Les Dernières nouvelles du Jazz continuent de vanter le CD de Tous Dehors

http://lesdnj.over-blog.com/2020/09/marseille-festival-les-emouvantes-2020.html

22 septembre 2020

Plaisir de plonger une fois encore dans la programmation toujours inventive de ce festival niché dans le Théâtre des Bernardines, ancienne chapelle du couvent éponyme. Année compliquée, comme pour tous les festivals, mais celui-ci a réussi à sauver l’essentiel, en donnant une sorte de préfiguration du festival 2021, lequel accueillera la programmation initialement prévue, jusqu’au début de l’été, pour 2020. Distanciation coronavirale oblige, un siège sur deux occupé dans cette salle de jauge modeste. Mais la créativité de l’équipe du festival comme des artistes a su pallier cette économie de crise, en déléguant un duo, ou un solo, issu des groupes initialement prévus, et qui seront là l’an prochain.

Mercredi 16 septembre

La soirée commence avec le duo JEAN-PIERRE JULLIAN / TOM GAREIL. En avant-ouïr du quartette pour la création ‘Chiapas II’ (qui accueillera Guillaume orti et Gilles Coronado), nous aurons une sorte de voyage entre harmonies, lignes vives et percussions tournoyantes, un tourbillon qui nous laisse ébahis, heureux et pleins d’espoirs pour la version à venir en quartette.

La scène accueille ensuite la flûtiste-et vocaliste- NAÏSSAM JALAL, en duo avec le contrebassiste CLAUDE TCHAMITCHIAN, qui est aussi la directeur artistique du festival (soutenu pour l’organisation par Françoise Bastianelli). Dans la version 2021 ils seront rejoints par le pianiste Leonardo Montana. Le duo est une pure merveille de nuances infinies, de communication télépathique et de densité spirituelle. Si le terme ne s’érodait pas à force d’usages parfois abusifs, j’oserais magique, car ça l’est vraiment.

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Jeudi 17 septembre

Pour 2021, ce sera le quartette ‘Majakka’ de Jean-Marie Machado, avec Vincent Segal, Keyvan Chemirani, et celui qui, aujourd’hui, assure l’ouverture de la soirée, le saxophoniste JEAN-CHARLES RICHARD. Son solo a fait le tour des continents, et il nous le présente comme une sorte de cérémonie musicale, intense, portée par une fine dramaturgie, et où se croisent tous les langages, duspiritual introductif jusqu’à la fantaisie conclusive, en passant par le jazz de stricte obédience, les mystères de la musique dite contemporaine, et les rythmes des musiques du monde.

Pour conclure cette soirée, deux des protagonistes de la ‘Petite histoire de l’Opéra, Opus 2’ (sextette qui sera là en 2021), LAURENT DEHORS et MATTHEW BOURNE, vont nous offrir un aperçu du disque en duo qu’ils ont récemment enregistré pour le label émouvance (l’entité disque dont le festival est l’un des appendices). Le disque, intitulé «A place that has no memory of you», paraîtra en novembre, mais il venait de sortir de l’usine, et les spectateurs ont pu se l’offrir. J’ai pu l’écouter : très beau disque, et différent du concert, car l’éthique de ces musiciens (et de cette musique) interdit la copie conforme. Concert infiniment vivant, plein de risques et de surprises. Très belle conclusion de mon séjour. Je manquerai hélas le lendemain Jacky Molard/François Corneloup, et David Chevallier en solo. Et le jour d’après Christophe Monniot/Didier Ithursarry, puis Éric Échampard/Benjamin de la Fuente.

Mais avant de prendre le train j’ai trinqué avec l’Ami Philippe Deschepper, retour de pérégrinations régionales, et qui me racontera ses bonheurs d’écoute des derniers concerts auxquels il assistera.

