Le roman de science-fiction le plus réussi de l’année Covid à l’honneur dans Lettres capitales

Interview. Bernard Woitellier : « Je me suis borné, dans ce roman, à retranscrire un cataclysme solaire d’une telle ampleur, dans notre monde actuel »

 

Le maître de la lumière est une dystopie que Bernard Woitellier construit sur plusieurs plans narratifs s’emboîtant comme des tiroirs et renfermant dans un écrin tout autant d’aventures sur fond d’éruption solaire, de black-out et d’effondrement de notre civilisation. Bienvenue dans un monde où la survie devient l’unique obsession, et où les rebondissements maintiennent le lecteur en haleine dans un huis-clos à l’échelle du monde, des océans et des continents.

Bonjour Bernard Woitellier, l’idée d’un black-out ne semble pas tenir pour vous de la fiction. S’agit-il d’un phénomène réel, qui s’est déjà produit dans notre système solaire, comme le relatent les premiers chapitres de votre livre ? Partez-vous d’un événement ou des événements connus pour mettre en branle votre récit ?

Bonjour Dan,

Les tempêtes solaires très violentes et leurs conséquences sont maintenant connues, bien que rares. La dernière en date est celle de 1859 ; elle est restée dans l’histoire sous le nom d’« Événement de Carrington ». Deux éruptions à 3 jours d’intervalle ; la première provoqua des aurores boréales jusqu’aux Antilles, la deuxième illumina le ciel du Venezuela pendant cinq jours. Le champ magnétique de la Terre s’inversa. Les seuls dommages relevés survinrent sur le réseau télégraphique naissant.

Je me suis borné, dans ce roman, à retranscrire un cataclysme solaire d’une telle ampleur, dans notre monde actuel.

Un petit aperçu du danger des éruptions solaires violentes nous fut donné par la tempête de mars 1989. Bien que sans commune mesure avec « l’Événement de Carrington », elle fut à l’origine de l’explosion de trois transformateurs dans une centrale électrique canadienne. La province de Québec fut plongée dans l’obscurité en 90 secondes.

Les techniciens purent relancer le réseau après une dizaine d’heures. Heureusement, car les températures étaient largement négatives.

Quel atout offre ce bouleversement solaire sur la vie des habitants de la terre et pourquoi avez-vous choisi comme devise apocalyptique ces paroles de Cham, un de vos personnages : « L’hiver des hommes vient. Crois-moi, il va durer longtemps ; sur toute sa longueur, il fera des victimes » ?

Pour écrire ce roman –dans lequel tous les détails sont vrais–, je me suis énormément documenté. Mais le document qui m’a été essentiel est « Severe Space Weather Events ». C’est un rapport établi par différents experts, commandé par l’administration Obama, au sujet des impacts possibles d’une violente éruption solaire sur le fonctionnement de notre civilisation. Le rapport est plutôt effrayant : il prédit une baisse brutale de la population mondiale d’environ 20 % (la première année). Mais plus inquiétante encore est la phrase de conclusion : « Il faudra 4 à 10 ans pour rétablir la distribution électrique ».

Donc oui, comme disait Cham, l’hiver des hommes va durer longtemps et faire certainement beaucoup de victimes.

L’atout que les survivants ont entre leurs mains, c’est cet instinct de solidarité que l’on voit à chaque catastrophe qui frappe un coin d’humanité. Ce fut le cas lors du cyclone Katarina, lors du tsunami en 2004, ou au Japon en 2011. On croit toujours que c’est Mad Max qui va naître des cendres d’un désastre, mais le premier réflexe humain est l’entraide. Peut-être peut-on considérer qu’une telle catastrophe nous offrirait une nouvelle chance de construire « un monde meilleur », c’est-à-dire plus juste, plus respectueux de la Vie, et plus soutenable pour la planète. Il existe un mot en langue Hopi qui désigne notre mode de vie : Koyaanisqatsi, qui signifie « la vie en déséquilibre », une vie qui ne peut se perpétuer.

Quelle signification a le titre de votre roman ? Qui est ce maître de la lumière dont vous écrivez (page 71) : « Un artiste inconnu semble peindre le ciel, crayonne des rayures de lumière » ?

Le titre est tiré de l’exergue, une des premières citations égyptiennes datée du VIe siècle avant notre ère :

« Je flottais absolument inerte. J’ai amené mon corps à l’existence grâce à mon pouvoir magique. Je me suis créé moi-même… Je suis l’éternel. Je suis Ré,

Le Maître de la Lumière. »

Pour parler de la stratégie romanesque que vous utilisez dans votre livre, j’aimerais savoir pourquoi avez-vous choisi ce type de narration à tiroir, très mouvant, cinématographique ?

(Rires). Je n’ai rien choisi, c’est l’histoire qui s’est imposée à moi avec cette écriture très visuelle. Je dirigeais la trame du roman, mais les scènes se déroulaient devant moi sous forme de flashes.

Il y a un passage où l’un des personnages se retrouve bloqué par la glace en bordure de rivière. Je ne l’avais pas imaginé. Le personnage est tombé « devant moi » ! Ce n’était pas du tout prévu. Il a fallu que je trouve une solution, dans le même état de stress que les protagonistes de la scène –largement écrite sous adrénaline !

Il y a aussi des passages que j’ai réécrits, en pensant : « il faut que je change d’angle pour cette scène ». Ce qui se traduisait dans le récit par un changement de « caméra, de focale ou d’éclairage ».

Quant à vos personnages, on ne manque pas de remarquer la qualité de leurs traits, faisant d’eux des êtres forts, impressionnants, dans les deux sens, positifs et/ou négatifs. Pourriez-vous nous dire comment les avez-vous choisis et quels sont les traits dont vous les avez le plus fait bénéficier ?

Merci !

Je me dis souvent que la Vie, c’est comme dans les romans ou les films : le plus important, ce sont les personnages. Ce sont sur eux que repose l’histoire. Je voulais que les miens aient un fort potentiel d’évolution. Même s’ils partaient de très loin, j’espérais qu’ils avancent, qu’ils se battent ; soit pour défendre les leurs (comme Thana et Alma avec leur fils/fille), soit pour profiter de ce bouleversement, changer de vie et arrêter de la subir (comme Paola ou Aryan). Pour Raul, le personnage le plus controversé du livre, le prologue explique la vie qu’il a eue avant de devenir ce qu’il est. Il me semblait important de le faire pour laisser aux lecteurs l’opportunité de le comprendre sans le juger.

Que ce soit Alma et Sarah ou Thana et Tim, il s’agit du très symbolique couple mère-fille/mère/fils. Le lecteur attentif ne peut pas se douter de cette force parabolique qui est même contenue dans le choix de leurs prénoms. Peut-on dire qu’Alma, Thana, renferment le symbole de la vie et de la mort ?

À la relecture, on peut bien sûr le supposer. Mais l’écriture pour moi est une forme d’inconscience. J’écris sans arrière-pensées, je transpose en mots les images qui passent dans mon cerveau. Elles sont au présent immédiat. Si je ne les écris pas, elles disparaissent. Au moment où elles surviennent, elles sont des rêves, et je n’ai pas le temps de les interpréter.

Il a même fallu que je relise le livre une fois achevé, pour comprendre que Thana était l’héroïne principale. Je ne m’en étais pas rendu compte !

Que dire des hommes ? Sont-ils, selon vous, de vrais mélanges de tendresse et de violence, à quelques exceptions près ? Que veulent-ils nous dire de l’état de l’humanité soumise au danger de sa chute brutale ?

