Jean-Claude Bologne, excellent lecteur de François Coupry

François Coupry, L’agonie de Gutenberg, Pierre-Guillaume de Roux, 2018.

Coupry          Pendant cinq ans, sur le compte Facebook de François Coupry ont paru de « vilaines pensées ». Qui les écrivait ? Ses amis ne pouvaient imaginer que c’était lui qui racontait son « plaisir suffoqué » devant l’effondrement du World Trade Center (« On dirait du cinéma »), ou son malaise de riche « terriblement encombré » de sa richesse. Ce ne pouvait être lui qui brisait les pires tabous du XXIe siècle, bien pires que le celui de l’inceste, « le goût du passé, le sens de l’histoire, l’usage de la culture ».
          Non non, ce n’est pas lui : c’est madame de Sévigné qui écrit à sa cousine, c’est Montesquieu qui nous envoie d’outre-monde de nouvelles lettres persanes, c’est la petite souris Joséphine ou ce vieux fou de Piano — « mon pire ennemi, mon complice, peut-être mon double, ou celui qui me tend un miroir », s’effraie François Coupry, le vrai, l’unique ! La preuve ? Tous ces spectateurs ahuris d’un monde en folie parlent peu ou prou de François Coupry, lisent ses livres, le regardent vivre. Bien sûr, Piano est sourd d’une oreille, comme François, mais qu’est-ce que cela prouve ?
          Alors, écoutons sans arrière-(mauvaises)-pensées ces mauvaises (pensées) langues, goûtons sans retenue au plaisir de ces textes qui se présentent tour à tour comme des réflexions paradoxales, des saynètes, des inventions insolites, des fables… Si elles nous choquent, c’est parce qu’elles parlent du monde tel qu’il est, vu d’on ne sait où, et que « rien n’est plus odieux que l’ordinaire ». Mais, plus profondément, parce que les personnages introduisent un décalage constant entre le monde et sa représentation. Ce sont des voyeurs plus que des spectateurs, comme les oiseaux qui, dans les derniers textes, commentent de haut les actions insensées de ces « pauvres humains ». Et en commentant le monde, ils laissent une partie d’eux imprégner l’illusion du réel.
          Une partie d’eux ? De leur masque, plutôt, car tous jouent un rôle. Un certain Karl a passé sa vie sur une scène de théâtre, François Hollande joue au président, l’homme invisible s’est affublé d’un masque visible, et ne parlons pas de Piano, qui « joue » au docteur, au « détective de la pensée », à bien d’autres métiers, avant de finir à l’asile. N’est-ce pas la caractéristique de notre monde, de préférer la communication à l’information et le story-telling à la vérité ? Car « la marque de l’humain – sa beauté, dirais-je – réside dans le mensonge. » Et de ce point de vue, l’époque actuelle a fini par rejoindre François Coupry (ou l’inverse) en érigeant la « post-vérité » en concept philosophique ! Derrière des récits d’apparence loufoque se profilent des réflexions graves. Le califat de Bretagne, qui impose le voile intégral aux Bigoudènes, peut en cacher un autre. Le duel entre la sorcière de l’Est et le sourcier de l’Ouest nous raconte une campagne électorale bien connue. Et ceux qui croient en une transcendance sans vouloir se fondre dans une religion expriment peut-être « la conception la plus forte et la plus active de la Laïcité ».
          On retrouve dans ces courts récits rédigés sur cinq ans les thèmes chers à François Coupry, en particulier la priorité donnée à la fiction sur la réalité, les récits créant le monde plutôt qu’ils ne le décrivent. Explicitement, dans des notes récapitulatives pour un colloque. Implicitement, à travers les jeux de miroir ou de rideaux de théâtre. S’il y a tant d’acteurs et tant de masques chez François Coupry, c’est parce que le monde lui-même est un jeu de rôles. Un thème jadis développé dans Notre société de fiction. La fonction du merveilleux n’est dès lors pas de faire rêver, mais « de faire saisir la relativité et surtout l’imperfection absolue des points de vue ».
          La mauvaise pensée, parce qu’elle scandalise, entre dans ce projet. Elle entend mettre le lecteur « en un état de trouble et d’étonnement stupéfait », par des textes qui ne sont pas illogiques, mais construits selon des logiques inconnues, comme s’il s’agissait d’un ouvrage « très réaliste mais rédigé par un ovni » ou plutôt, selon le terme qui apparaîtra un peu plus loin, par un evni, un être vivant non identifié. Peu importe que ce soit Piano, la petite souris ou François Coupry qui parle : c’est le « mutant rétro », personnage de son propre récit, qui s’invente devant un public médusé. Et peu importe si Piano parle devant des salles vides et défile tout seul sur les boulevards parisiens : cela fait partie de son rôle. Comme le fantôme du Président, que « la trop vaste complexité du pouvoir politique » a dépossédé de lui-même. Peu à peu, il va devenir invisible, « tout voir sans être vu, agir en catimini, à l’insu de tous »… En somme, comme la petite souris, ou comme l’Internaute sur FaceBook. Car ce qui disparaît, c’est le vieux monde, celui de Gutenberg, celui du personnage de François Coupry, dont il est le premier à se moquer. Et ce qui se profile, c’est un nouveau monde dont l’écrivain François Coupry nous dévoile les règles paradoxales. À lire ces récits comme les matrices du réel et non comme son reflet déformé, nous entrerons peut-être dans les coulisses du monde, nous découvrirons ce que l’homme ne sait pas encore, mais que nul ornithorynque n’ignore.

Biographie de la sculpteure Isabelle Béné

Architecte DPLG, diplômée de l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux Arts de Paris et sculpteure, je dessine et façonne la matière depuis l’âge de 4 ans. Une première exposition de mes dessins se fera six ans plus tard dans une école aux Etats-Unis.

