moi, les repas étaient également source d’informations. Observer quelqu’un manger s’avère riche d’enseignements.

Mon héritage familial comporte aussi des zones d’ombres. Mon père, angoissé par sa mort, en faisait planer le spectre sur notre foyer. Par la suite, j’ai intégré ses peurs, et elles ont influencé ma vision de la vie. Je me suis surtout retrouvé dans une course perpétuelle contre la montre. Avoir peur de mourir prématurément signifiait que tout était urgent. N’avaient de sens à mes yeux que les choses pouvant être faites très rapidement. Ce trait de caractère me fut utile dans la restauration où il faut toujours faire vite.

Lors d’une sortie scolaire, vous assistez pour la première fois à une représentation théâtrale, Le Malade imaginaire de Molière. Du haut de vos dix ans, vous avez la révélation d’avoir trouvé la pleine mesure de votre « voix », de votre « voie ». Que voulez-vous exprimer par ce jeu de mots, si imagé et si explicite à la fois ?

Lors de cette pièce de théâtre, je fus émerveillé, en particulier par les voix. Celles des comédiens parvenaient à mes oreilles dans toute leur clarté, leur pureté et leurs émotions. C’est bien après, en analysant ce que j’avais vécu ce jour-là, que j’ai compris ce qui avait touché l’enfant que j’étais. En favorisant l’expression de la voix, dans mon imaginaire, le théâtre permet d’incarner sa voie, son chemin personnel. Dans ma vie, face aux perches tendues pour m’aider à aller vers ce qui m’inspirait, je restais généralement sans voix.

Comment êtes-vous entré à l’école hôtelière ? Peut-on dire que vous avez pris conscience très tôt de ce que vous allez appeler par la suite votre vocation ? Ou c’est le hasard qui vous a guidé vers cette carrière ?

Comme je l’expliquais, au sein de ma famille, nous avons toujours entretenu un rapport étroit à la nourriture. Dès mon plus jeune âge, j’avais un lien passionnel avec les aliments.

Le déclic est venu lors d’une visite scolaire dans une boulangerie – pâtisserie du quartier. Le patron, sympathique et chaleureux, nous a accueillis les bras ouverts et avec bonhomie, offrant à chacun un pain au chocolat. La chaleur réconfortante de la boulangerie contrastait avec le froid hivernal. Ici, tout sentait bon et appelait à la gourmandise. Je fus conquis. Alors, quand vers douze ou treize ans – qui demeure selon moi un âge trop jeune pour décider de son destin, on m’a demandé quelle orientation je souhaitais prendre, j’ai répondu : pâtissier. Quelque temps après, j’ai finalement choisi de m’engager vers le métier de cuisinier, jugeant qu’il m’offrirait plus de potentiels et de perspectives d’évolution.

Avec votre entrée dans cette l’école, une autre dimension viendra rejoindre votre désir de rêve : il s’agit d’apprendre « la valeur de l’excellence » dont vous dites qu’elle restera gravée pour toujours dans votre crédo professionnel. Que pourriez-vous nous dire de ces valeurs transmises lors de vos études ? Comment pourriez-vous décrire votre parcours pendant ces années d’études ?

J’ai eu la chance d’évoluer dans une école hôtelière de cuisine française renommée. Les cours étaient délivrés par des chefs ayant fait carrière dans de grandes maisons. Les conditions d’apprentissage étaient royales : une immense cuisine, digne d’un palace, composée de plusieurs postes équipés distincts. Je me sentais privilégié, et, en même temps, si jeune pour entrer dans la vie active en tant qu’apprenti. J’ai découvert le luxe, l’élégance des dressages, la préciosité de la vaisselle, le beau selon les codes de la gastronomie française. Un tel niveau d’excellence s’accompagne immanquablement d’un haut degré d’exigence et de courage. Le métier est dur. Il faut se remonter les manches et se lever tôt. Je me suis très vite accroché au métier.

Que signifie « le vertige des sens » qui intervient pendant vos études, à tel point – dites-vous – que « l’on sort du cérébral pour se plonger dans la sensation » ? Et pourquoi définissez-vous le cuisinier comme « un alchimiste » ?

En mangeant, nous entrons dans un rapport à la matière qui suscite émotions et sensations diverses. Lorsqu’on est face à un plat, tous nos sens se mettent en éveil afin d’en décrypter la teneur. Le parfum, l’esthétique, les textures, la palette des saveurs, et, parfois, les sons, nous enveloppent. C’est ce qui nous fascine dans la nourriture. La cuisine, c’est de l’alchimie. L’association de matières brutes pour devenir des mets.