Je crois que les personnages masculins présentent des facettes très variées que la catastrophe va révéler ou exacerber. Le seul « vrai gentil » est Maxime, l’étudiant canadien, tellement amoureux de son astrophysicienne qu’il en paraît un peu benêt ; mais pour lui aussi, son existence va basculer.

Les méchants sont des mythos, des escrocs, des violeurs. Comme dans les films des frères Coen, j’ai du mal à ne pas les ridiculiser, à montrer à quel point ils sont stupides. Même s’ils gagnent parfois, ils ne sont souvent que des brutes que le contexte d’une telle catastrophe va libérer. Les rues deviendraient très dangereuses.

Heureusement, il y en a d’autres qui redonnent confiance en l’espèce humaine. Comme Jesús qui danse un tango avec Alma. 

Cette mise face à face des êtres humains les conduit nécessairement à des conflits, souvent radicaux. Diriez-vous que cette confrontation, facilement traduisible comme une lutte entre bien et le mal est un des thèmes de votre roman ?

La lutte entre le bien et le mal est une constante de la réalité. Prenez « L’Archipel des Hérétiques » de Mike Dash, dont la scène finale aux Canaries est tirée. Un bateau hollandais –le Batavia– chargé de trésors, de familles de colons, de soldats, marins et officiers fait naufrage. Toutes les personnes à bord se scindent en deux groupes et accostent sur deux îles. Sur la première, tout le monde s’organise pour la survie et s’entraide. Sur l’autre, une bande prend le contrôle de l’îlot, sombre dans la folie la plus meurtrière, et va vouloir attaquer le groupe de « loyalistes ». C’est une histoire vraie, et personne ne peut prévoir a priori ces comportements.

Un autre leitmotive de votre roman se penche sur la valeur étique du comportement humain, sur sa capacité de réagir devant la peur. « Le courage – écrivez-vous – ce n’est pas d’ignorer la peur ; c’est d’être capable de continuer à faire les choses malgré elle !… ». Comment interpréter ces paroles avec lesquelles Jesús, un de vos personnages, tente de rassurer Alma ?

Le courage n’est certainement pas d’ignorer le sentiment de peur. C’est d’arriver à se raccrocher à ses valeurs, et se dire qu’il faut le faire sinon on ne pourra plus se regarder dans un miroir. Pour Alma et Thana, le courage c’est d’à tout prix protéger leur enfant. C’est de tenter de faire ce que leur conscience leur souffle, même si elles tremblent à l’idée de ne pas réussir.

Jorge, navigateur expérimenté et ancien du Vietnam, nous propose une autre vérité. « Sur le pont d’un bateau, la part de vérité que les habitants des grandes métropoles s’escriment à déguiser sous des dehors clinquants, éclate dans la lumière crue : en pleine tempête, tous les hommes sont nus. L’ouragan leur arrache leur superficialité ». Diriez-vous, en conclusion, que la confrontation de l’homme avec la nature qui ne tarde pas de remettre en place cette position de prétendu maître de l’Univers est un des messages forts de votre récit ? Y a-t-il d’autres aspects de cette humanité à la dérive que vous avez souhaité nous faire savoir avec les moyens de cette riche et palpitante fiction qu’est votre roman ? Et, si oui, lesquels ?

En plein océan, c’est une vérité dont vous ne pouvez douter. Vous êtes définitivement minuscule. Quel que soit votre grade ou votre place dans la société, si la mer veut vous détruire, vous ne pourrez y échapper. Si un jour, un nouvel « événement de Carrington » survient, le monde en tant que planète ne sera pas touché. Par contre notre monde, l’organisation de notre société humaine disparaîtra en quelques jours. Et nous serons face à la nature biologique de notre environnement et aux difficultés que cela va nous poser.

En guise de conclusion, je citerai la phrase d’un philosophe (dont j’ai oublié le nom) : « Notre monde a gagné en efficacité ce qu’il a perdu en résilience ». C’est cette fragilité, invisible et immense, qui me fait peur.

En 1859, quelques câbles du télégraphe avaient fondu devant le nuage de particules électromagnétiques lancées par le soleil. Les lampes à pétrole continuèrent d’éclairer les maisons, et les percherons de labourer les champs. Aujourd’hui nos vies sont tellement sophistiquées qu’elles ne supporteraient pas un tel choc. Nous ne sommes pas prêts à vivre comme des Amish. Pourtant, la colère imprévisible du soleil est bien une épée de Damoclès au-dessus de nos têtes.

Propos recueillis par Dan Burcea

Bernard Woitellier, Le maître de la lumière, Éditions Librinova, 2019, 643 pages.

Une heure d’émission radio avec Bernard Woitellier

Bars et restos fermés, pratique des sports impossible, ne pas pouvoir se retrouver à 20 ou 30 pour fêter un heureux évènement ou encore être forcé de commander tout le non essentiel sur internet…. Nos nerfs semblent sacrément mis à rude épreuve en ce moment! Un peu comme si dame pandémie jouait avec nos humeurs…. et en plus par temps gris…. Car il est loin le confinement du printemps sous le soleil…. Bref Comment compenser toutes les frustrations liées à la crise sanitaire ?

« Dans cette période il ne faut pas oublier que l’on peut entraîner son optimisme », Professeur Michel Lejoyeux

Réécouter ici https://radionotredame.net/emissions/enquetedesens/10-11-2020/

Professeur Michel Lejoyeux, Responsable du département de psychiatrie et d’addictologie Bichat-Beaujon et auteur des « 4 temps de la renaissance – Le stress post-traumatique n’est pas une fatalité » (JC Lattès)

Bernard Woitellier, ancien de l’Ecole des Pupilles de l’Air de Grenoble il épousé plusieurs carrières. Tuyauteur sur un porte container sud africain, chanteur dans un groupe à Hambourg, technicien de laboratoire et même baroudeur en raffinerie de pétrole. Fin 2016, lui vient l’idée du « Maître de la lumière », roman dans lequel il raconte une éruption solaire entraînant une catastrophe soft.

Le National Geographic envisage que Bernard Woitellier ait raison sur la tempête solaire à venir

Et si la plus grande tempête solaire jamais enregistrée était à venir ?

Si le cycle solaire actuel produisait une éruption aussi forte que l’événement de Carrington en 1859, elle pourrait avoir des conséquences s’élevant à des trilliards d’euros et pourrait provoquer des pannes d’électricité longues de plusieurs années.

DE RICHARD A. LOVETT
Les lumières nocturnes de la côte du Golfe aux Etats-Unis brillent de toutes leurs forces sous la station spatiale internationale en octobre 2010.
PHOTOGRAPHIE DE NASA

Le 14 février 2011 a eu lieu la plus grande éruption solaire observée en quatre ans. Elle était si intense qu’elle a interféré avec les communications radios et les signaux GPS des avions long-courrier.

Pourtant, en comparaison avec d’autres tempêtes solaires, celle de la Saint-Valentin de 2011 était plutôt modeste. Mais cette explosion d’activité ne fait que marquer le début du prochain maximum solaire, qui atteindra son apogée dans les deux prochaines années.

« L’activité solaire est cyclique, un peu comme la saison cyclonique », a déclaré plus tôt ce mois-ci Tom Bogdan, directeur du Centre de prédiction météorologique spatiale de Boulder, dans le Colorado, lors d’une réunion de l’Association américaine pour l’avancement des sciences à Washington.