Avant comme après mon diplôme, j’ai travaillé dans des agences d’architecture. Plus tard, j’ai construit des habitations à Bangkok. Lors des congrès de l’Union Internationale des Femmes Architectes, mes sculptures ont été exposées en Corée du Sud, Japon et Mongolie. Mais c’est la traversée du Sahara, que j’ai faite seule avec mon mari pendant un mois et demi, qui a modifié le ressenti que j’avais du monde : dans l’espace sans fin des dunes de sable, des roches sombres et lunaires lorsque la Land Rover s’arrêtait en fin de journée, avant la venue de la nuit, notre immersion dans le silence du désert devenait initiatique.

Par mal suite, c’est un « voyage intérieur » qui m’a interpellée. J’ai exprimé en sculptures et en dessins le thème du « féminin de l’être » que l’on nomme YIN dans certains pays d’Asie.

Puis l’histoire de la sculpteure Camille Claudel que j’ai évoquée sous forme de modelages, m’amènera à m’exprimer plus récemment avec la même technique, la relation fusionnelle qu’elle a vécue avec le sculpteur Auguste Rodin, avec ce qu’ils se sont apportés l’un à l’autre dans le cadre de leurs oeuvres respectives.

Diplômes 

Architecte DPLG

Ecole Nationale Supérieure des Beaux Arts, Paris 

Salon d’Art et Expositions Collectives

Salon Dialogue, UNESCO, Paris

Salon Comparaison, GRAND PALAIS, Paris

Salons Ligne et Couleur, Paris-Edimbourg Varsovie, Venise, Vérone, Stuttgart

Salon des Artistes Français, GRAND PALAIS, Paris

Salon AAPP, MAIRIE DE PARIS

Salon d’Automne, CHAMPS ELYSEES, Paris

Exposition de sculptures, MUSEE D’AMIENS

Exposition à l’I.G.S., « Couleurs 92 », Commissaire d’exposition : Véronique Taupin

Exposition chez Christie’s, Glasgow, Ecosse

Expositions A.A.A., Botega du Tintoret, Venise ; Castelvecchio, Vérone, Italie

Expositions FICF : Mairie du IVème Paris ; Téhéran ; Istanbul ; Osnabruck ; Spire ; Parlement de Bucharest, Roumanie

Expositions personnelles : 

Exposition Galerie Bouma, Amsterdam, Editions Elzewier

Exposition avec ROLAND TOPOR, Galerie Daniel Hallet, Ivrey-la-Bataille

Exposition personnelle, Galerie Monte Carlo Soft Art, Paris-Beaubourg

Exposition au Commissariat à l’Energie Atomique, Sarclay

Exposition de la sculpture monumentale « L’OISEAU SOLAIRE », Hôtel Méridien, Paris

Exposition UIFA, Musée National de Corée, Séoul ; Tokyo, Japon ; Oulan Bator, Mongolie

Exposition-rétrospective à la Maison de la Culture Gérard Philippe, Fontenay sous Bois

Concours 

Concours International, Musée Georges Pompidou : projet retenu pour l’exposition « Le geste architectural », GRAND PALAIS, Paris

Premier Prix décerné par le Public du 4ème Salon, Salon de Sculptures contemporaines à Fontenay-sous-Bois

Lauréate du Concours AFFDU, Bourse Michelle Coguillat

le troisième oeil.jpg(sculpture d’illustration : « Le troisième oeil »)

Evénements Particuliers :

Projet d’Architecture : Conception et réalisation suivant commande d’une demeure « à la française », Bangkok

Portrait sur le vif du Président allemand Willy BRANDT, Bundestag, Bonn, Allemagne

Conception et réalisation du Trophée pour le Prix Turgot, Ministère de l’Economie et des Finances et du Numérique, au lauréat du meilleur livre d’Economie Financière de l’année. Président : Jean-Louis Chambon

Conception et réalisation du Trophée pour le Prix Turgot : Prix d’Honneur, remis à Jean TIROLE, économiste, Prix Nobel d’Economie en 2014, pour l’ensemble de son oeuvre.

Médailles :

Médailles d’Argent et d’Or du « Mérite et Dévouement Français », Président Jean-Paul de Bernis

Médaille de Bronze, Salon des Artistes français, Paris

Médaille de Vermeil à la Société d’Encouragement au Progrès, Ecole Militaire, Pris

Médaille de Bronze la Renaissance française, Paris

Chevalier dans l’Ordre National du Mérite, Paris

Expositions et dons pour des oeuvres caritatives :

Réalisation d’un dessin sur vêtement pour la cause du Tibet

Exposition de dessins avec la collection « Van Cleef & Arpels », « SOS drogue International », Paris. Présidente : Régine

Texte d’Hélène Bouvard sur Isabelle Béné

Un sculpteur, tel un alchimiste qui travaille au grand’oeuvre, opère des transformations sur lui-même et se découvre au fur et à mesure qu’il dépouille et parfait son art. Il transmet sa découverte à son matériau dont les formes s’épurent et racontent son histoire. A ce prix, et à ce prix seulement il est un véritable artiste.

Depuis ses premières expositions, Isabelle Béné, tantôt consciemment, tantôt souverainement, tantôt par explosions, a réalisé cette transformation et nous l’espérons inachevée car elle a encore beaucoup à dire et à exprimer.