J’allais oublier une composante importante de ce festival. Comme quelques autres dont il partage l’ADN, il a le souci de la transmission, au sens artistique plus encore que technique : le parti des poètes plus que celui des ingénieurs. En descendant du train, mercredi avant midi, j’ai filé au conservatoire Pierre Barbizet pour la master class de Laurent Dehors, autour de l’improvisation, du geste collectif, de l’engagement dans le présent immédiat de la musique. Très passionnant. Puis je suis revenu à 14h pour la master class de Bruno Angelini, qui fait travailler la conscience approfondie, instinctive, des séquences de quatre mesures dont la maîtrise permet de construire une improvisation libre et cohérente sur l’ensemble de la forme : passionnant. Une fois encore, coup de chapeau à ce festival, comme à tous ceux qui sont de véritables fêtes de l’Art en mouvement.

Xavier Prévost

Citizen Jazz a craqué pour Laurent Dehors

LAURENT DEHORS

UNE PETITE HISTOIRE DE L’OPÉRA : OPUS 2 

Laurent Dehors (comp, dir, saxes, cl, bcl, cornemuse, guimb, voc), Matthew Bourne (p, voc), Michel Massot (tb, tu, voc), Tineke van Ingelgem (voc), Gabriel Gosse (g, keyb, dms, voc), Jean-Marc Quillet (perc, cla, dms, voc) 

Label / Distribution : Autoproduction

 Il y a peu d’instants dans la vie d’un chroniqueur musical où l’on peut utiliser le mot opus sans être voué aux gémonies et aux quolibets. Mais voici que Laurent Dehors nous en offre l’occasion. Par deux fois. De sa Petite Histoire de l’Opéra, il avait fait un Opus 1. Voici, presque dix ans après, l’Opus 2 avec une équipe largement remaniée : reste le fidèle Jean-Marc Quillet, qui livre dans une « Intro Toccata  » une tangente africaine au balafon. Monteverdi ne sera jamais le même, c’est ce que l’on attend principalement des visites du patrimoine avec Dehors et ses détours ingénieux. Il a ses marottes, bien sûr, comme cet « Air de Micaëla » de Bizet aux airs de bastringue où la soprano Tineke van Ingelgemfait montre d’une grande rigueur rythmique, bien soutenue par le piano de Matthew Bourne qui signe de sa présence cet album enregistré à la Buissonne.

Sans préjuger de la suite, la démarche de Laurent Dehors est la même que sur l’Opus précédent : il utilise la matière première, la mâtine avec des vieux camarades à l’image de Michel Massot et des jeunes pousses comme Gabriel Gosse et la fait sienne. Mais contrairement au précédent round, il ne s’attache pas forcément aux « Grands Airs », même si l’emblématique « Habanera » (Carmen, toujours, fondateur…) est présente avec cette boîte à rythmes facétieuse. Mais il y a quelque chose de plus personnel, de plus émotif dans la sélection. C’est souvent le cas lorsque Bourne est au piano, et l’on perçoit très vite que les choix du programme ont été fait collectivement autour de figures de femmes fortes, de Carmen à Didon jusqu’à la défiance attroupée de « Mambo » où Massot et Dehors se poussent du col avec une joie turbulente que Bourne soutient main gauche avec son style tonitruant. De la lave et des séismes. Même le très moderne Bernstein, incursion XXe dans cette sélection marquée par le baroque italien, trouve des habits neufs.

Laurent Dehors s’amuse, c’est indéniable, de la même façon qu’il sait parfaitement verser dans l’émotion voire une certaine mélancolie. Il nous fait aller du sourire à la chair de poule en quelques instants. « L’air de Didon » cher à Purcell est à ce titre une petite bulle dans ce disque et réoriente la toute fin de cet Opus 2, qui se pare de nuages sombres. On est loin, dans « Sento in seno » où Bourne plonge dans les tripes de son piano, des rodomontades électriques de Gabriel Gosse. Son échange avec la soprano, à petites touches, fait de Vivaldi une jolie construction sensible, qui ressemble à ces désuètes boites mécaniques où une danseuse en stuc tournoie sans cesse… Une fois de plus, Laurent Dehors dépasse son image iconoclaste pour soulever le voile et montrer une vraie sensibilité. C’est ainsi que ce clôt ce second voyage opératique, dans la brève « Una Furtiva Lagrima » de Donizetti, suspendue à la performance vocale de Tineke van Ingelgem, avant de se lancer dans « Les Oiseaux ». Une réussite qui nous songer au futur : et si Laurent Dehors nous proposait un opéra de son cru ? C’est le moment.