« Cela faisait quatre ou cinq ans qu’il hibernait, qu’il ne faisait pas grand-chose. » Aujourd’hui, le soleil se réveille, et même si le prochain maximum solaire semble parti pour être l’un des plus faibles jamais observés dans sa globalité, des évènements individuels très intenses pourraient toutefois avoir lieu.

La plus grande tempête solaire jamais enregistrée a eu lieu en 1859 au cours d’un maximum solaire d’à peu près la même intensité que celui dans lequel nous entrons, d’après la NASA.

Cette tempête a été baptisée l’évènement de Carrington, du nom de l’astronome britannique Richard Carrington qui remarqua les violentes éruptions solaires et fut le premier à faire le lien entre l’activité solaire et les perturbations géomagnétiques sur Terre.

Au cours de l’évènement de Carrington, des aurores boréales ont été observées jusqu’à Cuba et Honolulu au sud, et des aurores australes jusqu’à Santiago du Chili au nord. 

Les éruptions étaient si violentes que les « habitants du nord-est des Etats-Unis pouvaient lire leur journal à la seule lumière des aurores », a déclaré Daniel Baker, du Laboratoire de physique atmosphérique et spatiale de l’université du Colorado, lors d’une conférence de géophysique en décembre dernier.

De plus, les perturbations géomagnétiques furent si intenses que des opérateurs télégraphiques américains signalèrent que leurs équipements produisaient des étincelles, dont les plus violentes causèrent des incendies, souligne Ed Cliver, astrophysicien au Laboratoire de recherche de l’US Air Force à Bedford, dans le Massachussetts.

En 1859, ces évènements étaient surtout des curiosités. Mais si quelque chose de la sorte arrivait aujourd’hui, les infrastructures de haute technologie du monde entier seraient paralysées.

« Les plus menacées », a continué Bogdan, du Centre de prédiction météorologique spatiale, « sont les technologies avancées présentes dans presque tous les aspects de notre vie. »

UNE ÉRUPTION SOLAIRE POURRAIT ROMPRE LE « CYBER-COCON » DE LA TERRE

Premièrement, a expliqué Baker, de l’université du Colorado, des perturbations électriques aussi intenses que celles qui ont détruit les machines télégraphiques (« l’internet de l’époque ») auraient des conséquences bien plus graves. 

Une tempête solaire orientée vers la Terre la frappe généralement, mais pas forcément, en trois vagues successives.

En premier arrive la lumière solaire de haute énergie, composée majoritairement de rayons X et de lumière ultra-violette. Elle ionise la haute atmosphère terrestre et interfère avec les communications radios. Puis, c’est au tour d’une tempête de radiations potentiellement dangereuses pour les astronautes non-protégés.

Enfin, l’éjection de masse coronale (CME), nuage chargé de particules avançant plus lentement, atteint l’atmosphère terrestre au bout de quelques jours. Lorsqu’une CME frappe la Terre, les particules solaires peuvent interagir avec le champ magnétique terrestre pour produire de puissantes fluctuations électromagnétiques. 

« Nous vivons dans un ‘cyber-cocon’ qui enveloppe la Terre », a expliqué Baker. « Imaginez quelles pourraient être les conséquences. »

L’une des préoccupations principales concerne les perturbations du système mondial de positionnement (GPS), omniprésent dans les téléphones portables, les avions et les voitures, a continué Baker. Industrie mondiale d’une valeur de 13 milliards de dollars (11,5 milliards d’euros) en 2003, le GPS devrait atteindre une valeur estimée à un trillion de dollar (1,15 trillion d’euros) en 2017.

Baker a ajouté que les communications satellites, tout aussi essentielles à de nombreuses activités quotidiennes, seraient menacées par les tempêtes solaires.

« Lorsque vous payez votre plein d’essence par carte de crédit, c’est une transaction par satellite », a-t-il rappelé.

Mais la plus grande crainte concerne les dégâts potentiels sur le réseau électrique. En effet, les surtensions provoquées par les particules solaires pourraient endommager les plus gros transformateurs électriques. Cela prendrait beaucoup de temps de remplacer l’un d’entre eux, et encore plus s’ils sont des centaines à avoir été détruits d’un coup, a commenté Baker, co-auteur d’un rapport du Conseil national américain de la recherche sur les risques liés aux tempêtes solaires.

Cliver, du Laboratoire de recherche de l’US Air Force, le confirme : « On n’en a pas beaucoup de rechange. »

La moitié est des Etats-Unis est particulièrement vulnérable à cause de l’interconnectivité de ses infrastructures électriques. Des pannes pourraient déclencher une réaction en chaîne, comme un effet domino.

« Imaginez une grande ville sans électricité pendant une semaine, un mois, ou une année », a déclaré Baker. « Les pertes engendrées pourraient s’élever à 1 voire 2 milliards de dollars (1,15 à 2,30 milliards d’euros), et les répercussions pourraient se faire ressentir pendant plusieurs années. »

Même si le prochain maximum solaire n’engendre pas un évènement de l’envergure de celui de Carrington, il est déjà arrivé que de plus petites tempêtes agissent sur l’électricité et les communications.

Les « tempêtes d’Halloween » en 2003, par exemple, ont interféré avec les communications satellites, provoqué une brève panne de courant en Suède, et illuminé le ciel d’aurores boréales fantomatiques jusqu’en Floride et au Texas.

AFFINER LES PRÉDICTIONS MÉTÉOROLOGIQUES SPATIALES

Une solution serait de reconstruire les infrastructures électriques pour les rendre moins vulnérables aux perturbations solaires.

Une autre, de mieux les prévoir. Les scientifiques qui utilisent le nouvel Observatoire de la dynamique solaire (SDO) espèrent mieux comprendre le comportement du Soleil alors qu’il entre dans son prochain maximum et commence à produire de plus grandes tempêtes.

Ces études pourraient aider les scientifiques à prédire quand et où les éruptions solaires sont susceptibles de se produire, et si une éruption donnée est dirigée vers la Terre.

« De meilleures prédictions engendreraient des prévisions plus précises, et [les officiels] pourraient prendre les bonnes mesures palliatives », a déclaré Rodney Viereck, physicien au Centre de prédiction météorologique spatiale.

Même aujourd’hui, a renchéri Bogdan, les émissions les plus destructrices issues de violentes tempêtes sont assez lentes pour être détectées par les satellites d’observation du soleil bien avant que les particules ne frappent la Terre. « Cela nous donne [environ] vingt heures pour déterminer les mesures à prendre », explique Viereck.

Cela suffirait pour que les compagnies électriques puissent au moins protéger leurs précieux transformateurs en les désactivant avant l’arrivée de la tempête sur Terre. Il y aurait des pannes locales, mais d’une plus courte durée.

« La bonne nouvelle, c’est que ces tempêtes ont tendance à passer en quelques heures », a ajouté Bogdan.

Cependant, les scientifiques se bousculent pour apprendre tout ce qu’ils peuvent au sujet du Soleil afin d’émettre des prédictions encore plus tôt.

Selon Vierick, les prédictions météorologiques spatiales doivent rattraper leur retard. « Nous en sommes au même niveau que les prédictions météorologiques il y a cinquante ans. »

Arte diffuse un documentaire confirmant les craintes du romancier Bernard Woitellier

53 min
Disponible du 08/08/2020 au 05/11/2020
Prochaine diffusion le vendredi 21 août à 11:35
Version françaiseVersion originale

Source de lumière, de vie et d’énergie, le Soleil est au coeur des préoccupations d’une partie de la communauté scientifique. En effet, la menace d’une tempête solaire plane constamment sur notre planète. Ces gigantesques masses d’ondes et de particules, libérées de façon imprévisible à la surface du Soleil, peuvent gravement endommager les réseaux créés par l’homme.