Aussi nous passons de l’étrange et de l’angoissé des premières sculptures en plâtre et matières nouvelles peintes, aux têtes épurées de divinités actuelles qui crient la féminité et son instant tragique, mais aussi la féminité dans sa puissance tellurique. Nous passons du surréalisme à une révélation profonde avec les visages qui crient leur mystère et dont les yeux de pierre dure et précieuse ne raconteront l’essentiel qu’à ceux qui les regarderont assez longtemps et sans précipitation.

Au départ, Isabelle Béné était architecte, aussi tout est non seulement modelé mais construit et cette construction vise l’harmonie même si cette harmonie ne néglige pas la terreur du chaos ; mais tout cela aboutit à des coquilles parfaites dont la spirale dégage, telle une mer ou une matrice surhumaine, un corps de déesse naissante.

Isabelle Béné, sur le chemin de sa propre découverte, de son arrachement à l’angoisse, de sa libération des ombres, atteint dans sa sculpture une dimension hiératique, une histoire digne des thèmes antiques où la tragédie de la démesure, rejoint l’harmonie, la beauté dans la forme pure de l’extase sereine.

Hélène Bouvard

Yozone a bien lu « L’agonie de Gutenberg »

Agonie de Gutenberg (L’)
François Coupry
Pierre Guillaume de Roux, essais / chroniques, 268 pages, mars 2018, 23€

Qui ne trouve pas de support – éditeur ou revue – pour publier ses pensées crée un blog, ce qui permet à tout un chacun d’écrire dans le désert en ayant l’impression d’être lu, exactement comme celui qui pérore au-dessus du comptoir de zinc a l’impression d’être entendu. « L’Agonie de Gutenberg » inverse le mouvement : nés d’un blog/blogue, ses textes sont devenus de papier. Un petit arrière-goût de revanche qui, espérons-le, ne fera pas naître dans l’esprit des blogueurs trop d’espoirs inconsidérés : François Coupryayant déjà quelques dizaines de volumes à son actif, il n’est pas étonnant de le retrouver une fois encore sur les étals des libraires.

Sous-titré « Vilaines pensées 2013/2017 », « L’Agonie de Gutenberg » est donc composée de textes écrits au jour le jour sur le blog de l’auteur, lequel avoue, “avec le sournois et calculé souci d’une certaine cohérence”, avoir ajouté des textes qui, à l’époque, n’étaient pas aboutis. Un peu de reprise, et un peu de recul sur l’ensemble, mais assez peu cependant : les dates parlent d’elles-mêmes. Ce qui veut dire aussi un exercice par essence périlleux : lorsque l’on écrit dans le moment, lorsque l’on s’intéresse à l’actualité, on s’expose au grand écart perpétuel entre la platitude de comptoir et la pertinence prophétique, entre l’ironie facile et la perspicacité vraie, entre le constat désabusé et l’originalité de la vision.

« Ainsi, la fiction croit toujours devoir s’insinuer dans une réalité qui la structurerait, lui donnerait sens : c’est le contraire qui arrive, l’épreuve du réel brouille et anesthésie les significations. »

Une manière de contourner la difficulté est de donner à l’ensemble un aspect un peu moins instantané, ou un peu moins personnel, en utilisant des narrateurs divers (intermédiaires de pensée qui ne cherchent pas à donner le change très longtemps, comme « FC » ou « Monsieur Piano »), ou en passant par le fabliau, l’historiette, le conte, lesquels ne sont souvent déconnectés du contemporain qu’en apparence, et autorisent la mise en scène d’une naïveté feinte et révélatrice, d’une cruauté fictive mais non sans véritables correspondances avec le réel, d’une fantaisie en apparence débridée mais elle aussi permettant, pour l’observateur attentif, de mieux enfoncer le clou.

C’est sans doute dans ces derniers registres que l’auteur est le plus à son aise, ce qui n’étonnera personne : on sait qu’il est une figure de ce groupe de la « Nouvelle Fiction », aux côtés d’auteurs tels que Georges-Olivier Châteaureynaud, Frederick Tristan ou Sylvain Jouty, qui n’en est pas à une invention près. On trouvera donc dans cette « Agonie de Gutenberg » des fables de tous types, décrivant des contrées qui malgré leurs attributs de contes ne sont jamais très éloignées de notre monde. Dans ces fables, des rois, des Candides, des voyageurs, des impératrices, des idiots, des sages, des princesses, des prétendants, des fantômes, des lois, des élections, des quêtes, des intelligences artificielles. Et bien d’autres choses encore.

« Il y a un drame dans l’art du roman. Deux inventions nouvelles, et prétendument modernes, freinent les élans des raconteurs d’histoires : les téléphones portables et l’abolition de la peine de mort.  »

Que l’on ne soit pas rassuré par le terme de contes. Certains d’entre eux sont particulièrement féroces, comme pouvaient l’être des « fables » d’Ambrose Bierce, ainsi de « La dramatique honnêteté de M. Piano » (2 avril 2014) ou de « L’Art de bâtir des projets heureux » (3 mars 2017). D’autres sont moins ouvertement grinçantes, plus doucereuses, tout au moins en apparence, car l’on finit bien souvent par percevoir comme un arrière-goût acide. Des gens bien intentionnés ne pourraient-ils pas dissuader les femmes d’accoucher ? Ne pourrait-on pas reconsidérer l’art de Franz Kafka à travers le prisme de l’offre et de la demande ? Ce sont ainsi mille et un questionnements révélateurs du monde comme il ne va pas qui sont ainsi proposés.

Questionnements, mais aussi rencontres inattendues au fil de fables : un cadavre qui refuse obstinément de se décomposer, une balle de revolver qui se meut dans un temps différent et nous relate elle-même l’histoire d’un crime, une souris démocrate, des vieillards qui prétendent être de gauche, un singe qui, empaillé, continue à penser, un Dieu qui prend la parole comme si lui-même tenait un blog, et bien évidemment le diable – toutes sortes de créatures qui, si nous parvenons à l’admettre, et pour notre plus grand désespoir, ne sont bien souvent autres que nous-mêmes.

