Patrizia Cavalli par Pascal Gibourg ((www.inventaire-invention.com) 21.01.08

http://www.inventaire-invention.com/lectures/gibourg_cavalli.htm

Mes poèmes
ne changeront pas le monde
Patrizia Cavalli
éditions Des Femmes, bilingue,
2007, 489 pages, 23 €

Lectures

Jusqu’à il y a encore peu, comme aux enfants, on interdisait la parole aux femmes, et la maîtrise qui va de pair, en tout cas qu’on lui associe souvent. Bien sûr, l’exercice de la parole est en partie lié à l’exercice d’un pouvoir, mais en donnant la parole aux femmes – plutôt en acceptant progressivement de les voir se l’approprier – on (c’est-à-dire les hommes mais aussi les femmes qui pouvaient ne pas trouver très bien de dire ce que l’on pense, a fortiori quand ça dérange – il y a des choses qu’on ne dit pas, n’est-ce pas ?) s’est donné la possibilité de faire une découverte, notamment dans le domaine de la littérature ou de la poésie, nouveauté qui consiste à voir dans l’usage de la parole non pas l’occasion d’exercer une forme de domination mais d’encourir un risque dont la forme ultime serait comme l’envers de la conquête : je veux parler de la reconnaissance d’une perte. Pourquoi est-ce aux femmes que nous devons de redécouvrir cette vérité première – elle est ancienne, hors d’âge, la culture n’a jamais fait que travailler à sa dissimulation –, eh bien pour la raison qu’elles ont l’art d’aborder le domaine des sentiments et du vécu amoureux avec une sensibilité, voire une simplicité, qui généralement font défaut aux hommes, plus fiers, et davantage coupés de leurs émotions au nom d’une éducation privilégiant la froideur et la raison, le calcul, et encore une fois la maîtrise, la poigne. Oui, à nous autres garçons ce n’est que depuis peu qu’il nous est permis de faire cas de nos larmes, et encore cela passe-t-il souvent pour de la mièvrerie. Un homme ça mange de la viande et ça ne pleure pas. Pour ma part, je considère comme précieuse l’œuvre qui ouvre des voies à des pensées ou des affects bloqués quelque part dans les circuits du corps, qui libère et fait circuler en moi (voire au dehors) ce qui ne demandait qu’à être, qu’à sortir du néant.

Patrizia Cavalli est une de ces voix conduisant à l’essentiel. Ce n’est pas un hasard si l’amour occupe une place si cruciale au sein de ses écrits. Ce qui existe à peine, ce qui est rêvé, désiré tout autant que perçu ou palpé. Mais comment le saisir, l’approcher sans le faire fuir ? Un jeune chevreuil sortant à peine du bois ne serait pas plus saisissable. Les poèmes de Cavalli ont cette fulgurance, cette fugacité, cette immédiateté qui expriment à la fois l’intensité et l’illusion, l’ambiguïté de ce qui est. Abstraite sa poésie, métaphysique ? Oui, à force de parler des corps, des désirs et des émotions. Ce n’est pas là le moindre des paradoxes et la moindre des énigmes de la vie que d’adjoindre ou de mêler le plus consistant au plus éthéré, le plus vital au moins évident. Paradoxe de l’instant, fait de rêve et de bouleversement, de vacillement, d’émerveillement. Patrizia effleure, pique ou épingle. Elle est parfois cruelle, mais toujours délicate. Telle est la nature de son travail, et encore ce mot de « travail » ne convient-il guère. Il dit trop l’effort, la contrainte et la sueur, bien qu’il ait le mérite de mettre l’accent sur la part physique, concrète, de l’activité poétique, sa part rythmique et nerveuse. Sans oublier une dimension ludique, présente dans l’esprit espiègle de l’auteur, mais aussi dans une pratique non systématique du jeu de mots. Poésie ironique ou humoristique pour ne pas être trop sentimentale, voire pathétique, se faisant légère pour ne pas être trop grave, distante pour ne pas paraître trop blessée, poésie directe sans être toujours explicite, courageuse, sans chichi et sans fioritures, poésie dense, philosophique et vagabonde, instruite de l’éphémère comme de l’infime, poésie en équilibre, funambule, maître en vertige et en figures peintes au-dessus du vide :

« Chaque jour maintenant dans chaque instant
dans chaque mot il y a toute ma vie,
gloire ou ruine me vainquent à l’excès.
L’amour est présomption de son état. »