Si la dernière tempête en date a évité la Terre de justesse en 2017, notre planète a déjà connu d’autres éruptions solaires de grande envergure. En 2003, l’une d’elles a entraîné une panne de courant à Malmö et la perte de contact avec deux satellites japonais. Plus impressionnante encore, la tempête solaire de 1989 a plongé le Canada dans le noir et coupé le réseau de chauffage pendant six heures en plein hiver. Liées aux fluctuations du vent solaire, un phénomène découvert il y a un peu plus d’un demi-siècle, ces éruptions sont loin d’avoir livré tous leurs secrets : à ce jour, la science reste incapable de prévoir leur occurrence. Mais cela pourrait bientôt changer : deux missions – l’une de la Nasa, l’autre de l’Agence spatiale européenne – sont actuellement en cours pour effectuer des mesures au plus près de l’astre solaire. À l’aide de deux sondes mises en orbite, Parker Solar Probe et Solar Orbiter, les scientifiques américains et européens cherchent à mieux définir ce phénomène qui, d’après les premières observations, semble beaucoup plus complexe qu’on ne le croyait jusqu’ici.

  • Réalisation : Lars Ole Reimer
  • Pays : Allemagne
  • Année : 2020

Le Monde donne aussi raison à l’hypothèse du romancier de science fiction Bernard Woitellier

Energie : « La tempête solaire est un de ces événements peu probables mais dont l’effet est tel qu’on ne peut les ignorer »

Le professeur Charles Cuvelliez et l’assureur Emmanuel Michiels pointent, dans une tribune au « Monde », le risque que fait peser une toujours possible éruption solaire sur les réseaux électriques de la planète.

Tribune. En mars 2019, le président Trump a signé une ordonnance relative à une nouvelle menace militaire : les impulsions électromagnétiques, connues depuis longtemps comme un dommage « collatéral » des explosions nucléaires. Elles ont été découvertes en 1962 lors d’un essai nucléaire au-dessus du Pacifique. Sur un rayon de 1 400 km, des équipements électriques furent endommagés. Les Etats-Unis et l’Union soviétique ont alors investigué le potentiel de destruction de cette arme, mais elle a été jugée trop destructrice, puisque à même de stopper définitivement le fonctionnement d’un pays.

Une impulsion électromagnétique d’origine nucléaire a trois phases, dites E1, E2 et E3. Durant la phase E1, les rayons gamma émis par l’explosion arrachent des électrons aux atomes de la haute atmosphère. Ces derniers arrosent ensuite le sol et l’ensemble des équipements électriques, qui agissent comme des antennes pour les capter. Les dégâts sont immenses.

La phase E2 résulte des rayons gamma secondaires qui ont pu interagir avec la haute atmosphère. Leur effet est alors similaire à des orages, contre lesquels les protections habituelles peuvent fonctionner.

Enfin, la phase E3 a le même effet que les tempêtes solaires : c’est la phase « magnétohydrodynamique », qui déforme le champ magnétique terrestre et crée, du fait de cette interaction, des courants électriques géo-induits dans les équipements au sol.

Une arme aux mêmes effets, mais sans son côté nucléaire, pourrait mettre un adversaire hors de combat sans combat. Voilà qui est attirant pour les stratèges et les politiques. Les « e-bombes », appelons-les ainsi, ont aussi l’élégance, tout comme les cyberattaques, de ne tuer personne, ou presque (les porteurs de pacemakers et les patients sous assistance électronique dans les hôpitaux). Une e-bombe aurait été testée, dit-on, pour stopper le réseau de propagande de Saddam Hussein en 2003.

Une étude rassurante

S’il n’y a pas besoin d’une arme nucléaire pour produire une e-bombe, des pays moins développés pourraient la développer. Il n’en fallait pas plus, dans le contexte actuel, pour voir les Etats-Unis s’en inquiéter avec ce décret de Donald Trump, repris dans le National Defense Authorization Act.

Mais certains doutent de la réalité d’une telle menace et observent que cette loi a été portée par l’ex-faucon John Bolton, alors conseiller à la sécurité nationale, évincé depuis. D’autres affirment que le décret est le résultat du lobby du secteur électrique, qui veut moderniser son réseau sous prétexte de sécurité grâce aux subsides du Pentagone…

Fin avril 2019, le laboratoire de recherche de l’industrie électrique américaine Electric Power Research Institute (EPRI) publiait une étude plutôt rassurante à ce sujet (« High-Altitude Electromagnetic Pulse and the Bulk Power System : Potential Impacts and Mitigation Strategies »). Oui, une émission E1 peut endommager le réseau de transport d’électricité du fait des survoltages qui en résultent.

Les relais de protection qui détectent les défauts sur les lignes peuvent résister à E1 mais peut-être pas au survoltage des lignes de communications auxquelles ils sont reliés. Quelques mesures élémentaires suffiraient : fibres optiques, câbles blindés avec mise à la terre appropriée, dispositifs ou filtres de protection contre les surtensions, amélioration du blindage des sous-stations…

Un précédent en… 1859

La combinaison des effets E1 et E3 donnerait, c’est vrai, une panne électrique, mais elle serait de l’ordre du déjà-vu, à l‘échelle régionale. Pas de quoi s’inquiéter, mais l’EPRI n’a pas regardé les effets sur la production même d’électricité, ni sur le réseau de distribution. Bref, le flou persiste.

Or il existe un précédent, l’effet des tempêtes solaires sur les réseaux électriques, comparables aux effets E3. La référence est l’« événement Carrington » de 1859, du nom de l’astronome [britannique Richard Carrington (1826-1875)] qui a observé une soudaine activité solaire, traduite dix-huit heures plus tard par des perturbations du réseau télégraphique sur toute la Terre… et par des aurores boréales observées jusqu’aux tropiques. Il y eut peu d’impact sur l’activité économique, alors peu dépendante à l’époque du simple télégraphe.

Que produirait un tel événement sur notre société moderne ? C’est un « cygne noir », un de ces événements peu probables mais dont l’effet est tel qu’on ne peut les ignorer. Un article de la revue Nature estime sa probabilité entre 0,46 % à 1,88 % seulement dans les dix prochaines années, sur la base d’une hypothèse contre-intuitive, selon laquelle plus du temps s’est écoulé depuis un événement, moins celui-ci a de chances de se reproduire (« Probability estimation of a Carrington-like geomagnetic storm », David Morina, Isabel Serra, Pedro Puig et Alvaro Corral, 20 février 2019).

Cette hypothèse est vérifiée dans beaucoup de phénomènes géologiques ou astronomiques. Une autre caractéristique des phénomènes naturels extrêmes est leur autosimilarité : leur intensité n’a pas d’effet sur la régularité de leur apparition.

L’incertitude des « cygnes noirs »

Mais d’autres études ont montré des probabilités de survenance d’une tempête solaire de 3 % à 10,3 %, ou encore de 4 % à 6 % sur les dix prochaines années… Ce à quoi il faut ajouter qu’une telle tempête peut « rater » la Terre. Bref, comme toujours avec les cygnes noirs, c’est l’incertitude…

Le sujet préoccupe aussi les assureurs (« Expert Hearing on solar storms », Swiss Re, mars 2016). Il est vrai que si une tempête solaire provoque la mise hors service de 10 % des transformateurs dans une région, le rétablissement du réseau risque d’être long… et coûteux. Hydro-Québec avait subi en 1989 les effets d’une tempête solaire et y avait perdu tout de même 3 % de ses transformateurs.

