« Ce nouveau livre frappe d’abord par sa vérité » sur « le temps des orphelins » de Claude Rodhain dans Actualitté

Le temps des orphelins, autofiction de Claude Rodhain

Avocat honoraire, désormais installé dans les Bouches-du-Rhône, Claude Rodhain a fort bien évoqué son parcours d’enfant abandonné devenu notable dans Le Destin bousculé, autobiographie parue chez Robert Laffont en 1986, deuxième prix des lectrices du magazine Elle, succès de librairie. Vingt-six ans plus tard, l’homme revient avec une suite, plus romancée, plus sombre aussi. Texte d’Étienne Ruhaud.

ActuaLitté

Peut-on toutefois parler de suite au Destin bousculé ? Écrit, cette fois, à la troisième personne du singulier, Le temps des orphelins revient sur l’enfance même du héros. Claude Rodhain devient ainsi Charles Baudrin. Le « je » apparaît brièvement, mais une distance entre l’auteur et le personnage semble s’installer d’emblée. Nous ne sommes plus à proprement parler dans l’autobiographie, mais bien davantage dans l’autofiction. L’auteur revient sur son passé d’orphelin, comme l’annonce d’ailleurs le titre même du volume.

Le roman s’ouvre ainsi, tragiquement, sur la guerre, à l’hiver 44, sur la vision d’un soldat gisant à même le pavé. S’ensuit une série de malheurs. Accusé, à tort, de pyromanie, rejeté par sa famille d’accueil, Charles est expédié à Charonne, terrible maison de correction, près de Limoges. Il y fait l’apprentissage de la violence, de la cruauté des adultes, mais aussi de l’amitié, et d’une salvatrice révolte. Vagabondant, à pied, jusqu’au siège de l’Assistance Publique à Versailles, le garçonnet dénonce les exactions commises par « Chabaud », directrice sadique, et obtient ainsi gain de cause.

Condamnée suite à une inspection sérieuse, la Chabaud est démise de ses fonctions. Déplacé vers un nouveau foyer, Charles retrouve son frère Robin, ainsi qu’une sœur qu’il ne connaissait pas, se découvrant ainsi un passé d’enfant battu, maltraité, abandonné par ses parents. Entré en apprentissage, Charles suit en parallèle les cours du CNAM pour devenir ingénieur, se marie, très jeune, avec une certaine Sophie, fille de restaurateurs. Décidé à prendre sa revanche sur le sort, l’homme connaît une fulgurante ascension. Entré au service d’un certain Joseph Guilledoux de Questembert, homme trouble, Charles parvient, à force de travail et d’intelligence, à gravir les échelons, jusqu’à créer son propre cabinet de conseil, et à devenir riche, respecté, proche du pouvoir.

Failles…

Tout semble donc, a priori, sourire au self-made-man. Est-il pour autant heureux ? Obsédé par la figure d’une mère absente, la fameuse Mam-Two, l’homme demeure à jamais ce gamin avide, insatisfait, sevré de lait maternel. Attiré par le mystérieux Guilledoux de Questembert, devenu figure paternelle, et paternaliste, bel homme, séducteur, Charles ne parvient jamais à combler ce manque originel, cette béance affective, pas même en multipliant conquêtes et aventures d’un soir, ni même en accédant aux honneurs, à l’ordre national du mérite. Il n’était pas préparé au bonheur : tout semble résumé dans cette phrase.

Confronté, d’emblée, au deuil de sa famille, l’homme d’affaires brillant, qui a subi les avanies de l’Histoire (la Seconde Guerre mondiale, puis la guerre d’Algérie, où il manque d’être tué), se trouve également traumatisé par la disparition de sa première épouse, puis par le suicide d’une fille souffrant de troubles psychiatriques, et enfin par le décès de son frère Robin. Une sorte de fatalité poisseuse semble s’attacher aux pas de cet homme, jusqu’à la scène finale, lorsque Charles, désormais éteint, échange quelques propos désabusés sur la vie avec un gamin. 

La littérature comme consolation ?

Moins flamboyant, moins positif, sans doute, que Le destin bousculé, ce nouveau livre frappe d’abord par sa vérité. Résolu à se livrer, par le truchement de la fiction, Claude Rodhain, devenu Charles Baudrin (et on notera la proximité onomastique des deux patronymes), offre au lecteur un récit vrai. Derrière la façade d’homme brillant, respecté de tous, président d’une association d’aide aux orphelins, derrière l’auteur à succès publié chez Robert Laffont, se cache un être fragile, meurtri, errant dans le cimetière d’Arcachon où repose sa fille, s’urinant dessus avant de se soûler au bar, désespéré.

Dès lors, la littérature apparaît comme un baume, une libération, une façon de livrer l’envers du décor, d’une image publique extrêmement flatteuse. D’où, sans doute, le style hyper réaliste, direct, propre à C. Rodhain : dépourvu de formation littéraire scolaire, mais grand lecteur, Rodhain/Baudrin, qui semble en outre apprécier le cinéma et la chanson, s’exprime en termes clairs, sobres, dépouillés. Comme s’il s’agissait justement d’être sincère, notamment lorsqu’on parle de sexe, d’échangisme, à travers quelques courtes scènes évoquant immanquablement Houellebecq.

Une poésie populaire, que d’aucuns jugeront maladroite, ou un peu surannée, affleure par endroits, à travers plusieurs passages lyriques, convenus, peut-être, et cependant touchants dans leur naïveté même : Une journée hors norme. Il a plu la veille. L’orbe du ciel est bleu, mais une fine vapeur monte du sol. La terre respire une mouillure blanche et parfumée. Le printemps se précipite à grands pas.

Un livre de la maturité :

Sur son blog, le critique « Argoul » parle d’un « livre populaire ». De fait, Le temps des orphelins se lit facilement, bien qu’on puisse déplorer la présence de certaines coquilles, et de certains anachronismes laissés par l’éditeur. Loin de toute audace stylistique ou formelle, Claude Rodhain, également auteur de polars et de romans historiques, semble se confier, se raconter, à travers son personnage de Charles. Loin des années 80-90, des décennies du « fric », où tout paraissait facile, où tout roulait, Le temps des orphelins révèle une certaine mélancolie. Désormais octogénaire, Claude Rodhain établit un bilan doux-amer. 

ActuaLitté

Claude Rodhain City Editions
Le temps des orphelins
22/06/2022 300 pages 19,00 €

RSVP : Inauguration d’un buste de Simone Veil à l’Assemblée nationale mardi 29 novembre à 14h15

Madame Yaël BRAUN-PIVET

Présidente de l’Assemblée nationale

a l’honneur de vous convier à l’inauguration d’un buste de Simone VEIL

le mardi 29 novembre 2022 à 14h15

dans le jardin des quatre colonnes de l’Assemblée nationale

RSVP merci de répondre au plus vite à l’attachée de presse pour qu’elle transmette vos coordonnées au service du Protocole de l’Assemblée nationale qui vous enverra un carton nominatif :

guilaine_depis@yahoo.com / sms 06 84 36 31 85