En 2002, Lidia Breda a eu la lumineuse idée de publier le « Toujours ouvert théâtre » de Patrizia Cavalli dans la Petite bibliothèque Rivages. C’est comme ça que je l’ai découverte. Par chance. Il est vrai que la signature d’Agamben en quatrième de couverture ne pouvait que m’encourager à aller plus loin. On retrouve le philosophe dans « Mes poèmes ne changeront pas le monde », cette fois comme préfacier. Patrizia Cavalli serait-elle une poétesse pour intellectuels ? Certes pas, ce serait très réducteur que de penser cela, même si le noyau intime de sa poésie est je crois en puissance d’attirer des intelligences moins émotives, comme si cette poésie à la fois singulière, franche et économe, dévoilait un envers à des êtres moins capables de simplicité (je me répète) et leur fournissait comme un complément inespéré, un double salutaire.
Une des forces de Patrizia Cavalli consiste à exposer une intimité, une « domesticité » même, sans jamais se raconter. Un coup de projecteur éclaire une scène, ou une pensée, mais toujours rapidement et incomplètement. Au lecteur de recomposer ou de laisser son imagination vagabonder à la suite de la vérité échappée. Pas d’explication, pas d’analyse, pas de discours, mais des traits saillants ou des fragments colorés. Le poète est moins proche du romancier que du peintre ou du photographe. Il décrit et exploite son sens averti du détail. Son « moi » n’est pas tant la matière de son inspiration qu’un point de vue privilégié. Le « je » remplace l’objectif ou la caméra, le pinceau ou le couteau. Aussi nulle saturation narcissique mais plutôt la générosité de quelqu’un qui accepte de dévoiler des pans d’une réalité à la fois intime et personnelle en même temps que commune et banale. « Je » dissous et traversé, dépassé, surmonté, oublié.
Un poème long toutefois, le seul avec La journée atlantique à porter un titre, les autres désignant des ensembles qui sont autant de mouvements d’un chant général. Et qui s’appelle : Le moi singulier qui n’est qu’à moi. Pour une fois, la poétesse s’explique et répond indirectement aux critiques de ses amis qui lui reprochent précisément de ne plus voir les autres à force de s’observer soi-même.

« …
Si quand je parle je dis toujours moi
ce n’est pas attention particulière et malsaine
à moi-même, ce n’est pas complaisance,
bien au contraire je ne me considère
qu’un exemple quelconque de l’espèce,
et donc ce moi verbal n’est autre
qu’un moi grammatical.
Et quand bien même ce moi
serait mon moi charnel, me voici encore
exemple, certes peu enviable, plutôt
mal réussi, du corps primordial.
… »

Mais on ne convaincra pas ceux qui vivent et sentent autrement. Mes poèmes ne changeront ni le monde ni les gens.

Le « moi » est comme une loi, une convention, psychologique, philosophique, grammaticale, on pourrait ajouter juridique, la question de la responsabilité (du responsum , de la réponse) lui étant consubstantiellement associée. Mais que se passe-t-il quand cette loi ne vaut plus, quand dans cet adagio que serait la vie la loi s’est perdue (la formule est de Cavalli) ? Peut-être entre-t-on en poésie ou en tout cas s’est-on suffisamment dépouillé de soi pour pouvoir y entrer. Mais ce « je » alors, qui traditionnellement célèbre ou se plaint ? Un reste, un résidu, un vestige conventionnel à partir de quoi la langue est ressuscitée. Ce n’est pas même une main, plutôt un gant, mais cela suffit pour redistribuer le monde et ses catégories, à ceci près que dès que le poème rencontre le monde ordinaire qui prend volontairement les conventions pour des faits bruts, alors le malentendu commence, et le débat, et la fatigue. Le poète est en équilibre entre un monde conventionnel auquel il fait, pour les bienfaits de son œuvre, peu ou prou semblant de croire, et un monde de choses et d’êtres physiques et métaphysiques difficilement contestable, qu’il soit prodigue en bonheurs ou en déceptions. Le poème vacille, et s’il détient une vérité, elle est là, dans le fait de tituber, de chanceler, dans cet espace, ce théâtre.
Une chose restera toujours difficile à accepter, c’est que la scène de l’art puisse peser autant dans la balance que la scène dite de la vraie vie. A fortiori un art de signes, de traces, comme l’écriture ou la peinture (c’est plus ambigu avec le spectacle vivant). On voudrait que la vie soit poétique et l’art vivant, on ne veut pas voir le prix à payer d’une telle accolade, le brouillage des catégories, l’abandon de quelque chose qui doit bien remonter jusqu’à la croyance (et pas seulement au sens religieux du terme, je le dis au sens où la croyance est le ciment de nos représentations).
La poésie la plus fragile devient alors la plus subversive, mais d’une subversion douce que beaucoup ne voient pas, et pour cause, ils n’entendent pas le silence entre les mots qui défait les nœuds qui retenaient l’embarcation.
C’est parti, on s’en va, il n’y a plus qu’à suivre le mouvement de la dislocation et de l’enchantement. Il y a bien une forme de renoncement au fondement de cette élévation, de cette libération qui parfois est si étouffante, une forme d’acquiescement. Et que dit-elle ? Elle ne promet rien, elle est comme libérée de l’engagement. On trouvera cela léger, insignifiant. A moins que cela laisse songeur et qu’on éprouve en même temps qu’une forte empathie une sorte d’inquiétude, presque agréable, étrangement consolatrice. La voix des prophètes s’est tue, il reste celle des éléments et des origines balbutiantes, le fondement désagrégé de nos rêves de construction les plus fous et les plus ordinaires :

