Le Contemporain fait la part belle à Hélène Rumer en chroniquant « Mortelle petite annonce »

« Mortelle petite annonce » : Un drame familial miroir d’un fait divers qui continue d’intriguer

■ Hélène Rumer
 
Par Yves-Alexandre Julien – Journaliste Culturel

I. Mortelle petite annonce : Un drame familial miroir d’un fait divers qui continue d’intriguer

Dans un monde où l’inimaginable se terre derrière les façades les plus lisses, où les tensions familiales peuvent mener à des dénouements tragiques, le roman d’Hélène Rumer, Mortelle petite annonce, offre un voyage dans l’irrationnel des affects. En s’inspirant des tragédies familiales réelles telles que l’affaire Dupont de Ligonnès, l’auteur tisse un récit complexe où les apparences se révèlent souvent trompeuses. Des crimes « passionnent » pour ce qu’ils disent des mouvements de notre société, d’autres prennent une tournure politique quand des élus soufflent sur les braises. Ce n’est pas le cas de l’affaire de la tuerie de Nantes, mais elle hante pourtant au-delà de toutes. On écrit des romans de fiction comme Mortelle petite annonce pour continuer dans l’inconcevable. Quels sont les ressorts de cette fascination inouïe ? À travers une intrigue riche en rebondissements et des personnages nuancés, Hélène Rumer explore les thèmes universels et tragiques de la sphère familiale invitant le lecteur à une méditation sur l’impensable, explorant des liens troublants avec des affaires réelles et d’autres œuvres littéraires marquantes, offrant ainsi un récit aussi captivant qu’effrayant.

II. Le brossage d’une famille sous tension

Dans le roman sombre et captivant d’Hélène Rumer, Mortelle petite annonce, la vie de la famille Jarnac se déroule dans l’ombre des secrets et des tensions. Tout commence par une petite annonce pour une baby-sitter, mais se transforme rapidement en un récit macabre rappelant l’affaire Dupont de Ligonnès. La ressemblance avec cette tragédie crée un lien saisissant entre la fiction et la réalité. Il y a aussi cette singularité de la vie après la mort ou plutôt de la survivance de l’âme, l’auteur utilisant cette ressource à la main des protagonistes pour décrire par eux-mêmes la scène post-mortem.

III. Des parallèles troublants avec l’affaire Dupont de Ligonnès

Comme dans l’affaire Dupont de Ligonnès, le roman dépeint une famille en apparence ordinaire, vivant dans une banlieue cossue, mais cachant de sombres secrets. Les personnages principaux, Pierre et Marie-Ange, ressemblent au couple Dupont de Ligonnès, vivant sous pression constante, alimentée par des problèmes financiers, des relations étriquées et des traumatismes non résolus.

L’analyse psychiatrique de l’affaire Dupont de Ligonnès, menée par des experts renommés comme Daniel Zagury, offre un éclairage fascinant sur les mécanismes psychologiques à l’œuvre dans les cas de crimes familiaux. Le roman d’Hélène Rumer, Mortelle petite annonce, évoque des thèmes similaires. Pour approfondir cette comparaison, nous pourrions invoquer les travaux d’experts en psychiatrie renommés tels que Richard K. Murray et Ronald Blackburn, dont les ouvrages sur les crimes familiaux mettent en lumière les schémas comportementaux et les motivations sous-jacentes. En intégrant les perspectives de ces experts, le roman d’Hélène Rumer acquiert une profondeur psychologique supplémentaire tel un leitmotiv pour dire plus jamais ça!

IV. Le mystère de “Nicolas” : Une clé pour comprendre la tragédie

Tout comme le mystère entourant Xavier Dupont de Ligonnès et ses motivations, le personnage énigmatique de “Nicolas” dans le roman représente une pièce cruciale du puzzle. Son départ précipité de la maison et son absence laissent planer une aura d’étrangeté et de mystère, révélant des failles profondes dans la structure familiale. Ce personnage donne au lecteur dans ce crime abominable entre féminicide et infanticide une tribune qui fait travailler l’imaginaire en projetant ses fantasmes ou ses désirs à vouloir être le premier soit à lever les secrets planants, soit à annoncer un scoop.