Prévoir une tempête solaire suffisamment à l’avance est un facteur dit de « mitigation » du risque car, si tant est que des mesures de protection soient possibles, on limite les dégâts en les activant à temps. Aujourd’hui, les satellites d’observation solaire tels que SOHO, lancé en 1995, et Stereo nous donnent avec leurs coronographes six heures pour réagir à une tempête solaire, avec une capacité de détecter une suractivité du Soleil trois à quatre jours avant.

Notre capacité d’observation et de compréhension s’est accrue avec le lancement du satellite européen Solar Orbiter le 10 février 2020 et a été complétée avec les capacités du satellite américain Parker Solar Probe, en place depuis août 2018. De nouveaux satellites pourraient allonger la préalerte à six à sept jours et prédire l’arrivée de la tempête à quatre heures près.

Faut-il assurer ?

Pour un assureur, un tel événement est la quadrature du cercle : les conséquences (et donc les dommages à assurer) se déroulent en cascade, certaines conséquences en amenant d’autres sur de larges échelles, très vite régionales.

Dans quelle mesure les contrats d’assurance en cours couvrent-ils des dommages causés directement ou indirectement par les tempêtes solaires ? Faut-il exclure ces dommages ? Ou les couvrir pour inciter à la mise au point et la mise en place de systèmes de protection ? Peut-on développer un produit d’assurance qui couvre l’interruption de service sans le dommage physique qui l’aurait causé ? Faut-il prévoir le concept de « cause immédiate » afin de limiter ce qui est couvert aux dommages causés par la seule activation des mécanismes de sécurité du réseau ?

On retrouve la même problématique qu’avec le Covid-19 et les pertes d’exploitation qui en ont résulté sans qu’on puisse les lier à un dégât physique.

Faut-il les assurer ? Le débat est en cours à Bercy. Les cyberassurances mènent aussi ce débat : que couvrir exactement ? Les dommages directs (dégâts occasionnés) ou indirects (pertes de revenus) ? Quand le virus informatique Stuxnet est envoyé contre l’Iran mais finit par toucher le monde entier, une assurance doit-elle couvrir ce dommage ? L’attaque est-elle un acte de guerre (toujours exclu des assurances) ? Le découplage entre le dommage et sa cause directe pourrait bien devenir la marque de fabrique des nouvelles formes de risques.

Les Echos rejoignent le scénario envisagé par Bernard Woitellier dans sa saga de science fiction : Après le covid, les prévisionnistes s’intéressent aux cygnes noirs. C’est le moment de lire « Le Maître de la Lumière »…

Les Echos du 24 juin 2020 rejoignent le scénario envisagé par Bernard Woitellier dans sa saga de science fiction « Le Maître de la Lumière » !

Extrait : « La probabilité qu’une super tempête solaire frappe la Terre est encore plus élevée. Ce risque-là a beau venir d’une centaine de millions de kilomètres, il n’a rien de la science-fiction. En 1989, une éruption de particules électromagnétiques avait provoqué une panne d’électricité au Québec pendant neuf heures. La même année, une autre éruption solaire avait entraîné l’arrêt des échanges à la Bourse de Toronto. Rien de bien méchant, des broutilles comparées aux « dommages bien plus importants » que provoquerait une tempête solaire aussi violente que celle de Carrington en 1859, « ainsi nommé d’après l’astronome qui l’a enregistré. C’est la plus grosse tempête géomagnétique connue à ce jour », indique Henry Allen. »

PAR MARJORIE ENCELOT | INVESTIR.FR | |

Pandémie, tempête solaire, éruption volcanique, guerre. Deutsche Bank s’est appuyé sur des travaux scientifiques pour débusquer la catastrophe impensable qui, après le Covid-19, a des chances de mettre à sac, à son tour, l’économie.

Eruption solaire du 16 avril 2012

Eruption solaire du 16 avril 2012  | Crédits photo : Nasa

La chasse aux cygnes est lancée. Cette année, la saison démarre avec six mois d’avance. Le Covid-19 a hâté le calendrier. Dans le monde d’avant, l’exercice attendait la période légère des fêtes de fin d’année : les affaires sérieuses étaient bouclées, les stratégistes et économistes pouvaient alors se dégourdir les méninges à imaginer des scénarios catastrophes. De la fiction tenue à l’écart des prévisions officielles car trop improbables, en queue de distribution de la loi sur les probabilités. En « Extremistan », situe le mathématicien-philosophe Nassim Taleb dans son livre Le Cygne Noir, nom qu’il donne à un événement aussi imprévisible que destructeur. « Avant la découverte de l’Australie, l’Ancien Monde était convaincu que tous les cygnes sans exception étaient blancs. »

Le coronavirus n’avait, lui, rien d’imprévisible ; c’est un cygne blanc, « un risque dont on était pratiquement certain qu’il se concrétiserait à un moment donné. » Toujours est-il que l’animal a rappelé au monde que les scénarios catastrophes s’imprimaient aussi dans la vraie vie. Du coup, dans les banques, on a commencé à faire mouliner les modèles, les équipes de recherche se sont mises en branle pour débusquer le prochain monstre qui viendra terrasser la planète et mettre à sac l’économie. « L’idée est d’alerter les clients sur les risques qui sont minorés par le marché ou même totalement ignorés », explique Christopher Dembik, responsable de la recherche macroéconomique chez Saxo Banque qui, chaque année, en décembre, publie ses prévisions chocs. « Parfois, ils vont jusqu’à intégrer certains risques dans leur stratégie d’investissement à long terme. »

Chez Deutsche Bank, dans une note datée du 16 juin, l’analyste Henry Allen s’interrogeait : après le Covid-19, quel sera le prochain « tail risk » ou, en français, évènement rare qui provoquera des pertes extrêmes ? Question qui ratisse large. La réponse est à chercher quelque part entre l’impensable et l’improbable. Mais voilà l’analyste parti à la recherche d’il ne sait quoi, à la manière des chasseurs de Snark de Lewis Carroll. Mais ici, pas de fourchettes pour poursuivre le monstre, pas d’action d’entreprise de chemin de fer pour le menacer, pas de savon pour le charmer. Henry Allen s’est armé de statistiques pour le traquer.

Une pandémie quatre fois plus mortelle

« Le coronavirus nous a rappelé que nos sociétés et nos économies pouvaient basculer du jour au lendemain […]. Comme le montre la crise actuelle, les pandémies sont l’une des plus grandes menaces auxquelles nous sommes confrontés », commence-t-il. La prochaine pourrait être l’une de celles qui, comme la grippe asiatique (1957-58) ou la grippe de Hong Kong (1968), provoquera plus d’un million de morts, deux fois plus que le coronavirus. Et qui, contrairement au Covid-19, frappera plus largement la population et pas seulement les personnes âgées « de manière disproportionnée ». Si le prochain virus « touchait un grand nombre d’enfants, on pourrait s’attendre à ce que la population soit encore plus prudente dans son retour à la vie normale, et à ce que les mesures de confinement et les restrictions soient plus sévères. »

Le Covid-19 est responsable d’un peu moins de 500.000 morts au travers le monde, ce qui représente 0,0056% de la population. C’est deux fois plus que le bilan de la grippe porcine de 2009-2010, mais cinq fois mois que la grippe de Hong Kong de 1968-1970.