«  Le conte, le merveilleux, reviennent visiblement et lucidement à la source, en s’épargnant l’illusion d’une réalité qui de toute manière reste indicible.  »

Nous-mêmes, ou l’auteur lui-même : on le sait, les mots les plus fréquemment rencontrés sur internet ne sont autres que « moi » et « je ». Fort heureusement, par le biais de ses avatars, François Coupry évite l’écueil, ne se livre directement que par moments, comme par exemple lorsqu’il parle, à la date du 2 octobre 2014, de la place atypique de ses œuvres dans les genres littéraires. “ Je publie dans des collections et des éditions dites littéraires”, écrit-il, “mais suis trop littéraire pour le ghetto de l’imaginaire et trop délirant pour les tenants de la transcription d’un vécu sincère auquel le lecteur peut adhérer d’emblée.” On pourra conclure sur ces mots, car cette « Agonie de Gutenberg  » en est un exemple de plus. Une preuve, si besoin était, que l’on peut porter le même regard lucide sur le monde et sur soi-même.


Titre : L’Agonie de Gutenberg (vilaines pensées, 2013-2017)
Auteur : François Coupry
Couverture : Sandra Musy
Éditeur : Pierre Guillaume de Roux
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 268
Format (en cm) :14 x 22,5
Dépôt légal : mars 2018
ISBN : 9782363712394
Prix : 23 €

Boulevard Voltaire aime aussi « L’agonie de Gutenberg », merci à Christian de Moliner

Livre / L’Agonie de Gutenberg, de François Coupry

Le livre de François Coupry, L’Agonie de Gutenberg, est singulier. Il rassemble 150 petits textes de 3.000 signes chacun, qui sont d’abord parus sur son blog au rythme d’une ou deux par semaine, de 2013 à 2017.

François Coupry est un féroce contempteur de notre époque où les multiples écrans séparent les humains et les murent dans la solitude, où la civilisation du livre (Gutenberg) s’estompe peu à peu et où un nouveau monde balbutie. Avec ses petites saynètes toujours renouvelées, qui sont tantôt poétiques, tantôt philosophiques, tantôt des contes à la Jean de la Fontaine, l’auteur dresse un portrait amusé des tares de notre société. Il met souvent en scène son double, M. Piano, un professeur d’université excentrique dont il se moque allègrement et gentiment en mettant en avant ses défauts et ses inévitables compromissions. Mais il adopte également, d’une manière récurrente, le point de vue d’une souris ou d’une balle de revolver. Avec M. Coupry, tout est possible !

Ces chroniques excentriques tombent juste ou, sinon, du moins contiennent un fond de vérité. Par exemple, un de ses articles explique comment se débarrasser de Daech : ne plus jamais parler des islamistes ! Ceux-ci finiront par ne plus croire en leur existence réelle et rentreront chez eux la tête basse ! C’est, bien entendu, irréaliste et absurde, mais le califat ne prospère-t-il pas parce qu’il est devenu l’ennemi public numéro 1 et que tous les médias le dénoncent ?

Autre remarque qui tombe juste. À l’époque de Franz Kafka, les auteurs à succès écrivaient des histoires d’amour. Kafka n’a pas suivi leur exemple. Il a écrit des contes bizarres qui sont encore connus de nos jours alors que les écrivains classiques les plus célèbres parmi ses contemporains sont, pour la plupart, tombés dans l’oubli. Les canons qui décident de la beauté et de l’intérêt d’une œuvre changent suivant les époques mais, surtout, plus un livre est original, plus il a de chance de s’imposer et de charmer les différentes générations qui se succèdent.

Si vous aimez les histoires carrées et logiques, les situations plutôt conventionnelles, n’ouvrez pas le livre de M. Coupry. Mais si vous avez un esprit ouvert et curieux, si vous appréciez d’être bousculé hors de vos certitudes, si vous cherchez une logique différente, si vous êtes fan de Franz Kafka, n’hésitez pas à vous procurer ce gros livre car, alors, vous êtes sûr de passer un bon moment !

#CAMILLE CLAUDEL : Carton d’invitation au vernissage de l’exposition d’Isabelle Béné à la mairie du 8ème

CARTON D’INVITATION OFFICIEL

Isabelle BÉNÉ

sculpteure

Au coeur des bleus camaïeu, Camille CLAUDEL et lui en duo

Le jeudi 31 mai 2018 à 18h30 à la Mairie du 8ème arrondissement 3 rue de Lisbonne 75008 Paris

inscription rsvp et contact presse : guilaine_depis@yahoo.com / sms 06 84 36 31 85

site web d’Isabelle Béné http://beneisabelle.com

Camille Claudel et Auguste Rodin : leur liaison fusionnelle par Isabelle Béné

Texte d’Isabelle Béné paru dans la revue Diplômées n°264-265 (La Route de la Soie Editions) de l’AFFDU (Association Française des Femmes Diplômées d’Université)

Diplômées N°264-265 — Les artistes empêchées

Camille Claudel : femme enfermée

Par Isabelle Béné

Ce texte concerne la liaison fusionnelle qui a uni les deux sculpteurs : Camille Claudel et Auguste Rodin, et, la relation de Madame Louis-Prosper Claudel avec sa fille Camille.

Camille Claudel (1864-1943) et Auguste Rodin (1840-1917) se rencontrent en 1883.