Ce qui fascine et horrifie le lecteur du récit d’Hélène Rumer au milieu de tous les erzatz nés du fait divers d’origine, c’est la possibilité – hypothèse – monstrueuse qu’un père, bien sous tous rapports selon ses proches et intimes, puisse exécuter froidement ses enfants et sa femme et même leur tendre des pièges avant de les tuer .

V. La violence conjugale au cœur du drame

Le roman explore également le thème déchirant des violences conjugales, tout comme l’affaire Dupont de Ligonnès a mis en lumière les dynamiques toxiques au sein de la famille. La violence émotionnelle et physique exercée par Pierre aggravée par l’alcoolisme sur Marie-Ange reflète la réalité brutale de nombreuses relations conjugales marquées par la domination et la soumission.

VI. Mortelle petite annonce : un plaidoyer en faveur de la notion d’emprise d’un point de vue légal

Dans le roman poignant d’Hélène Rumer, les personnages sont pris dans les rets d’une emprise aussi insidieuse que destructrice. Il en va de même concernant le débat autour de l’inscription de l’emprise dans la loi qui révèle la complexité des relations humaines et des mécanismes de domination psychologique. Dans le récit d’Hélène Rumer, les protagonistes subissent progressivement une altération de leur libre arbitre et de leur dignité, piégés dans un engrenage de violence verbale et physique. De même, les victimes de violences conjugales se trouvent emprisonnées dans une spirale de peur et de manipulation, où la violence psychologique prépare souvent le terrain à la violence physique. Cette analogie souligne l’importance de la reconnaissance légale de l’emprise comme une forme de violence à part entière, tout en mettant en lumière les défis juridiques et sociétaux qui accompagnent une telle démarche. Comme les personnages de ce roman luttent pour retrouver leur liberté et leur identité, les victimes de violences conjugales aspirent à une reconnaissance de leur souffrance et à une protection renforcée par la loi.

VII. Une réflexion sur les non-dits et les conséquences funestes qui en découlent

À travers le récit captivant de Laurie, la baby-sitter, le roman met en lumière les conséquences dévastatrices des non-dits et des secrets familiaux. Les silences qui entourent le départ de “Nicolas” et les tensions non résolues finissent par atteindre un point de rupture fatal, conduisant à une tragédie inimaginable.

VIII. La thématique des tragédie familiales en littérature : un genre bien connu

Dans le domaine de la littérature, plusieurs écrivains renommés ont également exploré les thèmes des tensions familiales, des secrets inavoués et des crimes domestiques. Parmi eux, des auteurs tels que Gillian Flynn, avec son best-seller Les Apparences, plongent les lecteurs dans des récits sombres où les apparences sont trompeuses et où les drames familiaux cachent des vérités dérangeantes. De même, le roman La Fille du train de Paula Hawkins explore les intrications complexes des relations familiales et les conséquences dévastatrices de la manipulation et de la violence domestique. Ces ouvrages captivants offrent des perspectives variées sur les dynamiques familiales dysfonctionnelles et les tragédies qui peuvent en découler, élargissant ainsi le tableau des récits similaires à celui proposé par le roman d’Hélène Rumer.

X. Un récit qui capitalise la question du droit des femmes

Dans une ère où la sensibilisation aux questions de sexisme et de droits des femmes est devenue cruciale, le roman d’Hélène Rumer se positionne habilement pour capitaliser sur ces sujets brûlants. En surfant sur la vague de l’engagement féministe, le service de presse entourant le livre exploite intrinsèquement et astucieusement la Journée des droits de la Femme et les revendications pour l’égalité des genres en organisant notamment dès conférences multi-auteures sur ces thèmes. En mettant en scène une héroïne Marie-Ange confrontée à l’emprise et à la violence conjugale d’un mari alcoolique , le roman attire l’attention sur des problématiques sociétales urgentes. Cependant, derrière cette façade d’engagement social, se cache parfois une stratégie commerciale visant à tirer profit de la tendance actuelle à la dénonciation des injustices faites aux femmes. Cette mise en avant opportuniste qu’on ne retrouve nullement dans le roman d’Hélène Rumer peut susciter des interrogations sur la sincérité de l’approche et le véritable impact sur le combat pour l’égalité des droits .