« Sylvie, Valérie, Stéphanie, Anne-Marie,
connais même pas, qui c’est ?
Laissons tomber, je renonce, pas la peine.
Si ça se trouve elles sont belles, douces et hardies.
Mais j’y crois pas. Et puis qu’est-ce que j’en ferais ? »

Patrizia Cavalli invitée par Francesca Sensini à l’Université de Toulouse en février 2008 !!!!

Autre jolie information, Patrizia Cavalli est attendue pour un séminaire de haute importance à l’Université de Toulouse cet automne ! Félicitations à Francesca Sensini (professeur au Centre Culturel Italien d’Antonio Francica qui, conquise par « Mes poèmes ne changeront pas le monde », avait si aimablement reçu la poétesse le 28 juin) pour avoir songé à la faire intervenir dans son cours de littérature italienne !

Patrizia Cavalli dans L’Humanité par Françoise Han – La condition de poète (01.09.07)

La chronique poésie de Françoise Han

La condition de poète

Comment le poète se voit-il dans la société ? Ne vivant pas de sa plume, il peut y être aussi salarié de diverses professions, artisan, médecin, architecte, voire homme de loi, ou bien petit éditeur de poésie, ou (c’était autrefois – bénéficiaire d’un mécénat ; mais nous nous intéressons ici au poète en tant que tel.

Jean-Pierre Chevais en fait l’objet de ses réflexions dans un Précis d’indécision, titre évidemment ironique. En épigraphe, une citation de Racine, « Je sais tous les chemins par où je dois passer », montre l’opposition entre l’idée que les classiques se faisaient du poète et la nôtre, sauf à dire avec Kafka : « Ce que nous appelons chemin, c’est notre indécision. »

Premier trait de la condition du poète : il vit dans le même corps que l’individu lambda auquel nous faisons allusion plus haut et la cohabitation se passe tant bien que mal. Trait suivant : le manque, ce qui lui a été retranché. « Précis d’excision », se moque t-il. Sa grande affaire : le rapport à la parole. Quand cesse la fusion avec le monde apparaît l’écriture, « on se demande pourquoi on n’y comprenait rien – de là à conclure que ». La phrase inachevée, lourde de sous-entendus, est une caractéristique de ces pages qui, par la suppression des virgules, tendent vers un continu, ironique lui aussi.

Le poète se heurte partout, mal intégré dans les objets et chez les gens, quand ce n’est pas la barre du ciel qui lui tombe sur la nuque. Le recueil de ses maladresses est parsemé de malentendus avec la femme aimée. Vers quoi se tourner, quand ce qu’un langage inepte appelle « la vraie vie » paraît dépourvu de sens ? Vers les grandes figures de la mythologie, vers les poètes de tout temps, ^HÖlderlin ou Bobrowski, vers la musique. C’est peut-être un spectacle : « Fini le temps d’Icare Dédale Orion Orphée Ariane ou Eurydice tous ceux qui maintenant sur la scène nous saluent qui bientôt viendront parmi nous s’asseoir remplir orchestre balcons et poulaillers – voilà ça va finir question de temps tout va pouvoir recommencer. »

Patrizia Cavalli, elle, déclare Mes poèmes ne changeront pas le monde. Le philosophe Giorgio Agamben souligne en préface « un savoir prosodique stupéfiant », par lequel le poète « touche et palpe les contours exacts de l’être ». Et pourtant, là aussi, un sentiment d’impuissance, augmenté de celui de la condition féminine. Il faut faire le ménage, faire à manger. Pas de vertige, mais dans une ville sale, aux escaliers crasseux, aux cours nauséabondes, un somnambulisme attentif aux plus petites choses, « les traces du verre sur la table / pour rechercher dans la densité des cercles / le poids involontaire d’une main ». Patrizia Cavalli a reçu en novembre 2006 le prix international de poésie Pier Paolo Pasolini.