Le Covid-19 est responsable d’un peu moins de 500.000 morts au travers le monde, ce qui représente 0,0056% de la population. C’est deux fois plus que le bilan de la grippe porcine de 2009-2010, mais cinq fois mois que la grippe de Hong Kong de 1968-1970.


« Bien que l’amélioration des conditions sanitaires et les progrès scientifiques nous permettent d’être bien mieux préparés, nous vivons dans un monde beaucoup plus urbanisé et globalisé, ce qui augmente les risques de propagation des maladies. »
Henry Allen rappelle qu’en 2017, avant que le Covid-19 ne frappe, une équipe de chercheurs de Metabiota, une entreprise spécialisée dans la modélisation du risque épidémique, avait calculé que, chaque année, il y avait une chance sur cinquante qu’une pandémie de grippe fasse 2,2 millions de morts dans le monde, là où normalement, en moyenne, une grippe saisonnière est responsable de 290.000 à 650.000 morts, selon les chiffres de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Cette probabilité annuelle de 2%, mesurée par Nita Madhav et ses collègues, « signifie qu’il est plus probable qu’improbable qu’une telle pandémie se produise sur une période de 40 ans », traduit Henry Allen.

La même équipe de scientifiques estime à 0,2 % la probabilité annuelle qu’une pandémie de grippe provoque au moins 22 millions de décès dans le monde, « ce qui signifie, explique l’analyste, qu’il y a près de 8% de chances qu’elle se produise au cours des 40 prochaines années. »

Tempête solaire : un black-out technologique

La probabilité qu’une super tempête solaire frappe la Terre est encore plus élevée. Ce risque-là a beau venir d’une centaine de millions de kilomètres, il n’a rien de la science-fiction. En 1989, une éruption de particules électromagnétiques avait provoqué une panne d’électricité au Québec pendant neuf heures. La même année, une autre éruption solaire avait entraîné l’arrêt des échanges à la Bourse de Toronto. Rien de bien méchant, des broutilles comparées aux « dommages bien plus importants » que provoquerait une tempête solaire aussi violente que celle de Carrington en 1859, « ainsi nommé d’après l’astronome qui l’a enregistré. C’est la plus grosse tempête géomagnétique connue à ce jour », indique Henry Allen.

A l’époque, dans un monde où la technologie n’en était qu’à ses balbutiements, la population s’extasia surtout devant les aurores boréales visibles jusqu’à Cuba ; à peine fut-elle dérangée par le chaos qui toucha le réseau télégraphique, les étincelles qui jaillissaient des lignes, les incendies dans les stations. Aujourd’hui, alors que « la technologie moderne est basée sur l’électronique, il pourrait y avoir des coupures de courant majeures, ce qui aurait des répercussions sur l’ensemble de l’économie […]. Des vies pourraient être perdues si cela avait un impact sur les hôpitaux et les soins médicaux. Les communications seraient perturbées, de nombreux systèmes de paiement seraient dysfonctionnels et les satellites GPS seraient confrontés à des interférences importantes, au détriment de la population et de toutes les industries qui dépendent de services de localisation précis, notamment les avions. Les infrastructures régissant les marchés financiers mondiaux pourraient être gravement endommagées. »

La probabilité qu’une éruption solaire comme celle de Carrington se reproduise est de 12% à dix ans, estimait en 2012 le scientifique Pete Riley de l’entreprise Predictive Science. « A supposer que cette probabilité reste constante d’une décennie à l’autre, il y a 40% de chances que cela se produise dans les quarante prochaines années. Et si l’on étend la période à 55 ans, cette probabilité dépasserait 50% », projette Henry Allen.

Super volcan : « peu probable mais pas impossible »

Dans le cas d’une méga éruption volcanique, ce serait pire encore. Une explosion d’intensité VEI-7, qui expulserait plus de 100 km3 de matière volcanique, « provoquerait une perturbation majeure à l’échelle mondiale », prévient Henry Allen. Il y aurait des morts, en « très grand nombre » si l’éruption avait lieu à côté d’une grande ville et, « à mesure que les retombées se propageraient dans l’atmosphère, des restrictions sur les voyages aériens seraient mises en place, ce qui affecterait gravement les secteurs du tourisme et de l’hôtellerie […]. La hausse des températures et le changement climatique affecteraient les cultures, ce qui entraînerait une hausse des prix des denrées alimentaires et des catastrophes humanitaires, notamment dans les pays émergents et les pays frontaliers. »

À la fin du 18ème siècle, le réveil du volcan islandais Laki avait plongé l’Europe dans le chaos, provoquant la famine à l’origine, dit-on, de la Révolution française. Cette éruption était d’une intensité VEI-4, comme celle de l’Eyjafjallajökull, responsable de la fermeture de l’espace aérien européen en 2010. Mais, à lui seul, l’indice d’explosivité ne dit pas tout de la dangerosité d’un volcan. Dans le cas du Laki, ce n’est pas tant l’explosion qui fut destructrice que le contenu des effusions, pleines de gaz toxiques.

N’empêche qu’une explosion d’intensité VEI-7, mille fois plus forte que celle des volcans islandais, déréglerait le climat. La dernière du type, celle du Tambora indonésien en 1815, avait conduit à un hiver volcanique, à savoir à une baisse des températures – en Asie et au-delà – « en raison de la matière volcanique qui obscurcissait le soleil. L’année suivante a été connue comme ‘l’année sans été’ […], rappelle l’analyste de Deutsche Bank. Le changement climatique fut responsable de mauvaises récoltes dans le monde entier, provoquant des famines généralisées […]. Il provoqua des émeutes de la faim [en Europe]. » L’éruption d’un super volcan est « peu probable mais pas impossible. » En 2018, les vulcanologues Chris Newhall, Stephen Self et le climatologue Alan Robock écrivaient qu’un tel évènement se produisait une à deux fois par millénaire. « Si l’on suppose qu’il y a une probabilité annuelle de 0,15% qu’un tel événement se reproduise (environ en fois tous les 667 ans), avance Henry Allen, alors les chances que cela arrive au cours des quarante prochaines années sont de 5,8%. »

Une guerre : 22% de chance d’ici à 2060

Il y a une raison à ce que les catastrophes naturelles viennent plus facilement à l’esprit de l’analyste que les guerres. Comme, il l’explique lui-même : « Nous vivons dans un monde beaucoup plus interconnecté et coopératif que dans les siècles passés. » Une guerre serait trop coûteuse. C’était aussi l’argument du journaliste britannique Norman Angell dans son livre La Grande Illusion, à la veille de la Première guerre mondiale. « Les nouveaux facteurs économiques démontrent sans ambiguïté l’inanité de la guerre », expliquait lord Esher, l’un de ses disciples et proche de la famille royale, citant « le désastre commercial, la ruine financière et les souffrances individuelles. » Le Comittee of Imperial Defense, qui conseillait l’Empire sur la stratégie militaire, pensait une guerre d’autant plus impensable que la Lloyd’s of London assurait la marine allemande. Mais les nations ne sont pas toujours rationnelles.