XI. Un roman captivant, d’une réalité et d’une actualité prégnante

Mortelle petite annonce d’Hélène Rumer ne se contente pas de captiver les lecteurs avec son suspense haletant ; il offre également une réflexion profonde sur les dysfonctionnements familiaux et les drames humains qui peuvent découler du poids des secrets et des non-dits. Dans un écho troublant à l’affaire Dupont de Ligonnès, ce roman nous rappelle que derrière les façades en apparence parfaites, se cachent parfois les réalités les plus sombres.

« Le jour où… écrire a signé ma renaissance », Hélène Rumer. Romancière et Traductrice

« Le jour où… écrire a signé ma renaissance », Hélène Rumer. Romancière et Traductrice

Réécoutez ici Cendrine Genty reçoit dans « Le jour où… » Hélène Rumer, Auteure des romans « Profil bas », « Le Zal » et le tout récent « Mortelle petite annoncé » édités chez Pearl Books Edition.  

Hélène est une femme douce, au regard rempli de bonté. De générosité. Et de beauté. Cette beauté, c’est elle qui a su, au fil des années, se la créer. Pour elle. Pour sa fille. Et puis un jour pour également son nouveau mari. Et leur petit garçon.

Cette beauté, constituée d’une vie riche d’amour et d’épanouissement, était tout sauf quelque chose de gagné. Car c’est tout d’abord l’enfer des violences conjugales qu’Hélène a traversé et subi lors de son premier mariage. Une épreuve qui l’a tout d’abord plongée dans un état de sidération totale.

Comment l’homme qu’elle avait cru connaître, l’homme qu’elle aimait, était-il capable de se transformer en un tel inconnu, rempli de violence et de rage ? Se montrant de plus en plus incontrôlable. 

Si son enfance l’avait déjà brutalement projetée dans le chagrin et l’incompréhension à la suite du départ de son papa du domicile familial alors qu’elle avait à peine 7 ans, jamais elle n’avait imaginé un jour avoir à faire face à cette réalité crue, l’homme qu’elle aimait lui faisait du mal. Lui voulait du mal. 

Dans « Le jour où… », Hélène partage cette réalité de cette première partie de vie. Quand la violence s’engouffre dans son univers, dans son quotidien, d’enfant tout d’abord. Puis d’adulte.

Hélène explique ce qu’elle a, après coup, analysé de cette mécanique de violence s’étant installée lors de son premier mariage. Celle qui est alors maman d’une petite fille de deux ans et demi nous livre le déclic dont elle s’est un jour saisie pour rompre net avec la violence de l’homme qui partage alors sa vie. Comment elle s’est enfuie avec son enfant avec un seul objectif en tête : les protéger sa fille et elle. 

Mais Hélène nous dévoile également ce jour où… quelques années plus tard, l’écriture lui a offert une toute nouvelle vie. Elle dont la plume a couché ses tourments sur papier, les figeant à l’extérieur d’elle à jamais. La libérant des chaînes de son passé. Loin des violences conjugales et d’une relation d' »amour » détruisant sa vie. Détruisant son coeur. Mais aussi sa santé.

Elle dont la vie avec ce mari la conduisait droit vers la mort. 

Hélène qui, depuis vingt ans, vit un magnifique et merveilleux second mariage, pleinement épanoui et heureux, entourée de sa fille et de son fils. 

Hélène qui, durant longtemps, n’avait osé écrire, elle qui est la petite fille de Thomas Narcejac, Auteur avec Pierre Boileau des célèbres romans à suspense « Sueurs froides » et « Les diaboliques ».

Hélène qui a su, avec courage et une volonté acharnée, s’autoriser à sortir de l’enfer. Et à se lancer dans le véritable livre de sa vie, rempli d’amour, de liberté, et de joie. S’autorisant dans la foulée à laisser éclore, son immense talent ! Soutenue par une amie au coeur en or. Une amie qui, croyant tant au talent d’Hélène, décida un jour, de fonder sa propre Maison d’Édition afin de publier le tout premier roman d’Hélène ! 

Hélène Rumer est représentée par Balustrade, l’excellente société Relations Presse & Médias de Guilaine Depis. 

