Diane Vandermolina, passionnée par le livre de Thierry Caillat sur RMT news international

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Camille, une vie de roman ou le roman d’une vie

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Il est des livres que dès l’incipit, ici du prologue, l’on savoure, ou que l’on dévore, selon notre appétit. « Camille » du Lorrain Thierry Caillat, urbaniste, amoureux de l’architecture des villes, amateur de café serré et de ballades en vélo, est de ceux-là. Pourtant il s’agit là d’un roman et non d’une énième biographie sur Camille Claudel.  Sa vision de Camille. Sa Camille Claudel, la dentellière du marbre.

Centre hospitalier de Montfavet dans les années 1910. Photo libre de droit.

La lente gestation d’une œuvre

Les amoureux de littérature apprécieront le style de l’auteur, sensible et délicat- voire sensuel quand il décrit le travail de la statuaire-, l’emploi d’un vocabulaire fouillé et recherché, l’usage de tournures de phrase joliment ciselées, l’alternance d’une écriture plus en retenue, à la précision quasi chirurgicale –notamment dans les dialogues vifs et concis-, et la peinture lyrique, émouvante, presque romantique de ses œuvres, avec ses deux points de vue –auteur/narrateur- qui parfois n’en font qu’un, se mêlant au sein d’un même paragraphe.

Ce roman est le fruit d’un travail de documentation au long cours et l’auteur fait montre d’une humble érudition, avec un sens innée du détail dans ses descriptions, convoquant pour appuyer son propos les critiques de l’époque ayant écrit sur les œuvres de l’artiste lors de ses trop rares expositions. Il aura fallu trois à quatre longues années pour achever ce roman qui n’aurait pas vu le jour s’il n’était pas allé, poussé par la curiosité, voir l’exposition consacrée à l’artiste à Montfavet.  C’était en 2013, étonnamment, ce fut une révélation …

De son propre aveu, il ne connaissait pas Camille Claudel (il n’a même jamais vu le film éponyme de Bruno Nuytten qui la sortit de l’oubli à la fin des années  quatre-vingt ndlr) mais il était intrigué par la découverte d’un lieu d’internement, l’Hôpital de Montfavet, un sujet qu’il souhaitait aborder pour un deuxième roman. Et voilà qu’il découvre Camille, sa vie… « Une vie de roman », pense-t-il en découvrant l’histoire de la statuaire : il espérait écrire sur sa période d’internement, mais découvrit qu’elle avait cessé de sculpter pendant ces longues années d’enfermement.  

Il a alors fait le tour des musées français où étaient exposées les sculptures de Mademoiselle Claudel, également visité le récent musée dédié à Camille à Nogent, « pas le meilleur » de son avis, saisi par la beauté de certaines œuvres  moins connues, à l’image de « La Sirène ou joueuse de Flûte », une de ses préférées découverte dans un petit musée en région.  Ainsi fasciné par l’œuvre de l’artiste, il s’est inscrit à des cours de modelage, s’astreignant à copier les sculptures de Camille, afin de mieux saisir le processus de création à l’œuvre : il dépeint par ailleurs avec brio les milles sensations en jeu dans le travail de la glaise ou du marbre dans les petits chapitres brefs et vifs, consacrés chacun à une œuvre de Camille, qui émaillent son roman.

Camille Claudel, « L’Âge mûr », 1899, bronze, fonte Frédéric Carvilhani, après 1913 (?), Musée Rodin, Paris, France. Photo libre de droit.

Portrait sans concession d’une femme artiste à l’esprit revêche et rebelle, écrasée par le poids d’une société sexiste

Thierry Caillat au cours de ses recherches a beaucoup lu les critiques de l’époque, cherchant à comprendre derrière les éloges ce qui était en jeu : le sexisme. Il dévoile dans son roman l’incroyable machisme accepté de et par tous qui régnait dans le monde de l’art et les difficultés pour une femme d’être reconnue pour son talent. Ce dont Camille souffrait, elle qui avait dépassé le maître mais restait dans son ombre. Citons ici Mirbeau « surpris par cette beauté d’art qui nous vient d’une femme » à propos de « la Valse » et de « Clotho », avant de continuer ainsi « Instruite par un tel maître, vivant dans l’intellectuelle intimité d’un tel frère, il n’est point étonnant que Mademoiselle Camille Claudel (…) nous apportent des œuvres qui dépassent par l’invention et la puissance d’exécution tout ce qu’on peut attendre d’une femme ». D’édifiants sous-entendus que nous retrouvons dans les écrits mêmes des soutiens de l’artiste !