Alex Dutilh consacre un « Open Jazz » à Laurent Dehors

A réécouter : https://www.francemusique.fr/emissions/open-jazz/laurent-dehors-une-nuit-a-l-opera-76101

Après un opus 1 très remarqué, Laurent Dehors continue son exploration de l’opéra, de l’époque baroque au XXème siècle, entouré d’une nouvelle équipe de musiciens dans “Une petite histoire de l’opéra, vol. 2”.

Laurent Dehors, une nuit à l'opéra
Tous Dehors, © Christophe Charpenel

Au sommaire aujourd’hui

  • Laurent Dehors à la Une

De Bizet à Purcell en passant par Mozart, Verdi, Rameau… ou par une version slam d’un opéra flamand, le répertoire s’égaie, se contorsionne, s’ornemente, se réinvente avec finesse.

Laurent Dehors poursuit avec bonheur dans « Une petite histoire de l’opéra, Vol 2 »  son exploration du répertoire lyrique avec comme boussole intérieure ses propres repères de compositeur jazz. Respectueux mais audacieux, exigeant mais joyeux et poétique, il repousse les frontières esthétiques pour insuffler un vent frais et décoiffant aux pièces incontournables de l’Opéra ainsi qu’à des airs moins connus et une pièce originale. Laurent Dehors offre un décalage fantaisiste et profond, porté par la soprano solaire Tineke Van Ingelgem et cinq poly-instrumentistes talentueux prêts à repousser les contours esthétiques du répertoire opératique avec une aisance un brin « no-limit ».

La profusion d’instruments (glockenspiel, balafon, vibraphone, marimba, batterie, trombone, tuba, soubassophone, saxophones, clarinettes, guimbarde, cornemuse, banjo, guitare, piano et piano préparé), l’étendue vocale de la soprano Tineke Van Ingelgem, la richesse d’interprétation et d’inventivité, font de « La Petite histoire de l’opéra opus 2 » un projet surprenant d’humour et d’énergie.
(extrait du communiqué de presse)

A écouter dans Jazz Club de Yvan Amar du samedi 21 septembre

François Vicaire repère une vraie Reine de la nuit dans « TOUS DEHORS »

http://theatreennormandie1.over-blog.com1.over-blog.com

L’opéra « OPUS 2 » de Laurent Dehors : la reine de la nuit chez Hellzapoppin

29 Septembre 2019 , Rédigé par François Vicaire

On avait aimé le premier OPUS de la petite histoire de l’Opéra concocté par Laurent Dehors et sa joyeuse équipe de musiciens, on adore cette nouvelle facette d’une talent qui joue de tous les genres avec une maestria époustouflante.
Dans le survol qu’il fait de l’univers si particulier du lyrique et dont a priori on pourrait le croire plutôt étranger, Dehors donne un coup de pied dans la fourmilière des certitudes en s’appropriant un répertoire qui n’a plus d’âge et dont on pensait tout connaître au point parfois de se surprendre à le rabâcher avec une délectation nostalgique.
Dans les choix qui ont été faits pour cet épatant CD, se côtoient des « standards » comme la « Habanera » de « Carmen ou le « Una furtiva Lacrima » de « L’elixir d’amor » que l’on redécouvre à l’aune d’une vision qui est tout, sauf iconoclaste. C’est que le principe de ce travail ne relève pas de la simple adaptation mais s’affirme comme un détournement d’intentions réfléchi et musicalement savamment construit.

Tineke van Ingelgem

Il en va ainsi d’une toccata dans laquelle, si on tend bien l’oreille, on retrouve le Monteverdi de « L’Orféo » mais aussi et, surtout, dans une « Carmen » qui ne perd rien de ses qualités originelles mais qui prend une dimension nouvelle et percutante grâce, entre autre, à Tineke van Ingelgem (elle fut « Médée » la saison dernière à l’Opéra de Rouen) dont l’agilité de tessiture et la beauté du timbre restitue à la note près l’air de Micaëla ou celui de « Didon ». On pourrait même dire qu’en dépit de contre-chants téméraires mais jamais dévastateurs, il y a une grande fidélité et, pourrait-on dire, une authentique relecture de ses chefs-d’oeuvres impérissables, qu’ils soient de Purcell ou de Vivaldi, dans la manière dont Laurent Dehors les revisite.