« Mortelle petite annonce », huis-clos familial reçoit les éloges de l’exigeant Wukali (auteur : Hélène Rumer)

MORTELLE PETITE ANNONCE, UN HUIS-CLOS FAMILIAL, UN ROMAN HALETANT DE HÉLÈNE RUMER

Un roman et un roman de femme, Hélène Rumer nous entraîne avec brio dans un de ces romans dont on se sait pas comment se détacher, un roman magnétique à vous couper le souffle.

Que cette petite annonce est attrayante, surtout quand on vient d’arrêter brusquement ses études : un studio à Versailles chez un couple contre s’occuper du petit dernier (5 ans) Paul, dit Polo, et quelques travaux ménagers ! C’est ainsi que Laurie est engagée par la famille de Jarnac : lui Pierre est cadre supérieur, elle, Marie-Ange est professeur de mathématiques dans un lycée privé. Mais l’ambiance familiale est plus que tendue. Et une nuit, Laurie est  réveillée par des détonations et trouve les corps des 5 membres de la famille de Jarnac.

Au cours de la psychanalyse qu’elle poursuit avec le docteur Feyraud. Elle arrive à se souvenir du temps passé à Versailles, à mettre des mots sur tout ce qu’elle a perçu et ressenti. Le lecteur suit son récit enrichi par les souvenirs qui assaillent Pierre et Marie-Ange juste avant que la vie ne quitte leurs corps. Et aussi de la tante Denise. Toute l’histoire de cette famille se dessine vers le désastre final qui semble quasi inéluctable : Pierre est un tyran familial, très (trop) exigeant au niveau des études de ses enfants, soumis à une pression inouïe dans son entreprise de la part de son supérieur, un parfait pervers. Ainsi, il fait tout pour maintenir un train de vie important : la maison à Versailles, la résidence secondaire à Carnac. Certain d’être né sous une « bonne étoile », il opère une fuite en avant au niveau financier. Mais soumis à trop de pression, il boit et est devenu alcoolique, souvent violent contre sa femme. Marie-Ange est dépressive, sous anxiolytiques. On met son état psychique sur le compte du décès il y a bien des années de la petite Pauline à 2 mois et des fausses couches à répétition jusqu’à la naissance de Paulo. Mais il y a autre chose que progressivement va découvrir Laurie, le secret absolu : Nicolas, le fils aîné, chassé par son père quand celui-ci l’a trouvé faisant l’amour avec la baby-sitter de l’époque. Toute la famille souffre de son départ, avec lui est parti le lien qui unissait la famille.

Le confinement, les problèmes financiers et une terrible nouvelle va conduire au drame analysé par le commandant de police Wagner, un chercheur de vérité.

Les de Jarnac sont une famille comme bien d’autres : il y a un univers entre ce qu’elle montre (une famille unie, joyeuse, ouverte) et la réalité du quotidien (la pression sur les enfants, l’intransigeance, la violence d’un Pierre totalement auto centré plein de certitudes). Le drame aurait-il pu être évité, sûrement si Pierre n’avait pas voulu imposer ses vues au motif fallacieux qu’il allait, enfin, protéger sa famille, que c’était la seule solution. De fait ne voulant montrer sa déchéance, refusant de reconnaître ses torts, ses erreurs, il préfère entraîner les autres dans la mort, la seule issue qu’il a trouvée pour sortir de ses contradictions. Le docteur Feyraud a sauvé Laurie, il aurait pu sauver sûrement Pierre, si ce dernier avait reconnu qu’il était malade.

A partir d’un fait divers, Hélène Rumer signe ici un roman haletant qui ne vous quittera pas de la première à la dernière page et qui restera inscrit en vous durant longtemps.