La condition féminine contrainte à la « belle époque » -la place de la femme est celle de mère ou de courtisane- est ici fort bien décrite : l’auteur montre comment le machisme ambiant a contribué à aliéner l’impétueuse et exubérante Camille dont il reconnait qu’elle avait de base un caractère impossible. Elle était tyrannique  voire méchante dans ses jeunes années – ses pages en début de roman sur la façon dont elle traitait sa gouvernante ou son frère sont éloquentes. Il nous avoue même s’être demandé  en cours d’écriture pourquoi il continuait d’écrire sur elle, tant il en était venu à la détester…  Une anecdote qui en dit long sur la complexité du rapport que nous pouvons entretenir en tant qu’auteur avec nos personnages, en tant que spectateur avec les artistes que nous admirons. La question de la différenciation entre l’être et l’artiste se pose ici. Mais tel n’est pas l’objet de ce roman à proprement parler.

Il s’agit plutôt de comprendre comment une femme aussi forte et douée qui avait une haute opinion d’elle-même en est arrivée à être enfermée plus de la moitié de sa vie dans un Asile d’aliénés. « Analyser la psychologie des personnages » lui tenait à cœur, bien plus que l’aspect descriptif qui le rebutait et dans lequel il excelle néanmoins. Et c’est là un autre point intéressant du roman : l’attention portée à la famille de son héroïne, ses relations avec sa mère qui la détestait, son père qui ne l’aimait pas (à l’époque, l’amour maternel et paternel n’étaient pas la norme sociale du moment que les parents pourvoyaient à l’éducation de leur progéniture) mais il la soutenait dans son art –il croyait en son talent -, son frère sur lequel elle avait un fort ascendant mais qu’elle admirait aussi, sa sœur honnie et.. . bien entendu, Rodin ! Ah Rodin, ce voleur qu’elle traitait de tous les noms d’oiseaux, ce lâche qui n’a jamais osé quitter sa Rose…  Bien qu’il ne soit pas l’homme qu’elle aurait voulu qu’il soit, il a jusqu’à sa mort continué à l’aider et ce, quand bien même il était devenu l’objet de sa haine.  

L’auteur est ici sans concession vis-à-vis de son personnage principal, la montrant tel qu’il la voit en prise avec ses démons, entre débordements caractériels et effusions créatrices, mais ni ne la condamne, ni ne la disculpe. Admiratif du génie de l’artiste qui était une véritable perfectionniste réalisant elle-même ses marbres (Rodin ne faisait que signer les siens), il évite dans ce roman de tomber dans le piège ou écueil du manichéisme. En demi-teinte, il écrit l’histoire d’un personnage complexe dont la folie ou plutôt paranoïa latente a été exacerbée par plusieurs facteurs enchevêtrés.  Ceux-là même d’une société machiste et misogyne qui ne pouvait reconnaître le talent de la Femme, d’une passion destructrice pour un Homme lâche sur lequel elle a cristallisé toute sa haine et sa rancœur, du décès d’un Père accablé qu’elle adorait, de l’Absence de soutien familial, surtout de son petit Paul, sans oublier un élément dont on parle peu : le tarissement de son Inspiration.

La Valse. Grès flammé H. 41,5 cm • L. 37 cm • Pr. 20,5 cm Origine : Achat à Reine-Marie Paris en 2008 N° d’inventaire : 2010.1.11 Copyright : musée Camille Claudel, Marco Illuminati

L’éphémère (de la) puissance créatrice

Lorsque nous l’avons rencontré, Thierry Caillat, désormais incollable sur l’artiste, nous explique avec un luxe de détail le lent assèchement de son inspiration, citant la « Niobide Blessée », une énième variation de « Sakountala ». Car in fine, aussi créative et douée qu’elle fut sur deux décennies avec en point d’orgue les premières années post-Rodin et son « Age mûr », celle qui réalisa les plus belles œuvres sculpturales de la fin du 19ème siècle, n’a sculpté qu’un tiers de sa longue vie avec une fin d’existence en pointillé, que retrace brièvement l’auteur en quelques phrases éparses, entrecoupées de courts extraits de ses échanges avec sa mère et de quelques pensées relatives à son internement, pages desquelles s’exhale un sentiment de tristesse infinie, clôturant ainsi ce roman sur une note à la saveur « douce-amère ».