L’élégie est poème de lamentation. Mais l’Eléplégie, qui vient en titre du livre de Cédric Demangeot ? Faut-il entendre dans ce néologisme, étymologiquement, une lamentation qui frappe un grand coup ? C’est aussi le titre de la section qui dit la prison et la torture. Le poète est un prisonnier qui a pour ami le mur : « Dans / ma cellule, ils / m’ont laissé / le droit de parler / au mur. Et le droit / de masturber le mur. » Il est ailleurs l’assoiffé à la langue trouée et encore celui qui veut sauver la langue pour sauver l’homme. Ses poèmes témoignent d’un monde désarticulé, tels les mots coupés à la rime, pas même en syllabes : « la h / alte », « ce qu’i / l’reste », « l’o / mbre », mais aussi redoutablement articulé dans l’autre camp. La dernière section est une Prosopopée précédée d’une annonce : c’est la parole qui manque à la police et le poète parlera pour « la langue revenant à soi et se découvrant coincée dans un corps policier ».

La revue Po&sie place ses trente ans sous le parrainage d’Herman Melville (1819 – 1891), qui a dénoncé « l’instauration dans notre siècle d’un empire anglo-américain fondé sur la dégradation systématique de l’homme ». On lit ici son long poème Esquisse et l’étude de Richard Rand, Melville et l’Amérique. Autre référence : Samuel Coleridge (1772 – 1834). S’il est passé du radicalisme au conservatisme, ses oeuvres de jeunesse, dont le Dit du vieux marin, expriment un sentiment de culpabilité historique vis-à-vis du colonialisme. Aujourd’hui, que peut la poésie ? Rien, si elle reste seule, socialement insignifiante. Il lui faut « bâtir – habiter – penser », s’allier à la musique – de très belles pages sur Kurtag-Beckett – à l’image, à la danse, au roman. Un numéro extrêmement riche, à lire par tous ceux que préoccupe l’actuel « transport – déport culturel » évoqué en avant-propos par Michel Deguy. Ils y trouveront encore un grand poème de Yu Jian sur le Vol, trois textes pour « Penser la poétique » et trois autres pour « Faire parler Dante ».

Diérèse, pour sa part, consacre son numéro 36 à son dixième anniversaire. L’éditorial de Jean-Louis Bernard interroge : « Poésie-miroir ou poésie chemin ? » La section « Poésie du monde », particulièrement intéressante, salue d’abord deux disparus récents : Jacinto-Luis Guerena, républicain exilé en France en 1939, et Oskar Pastior, seul membre allemand de l’Oulipo. Suivent une contribution importante de Hauke Hückstädt, autre poète allemand, puis des poèmes de Dylan Thomas inédits en français et des proses poétiques du Brésilien Marcos Siscar. Trois cahiers réunissent des poètes de langue française connus ou à découvrir. Il y a encore des notes de lecture, des libres propos et des récits.

Précis d’indécision, de Jean-Paul Chevais. Atelier La Feugraie (2007), 82 pages, 12 e

Mes poèmes ne changeront pas le monde, de Patrizia Cavalli, bilingue, traduit de l’italien par Danièle Faugeras et Pascale Janot. Editions Des femmes / Antoinette Fouque (2007), 502 pages, 23 e

Eléplégie, de Cédric Demangeot. Atelier La Feugraie (2007), 112 pages, 12,50 e

Po&sie n°120
2ème trim (2007), Editions Belin, 398 pages, 30 e

Diérèse n°36
printemps (2007), Editions les Deux Siciles (8, av Hoche – 77330 Ozoir-la-Ferrière), 22 pages, 8 e

Patrizia Cavalli par Philippe Di Méo dans la Quinzaine Littéraire

« La Quinzaine littéraire », Du 16 au 31 juillet 2007

Trois poètes italiens

La publication de trois recueils de poésie italienne quasi simultanément est un indice parmi d’autres, de la ferveur et de la popularité certaine que rencontre en France depuis un certain temps la poésie italienne, contemporaine ou non. Un tel phénomène rachète tant d’années d’indifférence. Souvenons-nous combien il fut difficile de convaincre un éditeur de publier l’oeuvre d’Eugenio Montale ou encore celle d’Andrea Zanzotto, rappel qui prête aujourd’hui à sourire. Trois publications récentes attestent d’un tel intérêt.

Nelo Risi
De ces choses qui dites en vers sonnent mieux qu’en prose trad. de l’italien par Emmanuelle Genevois Buchet Chastel éd., 143 p., 10 E

Patrizia Cavalli
Mes poèmes ne changeront pas le monde trad. de l’italien par Danièle Faugeras et Pascale Janot Préface de Giorgio Agamben Des femmes – Antoinette Fouque éd. 489 P., 23 E

Léonardo Sinisgalli
J’ai vu les muses trad. de l’italien par Jean-Yves Masson Arfuyen éd., 209 p., 19 E

Patrizia Cavalli

Les poèmes de Patrizia Cavalli, parmi les plus traduits en France, sont agrémentés d’une préface du philosophe Giorgio Agamben dont l’intérêt pour la poésie est aussi ancien que attesté. Souvenons-nous notamment de ses écrits sur le Franc-tireur et le Comte de Kevenhüller de Giorgio Caproni ou, encore, de l’édition du recueil posthume du même, par exemple.