Mortelle petite annonce
Hélène Rumer

éditions Pearlsbookedition. 18€

Invitation 7 mars 2024 : Balustrade fête les femmes avec un peu d’avance : avec Hélène Rumer, Stéphanie Janicot, Josyane Savigneau

INVITATION POUR LE 7 MARS 2024

Balustrade prend de l’avance pour fêter 
la Journée internationale des droits des femmes
Guilaine Depis vous invite 
jeudi 7 mars de 19h à 22h30 
à l’Hôtel La Louisiane 60 rue de Seine 75 006 Paris
à une soirée de dialogues et réflexions sur « Être femme en 2024 » 
suivie d’un cocktail (participation au chapeau, inscriptions par sms 06 84 36 31 85)
avec 
 
Hélène Rumer, écrivain des violences conjugales et de la libération de la parole
Son oeuvre, d’une rare intensité, nous ouvre un champ d’une grande puissance émotionnelle et nous met face à des images, où se mêlent souffrance étouffée, tendresse à fleur de mots et accès de violence ravageurs.
Après Profil bas en 2009, Hélène Rumer fait une entrée remarquée par la presse suisse dans la littérature.
 
Son deuxième roman, Le Zal* (2013) explore *la nostalgie slave. Insaissisable, le zal est une composante inconditionnelle des mélodies de Chopin. Il saisit les êtres au plus profond de leurs émotions pour ne plus les lâcher. Le zal est tout à la fois le spleen polonais, la passion – une passion absolue et sans concession.
 
Elle vient de publier Mortelle petite annonce (Pearlbooksedition) une fiction sous forme de huis clos glaçant qui frôle le fantastique autour d’un drame familial. Chacun livre ses états d’âme, ses secrets et ses tourments. Un réalisme oppressant.
 
Stéphanie Janicot, écrivain dont tous les livres explorent la condition de la femme, parmi lesquels :
Non ma mère n’est pas un problème (le premier roman sur le viol conjugal, que les critiques hommes ont trouvé très drôle, alors que les lectrices femmes ont aussi beaucoup pleuré). 
La mémoire du monde, reprend toute sa trajectoire sur 3500 ans (Prix Renaudot Poche). 
L’île du docteur Faust évoque l’invisibilisation des femmes de plus de 50 ans dans notre société. 
Le réveil des sorcières a pour sujet sous jacent la terreur que les femmes indépendantes inspirent aux hommes.
 
Cofondatrice du mensuel Muze destiné à initier les jeunes femmes à la culture (8 ans) avant de le transformer en trimestriel consacré à la création au féminin partout dans le monde (7 ans). 
Elle participe à la création du prix de la closerie des Lilas qui prime chaque année une romancière francophone.
 
Josyane Savigneau, journaliste littéraire et féministe engagée

Non-dits et violences du couple grâce à la romancière Hélène Rumer (« Mortelle petite annonce »)

Littérature

Hebdo Bourse Plus n°1225

Yannick URRIEN

Mortelle petite annonce.

Francis Richard écrit une très belle critique de « Mortelle petite annonce » d’Hélène Rumer

Le blog de Francis Richard

  « Semper longius in officium et ardorem »

Ils étaient tous morts ! Le père, la mère et les trois enfants. Tous d’une balle dans la tête. À jamais gravées dans sa mémoire, ces images la hantent de jour comme de nuit. Toujours les mêmes: celles de ces corps immobiles, de ces visages ensanglantés.

C’est le début du roman d’Hélène Rumer. Il donne tout de suite le ton, noir: cela commence bien! Toute la famille Jarnac est morte, le père, Pierre, la mère, Marie-Ange, leurs trois enfants, Antoine, Augustin et Paul.

Dans la nuit du 27 au 28 juin 2020, Laurie, la baby-sitter, qui aurait dû prendre le train pour rejoindre à Rouen sa mère et sa soeur, en a été empêchée par des travaux sur la voie ferrée, et a fait la macabre découverte.

Comment et pourquoi ce drame s’est-il produit, alors que la famille Jarnac semblait sans histoires et habitait une grande maison dans un quartier cossu de Versailles? C’est l’objet de ce roman sombre et tout à fait singulier.