Et pourtant, le sujet de ce livre est d’actualité : la salle où ses œuvres sont présentées dans le musée Rodin a été baptisée ‘L’entourage de Rodin’ et non salle ‘Camille Claudel’. « Folle qu’elle était … » d’avoir voulu être, exister en tant que femme artiste. Il nous plonge en toile de fond dans une réalité sexiste qui perdure encore de nos jours, mais il nous entraine surtout dans l’art passionné de la sculpture avec ses petits chapitres tels des respirations pendant lesquelles le temps est suspendu à l’acte créatif, nous décrivant avec précision et magnificence la beauté d’une œuvre que l’écriture rend ici palpable.

Ecrire ce roman fut un pari audacieux selon son auteur mais c’est avant tout une magnifique déclaration d’amour à l’œuvre d’une artiste et à son art qu’il méconnaissait complètement. Un très bel ouvrage littéraire que nous vous recommandons que vous soyez ou non amoureux de l’artiste, passionné ou non de sculpture, amateurs ou non de belles lettres. Diane Vandermolina

Camille de Thierry Caillat

Ed.  L’Harmattan Roman Aout 2019 23€ 251p

 

Images d’illustration

Centre hospitalier de Montfavet dans les années 1910. Photo libre de droit.

Camille Claudel, « L’Âge mûr », 1899, bronze, fonte Frédéric Carvilhani, après 1913 (?), Musée Rodin, Paris, France. Photo libre de droit.

 La Valse. 1889-1905. Grès flammé H. 41,5 cm • L. 37 cm • Pr. 20,5 cm Origine : Achat à Reine-Marie Paris en 2008 N° d’inventaire : 2010.1.11 Copyright : musée Camille Claudel, Marco Illuminati (recup pic 22 mars 2017 in bibliothèque)

 

En Une  Camille Claudel, photographie anonyme (avant 1883). Photo libre de droit. 

OPERATION CORONAVIRUS : un texte inédit de Thierry Caillat

Balustrade Coronavirus, auteurs vertus du confinement

Balustrade coronavirus, auteurs sur les vertus du confinement

Thierry Caillat, auteur du roman « Camille » inspiré par l’histoire de Camille Claudel

Attendrons-nous d’être plongés dans cette nouvelle crise, infiniment plus grave sur le plan humain, pour nous poser la question du «que faire»? Ne serait-ce pas le moment de lancer le débat — certaines voix ont commencé à le faire —, publiquement, en mettant à profit la disponibilité momentanée des oreilles dans une grande partie de la population? Pas de s’en tenir à des analyses macro-économiques, des querelles entre spécialistes, ni même à des annonces calamiteuses. Il faut se pencher sur le quotidien futur, solliciter l’imagination de tous pour multiplier les idées pratiques, les initiatives, préparer la population à passer brutalement d’un État-providence à son paroxysme, à une démarche proactive face à une terrible adversité. Lire la suite de son texte en cliquant ICI https://guilaine-depis.com/operation-coronavirus-la-collaboration-de-thierry-caillat/

Grande interview de Thierry Caillat pour le Salon littéraire

Interview de Thierry Caillat par Joseph VEBRET pour Le Salon littéraire

— D’où vous est venue l’idée de consacrer un livre à Camille Claudel ?

J’ai visité un jour une petite exposition dédiée à Camille Claudel dans les locaux où elle avait été internée près de 30 ans, à l’asile de Montdevergues – aujourd’hui hôpital de Montfavet – près d’Avignon. Je ne sais plus pourquoi je m’y suis rendu. J’étais peu attiré par la sculpture, je ne connaissais presque rien de Camille Claudel – et aucune de ses œuvres. Peut-être était-ce simplement l’internement qui m’avait intrigué.

J’y ai été captivé par la conjonction de deux impressions. Le côté intime de l’exposition, un petit bâtiment en rez-de-chaussée, une succession de petites pièces, une fréquentation très réduite, quelques œuvres à peine – pas les plus célèbres – présentées à hauteur des yeux, sans protection. Et l’expressivité de ces œuvres, qui m’a frappé.

En lisant les panneaux retraçant sobrement le long séjour de Camille à l’asile, je me suis dit « c’est une vie de roman ». Et j’ai eu aussitôt l’envie d’en faire un roman.

