Jérôme Serri a adoré le livre audio de Yves Bonnefoy (Magazine Lire de mai 2010)

bonnefoy.jpgLivres audio – Magazine Lire de mai 2010
 
La longue chaîne de l’ancre d’Yves Bonnefoy lu par l’auteur, Editions Des femmes-Antoinette Fouque, 2 CD (soirée à l’Institut Culturel Italien jeudi 6 mai à 19 heures autour et avec l’écrivain)
 
Très émouvant d’écouter Yves Bonnefoy, âgé de 87 ans, lire à haute voix ses écrits. « C’est un besoin, explique t-il dans la préface du livret. Le poème naît dans la voix. Il s’arrime à elle par la longue chaîne d’une ancre, son écriture. » Pour entendre ce que veut dire l’auteur, sans doute convient-il de se souvenir que chacun n’entend sa voix qu’avec sa gorge et que c’est par elle qu’il prend physiquement conscience de l’étrangeté de sa condition. Légèrement blessée par le temps, la voix de cette lecture s’éprouve comme un lien entre l’obscurité qu’abrite toute vie humaine et la lumière du monde. « Etre dans l’étincellement comme une ligne de roseaux entre terre et ciel et là-bas, dans le sable, l’oiseau qui va mourir mais bouge encore. » Yves Bonnefoy regarde le monde, comme font ces gens qui, assis devant leur maison, se laissent distraire par le spectacle de la rue. L’étonnement se fait libération du désir de savoir.
 
Jérôme Serri

Yves Bonnefoy : sa voix sur livre audio appréciée par le Blog d’Alan Argoul, hébergé par Le Monde (8.04.10)

Jeudi 08 avril 2010, un nouvel article sur le livre audio de Yves Bonnefoy aux éditions Des femmes vient de paraître ! Merci à Alan Argoul.  http://argoul.blog.lemonde.fr/2010/04/08/yves-bonnefoy-poete-parle/

Un poète de 87 ans vous parle. Durant les 2h30 du double-CD intitulé ‘La longue chaîne de l’ancre’ qui vient de paraître aux éditions des Femmes. Tourangeau, fils d’ouvrier du chemin de fer et d’une infirmière, orphelin à 13 ans, le futur poète entreprend des études de math en prépa à Tour puis à l’université de Paris. Il quittera l’univers des abstractions pour l’histoire de l’art et la poésie après guerre. Est-ce à cause de la technique dévoyée par la guerre ? Des ingénieurs de la mort industrielle à Auschwitz, Hambourg ou Hiroshima ? De cette ambivalence absolue de la science qui sert au bien comme au mal ?

yves-bonnefoy-cd.1270557140.jpgInfluencé par les Surréalistes, dont il se défait pour gratuité, il se veut dans la lignée de Baudelaire, Rimbaud, Mallarmé et Nerval. S’il refuse le surréalisme, c’est que celui-ci idéalise l’objet. Il tend à substituer la chimère à la réalité, le rêve spontané à l’expérience du monde. Yves Bonnefoy est un poète du réel, celui qui tente l’impossible espoir de pénétrer au-delà des concepts pour saisir le vrai des choses. Il n’est ni pour l’exaltation du moi, ni tenté par le vertige, ni adepte de la dépossession de soi, ni du dérèglement de tous les sens. S’il traduit particulièrement Shakespeare, c’est que ce grand poète anglais est un profond réaliste. J’aime Yves Bonnefoy parce que je m’y reconnais : il est compagnon de tous les auteurs que j’aime…

Nommé à la chaire d’Études comparées de la fonction poétique au Collège de France en 1981, il y enseigne durant douze ans. Il est vraisemblablement notre plus grand poète vivant de langue française.

Yves Bonnefoy pourrait adhérer au zen. Ce qu’il nomme la présence est l’expérience immédiate, sans mélange, l’initiation à l’unité du monde. Celle même qu’a l’enfant non corrompu encore par le langage. Celle de la troisième métamorphose de Nietzsche (évoquée sur ce blog) qui fait redevenir un enfant qui joue, « innocence et oubli, roue qui roule sur elle-même ». Celle du zen qui quitte les idées pour l’immédiat satori, la fusion au monde. 

Car, tel est le revers de l’intellectualité propre à l’Occident : le concept et l’abstraction séparent les hommes de la réalité et du sensible. Les mathématiques sont une puissante appréhension du monde, mais d’un certain monde, celui des rouages. L’esprit mathématique n’est pas un esprit humain, il déforme l’humanité au profit de l’abstrait. Il forme des techniciens, des ingénieurs des âmes, des fonctionnaires – pas des humanistes ! Nous l’avons vu avec la Bombe atomique comme dans le krach récent de la finance ou chez France-Télécom : la personne est réduite au rang de simple engrenage… Yves Bonnefoy ne se reconnaît pas dans ce ‘monde des Idées’ de Platon où les formes abstraites commandent la raison. Il se situe plutôt du côté de la pragmatique d’Aristote qui observe, expérimente et reste in situ sans généraliser quoi que ce soit. Le lieu est l’autre ancrage du poète pour découvrir la présence. yves-bonnefoy-la-longue-chaine-de-l-ancre-livre.1270557158.jpg

Nous n’existons, êtres éphémères, qu’ici et maintenant – ni dans le tout, ni dans l’éternité… Car nous ne sommes pas Dieu, certains ne le comprennent jamais.