Et si le choeur des enfants de « Carmen » prend une allure proche de l’univers d’Hellzapoppin, par contre le mambo de « West Side Story » s’épanouit dans une version que Bernstein lui-même n’aurait pas désavouée.

Quelque part Laurent Dehors est le petit-fils de l’André Popp «du « Piccolo saxo » et l’héritier du Gérard Calvi des « Branquignolles ». Les uns comme les autres sont tous sortis d’un moule classique qu’ils ont su apprivoiser en portant sur lui ce qu’on pourrait appeler un « irrespectueux respect »

Et, cerise sur le gâteau, pour clore cette succession de numéros tous plus succulents les uns que les autres, Tineke van Ingelgem s’offre hors programme le luxe d’une « Reine de la nuit » totalement ébouriffée à l’image même de cet « Opus 2» dont on espère qu’il ne sera pas le dernier.

 

Adèle Deuez offre un superbe compte-rendu du concert de « Tous Dehors » dans CAUSEUR

Tous Dehors: une petite histoire de l’opéra (et du jazz)

Plusieurs siècles d’opéra remaniés façon jazz offrant un décalage musical assumé


Après un premier opus, sorti en 2010, le sextet Tous Dehors se produisait au Studio de l’Ermitage (XXème arrondissement) pour son deuxième opus. Six musiciens éclectiques et polyvalents, noyés dans les instruments qui envahissent la scène. L’art du mélange des genres maîtrisé à la perfection!

J’étais partie avec un certain a priori, pas forcément négatif. Je me demandais simplement comment était-il possible de mêler de l’opéra et du jazz.

En témoigne le premier morceau joué : la Toccata de l’Orfeo de Monteverdi… Au balafon et à la guimbarde (si si !). Plus encore, c’est du Bizet, du Wagner et du Vivaldi (entre autres) qui nous ont été proposés d’écouter, le tout sublimé par une incroyable soprano – Tineke Van Ingelgem – aux airs de Maria Callas… Ça ne s’invente pas !

À mesure que les chansons défilaient, les musiciens passaient d’un instrument à l’autre dans une décontraction et une humilité qui les rendaient d’emblée sympathiques (c’est qu’ils le sont en plus !). Saxophone, clarinette, cornemuse, tuba, glockenspiel, batterie, guitare… Leur convivialité communicative donnait forcément envie de participer, et ce fut chose faite avec le « piano préparé » – qui consiste à placer des objets sur les cordes de l’instrument, ce dont le public est doté, en l’occurrence des clefs et des stylos – pour un rendu à la fois sublime et surprenant.

Mais il ne faut pas se méprendre, Tous Dehors ce n’est pas qu’une entreprise de démocratisation de l’opéra mais plutôt une réappropriation réussie. Et plus qu’une palette d’instruments c’est aussi, et surtout, une palette d’émotions. Le public passe consécutivement du mélancolique Air de Micaëla de Bizet à la candeur du Chœur des enfants, sans risque de fausse note et pour finir, avec brio et dans l’emballement généralisé, sur un morceau aux influences slam, au cours duquel la cantatrice s’est muée en véritable rock star.

À la fin du spectacle (c’est toujours trop court quand c’est bien), je suis allée voir Laurent Dehors, le metteur en scène. Il a eu cette phrase qui mérite d’être rapportée : « Nous voulons sortir des petites cases, de cette manie de tout ranger dans des tiroirs, mais c’est difficile ». L’Opus 2 de Tous Dehors n’est, à l’évidence, pas la partie d’un tout mais plutôt, et comme disait Paul Verlaine, « de la musique avant toute chose ». Musique, certes, inclassable et c’est tant mieux ! Il n’en demeure pas moins un merveilleux spectacle offert par des musiciens hors pair qui ne s’adressent pas qu’aux mélomanes, mais aussi aux curieux, et mériterait sans aucun doute de sortir des petites cases. Un monde à part qu’il est impératif de découvrir et qui, j’en suis sûre, mettra tout le monde d’accord.