— Vous présentez votre livre comme étant un roman alors qu’il a toutes les caractéristiques d’une biographie. Pourquoi ?

Je suis parti de cette idée de roman d’une vie, mais j’ai voulu m’appuyer sur sa vie réelle. Il m’est très vite apparu que la chronologie avait une importance considérable pour comprendre son évolution. Or les biographies existantes ne traitaient sa vie que par grandes périodes agglomérées, ou par thème. Etablir une chronologie précise m’a demandé un considérable travail de documentation, d’autant que je voulais la croiser avec celle de la production des œuvres (et pas seulement de leur apparition) : j’ai dû aller jusqu’à utiliser des outils de planification pour comprendre le déroulement de certaines phases.

Et peu à peu je me suis laissé enfermer… C’est ainsi que mon roman a tourné en biographie. J’en ai eu conscience, mais entretemps j’avais aussi découvert que le poids de l’histoire personnelle de Camille et de son contexte était trop déterminant pour que je puisse m’en éloigner.

Fait significatif : en décidant d’écrire ce « roman », j’avais surtout pensé à la partie internement, qui résonnerait pendant toutes ces années comme un écho tragique d’un passé glorieux. La réalité m’a imposé l’inverse, car à partir de son internement Camille a délibérément exclu la sculpture de sa vie et de ses pensées. La fiction que j’avais initialement imaginée eut été une tromperie.

Je suis resté attaché au sous-titre « roman » pour revendiquer la part importante d’invention qui subsiste dans le personnage que je fais vivre. Rétrospectivement, j’admets qu’il s’agit plutôt d’une biographie, avec la part d’imaginaire qu’accepte le genre.

— Quelle a été votre démarche pour restituer Camille Claudel dans ses vérités ?

Outre les faits notoires,j’ai cherché à connaître ceux qu’elle a fréquenté – famille, (rares) amis, critiques, collectionneurs –, j’ai largement plongé dans le contexte sociologique de l’époque, et je me suis beaucoup appuyé sur ses lettres pour éclairer son propre état d’esprit face aux évènements.

Je me suis en outre inscrit dans un atelier de modelage, où j’ai essayé de copier ses œuvres, pour les comprendre. Et c’est effectivement là que je suis devenu amoureux de sa sculpture, en découvrant son raffinement et sa sensualité.

— Camille était-elle folle au point d’être enfermée toute sa vie, ou fut-elle victime de sa famille et des convenances de l’époque ?

Il semble bien que son état mental ait au départ effectivement justifié son internement. Elle était dangereuse non pour les autres, mais pour elle-même. L’initiative première en a d’ailleurs été prise par son frère, que l’on ne peut soupçonner d’arrière-pensées à ce moment (1913). Si sa mère, qui semble avoir haï Camille pour n’avoir pas suivi comme elle la voie de la soumission, en a manifestement éprouvé une grande satisfaction, et sa sœur probablement aussi, leur ressentiment n’aurait pas suffi dans cette société patriarcale. Pour mémoire, l’internement a été décidé dès la mort du père, qui probablement s’y opposait.

Mais dès la fin des années 10, les médecins ont proposé de renvoyer Camille dans sa famille, en faisant le constat qu’elle ne présentait plus de danger – il ne lui est resté qu’un signe de dérangement, et ce jusqu’à la fin de sa vie : l’obsession que Rodin, ou ses affidés, voulait la tuer, après l’avoir dépouillée et faite interner.  La mère s’y est opposée, farouchement. Et comme c’est elle qui aurait été concernée au premier chef, on conçoit que Paul ne soit pas intervenu.

Plus étrange est l’attitude de celui-ci après le décès de la mère (1929), quand il n’a rien fait pour libérer sa sœur, qui l’en suppliait. Contrainte matérielle – Paul était diplomate –, souci des convenances, simple souci de confort… ?

— Comment expliquer le comportement de son frère Paul, très croyant, mais qui semble maintenir sa sœur à l’écart, dans des conditions déplorables ?

Paul a admiré sa sœur autant qu’elle l’admirait lui. Il l’a soutenue financièrement à plusieurs reprises. Il a assisté avec tristesse à sa déchéance, jusqu’à conclure à la nécessité de son internement.

Comment expliquer son attitude par la suite ? Je n’ai pas cherché à creuser, ce n’était pas mon sujet, mais j’en reste intrigué.

— Quel fut le rôle de Rodin durant l’internement de Camille ?