Pourtant, avant cette date, leurs travaux respectifs sont déjà imprégnés d’une forme d’expression commune à tous deux : sensibilité, style, forces semblent issus d’une même veine. Ce qui amènera Paul Dubois, alors Directeur de l’École Nationale des Beaux-arts, devant les sculptures de Camille, à lui demander : « Vous avez pris des leçons avec Monsieur Rodin ? »

Question essentielle. Arrivée fraichement à Paris avec sa famille, Camille n’avait jamais entendu parler du sculpteur. Cette remarque de Paul Dubois contenait beaucoup de l’histoire à venir entre Camille Claudel et Auguste Rodin : comme si un même génie bienfaisant-malfaisant les avaient déjà liés l’un à l’autre dans un ressenti commun où ils allaient mêler plus tard et pendant les longues années qui suivirent leur rencontre, les composantes de leurs créativités respectives. Elle, féminine, puissante, fougueuse, un rien « garçon manqué », lui, force mâle, virile, tellurique, avec sa quête du « Féminin » qu’il cherchait avant tout dans l’accomplissement de son être propre.

Rodin, alors professeur remplaçant, la vit pour la première fois dans l’atelier de sculpture d’Alfred Boucher où elle était élève. Elle était douée. Il vit ses dons immédiatement. Peu de temps après, elle devient son élève. L’art va les lier.

Par la suite, ils vont s’aimer. Avec passion.

Emportés comme en une tornade alchimique, androgyne et fructueuse, ils vont créer l’un près de l’autre des œuvres qui racontent l’histoire de ces deux inspirations plongeant leurs

1 Architecte – sculpteure (membre de l’AFFDU) – beneisabelle@yahoo.fr173

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racines dans une même conscience sensorielle, exaltées par des émotions puissantes et des volontés de conquêtes.

Mêlant leurs souffles créateurs, ils vont s’enrichir de leurs échanges et démultiplier leurs ouvrages. Chacun apprenant de l’autre, ils furent un temps hors de toutes revendications d’appartenance, créateurs avant tout. Camille reçut beaucoup de ce professeur, et lui, la fit travailler sur ses œuvres tout en s’émerveillant de son talent grandissant.

Si lors de leur rencontre Rodin avait déjà créé bon nombre d’œuvres majeures, son union avec Camille Claudel décupla ses forces créatrices et l’aida à se distancier des formes académiques qui emprisonnaient sa création : Rodin était un homme indépendant.

Le « Féminin » fut une des grandes composantes de ce que Camille Claudel lui a transmis, et, c’est à cette passion partagée que correspondent les années les plus fécondes de son évolution.

Camille avait été comme préparée à une rencontre décisive : son amour inconditionnel pour la sculpture, l’attention de son père pour son don, sa relation fraternelle et complice avec Paul, son frère, pendant leur jeunesse, l’amenèrent à côtoyer avec naturel le personnage puissant qu’était Rodin.

Lui de son côté pressentit chez elle, belle, talentueuse, au travers de ses pulsions créatrices desquelles émanait un peu de sa texture à lui, celle qui allait l’amener à explorer l’union du féminin et du masculin sur un plan charnel, accompli donc spirituel. Si Rodin, jeune avait pensé entrer au séminaire, c’est par la sculpture et plus particulièrement le modelage qu’il exprima son désir d’absolu.

À la Ferté en Tardenois où enfant elle avait vécu, Camille commença très jeune à modeler la terre. Rodin de 24 ans son ainé avait déjà un long parcours de sculpteur derrière lui, au moment de leur rencontre : début d’une histoire, d’un échange artistique qui allait durer plus de dix ans.

Pendant le temps de cette embellie, emporté par Camille, ses ressentis, ses audaces, Rodin va s’affranchir de l’image manichéenne qu’il avait de la femme, et de laquelle il n’osait pas faire sortir sa nature profonde, sensible et érotique.

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Sa rencontre avec Camille va le libérer de ses entraves, et le corps de la femme, qui dans ses créations, avant de la connaitre, n’avait aucune présence sensuelle, en se révélant à lui va l’amener à modeler des formes plus ressenties au Féminin. Le caractère viril, robuste de son œuvre laissera alors place un temps à des formes plus gracieuses, étonnantes venant de lui. Il exprima avec une grande plénitude artistique ce nouvel aspect de lui-même, dans une série de 9000 dessins aquarellés, érotiques pour la plupart. Traités avec liberté, ils font de lui un novateur à sa façon et à son époque. Il dira plus tard de cette œuvre en marge : « c’est la clé de mon œuvre ».

Camille, praticienne à l’atelier de Rodin travaillait aux côtés du maître. Il aimait ses conseils, ses réflexions spontanées, pertinentes. Parallèlement à ses propres créations, inspirées parfois par celles de ce professeur, elle intervenait de temps à autre à même les sculptures de Rodin, à la demande de celui-ci. Un peu comme cela se pratiquait à la Renaissance dans les ateliers d’artistes, souvent en Italie : les sculptures pouvant être accomplies par « plusieurs mains ». Et Rodin, dans la proximité de Camille qui rayonnait, fut inspiré de son côté par les créations de cette élève douée qui enrichissait sa propre vision de la sculpture.

Camille va évoluer un temps dans « La planète Rodin » comme en une « matrice ». Et lui, attentif à ses dons, la voit cheminer vers son propre génie de sculptrice. Pendant ces années, la qualité et l’abondance de leurs travaux seront imprégnées par la profondeur de leur échange artistique.

Camille vint au monde 16 mois après la mort d’Henri premier né, des enfants du couple Claudel, qui décèdera 15 jours après sa naissance.

Fille, Camille ne pourra pas être pour Mme Claudel cet enfant de substitution qu’un garçon aurait pu représenter à ses yeux. C’est Paul, son dernier né qui prit cet avantage : s’il en fut !