Dans un court mais dense préambule de quelques pages alertes, l’auteur de Stances, par un faux détour qui le ramène très tôt à son objet, s’essaie à définir le genre poétique reconduit à une opposition de l’hymne et de l’élégie dont l’oeuvre de Cavalli constituerait la confluence « sans restes ». La langue de Patrizia Cavalli apparaît au philosophe comme « la plus fluide, la plus continue et la plus quotidienne de la poésie italienne du vingtième siècle ». Mais alors, que dire alors de celles de Sandro Penna ou du premier Ungaretti ? Le philosophe d’ascendance heideggérienne, envisageant donc la poésie comme un « après » de la philosophie, y reconnaît également une « ontologie brutale et hallucinée ». Une « brutalité » excluant tout excès et confinée au grammaticalisme serait-on tenté de dire.

N’en demeure pas moins, à l’évidence, une écriture poétique particulièrement cristalline, économe au point de frôler le dessèchement et parfois campée à l’orée d’une raréfaction minimaliste extrémiste.

La contemplation, l’observation des choses du monde, et de soi, caractérisent ce parti-pris, comment dire ? essentialiste ? tout à la fois inextricablement introspectif, mais refusant l’anamnèse, et néanmoins radicalement descriptif. L’omniprésence d’une instance analytique raisonnante, renvoie bien, sans vouloir résonner, à une forme inédite d' »hallucination » (Agamben) où l’oeuvre de Nathalie Sarraute transparaît souvent en filigrane. Coupants et anguleux, abstraits, rivée à un concret proliférant, et de ce fait tout à la fois vigoureux et dévitalisés, les vers de Mes poèmes ne changeront pas le monde, semblent tenter d’aider un sujet à se construire en l’abandonnant à une poésie effleurant l’aphorisme et multipliant de menus paradoxes logiques. Car nous sommes aux antipodes du vertige ménagé par un Borges ou un Juarroz. Ce « parti pris des choses » si particulier constitue à l’évidence le plus prodigieux rempart que Patrizia Cavalli oppose obstinément à l’instabilité de tout vécu, à la terreur du « je » comme à toute confession incidente. Elle ne compose avec le monde qu’en le décomposant d’observations en dissimulations selon les protocoles d’une « loi des silences » d’autant plus déconcertante que son secret se révèle à l’évidence dépourvu de tout mystère : Je me récite (…) la vie comme un mètre avec les centimètres,/ je vois même sa couleur jaune./ j’en mesure la longueur, j’avance dans l’espace, / il ne me reste qu’à trouver un pouce et alors je me lève, /je fonce vers mon café au lait. La force du rejet du monde et de l’autre fait comme allusion à une fragilité indéfinie. Est évacuée du même coup l’ambiguïté consubstancielle au genre poétique. Une raison raisonnante emballée apparaît parfois campée au bord d’un site banalement paranoïde agrippé avec effort et volontarisme à la grisaille du quotidien. Une sorte de malaise et d’asphyxie en résulte, « automatiquement » car tout se veut cisaillante géométrie à vide et même désymbolisée. Dans cette infinie dissection du presque rien, nous ne sommes pas loin d’une sorte de Violette Leduc versificatrice. Un neutre presque absolu, en effet.

Philippe Di Méo

Antoinette Fouque sur France Culture, Week-end littéraire au Château de Cirey, Catherine, Pomme, Hacina, Julie, Monia et les autres…

9622.jpgEn dépit de cette catastrophique météo marquant l’ouverture du mois de juillet à Paris, je forme l’espoir de réussir à éveiller votre enthousiasme, voir à toucher votre sensibilité, en vous faisant partager les quelques ingrédients de la semaine qui nourrissent mon énergique optimisme quant aux proche avenir des Editions Des femmes. 1) (RAPPEL) Antoinette Fouque sera donc demain, jeudi 5 juillet, l’invitée de Francesca Isidori, de 10 h à 11 h, dans « Affinités électives » sur France Culture (93.5 à Paris). La fondatrice des Editions Des femmes reviendra sur son parcours de combattante, sur son oeuvre et évoquera la sortie de son livre-événement, « Gravidanza » – l’anti « No Kid » de Corinne Maier. L’émission sera multidiffusée le samedi + disponible à l’écoute sur le site internet : http://www.radiofrance.fr/chaines/france-culture2/emissions/affinites/index.php

2) Catherine Weinzaepflen, l’auteur de « Am See » (réédition d’un ouvrage qui avait obtenu un grand succès de presse en 1985 chez Flammarion), sera également demain à la radio dans les « Jeudis littéraires » de Philippe Vannini de 10 h à midi sur Aligre Fm (93.1 à Paris). Ce même écrivain avait déjà été reçue par Françoise Objois dans son émission « Traverses » sur Radio Campus le samedi 9 juin de 13 à 14 h. L’émission (106.6 Mhz dans le Nord Pas de Calais) avait été d’une immense qualité. Bravo à elle !