Contrairement à l’image largement véhiculée, Rodin a toujours soutenu et poussé Camille, jusqu’au bout – en sous-main à partir de leur rupture. Il n’a cessé de harceler l’Etat pour lui faire obtenir enfin une commande, étape obligée d’une reconnaissance officielle de son génie. C’est par lui qu’elle a fini par en obtenir une, alors qu’elle était déjà au bord de la folie et ne produisait plus que des remake.

Au moment de son internement encore (1913 – ils étaient séparés depuis plus de vingt ans), il lui a fait parvenir la somme de 500 f* pour améliorer son ordinaire, en lui souhaitant une prompte délivrance.

Ensuite il a décliné rapidement, jusqu’à sa mort en 17.

— Finalement, l’histoire de Camille Claudel n’est-elle pas celle des femmes du début du XXe siècle écrasées par une société misogyne et patriarcale ?

On ne peut ignorer la responsabilité propre de Camille dans sa déchéance : caractère entier, incapacité au compromis, orgueil… Rodin en a lui-même beaucoup souffert, et ce n’est pas sans raison qu’il a fui devant le mariage qu’elle lui réclamait, malgré la passion qu’elle lui inspirait.

Il est possible que Camille ait aussi eu en germe les éléments de son futur dérangement.

Mais il est indéniable que la culture masculine de l’époque a ruiné son éclosion. Elle imprégnait bien sûr l’Etat dont la toute puissance, bien que déclinante, dictait encore largement le « beau » dans les arts et ignorait superbement les femmes. C’était doublement vrai pour un sculpteur. Passer d’un orignal en terre cuite ou en plâtre à un marbre ou un bronze imposait un financeur ; or, à l’exception de rares mécènes éclairés (tels les Rothschild), les collectionneurs ne s’aventuraient pas à commander une œuvre a un artiste qui n’ait pas été dûment estampillé par une commande de l’Etat. Et le ministère des Beaux-Arts s’y refusait systématiquement.

Dans ce climat, Rodin n’a été qu’un homme de son temps. Homme à femmes certes, mais plutôt moins machiste que la société de l’époque.

Il faut quand même souligner que les critiques d’art ont, eux, quasi unanimement reconnu très vite le génie de Camille. Et relever avec étonnement l’ouverture d’esprit du père, Louis-Prosper, qui a su distinguer très tôt le talent de sa fille, et y a progressivement sacrifié la majeure partie de ses biens.

— Ce livre est également une déclaration d’amour aux sculptures de Camille Claudel quelque peu occultées par l’immense Rodin. Comment qualifieriez-vous l’ouvre de Camille Claudel ?

Subtilité et sophistication des postures – un enseignement de Rodin –, extrême sensualité.

Originalité des sujets, devenus très vivants dans la deuxième moitié de sa carrière.

Camille était aussi une travailleuse acharnée. Contrairement à Rodin, elle sculptait elle-même les marbres – le travail le plus épuisant.

* L’anecdote résume presque à elle seule les trois principaux protagonistes de la vie de Camille – Rodin, la mère, l’Etat – : « Le conseil de famille » s’oppose à ce don – à part la mère, on ne voit pas qui serait à l’origine de ce refus, que rien ne justifie… ? Rodin se tourne alors vers l’Etat. Miracle : l’Etat, découvrant soudain le génie de Camille (à ce qu’elle est folle ?), a décidé de lui attribuer une pension de 500 f. Mais ne dispose pas du premier franc… C’est ainsi que l’Etat va verser à Camille sa première pension … financée par Rodin.

Opération Coronavirus, la collaboration de Thierry Caillat

APRES LE COVID… (texte du 20/03/20 de Thierry Caillat)
En plein cœur de la crise sanitaire, ne serait-il pas temps de préparer sa sortie — ou plutôt

l’étape suivante?

Pour certains, cet après se focalisera sur le procès de sa gestion, c’est-à-dire sur le passé — on les voit déjà commencer à aboyer. Simple preuve de leur propre incapacité à préparer l’avenir. Pourtant, si l’on élargit son champ de vision au-delà de l’hexagone, on constate une problématique universelle : la gestion du coronavirus, c’est le choix entre la détresse d’une hécatombe et le gouffre d’un cataclysme économique. Entre les spectres de la grippe espagnole et de la crise de 29. Tous les pays en sont là. La diversité de leurs décisions n’est que le reflet du niveau de la pandémie chez eux, du degré de compréhension, et de populisme, de leurs dirigeants. Et leurs choix évoluent au fil des jours selon la progression du mal. Partout, et partout dans le même sens.