Le mot cuisiner vient d’ailleurs du latin cuire. C’est sous l’action de la chaleur que les ingrédients deviennent des plats. Ces dernières années, je me suis formé à la cuisine. Une cuisine qui a de l’avenir et meilleure pour la santé.

Vous parlez de votre carrière comme « d’une course folle » qui réclame du temps et de l’énergie et surtout une grande capacité à gérer des situations difficiles et des moments inattendus. Quelles qualités ou sacrifices vous a demandé un tel travail, que ce soit en Grèce ou dans le nord ou le sud de la France ?

Pour exceller en gastronomie, il faut avoir le sens du service absolu. Tout donner. L’abnégation, l’oubli de son ego, sont de rigueur. Tel un sportif, savoir mettre tout en œuvre pour atteindre rapidement l’objectif fixé est également nécessaire. Je me sens comme un Vatel des temps modernes. Mon tempérament perfectionniste et ma ténacité à toute épreuve m’ont toujours été d’une grande utilité. Et comme le temps m’a toujours paru être une ressource rare, j’ai sans peine réussi à tenir cette course folle.

Être créatif demande cependant d’apprivoiser le paradoxe entre abnégation et connexion à sa singularité.

Mon parcours est aussi le reflet d’une revanche personnelle. Vouloir autre chose pour moi-même que l’avenir tracé. C’est, ça aussi, mon Otrechoze.

C’est un cri du cœur pour aider toutes celles et tous ceux qui choisissent de s’extirper.

Mon expérience sur l’île grecque de Rhodes m’a ouvert un champ de perception nouveau, influençant toute la suite de ma carrière. Au cœur de la Méditerranée, envoûté par les saveurs exceptionnelles de ses fruits et légumes gorgés de soleil, j’ai enfin compris comment fonctionnait la nature. Un ancrage sur le produit s’est opéré en moi. Un aliment est indissociable de son terroir. Alors que je venais d’apprendre toute la cuisine et la pâtisserie françaises, je découvrais, loin de la France, la valeur des produits.

Là-bas, la salade grecque traditionnelle que je croyais répétitive et ennuyeuse m’a fait prendre conscience de la palette insoupçonnée que chaque légume, chaque aliment pouvaient offrir. La « saveur unique des tomates » n’existe pas. Il existe une multitude de saveurs de tomates. Selon la variété, le terroir et la provenance, les conditions de production, de récolte et d’acheminement.

À travers votre expérience de vie telle que vous la décrivez dans votre livre, on apprend qu’au-delà du travail, de l’effort, il faut toujours garder un regard vers un rêve capable de vous pousser ailleurs. Que pouvez-vous nous dire de cette part de rêve qui vous a toujours accompagné dans la vie ? Je prends ici deux exemples : dans vos projets vous avez toujours eu le sentiment que vous pouviez/que vous deviez faire « otrechoze », mais aussi dans votre vie intime, chercher l’âme sœur et répondre à ce que vous appelez la peur de décevoir ?

Avant cette introspection j’étais toujours à la recherche d’autre chose, de stimulations. Je sais que, peu importe l’objet de ma quête, le processus va m’enrichir, me transformer. Il en va de mes projets personnels, professionnels, comme de mes rencontres amoureuses. Le rêve amoureux et son idéal de complétude par l’âme sœur furent très présents en moi. Une histoire d’amour est comme un voyage vers autre chose que soi avant de trouver l’harmonie de ce que je décris dans le livre comme « le couple royal ».

Que pouvez-vous nous dire de l’acte de courage, de la volonté d’affronter la fatalité, « d’inverser l’ordre des choses pour finalement parvenir à changer le monde ». Croyez-vous possible une telle chose ? Votre parcours de vie le prouve-t-il, et, si oui, comment l’avez-vous vécu ?

Oui, je crois que l’on peut changer le monde en changeant son monde. Pour moi, ce changement est indissociable de la notion de transmission.

Le courage, c’est celui de relever les défis en remontant la rivière à contre-courant. Hormis de rares exceptions, il est difficile de s’extraire de son milieu pour devenir un autre. Influencé par l’ancien modèle, il faut là encore s’armer de courage, fournir des efforts pour le déconstruire. Je pense que nous sommes en grande majorité le fruit de notre environnement, notre milieu, qu’il soit familial, amical, social, culturel. Décider de s’extirper et y parvenir, c’est courageux. C’est ce qui m’a animé dans mon parcours et m’a conduit vers mon Otrechoze.