Camille est un prénom pour les filles comme pour les garçons : le rejet de Mme Claudel pour cette petite fille nommée Camille s’explique en partie par l’attente quelle avait quant au sexe de ce deuxième enfant, arrivé de plus trop vite après la mort d’Henri. Une histoire ratée entre mère et fille, avec l’impossibilité de

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s’entendre. C’est Louise la deuxième fille des Claudel qui sera aimée de sa mère.

Camille aura la sculpture.

Femme de caractère, mais ayant été trop privée de la présence de son père qui, travaillant au loin, était souvent absent, Camille fut fragilisée par cette relation difficile avec sa mère. Depuis sa petite enfance, elle s’était construite dans ce manque d’amour maternel qu’elle dut souvent affronter seule. Pour pallier à ce rejet, très jeune elle modela la terre, développa son don pour la sculpture et prit à elle Paul, petit frère alors malléable, imprégné, lui, de l’amour maternel. Tous deux furent très proches dans leur enfance. Les jeux, les bavardages, les rires, les promenades dans la campagne, les rêves devant ces rochers aux formes fantasmagoriques abrités par les forêts avoisinantes, la créativité « émerveillante » de Camille. Ils partagèrent beaucoup. Paul dû souffrir de l’autorité parfois excessive que sa sœur exerçait sur lui. Comme ces enfants mal aimés qui cherchent à prendre avantage sur les plus jeunes ou les plus aimés et les tyrannisent.

Tout au long de sa jeunesse, puis jusqu’à son internement forcé, Camille modela. Inspirée autant que blessée, elle trouva son assise dans la sculpture. Terre et modelage la lièrent à Rodin qui l’aima sans la vouloir à lui. Mais Camille aspirait à une vie de couple avec Rodin. Elle souffrait de sa position marginale, mal perçue à son époque. Elle voulait une preuve d’amour, un engagement. Elle voulait que Rodin quitte sa compagne.

Depuis longtemps, bien avant de la rencontrer, il vivait avec Rose Beuret dont il ne voulait pas se séparer. S’il n’avait pas reconnu le fils qu’il avait eu avec elle, elle avait pour vertu de s’occuper de ses « terres » fraichement modelées, et de la vie du maître au quotidien. Tolérante, effacée, elle fut un lien de base pour Rodin qui par ailleurs menait son existence d’artiste dans son atelier, au milieu de ses modèles, de ses élèves, ses stagiaires, et, n’avait nulle envie d’abandonner cette double vie au cœur de laquelle il bâtissait son œuvre.

Pour lui, Camille représentait l’amante, la muse, et la créatrice. Sut-il à quel point elle l’inspira ? Peut-être. Il l’a aimée. Octave Mirbeau a dit d’elle : Camille Claudel était « quelqu’un d’unique, une révolte de la nature, une femme de génie ». Femme d’avant-

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garde en son temps, dans tous les cas. Devant les refus de Rodin de quitter Rose, elle va cesser de le voir. Ils vont se séparer dans la douleur. De cet amour dans lequel elle s’était toute projetée, elle ne sortira pas indemne. Rodin, était un homme absolu et engagé avec la sculpture. Il avait décelé la fragilité de Camille. De plus, il avait d’autres liaisons. Elle s’éloigne de lui, le revoit, puis finalement sort de sa vie. Tous deux vont souffrir.

Grace à la création, elle va se projeter loin de lui et de ses inspirations, telles « les ombres », « la porte de l’enfer », « les bourgeois de Calais ». Se donnant toute à la sculpture, elle va traiter des thèmes nouveaux qui l’inspireront vers des horizons plus lumineux.

Seule, elle va contacter la part d’elle-même que sa mère lui avait refusé : le Féminin. Au travers de ses créations, elle va faire surgir une sensibilité différente, douce et puissante à la fois, qu’elle exprimera au travers de formes fluides, dansantes, gracieuses, dans des personnages qu’elle mettra en situation. Telle « la joueuse de flute » ou la « Fortune » qui expriment la symbolique d’une activité : des chefs-d’œuvre par la vibration qu’ils induisent en nous, spectateurs. Comme en réponse à ces formes qui nous interpellent en nous élevant l’esprit.

Auguste Rodin a été inspiré par Camille Claudel. Il a retenu de ses créations ce qui touchait sa sensibilité, tout comme il s’est inspiré d’œuvres de Michel-Ange, qu’il vénérait comme un maître.

Retirée dans une tragique solitude, loin du monde, plongée dans ses souffrances, obsédée par l’idée que Rodin l’avait pillée sur un plan artistique, Camille se marginalise, perd ses repères, et se dessaisit du réel : elle brisera certaines de ses sculptures, fuguera et se perdra.

Pour quelques années.

Le père de Camille, Louis-Prosper Claudel, avait pris la décision de venir s’installer à Paris avec sa famille, pour les études de Paul, mais aussi, et peut-être avant tout pour que Camille puisse améliorer ses connaissances en matière de sculptures. Information qui a été transmise par Victorine Brunet, servante attachée à la famille Claudel.

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Le 3 mars 1913, il meurt. Une semaine après son décès, le 10 mars 1913, Camille est arrêtée dans son atelier, puis emmenée de force à l’asile, suite à un conseil de famille où sa mère et son frère Paul vont, seuls tous les deux, décider de la faire interner. Louise, sœur de Camille n’est pas présente.

Camille restera enfermée pendant trente années. Et bien que quelques années après son entrée à l’asile elle ait été déclarée par les médecins apte à sortir, sa mère qui n’est jamais venue la voir, a refusé sa libération. Elle a interdit formellement toutes visites, lettres et prises de contact de sa fille avec l’extérieur.

