PROGRAMME PHILOSOPHIE 2007

Suite à mon courriel de détente d’hier, qui révélait les talents d’auteurs et plaçait sous les feux des projecteurs les personnalités si riches de deux inspiratrices de grands écrivains auxquelles la postérité fait très insuffisamment d’honneurs (Juliette Drouet et Lou Salomé), c’est de philosophie que traitera mon mailing du jour.

De philosophie, parmi la meilleure, la plus profonde, qui puisse nous être contemporaine : l’image et la parole, le visuel et le langage. C’est-à-dire qu’à eux deux ces ouvrages nourrissent l’ambition de nous enseigner le monde, de nous apprendre totalement la vie – des origines de l’humanité à ses mutations actuelles.

Ruez-vous sur « Accrochages », un livre d’exception signant le retour attendu de l’éminent philosophe Jean-Joseph Goux. Ce recueil d’articles (1989 – 2005) réussit le tour de force de dresser un panorama du visuel appréhendé dans son acception la plus globale (peinture, cinéma, photographie etc). En ce moment professeur à l’Université de Rice (USA), l’auteur de « Economie et symbolisme » (1973), « Les iconoclastes » (1978) et « Oedipe philosophe » (1990) nous offre ici un miracle de transversalité, embrassant tous les domaines intellectuels (histoire, politique…) dans tous les champs artistiques (le souci esthétique prime toujours) – et réciproquement. L’interrogation sur la représentation, les développements sur l’essence de l’image (illustrés par un cahier photos central) font de ce livre l’un des plus importants des éditions Des femmes en 2007. Clair et pédagogue, il est accessible à tous. Un choc, un éblouissement.

« Suivant différents angles d’attaque, mais reliés par le même fil conducteur théorique, les essais réunis ici ont pour but d’élucider les conflits du visuel qui ont traversé le siècle qui vient de s’écouler et se prolongent dans celui qui commence. La question de l’image dans sa dimension esthétique, mais aussi politique, philosophique, théologique, n’a cessé depuis longtemps de condenser une multitude d’enjeux souvent brûlants et conflictuels. Mais le siècle précédent a été, de ce point de vue, explosif. Secoué par l’art moderne avec ses défigurations cubistes et ses échappées non-figuratives, décontenancé par la psychanalyse avec ses forages dans la profondeur des images oniriques, bouleversé par la nouveauté des moyens mécaniques de saisie de l’apparence des choses et des êtres (photographie, cinéma), le siècle passé a connu la refonte complète de la visualité gréco-romaine et renaissante. En quelques décennies le régime visuel a basculé dans une nouvelle ère. » Jean-Joseph Goux

Aussi passionnant, mais peut-être plus spécialisé, « Le silence du nom et autres essais – Interprétation et pensée juive » d’Esther Cohen, disponible depuis un mois en librairie, est traduit de l’espagnol par Anne Picard pour les éditions Des femmes. Catherine Chalier, un autre des auteurs favoris de la maison, le préface. L’audacieuse originalité faisant la force de cet ensemble d’essais est de mettre en situation de dialogue philosophie et Kabbale. De construire des systèmes de pensée se définissant par rapport au Livre mais également susceptibles de s’en émanciper. Généreux en références à Levinas, Benjamin et Derrida, ce livre regroupe notamment trois études de « La Parole sans fin » : « Le territoire de la parole écrite », « Le labyrinthe » et « La sexualité dans la Kabbale ». La thèse maîtresse soutenue et démontrée dans cet opus est l’analyse de l’expérience de la lecture à partir du corps, observée à l’éclairage de la sexualité.

« L’essence du langage, écrit Levinas, est amitié et hospitalité. Et dans cette “maison” où habite l’homme, le nom propre est l’espace où la générosité du langage manifeste sa plus grande capacité d’accueil. C’est parce que nous sommes les hôtes du nom, humbles invités dans la maison du temps, que par la noblesse de la parole nous pouvons vivre notre vie. Le nom propre est notre première demeure dans le monde des hommes, le refuge vers lequel nous pousse le ventre maternel. En lui, et sans même en avoir conscience, nous survivons à l’arrachement originaire : en lui nous habitons le monde. » Esther Cohen, philologue et docteur en philosophie

Pour finir, je vous souhaite le dimanche… dont vous rêvez !

« Le silence du nom et autres essais » de Esther Cohen – Interprétation et pensée juive

Le silence du nom et autres essais – Interprétation et pensée juive
Esther Cohen

Traduit du mexicain par Anne Picard.
Préface de Catherine Chalier.

Office 05/04/2007

Dans Le silence du nom, Esther Cohen rassemble des essais traitant du nom qui, dès son apparition, nous marque de l’empreinte de la mort. L’auteure aborde plus particulièrement cette symbolique de l’acte de la dénomination dans la tradition juive et kabbalistique, mais aussi chez des philosophes modernes comme Levinas, Benjamin ou Derrida.
Cette édition française du Silence du nom incorpore trois essais qui inaugurent un autre moment de la réflexion d’Esther Cohen : « Le Territoire de la parole écrite », « Le labyrinthe » et « La sexualité dans la kabbale », réunis dans La parole sans fin. Essais sur la kabbale, publié en 1991. Dans ce livre, Esther Cohen s’intéresse au rôle du Texte par rapport à la culture mystique juive ; le nom y apparaît déjà clairement comme objet d’étude. Elle s’attache principalement au destin du Livre à partir de la destruction du Second Temple en 70 après J.-C., et à la manière dont l’absence de territoire a fait du Livre une terre, une patrie et une identité. L’auteure fait en outre ressortir un caractère érotique inhabituel dans la tradition juive. La kabbale nous est dévoilée comme un monde exceptionnel où la Torah est la fiancée qu’il faudra posséder, non point par la force, la violence, mais au contraire par la caresse, la parole d’amour, le désir et la volupté. Tandis que lecture et l’interprétation impliquent le corps et la sexualité, le Livre devient un territoire féminin à explorer.

Esther Cohen est diplômée en philologie et littérature anglaises et docteure en philosophie. Elle a en outre suivi un cursus de sémiotique à l’université de Bologne et des séminaires d’études cabalistiques à Jérusalem et à New York. Elle enseigne la critique littéraire à l’UNAM (Universidad Nacional Autónoma de México). Elle est également éditrice et traductrice. L’un de ses livres les plus récents a été publié en français : Le corps du diable. Philosophes et sorcières à la Renaissance (Léo Scheer, 2004).