3) A souligner l’article de Bruno de Cessole sur « Souvenirs 1843 – 1854 de Juliette Drouet » collectés par Gérard Pouchain dans « Valeurs actuelles » et celui de Robert Maggiori sur « Lou Salomé, génie de la vie » de François Guéry dans « Libération ». Je suis si heureuse de ces articles que je vous les recopie dans de prochains posts afin de vous donner l’eau à la bouche sur ces deux ouvrages de et sur une femme de lettres et je remercie chaleureusement les deux journalistes auteurs.

4) Les Editions Des femmes seront en lumière le week-end du 7 et du 8 juillet lors d’un nouvel événement littéraire au Château de Cirey, en Champagne. Pomme Jouffroy ( « Res Nullius« ), François Guéry (« Lou Salomé, génie de la vie« , Hacina Zermane « Sheh, bien fait pour toi ! ») et Catherine Weinzaepflen ( « Am See« ) seront du voyage, dédicaceront leurs livres et en liront des passages autour du thème « Femmes d’Histoires, Histoires de femmes ». La comédienne Julie Debazac lira quant à elle un passage de son livre audio « Stella » d’Anaïs Nin. Ce week-end d’esprit décontracté, dont Elisabeth Badinter est la marraine en 2007, rendra hommage à Emilie du Châtelet, Louise Michel et Yvonne de Gaulle. Héloïse d’Ormesson, Danièle Bour et Xavière Gauthier seront à l’honneur. (Antoinette Fouque, qui travaille trop en ce moment pour avoir le temps d’y participer, le sera l’année prochaine). Pour en savoir davantage, jetez un coup d’oeil sur le blog de l’organisateur, Yannick Pénagos : http://laparlote.skyrock.com/

5) L’amitié que idFM Radio Enghien 98.0 FM nous témoigne fait chaud au coeur. Ma reconnaissance s’adresse en particulier à Jocelyne Sauvard ( www.jocelynesauvard.fr ) qui a interviewé Patrizia Cavalli (« Mes poèmes ne changeront pas le monde« ) avant que la poétesse ne reparte en Italie samedi dernier dans son émission « Parlez-moi la vie » de 16 h 30 à 18 h 30 et à Noëlle Veaux-Khoury, fidèle de l’actualité des Editions Des femmes, qui présente un « Féminoscope » de 15 h à 16 h le lundi.

6) Monia Haddaoui >(« Ils ont lapidé Ghofrane » http://ghofrane.ifrance.com/), suite à sa jolie rencontre avec Jean-Pierre Allali à Radio Juive dimanche dernier, a été mise en contact avec le célèbre éditorialiste du Figaro Ivan Rioufol. Un dîner-débat avec et autour de celui-ci aura lieu ce jeudi 5 juillet (quelle actualité ce même jour !) dans le 8ème arrondissement de Marseille. Monia Haddaoui aura l’occasion de s’exprimer sur la barbarie qui a frappé la chair de sa chair. Envoi des livres cités dans la suite de mon texte sur simple demande (mentionnant une adresse postale !) à presse.desfemmes@orange.fr.

Patrizia CAVALLI SUR ALIGRE.FM ET Antoinette FOUQUE SUR FRANCE CULTURE

Bonjour,

Avant de vous laisser découvrir – avec gourmandise je l’espère ! – le programme du mois de septembre 2007 des Editions Des femmes (sept argumentaires la pièce jointe à ce courriel), je prends le soin de vous rappeler que Patrizia Cavalli (« Mes poèmes ne changeront pas le monde« ) sera reçue sur Aligre.Fm (93.1 pour les Parisiens) dimanche 1er juillet par Michele Canonica et Philippe Vannini dans « L’Italie en direct » >(émission née en mai 1997 d’une initiative commune du Consulat Général d’Italie et de la Chambre de Commerce Italienne pour la France, avec la participation de l’Union Latine) de 10 h 30 à midi. Soyez patients, car la poétesse s’exprimera essentiellement dans la dernière demi heure (11 h 30 – 12 h) ; elle aura notamment l’occasion de lire deux de ses poèmes.