Soutenue au début de son internement par des amis, des admirateurs et bon nombre de professionnels dans le domaine du sculpté, qui tentaient en vain de mobiliser la presse face à ce scandale, Camille est tombée dans l’oubli. Séquestrée de force, emmurée dans le silence, on l’a crue morte.

La première vertu de l’art est thérapeutique.

Mais Camille brisée, privée de tout pouvoir de rébellion, se retrouvant face à un désamour maternel, qui resurgissant avec violence avec la dénature qu’il implique, n’a plus voulu créer. Si en 30 ans d’enfermement elle n’a jamais vu sa mère, Paul n’est venu la voir qu’à peine plus de 10 fois.

À une époque difficile pour les femmes créatrices à l’esprit libre, Camille Claudel n’a pas trouvé de son vivant la place qu’elle méritait. Et quand bien même : la pleine reconnaissance à laquelle elle aspirait légitimement aurait-elle pu réparer ce refus de naître à elle-même qui lui fut imposé dès sa naissance.

Elle s’est heurtée à la pensée académique et conventionnelle que son époque opposait aux artistes novateurs et aux femmes qui osaient. À coup de déchirement elle a ouvert une voie royale à l’expression sculptée au Féminin. De l’union de ces deux artistes, naitront comme en échos des œuvres aux caractères féminins comme masculins, qui s’enrichiront les unes des autres. Ce fut la grande originalité de leur relation fusionnelle.

Camille Claudel et Auguste Rodin resteront à jamais ancrés en nous. Ils ont fait exploser des murailles : conventions, préjugés, routines, incompréhensions, interdits.

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Nos mémoires, notre ressenti charnel même, demeurent imprégnés par la force de leur quête évolutive et par l’image qu’ils en ont donnée.

Lectures complémentaires :

Gaudichon B., Rivière A., (2005) Camille Claudel, Catalogue raisonné, Ed. Adam Biro.

Cassar J., Fayard J., (2008) Le dossier Camille Claudel, Maisonneuve Larose.

Bona D., (2008) La passion Claudel, Grasset.

Morel J.-P., (2009) Camille Claudel, une mise au tombeau, Impressions nouvelles.

Deveaux M., (2012) Camille Claudel à Montdevergues, Histoire d’un internement, L’Harmattan.

Paris R-M., (2012) Camille Claudel, 1864-1943, Économica.

Tissier M., (2013) De la grâce à l’exil, La femme, la folie, la création, Auto édition

Lamandé J., (2013) De la création à la folie, thèse soutenue à Rennes 2.

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La Revue Diplômées est une revue de l’Association Française des Femmes diplômées de l’Université. Revue scienti que à comité de rédaction, elle a pourvocation de promouvoir la recherche et la visibilité des femmes chercheusesen Europe. D’inspiration généraliste et interdisciplinaire, libre à l’égard de toute école de pensée et des modes intellectuelles. Sa périodicité est de quatre numéros par an, elle accueille ainsi des textes théoriques et de recherches.

Dans ce numéro, nous avons souhaité interroger la thématique « de l’art et desfemmes ». Quels sont leurs liens ? Les femmes ont-elles toujours été considéréescomme des artistes ou bien simplement comme des « objets » à recréer ? De la préhistoire à l’Antiquité, les femmes sont représentées comme des déesses, des héroïnes. Elles ne sont cependant pas perçues comme des artistes.

Il faut attendre le XIXe siècle pour commencer à voir des femmess’imposer comme artistes. Et c’est en poursuivant leurs combatsque le XXe siècle leur ouvre les portes des rencontres avec le public.

Rappelons qu’en 1989, des a ches sont apparues dans les rues de NewYork. Elles ont été placardées par le groupe d’activistes féministes les Guerrilla Girls. Elles souhaitent ainsi interpeller les passants. Sur lesa ches nous pouvions lire : « Faut-il que les femmes soient nues pourentrer au Metropolitan Museum ? Moins de 5% des artistes de la sectiond’art moderne sont des femmes, mais 85% des nus sont féminins ». Dans ce numéro nous avons souhaité donner la parole autant à des chercheuses qu’à des femmes artistes. Toutes témoignent de la di culté à être (artiste). C’est cela l’empêchement. À la fois visible et invisible.

Ont participé à ce numéro : Marie-Elisabeth Bagi, Isabelle Bene, Anne- Claire Boshâ, Sonia Bressler, Michelle Brieuc, Hélène Bruller, Yvette Cagan, Anne Sophie Coppin, Anne Creissels, Catherine Lopez Curval, Pierrette Germain-David, Christine Jolly, Suzanne Larrieu, Fanny Levy, Claude Mesmin, Karin Müller, Anne Rougée, Erica Mancel Salino, Maria Giuseppina Scanziani,Valérie Simonnet, Catherine Stoessel

Voyager avec du blanc, de l’or, du bleu grâce à la sculpteure Isabelle Béné (par Claude Mesmin)

 (sculpture d’illustration : « Le soleil en face ») Hommage à Isabelle Béné

Inutile de relire tous les hommages que cette amie sculptrice a déjà reçus.

J’aimerais être poète pour exprimer mes émotions devant ses sculptures. En feuilletant le dossier qu’elle m’a laissé quelques jours, je suis fascinée par la diversité de ses sculptures, celle des couleurs, et celle des matières.

-L’or qui rehausse l’éclat de la piste du Goëland, aile attachée mais prête à s’envoler ;

-le vol d’or, magnifique embrasement de deux oiseaux ;

-l’oiseau solaire posé, ailes pleinement déployées sur un mur céleste.