Pour ce faire, l’auteure donne d’abord la parole à quatre personnages, Marie-Ange, Pierre, Laurie et Denise. Singulièrement les deux premiers voient de l’au-delà se dérouler leur vie entière et les dix-huit mois qui précèdent:

Dans la chambre à coucher faiblement éclairée par les rayons de lune, je flotte au-dessus de mon corps inanimé. J’ai l’air de dormir. Envahie par une paix intérieure indéfinissable, je me vois suspendue au néant. Marie-Ange

Mon corps gît sur le sol ensanglanté de la salle de bains, le carrelage est froid. J’ai le goût salé de mon sang dans la bouche, je ne ressens aucune douleur. Je viens tout juste de passer l’arme à gauche, je suis en train de quitter le monde. Pierre

Laurie, engagée neuf mois plus tôt, a répondu à la Mortelle petite annonce qui donne son titre au livre: logée dans un studio indépendant, elle devra s’occuper de Paul, faire quelques repas et quelques tâches ménagères.

Laurie se confie à un psy et lui raconte ce qui s’est passé pendant le temps où elle a occupé son emploi et les circonstances dans lesquelles elle s’est trouvée impliquée dans ce drame qui l’a profondément traumatisée.

Denise Laborde est la tante de Pierre, la soeur de sa mère, Geneviève. Elle habite juste en face et son témoignage est donc déterminant, puisqu’il s’agit en fait d’une proche de la famille Jarnac, à tous points de vue.

Au fil du récit, il apparaît que la famille donne le change et n’est pas sans histoires, à la fois intimes et professionnelles, qui rejaillissent sur le comportement de ses cinq membres auxquels il faut ajouter un sixième.

Ce membre de la famille est bien mystérieux. Peu à peu le lecteur apprend qui est ce Nicolas qui a quitté la maison à la fin de 2018, Se confirme alors qu’il est en fait la clé de ce terrible fait divers, hors normes.

Les témoignages recueillis par la police au cours de son enquête et qui se trouvent à la fin du roman, éclairent les zones d’ombre de ce secret, qui, révélé, explique la tragédie qui s’est jouée et donne matière à réflexion.

Après tant de noirceur, l’épilogue, un peu plus d’un an plus tard, apporte une touche poétique bienvenue: les nouvelles en provenance de l’au-delà ne sont pas toutes sinistres, et le lecteur éprouvé en est réconforté…

Francis Richard

Mortelle petite annonce, Hélène Rumer, 204 pages, Pearlbooksedition

« Hélène Rumer sait faire parler le cœur de ses héros » sur « Mortelle petite annonce »

Mortelle petite annonce

Par Étienne Ruhaud

Hélène Rumer, Pearlbookseditions, Suisse, 2023

Les drames familiaux font régulièrement la une, qu’il s’agisse de l’affaire Dupont de Ligonnès, ou, plus récemment de ce père ayant poignardé ses enfants et sa femme à Meaux, dans un accès de folie. Petite-fille de Thomas Narcejac (qui, avec son acolyte Pierre Boileau, demeure un emblème de la littérature populaire), mais aussi traductrice d’allemand, Hélène Rumer a déjà choisi d’évoquer ce thème douloureux dans Profil bas, publié chez Pearlbookseditions, maison suisse, en 2009. Dix ans après son second roman (Le zal, 2013), elle revient avec Mortelle petite annonce, polar sombre, noir, décrivant une situation étouffante, au sein d’un foyer en apparence aisé, normal.

Une histoire de nounou

Le titre est programmatique. Issue d’un milieu modeste, la jeune Rouennaise Laurie est recrutée par les Jarnac pour s’occuper de Polo, le petit-dernier, et pour ranger la demeure, cuisiner, aider aux devoirs. En apparence, les Jarnac sont des gens aisés. Pierre, le père, est cadre dans une entreprise d’armements, quand Marie-Ange, la mère, enseigne les mathématiques au lycée. Antonin et Augustin préparent eux leur entrée en classes préparatoires. Tout semble lisse chez cette famille versaillaise, catholique par tradition. Peu à peu, toutefois, des failles apparaissent : tyran domestique, Pierre boit, et se montre violent. Frappé par la crise du COVID 19, son employeur s’apprête à le licencier, et l’argent vient à manquer, du fait de diverses avanies, jointes à un train de vie excessif. Dépressive suite à la mort d’un nourrisson, Marie-Ange fait bonne figure, tente l’agrégation, sauve les apparences, à grands renforts d’anxiolytiques. Les deux « grands », eux, travaillent sans relâche pour satisfaire un père exigeant, cassant. Enfin, nous apprenons que Nicolas, l’aîné, mis à la porte à cause d’une algarade, la veille de Noël, est parti à La Rochelle, où il vivote tout en se rêvant acteur. En définitive, rien ne fonctionne chez les Jarnac, et tout semble mener au drame final.