ENCORE PLUS IMPORTANT : Antoinette Fouque sera l’invitée de Francesca Isidori jeudio 5 juillet sur France Culture (93.5 pour les Parisiens). « Affinités électives » est un programme radio d’une qualité inouïe, du même niveau que jadis « Le bon plaisir » (le passage d’Antoinette Fouque – trois heures ! – au « Bon plaisir » en 1989 est édité en livre audio dans sa maison d’édition). L’intérêt pour vous de suivre cet entretien, qui sera diffusé sur les ondes de 10 h à 11 h, entre l’auteur de « Gravidanza » et la journaliste tient notamment au choc de leur « vraie » rencontre. Profonde. Exceptionnelle. De celles qui donnent de la chaleur et de l’avenir à la vie. Faites-moi confiance et écoutez……………………………

Respectant la promesse émise comme objet de mon courriel, je vous laisse avec l’annonce du programme de nos parutions de septembre 2007. N’oubliez pas que les quatre argumentaires de livre papier, les deux argumentaires de livre audio de notre collection pionnière du genre « Bibliothèque des voix » et l’argumentaire du second (après Maître Kiejman) DVD de notre nouvelle collection « Bibliothèque des regards » se trouvent réunis au sein de la même pièce jointe.

N’hésitez pas à me joindre à presse.desfemmes@orange.fr ou au 06.84.36.31.85 pour tout complément d’information ainsi que pour émettre tout souhait de réception d’un ou de plusieurs de nos titres de rentrée.

Avec mes très vifs remerciements pour votre attention (pensez à mon blog http://editionsdesfemmes.blogspirit.com … si le coeur vous en dit !),

Septembre 2007

Livres :

A l’horizon d’un amour infini
Laurence Zordan

Maternité et sexualité. Étude psychanalytique et psychosomatique
Marie Langer

Cher Voltaire
Mme du Deffand – Voltaire

Hosto Blues
Victoria Thérame

Livres audio :

Lettres
Juliette Drouet
Lu par Liane Foly.

Une femme
Sibilla Aleramo
Lu par Emmanuelle Riva.

DVD :
Amazonie, la vie au bout des doigts
Stéphanie Pommez

Patrizia Cavalli au CENTRE Culturel Italien + sur Aligre.FM

Un émile express d’abord pour remercier de leur présence tous ceux d’entre vous qui se sont déplacés mercredi 27 juin à l’Institut Culturel Italien pour écouter la lecture de Patrizia Cavalli. Un moment de beauté totale fait de pages soigneusement choisies au sein du recueil « Mes poèmes ne changeront pas le monde » (Editions Des femmes).

Notons que Patrizia Cavalli a été introduite au public par le directeur de ce superbe lieu, son excellent ami, Giorgio Ferrara, comme « la plus grande poétesse des 50 dernières années ».

Sa traductrice, Danièle Faugeras, et toutes les personnes des Editions Des femmes se sont notamment réjouies aux côtés des Italiens du très grand succès de cette enchanteresse soirée. L’oeuvre de Patrizia Cavalli, spécialement mélodieuse, profonde par superficialité et réciproquement (je me comprends ! Lisez la préface de Giorgio Agamben pour mieux me suivre), a été mise en valeur par la simplicité, le talent oratoire et l’humour de notre auteur.

Que vous ayez aimé cette soirée au point de vous impatienter d’en revivre une aussi riche en émotions en compagnie de Patrizia Cavalli, ou que vous ayez malencontreusement raté celle-ci, vous êtes à nouveau invité (e) CE SOIR, JEUDI 28 JUIN, à une nouvelle lecture de la poétesse, accompagnée par sa traductrice, à partir de 19 heures dans un endroit différent : LE CENTRE CULTUREL ITALIEN, 4 rue des Prêtres Saint-Séverin, Paris 5ème. Métro Saint-Michel ou Cluny la Sorbonne (téléphoner éventuellement pour s’inscrire au 01.46.34.27.00)

Je souligne que Antonio Francica, le directeur du Centre Culturel Italien, qui reçoit à son tour la poétesse, possède le génie des entretiens avec les écrivains réussis. Un verre de l’amitié, levé à l’amour de l’Italie, sera à nouveau offert par les éditions Des femmes à l’issue du « spectacle ». Patrizia Cavalli est si « vivante », autant que sa poésie est « incarnée », qu’elle ferait une comédienne fabuleuse.

La soirée sera très différente de celle de l’Institut : l’endroit est ce soir aussi simple que convivial. Il s’agit essentiellement d’une école de langue, indépendante. Les poèmes lus seront également différents de ceux d’hier.

