Maglione et la Librairie des Femmes (Maïten Bouisset), « Le Matin », 1981

Editions.jpg« Le Matin »

20 février 1981

Milvia Maglione, peintre et femme

Rue de Seine, les Editions des Femmes viennent d’installer une nouvelle librairie-galerie, et c’est Milvia Maglione, dont on n’avait pas vu les travaux à Paris depuis longtemps, qui inaugure cimaises et vitrines.

Qu’elle s’exprime sur une toile traditionnelle avec des pinceaux, ou sur un grand drap laissé souple avec du fil et une aiguille, le fait plastique domine chez Milvia Maglione et s’impose totalement. Il n’est pas ici un côté peinture et un côté couture, même si l’artiste a tenu tout un temps à mettre en évidence les instruments d’un univers dit spécifiquement féminin pour, à sa manière, se joindre à un combat nécessaire.

L’histoire de Milvia Maglione se raconte sur fond de paysage. C’est dans le paysage que naît une simple zone de lumière qui marque le temps de l’éclair de la pensée, de la réflexion, de la descente aux tréfonds de soi. C’est dans le paysage que la poupée, mais aussi la petite fille, se voit en morceaux, sa tête roulant comme une balle.

C’est du paysage enfin qu’émerge un très bel autoportrait. La tête est pleine d’images, lisibles, signifiantes, saisies dans une sorte de microscope géant, qui sont à déchiffrer une par une. Simplement parce qu’elles parlent de l’histoire d’une femme, mais aussi de celle de toutes les femmes.

Maïten Bouisset
Librairie des Femmes, 74 rue de Seine, jusqu’à fin février.

Gabriel Matzneff décernerait le Prix Médicis aux « Obscures »

gaby31bis.jpg(…) Si j’étais un juré du prix Médicis, je voterais sans hésiter pour Les Obscures de Chantal Chawaf. La maîtrise de son l’écriture, la richesse coruscante de son vocabulaire auraient enchanté Flaubert, et, lisant Les Obscures, j’ai souvent pensé à Salammbô, association qui paraîtra bizarre à beaucoup, vu que l’intrigue très moderne de Chantal Chawaf n’a rien à voir avec le roman historique de notre bon maître de Croisset. Je maintiens Flaubert à cause de la rigueur, du souci de la perfection, du souffle, de la sonorité, de la beauté de la langue. Et je maintiens le prix Médicis parce que Les Obscures n’est pas un roman facile ; que pour toutes les raisons dites ci-devant c’est à un tel jury qu’il appartient de le défendre, de le faire connaître au public lettré.

Gabriel Matzneff, Rentrée littéraire

Santé Yoga salue le premier « Les Obscures » (merci à Isabelle Clerc)

Paru dans Santé Yoga Septembre 2008

Retour aux sources

Corps, chamanisme, monde contemporain, nature profonde, tout est lié dans ce livre qui vous embarque de la première à la dernière page.
C’est le genre d’ouvrage dont on voudrait pouvoir donner des extraits tant son style s’apparente à la beauté des pierres les plus précieuses, des corolles les plus délicates.
C’est un retour aux sources qui passe par les ancêtres, la pollution, les émeutes, la banlieue, la forêt, la dérive, l’enfermement.
Frémissements, tremblements et vols à tire d’aile.
Une histoire d’usurpation, l’identité de la narratrice ayant été prise par une autre.
Une note précieuse et rare, un récit abrupt et intense, tissé dans la chair.

« Les obscures » de Chantal Chawaf, Ed. des Femmes

Rentrée littéraire : « Les Obscures » de Chantal Chawaf

869a5d9661f6eb7677fcad458c8c87bc.jpg Des femmes-Antoinette Fouque présentent…

EVENEMENT : SOIREE CHANTAL CHAWAF ET MACHA MERIL, VENDREDI 10 OCTOBRE DES 18 H 30 A L’ESPACE DES FEMMES, 35 RUE JACOB, 75006 PARIS. TOUT LE MONDE EST LE BIENVENU.

Les Obscures Chantal Chawaf

« Attachés aux bulles lumineuses, nous flottons sur les reflets, nous rêvons de remonter le temps mis par la lumière, d’arriver au point d’où nous vient la vie… ». Les Obscures nous projettent d’entrée dans un récit abrupt et intense, une vision simultanément expressionniste et documentaire des banlieues, une écriture organique, urgente, frémissante d’énergie, de pulsion.