La poésie est le moyen qui permet aux humains de voir autrement qu’avec la rationalité qui nous est habituelle. Vous objecterez : « Mais les mots existent en poésie ! » C’est justement l’importance de les dire plutôt que de seulement les voir, de les charger d’un autre sens, tonal et musical. Pour les sortir des concepts, cette extraction abstraite qui remplace les choses et les êtres réels par des définitions bornées.

Ce pourquoi un CD de Bonnefoy accomplit sa poésie plus qu’un recueil de versification. Le poète utilise en effet peu la rime mais plutôt le rythme. Il recherche des assonances, des allitérations, toute une musicalité des mots. Lorsqu’il lit, toute cette aura cela se manifeste  et la magie opère. Il accouche plus d’ensembles que d’œuvres fermées. Chaque texte écrit ou lu est pour lui un fragment d’une expérience plus vaste. L’universel est en chaque lieu dans le regard qu’on en prend.

Son désir d’images, son appétit du chimérique, le besoin d’absolu et de plénitude, tout cela est l’enjeu de l’expérience poétique. Elle vise à dépasser l’opposition artificielle entre le réel et le rêve. Yves Bonnefoy parle d’une sorte d’état de compassion. L’exercice spirituel du poème (car c’en est un) permet d’accéder à la réalité mieux qu”avec l’écran du langage. Car les mots reconstruisent au sens étroit et à la grammaire impose son cadre rigide et préconçu à ce qui est dit. Un exemple : croyez-vous que le mot chien va vous mordre ?

Écouter Yves Bonnefoy, c’est pénétrer plus avant dans son expérience poétique. Mieux que par le livre typographié. ‘La longue chaîne de l’ancre’ existe en imprimé, au Mercure de France, paru en 2008. Mieux vaut l’écouter en CD, dit par l’auteur. L’écriture est cette longue chaîne de l’ancre qui relie la personne à la terre.

Mais « le poème naît dans la voix », dit-il.

Yves Bonnefoy, La longue chaîne de l’ancre, double-CD, édition des Femmes Antoinette Fouque, mars 2010, 149 mn, 22.80€

Yves Bonnefoy, La longue chaîne de l’ancre (le livre), Mercure de France 2008, 165 pages, 14.25€

Un livre audio de Yves Bonnefoy (nouveauté Salon du Livre de Paris 2010)

livretbonnefoy_Page_1.jpgMARS 2010 – CD

 

NOUVEAUTE BIBLIOTHEQUE DES VOIX (Salon du Livre 2010) –  

LA LONGUE CHAÎNE DE L’ANCRE Office : 11 / 03 / 2010

Yves Bonnefoy – Lu par l’auteur

EAN : 3328140021196 – 2 CD, 27 €

« On dit

  Que des barques paraissent dans le ciel

  Et que, de quelques-unes,

  La longue chaîne de l’ancre peut descendre

  Vers notre terre furtive.

  L’ancre cherche sur nos prairies, parmi nos arbres,

  Le lieu où s’arrimer,

  Mais bientôt un désir de là-haut l’arrache,

  Le navire d’ailleurs ne veut pas d’ici,

 Il a son horizon dans un autre rêve. »

 

La longue chaîne de l’ancre, paru en 2008 (Mercure de France), rassemble poèmes en prose et en vers, faisant vivre le récit au centre même de la forme poétique. « Récit de rêve », c’est ainsi que l’auteur nomme l’écriture poétique en prose, qui occupe dans ce recueil une place essentielle. Yves Bonnefoy a rassemblé ici des inédits et des textes parus de 2001 à 2007, qui prennent ainsi la suite de Les Planches courbes (2001). « La longue chaîne de l’ancre » c’est ce lien puissant et énigmatique qui nous attache aux profondeurs de l’inconscient, lieu de l’esprit, lieu du vivant.

 

Yves Bonnefoy est l’auteur d’une œuvre considérable, poétique aussi bien que théorique, qui interroge sans relâche les rapports qu’entretiennent le monde et la parole. Son travail couvre de nombreux champs : poésie, critique, essais, histoire de l’art. Il est aussi le traducteur d’une très grande partie de l’œuvre de Shakespeare. Professeur au Collège de France de 1981 à 1993, il y était  titulaire de la chaire d’Etudes comparées de la fonction poétique. Il a reçu le prix Franz Kafka à Prague en 2007, et son œuvre est traduite dans une trentaine de langues.