Vous retrouverez aussi Patrizia Cavalli dimanche matin, (le 1er juillet) sur vos ondes, de 10 h 30 à midi, dans la géniale émission de Michele Canonica « L’Italie en direct » sur radio Aligre.FM (93.1)

Pour réception de l’ouvrage à critiquer, toute ma reconnaissance anticipée pour m’adresser une demande à presse.desfemmes@orange.fr

A très vite

COCKTAIL INSTITUT CULTUREL ITALIEN

Les éditions Des femmes viennent de décider d’offrir UN COCKTAIL à la suite de la lecture des plus belles pages du recueil « Mes poèmes ne changeront pas le monde » de PATRIZIA CAVALLI à l’Institut Culturel Italien, mercredi 27 juin à 20 h.

Rappel de l’adresse de l’Institut Culturel Italien : 73, rue de Grenelle – Paris 7ème. Métro Rue du Bac.

Afin d’avoir une idée du nombre de personnes intéressées, je vous remercie de téléphoner de toute urgence pour vous inscrire au 01.44.39.49.39

N’hésitez pas à emmener vos amis ! L’occasion de rencontrer une grande poétesse italienne ne se représentera pas de sitôt ! Il faut en profiter ! Je compte sur vous ! (argumentaire du livre en pièce jointe)

« Ce poète désenchanté et presque préhistorique, maître hors pair du vers et de la rime intérieure (…) est parvenu à retrouver l’unité de parole et de forme de vie que les Anciens appelaient « muse » et a écrit la poésie la plus intensément « éthique » de la littérature italienne du vingtième siècle. »Giorgio Agamben sur Patrizia Cavalli.

Aves ma respectueuse sympathie,

Lectures Patrizia Cavalli + Prix Académie Charles Cros

Buongiorno !

Un petit émile pour vous inviter à deux manifestations littéraires constituant l’actualité* la plus divertissante des Editions Des femmes à la fin du mois de juin…

1) L’une des plus grandes poétesses italiennes contemporaines, Patrizia Cavalli, sera de passage à Paris à la fin du mois. Vous pourrez assister à ses lectures de poèmes dans deux endroits singuliers à la culture italienne de Paris, à des dates différentes. Pour chacune des deux soirées, des pages du recueil « Mes poèmes ne changeront pas le monde », qui vient de paraître et auquel le célèbre Giorgio Agamben s’est montré réceptif au point de le préfacer, seront lues par Patrizia Cavalli, présentée par sa traductrice, Danièle Faugeras. Vous avez le choix entre participer à l’une, à l’autre ou deux de ces rencontres :
Mercredi 27 juin à 20 h à l’INSTITUT Culturel Italien, 73 rue de Grenelle, Paris 7ème. (téléphoner ABSOLUMENT pour s’inscrire au 01.44.39.49.39)
ET / OU
– Jeudi 28 juin à 19 h au CENTRE culturel Italien, 4 rue des Prêtres Saint-Séverin, Paris 5ème. (téléphoner éventuellement pour s’inscrire au 01.46.34.27.00)

(Ces deux soirées consécutives ne seront pas semblables. Pour ceux qui ne connaissent pas, l’Institut est plus « pompeux » – une splendeur totale, très luxueux – et la lecture devrait y avoir lieu en jardin. Le Centre (en fait, une école indépendante pour apprendre la langue de Dante) est plus « convivial », un verre de vin vous y sera offert et la discussion avec la poétesse plus aisée.)

2) De jeudi 21 à jeudi 24 juin, les Editions Des femmes disposeront d’un stand au 25ème Marché de la Poésie, Place Saint-Sulpice. http://poesie.evous.fr/ Dans le cadre de la 30ème Foire Saint-Germain, vous aurez l’occasion si vous nous rendez visite de vous faire par vous-même une idée de l’esprit et des livres de notre maison, puisqu’ils y seront tous exposés et à la vente. Ouverture à 14 h le jeudi, à 11h30 les autres jours, et très tard le soir (23 h, sauf le dimanche 20 h). Notez que le dimanche 24 juin, à 17h30, sera remis le prix Coup de coeur parole enregistrée de l’Académie Charles Cros, pour lequel « notre » Julie Debazac a été l’an dernier récompensée avec son « Stella » d’Anaïs Nin. http://www.charlescros.org/
En 2007, deux des productions des Editions Des femmes seront récompensées par cette institution de prestige : notre livre audio « La maladie de la mort » de Marguerite Duras lu par Fanny Ardant ET le DVD-livre de Maître Georges Kiejman, « Les grands procès de l’Histoire ».

Bien à vous,

* (quand l’actualité sérieuse et essentielle est la sortie de « Gravidanza », le second tome de l’essai de féminologie d’Antoinette Fouque)