-Le blanc qui éclate dans le coquillage, dont la rotation est accentuée par les lignes courbes qui converge vers une profondeur abyssale au risque de s’y perdre ;

-le blanc encore dans cet autre coquillage, qui absorbe le corps d’une femme nue et abandonnée en se laissant porter vers la profondeur de l’océan ;

-le blanc une fois encore dans cette spirale, dont la main sur le fuseau terminal arrache un bout de ciel, une envolée vers des lieux aériens très lointains ;

-le blanc toujours pour l’augure des Pawnee, oiseaux ou feuilles juxtaposés, prêts à rejoindre dans cette tribu indienne l’Étoile du Matin qui préside à la végétation et à l’agriculture ;

-le blanc bleuté de ce joli visage de Mademoiselle O., légèrement incliné et dont le voile encadre ce visage pensif ;

-toujours en blanc bleuté, cet au revoir qui j’espère, nous conduit vers d’autres beautés, que nous attendons avec impatience.

Isabelle Béné nous fera encore rêver, voyager,

– de la Thaïlande d’où elle a rapporté les feuilles d’or ;

-aux mines de houille en Silésie où des mineurs, à 1000 mètres de profondeur, lui ont offert ce minerai végétal si noir dont les éclats scintillent à la lumière et qu’elle a transformé en une vierge noire aux yeux en « œil de tigre », pierre aux reflets dorés ;

-au travertin de Perse, dont les reflets roses magnifient le visage modelé d’une femme ;

-à la poudre de pierre, venue d’Italie, agglomérée de marbre collé par la résine ;

-de Chiraz et d’Ispahan, des poudres colorées permettent de teinter certaines sculptures ;

Isabelle Béné cherche les sources du féminin, passionnée par l’Inde et ses rites, ses lectures et son origine celte par sa mère. Elle se passionne pour « le féminin de l’être » que symbolise le mot Yin en Asie. Elle rend hommage à la licorne dont la corne, faite de deux spirales entrelacées, représente la dualité ; dans le livre des morts : les tibétains y situent le passage de notre âme de la vie à l’après-vie. Isabelle Béné embellit son art de toute sa quête quand au devenir de la femme et de l’homme sans oublier le passé et le présent qui nourrissent son inspiration.

Claude Mesmin

Docteure en psychologie clinique

Responsable des publications de l’AFFDU.

Isabelle Béné « donne du relief dans la profondeur » par Jean Le Hénaff

(sculpture d’illustration : « Le cri empêché »)

La sculptrice Isabelle Béné sur le devant de la Seine

Issue d’une famille de marins et d’armateurs paimpolais, Isabelle Béné a toujours adossé son art au vent de ses souvenirs d’enfance. Et c’est la mairie du 8e arrondissement de Paris qui va servir d’écrin à sa nouvelle exposition qui ne manque pas de sel. Une expo, à dominante bleu-mer, qui embarque à son bord deux passagers très célèbres. En effet, dans le prolongement de cet espace, la sculptrice, illustre en modelages et en photos, les années fusionnelles de Camille Claudel et Auguste Rodin.

Isabelle Béné expose, au japon, en Mongolie, dans le monde entier et ses environs. Mais c’est dans son atelier de la rue Campagne Première à Paris, qu’elle arrime son art à la rive gauche de la Seine. Attirée par le dessin et la sculpture, prise par une fièvre créatrice, dès l’âge de 4 ans, elle livre ici au visiteur l’histoire d’une vie. La mise en relief, sculptée par les années, de ses certitudes et de ses incertitudes. Des sculptures ancrées aux frontières du réel et de l’imaginaire, chahutées, en leur surface, par des courants ambivalents, mais guidées par la main et le geste parfait de l’artiste.

Entre obscurité et luminosité

Posée sur une table, une scuplture or qui a osé dévoiler ses courbes lors d’une expo à Téhéran, met du Moyen-Orient dans son récit de voyage. Pour toujours et encore évoquer en spirales, dans son intériorité, le féminin de l’être si cher à Isabelle Béné.

Autre coquillage et autre message quand il en ressort, du noir des profondeurs, une tête, le regard tourné vers l’intérieur. Une figure obscure, captive de l’eau, mais qui reprend vie… quand jaillit la lumière de la main de l’artiste. Une création sous-marine surprenante qui a reçu un 1er prix du public dans un salon international de sculpture.

On s’arrêtera également : Sur des silhouettes, sur une chevelure folle sculptée par le vent du large et l’idée du sculpteur ; sur ces modelages d’une main dont les lignes se lisent au fond de la mer ; sur ces oiseaux plus vrais que nature, légers et haut perchés sur un socle qui peine à retenir leur envol.

Elle donne du relief à sa profondeur

Oui, Isabelle Béné est résolument une sculptrice du mouvement. Elle donne consciemment ou inconsciemment, même aux objets du quotidien, une dimension vibratoire qui maquille le réel. Et rend ainsi au rêve, la part qui lui revient…

Une seule, de ses nombreuses œuvres, ne sera jamais visible à Paris, La Vierge Noire, qu’elle a dédiée au monde très fermé des gitans. « Elle est fabriquée avec de la houille des mines de Silésie. Je suis allée la chercher, explique t-elle, à 1 000 mètres de profondeur dans les entrailles de la terre. Et elle est exposée dans un lieu sacré ». Une élégante manière de dire que son art est voyageur et se trouve, aussi, là où on ne l’attend pas !

Le vernissage de cette exposition aura lieu le 31 mai à 18 h 30. Elle restera visible à la mairie du 8ème jusqu’au 14 juin. Du lundi au vendredi de 12 h à 18 h (le jeudi jusqu’à 19 h). Le samedi de 9 h à 12 h.

                                                                                           Jean Le Hénaff