Aujourd’hui, l’arme nucléaire rend une guerre encore plus inconcevable, mais pas impossible. « Il est plus difficile de mettre une probabilité sur le déclenchement d’une guerre, car soumis à des calculs humains, explique Henry Allen. Toutefois, « si nous faisons l’hypothèse prudente que la probabilité annuelle d’une guerre mondiale est de 0,625% (soit une chance sur 160 chaque année), cela signifie qu’il y a 22% de chance qu’une guerre se déclare dans les 40 prochaines années. »

Au bout du compte, calcule l’analyste, la probabilité qu’au moins un de ces quatre scénarios catastrophes se produise au cours des dix prochaines années est de 33,5%, si tant est que les probabilités soient indépendantes. « Et si l’on étend cette période à vingt ans, il est alors plus probable qu’improbable (55,7 %) qu’au moins un de ces événements se produise. »

Le roman de Bernard Woitellier c’est « ce qu’on attend d’un bon livre : être dépaysé » sur Breizh info

Chronique littéraire. Le maître de la lumière de Bernard WOITELLIER

Le 28 août 1859, la Terre a été frappée en 2 vagues par une série de tempêtes solaires inhabituelles et monstrueuses.

On a surnommé cet épisode « l’événement de Carrington » du nom de l’astronome qui a observé le phénomène. Ces tempêtes électromagnétiques ont provoqué de nombreuses aurores polaires visibles jusque dans les zones tropicales (alors qu’en principe elles dépassent rarement le cercle polaire) et ont perturbé les communications télégraphiques, électrocutant nombre de télégraphistes, certains appareils prenant même feu. Pendant un certain temps, les pôles magnétiques ont disparu, rendant inutilisables les boussoles. Ce type d’événement cataclysmique serait susceptible de se reproduire tous les 150 ans. On estime à 12% la probabilité qu’un nouvel « événement de Carrington arrive dans la décennie qui vient. Si en 1859, les conséquences ont été somme toute limitées, il n’en serait pas de même dans notre société de 2020 fondée sur l’électricité et internet.

En effet, les aurores boréales provoquent des courants électriques dans le sol qui sont sources de surtensions. On ignore l’impact que pourrait avoir une telle tempête, même si, les autorités prenant conscience du problème ont essayé dans la mesure du possible d’implanter des sauvegardes et des protections contre les délestages, d’autant plus qu’en dehors des tempêtes solaires, ce phénomène de surtension généralisée pourrait être la conséquence d’une attaque nucléaire en haute attitude, qui ne causerait aucune perte humaine directement, mais détruirait les circuits électriques, renvoyant le pays agressé à l’âge de pierre.

Woitellier nous livre un thriller dystopique qui décrit les conséquences d’une telle tempête solaire sur le monde de 2020. Il prend les hypothèses les plus pessimistes, mais qui sait si elles ne seront pas vérifiées ? Dans « le maître de la lumière », le réseau électrique ne sera jamais réparé, la société s’effondrant rapidement, rendant impossible tout effort coordonné de remise en état. Le plus frappant dans ce roman est l’absence de réaction des États et des autorités légitimes. Si une telle situation arrivait dans le monde réel, on peut penser que les gouvernements et leurs représentants locaux mobiliseraient l’armée, leur donneraient des consignes claires et réussiraient à rétablir l’ordre. Ou si le Pouvoir était vraiment défaillant, des milices d’auto-défense se constitueraient et ramèneraient le calme, les honnêtes gens étant 10 fois plus nombreux que les gangsters.

Rien de tel dans ce roman. L’anarchie puis l’anomie s’emparent du monde entier, il reste ici ou là quelques vagues réactions, la garde nationale s’efforce de maintenir en vain un semblant d’ordre dans l’Alaska, un chef de police dans les Canaries devant l’inertie du gouverneur prend le pouvoir et livre des pilleurs aux requins dans des efforts dérisoires pour maintenir l’ordre.

Dans ce thriller, la violence est reine ; les hommes tapent sur leurs compagnes ; les pervers abondent, ils ne cherchent qu’à violer les femmes et à massacrer des innocents. On suit particulièrement le sort de deux héroïnes et de leurs enfants, Thana une infirmière qui se réfugie avec son fils Tim en Alaska, Alma et sa fille Sarah qui habitent dans les Canaries. Toutes les deux essayent de survivre et de protéger leur progéniture. Seul contre-point à l’anarchie généralisé, les indiens d’Alaska réussissent à organiser une communauté basée sur la solidarité et la protection de tous. Ils seraient les mieux adaptés au nouveau monde qui se lève.

Le thème de l’effondrement est populaire : la crise du Covid l’a remis à la mode. : certains ont cru que nous étions arrivés à ce point critique. En juin 2020, il semble qu’il n’en soit rien, à moins d’un rebond catastrophique de la maladie. D’autres collapsologues évoquent une crise écologique majeure qui emporterait la civilisation qualifiée d’occidentale. Cette peur d’un désordre majeur disloquant la société, du jugement dernier, est profondément ancrée dans l’Homme. Dans les années 1960, on a vu fleurir nombre de romans sur un monde post-nucléaire où de petites communautés prenaient le pas sur un gouvernement américain dépassé. C’est le cas de l’œuvre culte de Philip K Dick Doctor Bloodmoney paru en 1965. 60 ans ont passé, les causes avancées de l’effondrement changent, mais la terreur de l’humain devant l’effondrement possible de son cadre de vie reste la même.

Mais qu’importe si les fondements de ce roman sont réalistes ou pas, « Le maître de la lumière » est un excellent Thriller, qui suscite de l’intérêt. On suit avec appréhension les aventures des personnages, de leur lutte pour la survie. C’est ce qu’on attend d’un bon livre : être dépaysé.

Le maître de la lumière de Bernard WOITELLIER, librinova, 24,90 € 637 pages

Christian de Moliner

Illustration : DR
[cc] Breizh-info.com, 2020, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine 

« La lecture est passionnante et l’action bien découpée, laissant le suspense agir » sur Bernard Woitellier

Bernard Woitellier, Le maître de la lumière

C’est arrivé en 1859, mais la civilisation technique n’était pas alors très avancée ; si cela arrive « de nos jours », c’est nettement plus grave, toute une civilisation s’écroule du jour au lendemain !  Mieux qu’une pandémie : ce qui arrive ? L’effet Carrington, nom de cet astronome anglais qui observa la plus grande tempête magnétique solaire jamais vue avec l’éjection d’un plasma de particules qui atteint la Terre en 17 heures. L’orage magnétique a suscité de superbes et spectaculaires aurores boréales mais n’a guère perturbé alors que le télégraphe. Il en serait autrement aujourd’hui où nous vivons en tout-électrique.

Imaginez… Plus de réseau électrique donc plus d’Internet ni de téléphone mobile, ni de GPS donc de satellites, plus de carte bancaire ni de services financiers, plus de trains (ni de voitures écolos), ni de télé, ni de congélateur ou frigo, ni de lumière artificielle, plus d’ascenseur ni d’eau potable, ni d’essence – liquides pompés électriquement. L’éruption solaire en 1989 a provoqué la chute du système de production puis l’effondrement d’une grande partie du réseau électrique d’Hydro-Québec ; mais ce n’était pas une tempête de la force de celle de Carrington. Pas plus celle du 14 février 2011 qui a brouillé les communications radios et les signaux GPS des avions long-courriers, donc leur atterrissage.