Lise, la narratrice, a été spoliée d’une filiation paternelle dont elle n’apprend la réalité et le prestige qu’une fois adulte. Sa place a été usurpée par une autre. Elle décide d’oublier un passé qu’elle hait, d’oublier qui elle est. Elle épouse un homme étrange et étranger, à qui elle s’abandonne comme une enfant, un animal, et qui très vite l’abandonne. En partant il lui laisse Yashar, sa fille de 17 ans dont la mère est morte à la naissance.

Corps vivants, esprits chavirés, souffrants, exilés dans une banlieue lointaine, extérieure et intérieure. Vies ruinées. Ville ghetto déshumanisée, réservée aux immigrés, noyée dans les fumées de la pollution et l’autodestruction. Populations empilées, discriminées, paupérisées.

Et puis, quelque part, il y a ce lac que Lise voit de sa fenêtre. Sombre reflet ignoré de la banlieue où coasse et prolifère l’immémorial peuple des crapauds. Pour Lise, ce lac aux profondeurs mythiques réinvente l’eau rédemptrice, hospitalière où elle se réfugie : lieu de naissance et de renaissance perpétuelles où murmurent les millions d’années de développement de la vie jusqu’à l’humain. Là, elle est crapaud, ou oiseau, ou dinosaure marin. Fourmillement de la vie biologique toujours là et pour toujours. Vie et désir indestructibles.

Avec Yashar, fille indomptable, venue d’ailleurs, la soeur qu’elle n’a jamais eue, la mère qu’elle n’a plus, la fille qu’elle n’a pas, elle partage le lac, la forêt, seul endroit où elles se sentent en sécurité. Elles attendent aussi l’homme, qui passe de temps en temps, ne reste jamais.

La solitude se fait inhumaine. L’absence du mari, du père se dresse entre elles pour les diviser, les précipiter dans la haine meurtrière l’une de l’autre. Existence en vase clos, rage, révolte. Leur vie devient une traque interminable, une guerre larvée.

Yashar, la Tcherkesse, la princesse scythe, l’amazone, l’indigène guerrière venue du Caucase via la Turquie et de 3000 ans d’histoire, s’est échouée dans un monde dont l’air vicié l’asphyxie. Un jour, elle rompt les amarres, s’affranchit des quatre murs. Fugue et dérive. Elle préfère le délire à l’exclusion et à la déchéance : quête tragique de liberté qui s’égare dans la folie, l’internement.

La banlieue est alors en état de siège : les adolescents y mettent le feu comme le feu est en Yashar. Et puis, au bord du lac, où s’embrase le soleil, la vie, le désir, l’amour redeviennent possibles…

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Depuis sa première fiction, Rétable, la Rêverie (Des femmes, 1974), Chantal Chawaf développe une oeuvre originale et incandescente, riche aujourd’hui de plus d’une vingtaine de titres dont notamment, Cercoeur (Mercure de France, 1975), Le Soleil et la terre (J.J. Pauvert, 1978), Maternité (Stock, 1979), Crépusculaires (Ramsay, 1981), Le Corps et le verbe (Presses de la Renaissance, 1992), Le Manteau noir (Flammarion, 1998), L’Ombre (Le Rocher, 2004), Infra-Monde (Des femmes, 2006)…

Michelle Knoblauch n’oubliera jamais le premier Espace des Femmes

kno.jpgTexte recopié du catalogue des trente ans des Editions des femmmes :
Merci, Antoinette Fouque, merci aux femmes qui m’ont fait confiance. C’était en 1981, ma première exposition personnelle à Paris. Ma première galerie. Tout était première : affiche, catalogue, FIAC. Le pied à l’étrier.
Un lieu vivant rue de Seine – maison d’édition et galerie – lieu de rencontres (j’ai gardé des amies fidèles de cette époque), de discussions, de débats (d’accord, pas d’accord, peu importe, on vait la parole).
Je venais moi-même d’un milieu politisé et ouvert. Je m’y retrouvais – très à l’aise. Depuis, j’ai continué ma route avec d’autres galeries. Mais je n’oublierai jamais ce premier espace et aujourd’hui encore je mesure l’importance du féminisme.
Vingt-cinq ans plus tard, rien n’est acquis (Constat plutôt angoissant). Heureusement, elles sont toujours présentes.
M.K.