Critiquer ces choix, c’est ignorer deux contraintes fondamentales. Gérer une telle crise, inimaginable il y a encore trois mois — même si certains affirment qu’ils l’avaient prévue, bien sûr —, c’est forcément devoir improviser en permanence, quel que soit le degré de préparation de l’État (au sens large) à des situations inédites.

C’est surtout devoir intégrer l’évolution des mentalités dans l’équation coût humain / coût économique. Personne, et surtout pas les responsables politiques, justement parce qu’ils sont aux manettes, n’aurait pu imaginer en janvier, ou même en février, de renoncer à toute raison économique pour parer à un risque sanitaire; la population n’aurait jamais accepté le confinement en janvier, ou même en février, alors que le nombre de victimes était encore de quelques dizaines d’unités. C’est ainsi, il fallait attendre que l’opinion des uns et des autres évolue; la résistance qui perdure dans beaucoup d’endroits, survitaminée par les fanatiques de la théorie du complot, en atteste largement, sans parler des «leçons» d’un petit nombre de politicards.

L’épidémie se soldera vraisemblablement par quelques milliers de décès chez nous, si nous parvenons à tenir le confinement. Un chiffre statistiquement faible en regard de la population et des causes ordinaires de mortalité — cancers et autres —, quelle que soit la crudité de ce constat pour les victimes et leurs proches.

Toutes les prédictions convergent en revanche vers une crise économique abyssale, dont chacun subira les effets, lorsque l’État devra cesser de jouer l’assurance tous risques, et qu’il faudra payer le coût de son intervention débridée — car rien n’est gratuit, même la «planche à billets» se paye. Une crise de l’ordre de celle de 29, dont la population n’a aucun souvenir : chômage et misère généralisés, de longue durée, et toutes les plaies qu’ils génèrent – suicides, criminalité… Et cela sous deux contraintes.

D’abord un contexte géopolitique éclaté en rivalités exacerbées. Repli des États-Unis, polarisés sur leur nombril et fragilisés par ce nouvel échec de leur toute-puissance. Prosélytisme incendiaire de la Chine et de la Russie, s’empressant de venir combler le vide. Guerre économique généralisée entre des états exsangues, incapables de s’entendre sur des remèdes collectifs. Explosion du populisme, porteur du souverain remède de la xénophobie.

En second lieu, la soudaine utopie selon laquelle nous allons tirer la leçon de nos errements mondialistes, au profit d’un vertueux ordre nouveau humanisto-environnementaliste. En

contradiction absolue avec le désir de tout un chacun de revenir au plus vite à l’état antérieur de son confort personnel, ou de l’améliorer, pour les moins bien lotis — le plus grand nombre.

Attendrons-nous d’être plongés dans cette nouvelle crise, infiniment plus grave sur le plan humain, pour nous poser la question du «que faire»? Ne serait-ce pas le moment de lancer le débat — certaines voix ont commencé à le faire —, publiquement, en mettant à profit la disponibilité momentanée des oreilles dans une grande partie de la population? Pas de s’en tenir à des analyses macro-économiques, des querelles entre spécialistes, ni même à des annonces calamiteuses. Il faut se pencher sur le quotidien futur, solliciter l’imagination de tous pour multiplier les idées pratiques, les initiatives, préparer la population à passer brutalement d’un État-providence à son paroxysme, à une démarche proactive face à une terrible adversité.

Débat qui aurait le mérite — et l’opportunité — de profiter de l’espace médiatique laissé disponible par une actualité ratiocinée à la comptabilité morbide des décès et à quelques médiocres polémiques.

Autre utopie? N’est-ce pas potentiellement la plus fédératrice? Allons, vite, il n’est que temps!

