Ourika dans Livres hebdo du 26.10.07

Duras Claire-Louisa-Rose-Bonne Cheval de Kersaint (duchesse de) OURIKA / éd. Claudine Herramnn – Paris, Des femmes – Antoinette Fouque

Ce roman paru en 1823 raconte l’histoire d’une jeune fille noire sauvée de l’esclavage puis élevée dans un milieu aristocratique bourgeois français, mais qui n’en mourra pas moins d’exclusion 10 euros seulement !

« Ourika » de Madame de Duras

« Ourika » de Claire de Duras

Une édition de Claudine Herrmann

Réédition.

Office 04/10/2007

Aussi maigrichonne que « Cher Voltaire » est balourd, notre « Ourika » est toute mignonne quand même. Précieuse surtout. Impérissable souvenir de sa lecture d’une seule traite dans la baignoire de ma chambre d’hotel à Mouans-Sartoux. Dans la préface, Claudine Herrmann nous livre les secrets de son élaboration. Ou comment, Claire de Duras s’est inspirée de Chateaubriand puis de sa fille Félicie pour donner naissance au personnage de Charles – responsable des infortunées amours de son héroïne Noire adoptée. Madame de Duras est « une pure » au grand coeur et toute cette histoire vise à déculpabiliser tout amour authentique.

La « bifurcation » Chateaubriand à Félicie s’opère ici : (…) « A présent, c’étoit dans le coeur de Charles que je cherchois un abri ; j’étois fière de son amitié, je l’étois encore plus de ses vertus ; je l’admirois comme ce que je connoissois de plus parfait sur la terre. J’avois cru autrefois aimer Charles comme un frère ; mais depuis que j’étois toujours souffrante, il me sembloit que j’étois vieillie, et que ma tendresse pour lui ressembloit plutôt à celle d’une mère. » (…)

Ourika, jeune Sénégalaise destinée à devenir esclave, est rachetée par un Français pris de pitié pour elle alors qu’elle n’a que deux ans. Il l’amène en France et la confie à sa tante, Madame de B. Celle-ci l’élève comme sa propre fille, dans un milieu privilégié où règnent l’esprit et le bon goût, et où elle ne subit aucun racisme.
Pourtant, une conversation surprise entre Madame de B. et l’une de ses amies lui révèle le sort auquel sa couleur la voue dans un tel milieu : « Je me vis négresse, dépendante, méprisée, sans fortune, sans appui, bientôt rejetée d’un monde où je n’étais pas admise. » Séparée pour toujours des siens, attachée à une société dans laquelle elle ne peut trouver véritablement sa place, elle se sent « étrangère à la race humaine tout entière ».
Son amour impossible pour le petit-fils de Madame de B., son vain et fugace espoir dans la Révolution, accroissent encore son « étrangeté ». Après une longue maladie qu’elle soigne au couvent, elle meurt, non sans s’être confiée à son médecin, par qui nous arrive son récit.

Contemporaine de Madame de Staël, amie de Chateaubriand et appréciée de Goethe, Madame de Duras passe pour avoir inspiré Stendhal et Fromentin. Ourika a connu un très grand succès au moment de sa publication en 1823. Le sens politique de l’œuvre n’est pas passé inaperçu. Elle est en effet traversée des questions de l’époque : la traite des Noirs, le commerce des esclaves, l’éducation des filles, leur « vocation » forcée et leur réclusion au couvent, la Révolution, les motivations des hommes de 1789, la terreur…

Tandis que Chateaubriand comparait Madame de Duras à Madame de Staël pour l’intelligence et à Madame de La Fayette pour la sensibilité, Goethe dit à Humboldt, en parlant d’Ourika : « Elle m’a fait bien du mal. A mon âge, il ne faut pas se laisser émouvoir à ce point… Parlez-lui de mon admiration… »

Cette édition réalisée par Claudine Herrmann contient une présentation et un appareil de notes très complets, très documentés, sur l’époque aussi bien que sur la vie et l’œuvre de Mme de Duras.

« Ourika, dans sa sobriété, est un petit chef-d’œuvre, et celles qui connaissent le langage du cœur verront qu’il n’a pas pris une ride. »
Claudine Herrmann

Claire de Duras naît en 1777 à Brest. Son père, un libéral qui soutient la cause révolutionnaire, mais récuse cependant les cruautés des Républicains, est guillotiné le 5 décembre 1793. En 1797, Claire épouse Amédée Bretagne-Malo Durfort de Duras. En 1798 naît leur fille Félicie, puis suit Clara un an après. Délaissée par sa fille préférée Félicie après son mariage avec le prince de Talmont, déçue par l’ingratitude de son ami Chateaubriand, Claire de Duras est gagnée par un sentiment d’amertume qui se manifeste dans son œuvre littéraire. Après plusieurs dépressions nerveuses, elle meurt à Nice en janvier 1828. Ses principaux romans, Olivier, Ourika et Edouard traitent tous les trois du sentiment d’exclusion.