Dans mon enfance, j’ai senti le poids de l’immobilisme et du conformisme qui m’entouraient et cherchaient à me happer. Ce qui l’incarnait le mieux, c’était la télévision. Je suis un enfant de la télé. Dans ma famille, comme dans bien d’autres, elle était omniprésente, sacralisée. J’observais mes proches boire religieusement ce qui en sortait et écarquiller les yeux devant la vie des autres, en oubliant la leur, devant cette brochette de présentateurs, devenus presque des membres de la famille. Ces Drucker et compagnie, ces figures d’un entre-soi aux manettes du petit écran. Avec leurs « divertissements », ils me semblaient responsables de l’inaction ambiante, de l’abrutissement des masses, quand ils auraient pu contribuer à l’éveil dans des milieux où la culture était absente. Ils auraient pu élever les consciences, mais n’ont fait que conforter le modèle politique et social de l’époque. Pendant que la majorité du peuple « s’affaiblissait » devant ces émissions, nos usines disparaissaient sans se renouveler, le chômage ne cessait de croître, et la dette de l’État par la même occasion.

Votre rêve d’enfant lié au théâtre ne vous a jamais quitté. Vous parlez même du monde « qui ressemble à un théâtre où chacun joue un rôle en le prenant au sérieux au point de se confondre avec lui ». Tenons-nous ici un des éléments qui vous ont conduit vers votre concept de restauration ?

Quand je travaillais dans une multinationale, j’évoluais dans une sorte de pièce de théâtre, où chacun jouait son rôle. Cela sonnait faux. Les gens semblaient se confondre avec leur fonction, comme s’ils étaient convaincus de leur attribution. Tout était ainsi bien orchestré pour asseoir le rapport de domination. Ceux qui savaient, ou qui disaient savoir, s’assuraient de mettre la distance nécessaire entre ceux qui ne savaient pas. Mais que deviennent la spontanéité, la créativité, l’innovation quand chacun est conforté dans son rôle ? Libérer les énergies et les personnes, voilà ce à quoi je rêvais. C’est aussi pour renverser ce monde factice que j’ai voulu Otrechoze.

Arrivé à ce numéro 11 qui a une importance particulière pour vous, permettez-moi de vous demander en guise de conclusion de nous parler plus en détail d’Otrechoze ? Que diriez-vous en guise d’invitation à mieux vous connaître au lecteur qui ouvrira votre livre ?

À travers mon livre, j’ai voulu faire passer des messages forts et qui me tiennent à cœur. Des messages que j’aimerais transmettre pour aider toutes celles et tous ceux qui veulent changer leur monde. Qui veulent que nous bâtissions un monde plus juste, plus humain, plus écologique, plus beau.

Je l’ai appliqué lorsque j’ai monté un lieu de restauration biologique valorisant les circuits courts et créant du lien en zone franche urbaine de Rouen. Créant en 2007 la surprise chez ceux qui n’étaient pas habitués à ce que le bon et le qualitatif s’invitent à leur table, il devint un lieu de vie incontournable dans cette ville.

Otrechoze, c’est un processus que l’on amorce quand on ressent intimement que ça ne tourne pas rond. Une force que l’on sollicite quand le ciel s’assombrit. On sait qu’il faut innover pour bâtir un autre modèle. Pour y parvenir, on doit se remonter les manches, mais aussi se réinventer, partir en quête. Vient alors la nécessité de se rapprocher de soi, du vrai, de notre propre lumière intérieure, de se frayer un chemin heureux en dépassant nos peurs et nos croyances, avec audace. Bien souvent, cette étape ne peut être franchie sans comprendre l’existant et sans oser sortir des conventions. Posture qui demande d’ouvrir l’œil. Quand, alors, on est prêt à recevoir, à comprendre, Otrechoze se présente à nous sous un jour nouveau. Il est ce que l’on ne connaît pas encore. Magie, étonnement, voyage, plongée dans l’après.

En cette période si chamboulée par l’épidémie de la Covid, nous prenons une fois de plus conscience que nous sommes allés trop loin dans bien des domaines. Nous découvrons que nous sous-vivions. L’esprit sait se faufiler à travers les contraintes…

À nous, maintenant, d’aller vers OTRECHOZE.

Propos recueillis par Dan Burcea

Franck Archimbaud, L’homme qui voulait Otrechoze, Éditions Scripta (12 février 2021), 442 pages.