L’auteur imagine ce qui se passerait si… Dans cette distopie, il a le talent de mettre en scène quelques groupes de personnages qui vont tenter de s’adapter pour survivre. Parfois des gens moyens avec leurs problèmes intimes, parfois des super-héros qui se révèlent dans l’action. Il y a Thana (abréviation yankee de Nathanaëlle) et son fils Tim (Timothée) de 8 ans ; elle est infirmière et maquée avec un pervers narcissique qu’elle ne parvient pas à quitter pour rejoindre son amour de jeunesse, Tobias, le père biologique de Tim mais qui ne le sait pas, survivaliste à Anchorage. Il y a Aryan, métis d’indien devenu pilote d’avion-cargo MD11 qui a du mal à entretenir une relation quelconque dans ce monde qui n’a jamais été fait pour lui mais qui parvient à atterrir sans instruments ni radio. Il y a Paola l’astronome spécialiste des taches solaires obsédée par les calculs pour oublier son enfance, et son étudiant canadien Maxime de dix ans plus jeune qui prépare une thèse à l’observatoire solaire de Tenerife. Il y a Alma la serveuse de bar à Las Palmas en Grande Canarie privée de boulot en une journée, et sa fillette de 7 ans Sarah. Il y a Raul, fils de flic devenu flic, brimé sauvagement durant son enfance et qui se venge des lâches, sans pourtant résilier son humanité au fond de lui.

Lorsque la catastrophe survient, en quelques heures le monde entier est plongé dans le chaos, les villes, les régions et les îles isolées du reste du monde, sans communications ni directives – car rien n’a été prévu, pas même l’exercice du pouvoir. Les sites de production électrique sont grillés, les transformateurs hors service et leur remplacement ou réparation réclame de l’énergie pour les lever, les transporter, les installer ! Un seul regret, mais le roman est déjà long, aucune vision mondiale de ce qui se passe, des remèdes apportés, des pions géopolitiques poussés par les Etats dictatoriaux mieux organisés ou, au contraire, la résilience des Etats décentralisés qui fonctionnent sur initiatives locales. Qu’en est-il des panneaux solaires ? De l’énergie du vent ? De l’hydroélectrique ? Les microcentrales – industrielles ou bricolées – ne sont-elles pas légitimes ? Après tout, le moulin à vent ou la vapeur née de l’eau et du bois ou du charbon étaient des énergies puissantes pour une société peu industrielle. L’auteur, bien qu’aventurier et pilote professionnel, préfère les anciens militaires aux ingénieurs, ce en quoi il ne suit pas Jules Verne.

Dans les semaines et les mois qui suivent la catastrophe, la police est impuissante à réprimer la sauvagerie qui refait surface, comme à chaque fois qu’une occasion se présente, voyez les « casseurs » dans n’importe quelle manif ordinaire. Les femmes sont particulièrement visées, revanche de machos qui ne pensent qu’à les violer, et plus elles sont jeunes, mieux c’est, vieux fantasme de mâle dominateur que révèle déjà le Coran. L’auteur semble avoir une particulière dent contre les « Bataves » et les « Danois » dans cet élan de brutes.

Chacun va alors tenter de regagner le nid originel, sa famille ou sa tribu, pour refaire le monde comme avant l’industrialisation. Bernard Woitellier, par atavisme, privilégie les Indiens, réputés être restés en phase avec leurs ancêtres. Indiens de la région d’Anchorage, Indiens canariens. Certains vivent encore de façon traditionnelle avec puits et cuisine au bois, chasse, pêche et traditions. Ils les revivifient tout simplement en délaissant tout ce qui est électrique, même si les instruments à piles ou à batterie peuvent encore fonctionner. Retour à l’énergie du vent, de la vapeur, des bras. Retour à une sorte d’autarcie médiévale comme les écolos mystiques en rêvent. Chacun chez soi, le village bien défendu.

Le roman, au titre peut engageant, est bâti comme un thriller, sur le modèle premier d’Airport, roman d’Arthur Hailey paru en 1968 dont a été tiré un film qui a mené le genre à la célébrité. Le maître de lumière est un livre fort qui appelle à l’initiative mais pas seulement : Thana et Tim seront adoptés par les Indiens d’Anchorage, Maxime par les Indiens des Canaries. La lecture est passionnante et l’action bien découpée, laissant le suspense agir. Même si un tel renversement reste très improbable, vous n’avez qu’une envie une fois le livre fini : vous former aux techniques de survie, de camouflage, de culture vivrière, d’autosuffisance. Un idéal de commando très en phase avec le catastrophisme ambiant.

Bernard Woitellier, Le maître de la lumière, 2019, Librinova, 641 pages, €24.90 e-book Kindle €3.99

Attachée de presse BALUSTRADE : Guilaine Depis, 06 84 36 31 85 guilaine_depis@yahoo.com

Opération Balustrade Coronavirus, le texte de Bernard Woitellier

Le texte de confinement de Bernard Woitellier, auteur du roman « Le Maître de la Lumière » :

En ces temps inédits, je vis cette période de confinement de manière étrange. J’ai la sensation d’assister à un film de science-fiction. Rien n’a changé ; les montagnes n’ont pas bougé de place, et lorsque je descends faire les courses, les rayons des magasins sont toujours pleins. Si ce n’étaient les clients qui portent comme moi un masque, je pourrais croire à la normalité des choses. Seule ma perception du temps semble avoir évolué vers « un infini présent ». C’est comme dans le film « Un jour sans fin ».

J’ai pourtant reçu bon nombre de messages de mes lecteurs qui me disent : « C’est comme dans ton livre ! » Je leur réponds que dans mon livre, c’est bien pire ! L’effondrement est plus brutal. Immédiat. Dans la réalité, beaucoup de gens ne vont plus travailler et leur vie semble momentanément à l’arrêt. Mais elle va redémarrer, peut-être très vite si les conditions sanitaires sont favorables.

Tout fonctionne encore.

La situation que je décris dans « Le Maître de la Lumière » est bien plus étrange. Et bien plus dramatique. Tout pourrait fonctionner. Rien n’est détruit comme lors d’une guerre. Et pourtant, le monde s’arrête pour une très longue période, comme si l’édifice complexe de notre société avait été non pas rasé, mais paralysé. L’électricité est la circulation sanguine de notre monde. Si elle s’arrête, tout s’écroule.

Quand en 1859, deux éruptions solaires violentes, espacées de trois jours, frappent la Terre, les dégâts sont minimes. Il n’y a aucune victime, à part peut-être un naufrage ou deux dans les brumes de Terre-Neuve, de bateaux perdus à cause d’un compas devenu fou. Les mêmes tempêtes aujourd’hui occasionneraient de violents – mais invisibles–dégâts à notre civilisation. Il ne s’agirait pas de récession, mais d’un effondrement brutal ; d’après les experts, la population mondiale diminuerait de 20 % la première année.

La chose qui disparaîtrait immédiatement de notre quotidien serait l’alimentation en eau. En l’espace de quarante-huit heures, les immeubles seraient à sec. Dans un laps de temps à peine supérieur, l’approvisionnement en nourriture serait réduit à néant. Les soins et traitements médicaux s’évanouiraient en l’espace d’une semaine, le temps que les stocks de médicaments et de carburant pour faire tourner les groupes électrogènes s’épuisent. Les banques seraient fermées, devenues inutiles ; les stations-service aussi. Il faudrait un peu plus de temps pour que les structures mêmes du pays se délitent.

Le seul point commun entre les deux situations, celle que nous vivons et celle que j’imagine, c’est l’invisibilité d’une menace qui pourrait détruire notre société, mettant en évidence sa fragilité, et notre capacité à ignorer cette menace. Pas parce que nous n’avons pas les moyens de la déceler, mais par la volonté de fermer les yeux devant toute cause qui pourrait remettre en question notre mode de vie. C’est cet aveuglement que j’entends dénoncer.