Subtilement, Hélène Rumer sait donner corps à la tragédie, tristement banale, en faisant parler directement les personnages, les uns après les autres. Nous suivons ainsi les pensées de Laurie, Pierre et Marie-Ange, sans oublier quelques figures secondaires comme la tante Denise. Pris dans leur monologue, chacun des acteurs paraît enfermé dans son rôle, impuissant à sortir du fatum, et à communiquer avec ses prochesOn songe naturellement aux riches techniques narratives de Sébastien Japrisot, entre autres : cette façon de ménager le suspense, bien que le roman s’ouvre sur la fusillade, soit sur la conclusion. Hyperréaliste, le récit s’ancre véritablement dans le présent. Se trouve ainsi évoquée, en filigrane, la crise du coronavirus, et ses conséquences plus ou moins directes sur l’économie. Tout est précisément daté, ce qui confère à Mortelle petite annonce un ton vrai.

Un livre sensible et attachant

Mortelle petite annonce ne constitue pas pour autant un simple déroulé documentaire froid. Un lyrisme certain affleure entre les lignes, au détour d’un passage, au moment même où tout semble glisser, déraper, jusqu’à l’issue fatale. Prisonnier de lui-même, jouant tant bien que mal son rôle, chaque protagoniste montre un visage humain, parfois émouvant, jusqu’au père. Haïssable, Pierre est en réalité un homme fragile, dépassé, ruiné, ainsi qu’il se l’avoue à lui-même sur le dallage de la salle de bains, en train d’agoniser après avoir supprimé les siens : Tout cela devenait très dur à supporter. J’avais l’impression de jouer un mauvais rôle dans ma vie d’homme, de mari et de père. Toutes ces pensées se superposaient dans mon esprit (p. 136). Ainsi se sent-il profondément responsable du suicide de Nicolas, jeune au tempérament artiste, incompris, malade. Martyre, conservant une façade BCBG, Marie-Ange, dont le nom semble prédestiné, ne peut plus remplir son rôle de mère-courage, et ce malgré l’aide de Laurie, dévouée, attachée à Polo, en décalage avec ce milieu (faussement) aisé. Finement, Hélène Rumer sait faire parler le cœur de ses héros, ou plutôt de ses anti-héros, tous étant dépassés, à l’exception de Laurie, qui assure ses tâches, bon an mal an.

Roman classique, sans audace mais de bonne facture, servi par un style direct, Mortelle petite annonce se lit facilement, sans ennui ni sensation de temps mort. On vibre avec cette famille, prise dans un engrenage fatal. En outre, une légère critique de la société bourgeoise point par endroits, sans qu’on puisse pour autant parler de récit sociologique. Le personnage le plus sain demeure finalement Laurie, fille du peuple tournée vers l’avenir, franche, naturelle, et que Marie-Ange juge, de prime abord, vulgaire, mal habillée. Édité en Suisse, donc, le livre est hélas desservi par un intitulé sans doute un peu « bateau », un peu quelconque, et par une couverture somme toute banale, représentant une fleur de nénuphar blanc sur fond noir. On peut le regretter. Le contenu, lui, demeure intéressant.

« un bon roman à suspense, original » (sur Hélène Rumer, « Mortelle petite annonce »)

Hélène Rumer, Mortelle petite annonce

Un bon roman à suspense écrit de façon originale. Tout part d’une petite annonce pour trouver une baby-sitter pour enfant de 5 ans, nourrie à condition qu’elle prépare les repas et logée dans un studio de 25 m² indépendant à côte de la grande maison dans un parc. Résumé par « un commandant » de police, il s’agit « d’un truc bien glauque dans une ville bien bourge » (p.166). On dirait plutôt les propos d’un adjudant, qui jadis menait les enquêtes, aujourd’hui, il faut qu’il ait au moins le grade de commandant – à quand le général ? L’histoire commence donc par un massacre en pleine nuit d’une famille aisée de Versailles avec trois enfants, par le père lui-même, au bout du rouleau. Un drame à la Dupont de Ligonès avec famille catho tradi, modèle maths-sup pour les garçons et machisme ambiant dans le couple.