Thierry Caillat 30 mars 2020

Thierry Caillat auteur de « Camille » invité à la  5e Librairie Ephémère de Drouot le 27 février 2020

Jeudi 27 février 2020 de 18h à 21h : Thierry Caillat auteur de « Camille » invité à la  5e Librairie Ephémère de Drouot et la remise du Prix Drouot des Amateurs du Livre d’Art 2020 auront lieu le  à l’Hôtel Drouot, 9 rue Drouot, Paris 9e. 

https://www.cocktailetculture.fr/save-the-date-salons-et-prix-litteraires-20172018/

Pierre Monastier a lu en profondeur Thierry Caillat pour « Profession Spectacle »

“CAMILLE” DE THIERRY CAILLAT : CAMILLE CLAUDEL, HÉROÏNE VICTIME DU MACHISME

Entre biographie et roman, Thierry Caillat se lance sur les traces du statuaire Camille Claudel, découverte lors d’une escale de l’auteur au Centre hospitalier Avignon-Montfavet. Un récit court et accessible, adapté à tous ceux qui souhaitent connaître l’artiste sans se risquer à de longues et austères lectures.

Camille. Tel est le titre simple, proche et comme murmuré que Thierry Caillat a choisi pour son deuxième ouvrage. L’auteur le qualifie d’emblée de roman, soutenant qu’il a développé une vision propre du caractère de Camille Claudel.

Ambiguïté des genres

Si sa manière de raconter Camille l’éloigne certes de la seule biographie, les traits et les émotions « inventées » qu’il prête à son héroïne ne constituent cependant par une écriture romancée, encore moins romanesque. Nous ne sommes ni devant un roman ou une langue fictionnelle propre, ni devant un ouvrage scientifique d’historien, à savoir une chronologie mise en mots. Nous pourrions parler de récit ou de biographie imagée, encore que la succession de vignettes courtes et strictes, qui forment les chapitres, rappellent davantage les rigoureuses chroniques médiévales. (…) Lire la suite de l’article sur Profession Spectacle https://www.profession-spectacle.com/camille-de-thierry-caillat-camille-claudel-heroine-victime-du-machisme/

Camille est une porte d’entrée abordable, immédiatement compréhensible, c’est-à-dire parfaitement adaptée à quiconque souhaite glisser un œil sur une personnalité devenue – en raison de sa vie tragique – très populaire, sans se risquer à de longues lectures historiques, nécessitant efforts et concentrations.

Pierre MONASTIER

Thierry Caillat, Camille, L’Harmattan, 2019, 257 p., 23 €

« Sortir ici et ailleurs » vante les mérites du roman « Camille » de Thierry Caillat

Encore un ouvrage sur Camille Claudel, mais qui n’est pas une biographie.

 

Un roman plutôt, qui refuse le sempiternel mélodrame de la pauvre Camille vampirisée par le méchant Rodin.
Camille est en effet une vraie fille de son temps, contrainte et dominée, famille, société, manque d’argent ; mais elle est douée pour l’art, source de libération, de liberté peut être… Dur, dur, d’être artiste quand on ne peut être que femme au foyer ou génitrice par obligation..

Elle rencontre Auguste Rodin, elle apprend auprès de lui mais doit rester dans son ombre, les femmes rappelons-le, peinent à être plus qu’objets de luxe ou meubles !
La Belle Epoque (?), affreuse illusion pour la femme qui ne veut pas être cocotte ! Heureusement Camille est douée pour cet art difficile, costaud, qu’est la sculpture, et ses mains parlent pour elle. Elle peut s’échapper…

Car Camille existe en-dehors de Rodin : elle a une famille, une vie, des amies avec qui elle voyage… en Angleterre.
Auguste l’a pourtant formée, aidée, séduite et peut-être un peu aimée. Puis laissée quand… il la suit de loin, lui fournit un peu de travail.
Puis dans la solitude du travail, sa vie se vide.
Mais elle est vivante Camille, et douloureuse, et attachante. Elle souffre et nous fait souffrir au travers du courant de sympathie qui s’est instauré entre Thierry Caillat et elle. Et nous.

L’auteur
Thierry Caillat est un passionné de musique classique, d’architecture et d’urbanisme mais il a fini par céder aux muses de l’écriture et cela donne le roman Camille.
Inscrit dans un atelier, il s’est initié aux gestes de la sculpture, aux sensations des mains, des doigts, à la force des bras qui font l’œuvre.
Camille le roman traverse son regard et notre temps même s’il souffre au travers de son personnage, à cause de cette soi-disant Belle Epoque qui tient les femmes en laisse.

Un livre qui nous fait aimer notre temps bousculé qui donne enfin la parole aux femmes… et plus de liberté à l’art.
Jacqueline Aimar

Camille
Thierry Caillat
Edition L’Harmattan
251 pages
isbn 978-2-343-17648-2