Seule la baby-sitter en réchappe, puisqu’elle devait partir pour une semaine de vacances et que son train vers l’ouest a été supprimé par la SNCF pour « travaux » jusqu’au lendemain matin. Les éternels « travaux » de la SNCF qui, comme Sisyphe, pousse chaque année son rocher pour recommencer l’année suivante parce qu’il a dévalé. Laurie est décalée, issue d’un milieu populaire et élevée par sa mère seule, une égoïste inculte. Mais elle s’est attachée au petit dernier, Paul dit Polo, 5 ans, qui manque d’amour à la maison.

En effet, le père travaille beaucoup dans la sécurité informatique pour une société d’armement et n’est pas reconnu par son N+1, pervers narcissique typique. La mère est prof de maths mais en dépression depuis huit ans pour avoir perdu une petite Pauline de quelques mois à cause de la mort subite du nourrisson. Les deux autres enfants sont des mâles de 17 et 15 ans qui gardent leurs distances avec la jeune baby-sitter, poussés par leur père vers les maths et la physique, et engueulés pour leurs résultats pas toujours en progression.

S’ajoute à ce tableau de stress et d’amertume le fantôme d’un mystérieux « Nicolas » dont personne ne veut parler, et dont la chambre occupée un temps à l’étage a été condamnée, laissée en l’état et fermée à clé. Sauf qu’une fuite d’eau, due à une branche tombée du cèdre sur le toit lors d’une tempête versaillaise, exige son ouverture, ravivant des souvenirs qu’on aimerait mettre sous le tapis.

L’histoire est racontée par les témoins du drame, les principaux personnages de la famille, la baby-sitter la tante, les voisins, le commandant de police, des amis, des témoins au travail. Elle progresse ainsi par des visions croisées, partielles et complémentaires, dévoilant à mesure le drame de couple complexe qui s’est joué.

Le père a toujours été fêtard et flambeur, il est rattrapé par sa propension aux addictions en sombrant dans l’alcoolisme, d’autant que ça va mal dans son couple, mal à son travail, mal avec son banquier – et mal dans sa tête. Curieuse façon d’écrire, il « ouvre une bouteille de scotch ou de whisky » (p.94), comme si le scotch n’était pas un whisky d’Écosse – dirait-on « un scotch-terrier ou un chien »… ? Le père se sent coupable du naufrage qui vient, de plus en plus coupable.

La mère subit la violence de l’alcoolique qui sert d’exutoire aux frustrations, d’autant qu’elle reste passive, dans son rôle tradi de catho effacée, bien que n’étant pas mère au foyer. Ses enfants sont des garçons, ce pourquoi elle n’intervient pas pour eux. Laissé sans échanges sur l’oreiller ni à table, fautif d’avoir eu un moment de colère qui a fait rompre les ponts à « Nicolas », le père monte en pression. Son épouse et mère ne sert à rien, ni de raison ni de soupape, elle ne songe au contraire qu’à le fuir, dénier les problèmes, divorcer peut-être malgré la réprobation sociale catholique bourgeoise de la ville. Chacun se révèle victime et coupable, tournant en rond dans le huis-clos familial, accentué par les confinements Covid.

C’est l’impasse, donc le drame. Quand tout repose sur les épaules du père, accusé un peu vite de machisme par le féminisme d’ambiance, quand l’épouse reste sans rien tenter ni dire, préférant le confort mental de sa dépression et ses médocs adjuvants, quand les garçons n’osent pas dire ce qu’ils veulent et s’opposer – il finit par craquer. A l’effarement de Laurie, qui en parle au moins avec son psy. Les non-dits des souffrances sont ravageurs pour la personnalité, qu’on se le dise.

Oui, c’est un bon roman à suspense, original.

Hélène Rumer, Mortelle petite annonce, 2023, Pearlsbookedition Zurich, 201 pages, €18,00

Attachée de presse BALUSTRADE : Guilaine Depis, 06 84 36 31 85 guilaine_depis@yahoo.com