Texte de Claudie Cachard témoigne sur son expérience dans le catalogue des trente ans des éditions Des femmes

cachard.jpgcatalogue.jpgJ’ai reçu la nouvelle d’une reprise de l’activité éditoriale des Editions Des femmes avec un soulagement à la mesure du regret de ne plus les savoir éditrices, oeuvrant sur les terrains où elles s’étaient tant engagées. Promesse nouvelle en faveur d’ouvrages passés, présents, à venir, cette décision est porteuse de leurs partages et transmissions.
Tel, déjà, ce livre-anniversaire, consacré à des vies de livres et à des textes actuels poursuivant leurs chemins ou en empruntant d’autres. Presque vingt années se sont écoulées, depuis qu’un premier manuscrit gravit l’escalier de la rue de Mézières et fut, sans autre contact préliminaire, déposé aux Editions Des femmes.
 
Quel pouvait être, alors, le mouvement incitant ma voix intérieure du moment à dépasser ses réserves, pour faire état de convictions l’engageant à ne plus rester limitée aux cercles clos de l’intime ? Elle m’avait auparavant, invitée à l’écrit, passage et alliance possibles entre mes deux langues maternelles aux prises avec d’inépuisables concurrences… Faufilés dans l’écrit, les accents de l’étrangère, la Hongroise, ont pu y parcourir la française, restreinte aux partages du dehors. La voix intérieure avait déjà obtenu d’autres gains de cause. « Deviens psychiatre et psychanalyste. Décris ce que tu sens et penses. Pense et sens ce que tu écris… Chemine où cela te convient, comme tu es. Au carrefour, entre raisons et déraisons, les existences souffrantes témoignent de singulières pluralités humaines… »
Ce premier livre prenait ses distances avec des logiques psychanalytiques réticentes à de nouvelles orientations de pensée. Il insistait en faveur d’une psychanalyse dont les spécificités consistent précisément à mettre les fantasmes en question et non à confirmer des théorisations devenues intouchables. « Publie moi », osait donc demander cet ouvrage personnel. Naïvement, il semblait même, alors, ignorer ses proximités avec des questionnements proches poursuivis aux Editions Des femmes… L’accord fut obtenu, rapide et sans réserves, offrant à L’Autre Histoire la charge – mais n’était-ce pas plutôt la chance, ou encore l’honneur – d’inaugurer en 1986 une collection intitulée « La psychanalyste » dirigée par Antoinette Fouque.
En 1989, Les Gardiens du silence continuent ce cheminement critique. Largement lu, puis devenu indisponible, ce livre a poursuivi son trajet en Hongrie, où l’éditeur de psychiatrie et de psychanalyse, Animula, l’a publié en 1999, sous le titre A csend örzöi, Les veilleurs du silence. (…)
Paraître chez les femmes, comme il se disait alors, conciliait voix intérieure et ex/position de questionnements-limites tout en confirmant l’intérêt de recherches concernant les confins du psychisme. (…)
Entre dedans et dehors, entre singulier et pluriel… des entre-nous se rencontrent là où des identités en mouvement invitent aux appels des terres d’incertitude.
Des parcours longent leurs lignes de crête et y tracent des chemins. Ecrits et publiés, devenus geste de passage, ils se partagent, à livre ouvert.
C.C.

« Les Gardiens du silence » de Claudie Cachard

cachard.jpgClaudie Cachard
Les Gardiens du silence
260 p. – 17,50 € – 1989

La psychanalyse n’est condamnée ni au conforme, ni au déclin. Elle est, à ce jour, l’une des approches les plus attentives et respectueuses du psychisme humain. Il importe de souligner alors que se font des choix qui engagent l’avenir de l’espèce.
Au fil du temps, nul n’évite les épreuves qui font partie de l’ordinaire des vies. Deuils et ruptures, maladie et mort à venir, folie aussi, écartée et méconnue d’être si proche, présente au cœur même de chacun. Certains, quant à eux, ont vécu le pire dans leur chair. Soumis à l’horreur inventée par des hommes pour l’imposer à d’autres.
Quand l’Insensé domine, les Gardiens du Silence sortent de leur réserve et se révèlent à l’œuvre, sans mot dire. Ce livre qui leur est consacré, pour tenter de les entendre et de les écrire, n’est pas réservé aux seuls initiés. Il associe le souvenir à l’invention, la réflexion à l’autobiographie, la dimension  » clinique  » aux données socio-politiques pour envisager  » des zones entourées d’interdits, de réticences profondément enracinées ». Nul n’aime entrevoir des proximités entre deuil et volupté, meurtre et trésor, création et psychose grave. Nul ne tient à envisager de trop près de quoi il retourne, aux confins de soi-même, là où se nident les ressources troublantes et fondamentales qui contribuent à maintenir sa propre existence. « 

« L’Autre histoire » de Claudie Cachard

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Claudie Cachard
L’Autre histoire
Préface de Maria Torok
207 p. – 16,50 € – 1986

Comment présenter l’autre histoire ?
Texte d’écrivain, texte de psychanalyste ?
La langue de bois, les idées toutes faites appauvrissent et rigidifient trop souvent les écrits psychanalytiques.
Ce livre n’est pas un ouvrage réservé aux professionnels de la psychanalyse. C’est un récit concernant les œuvres de l’inconscient autour des sexes, de la naissance et de la mort. Créations à chacun singulières, mais dont les ancrages communs permettent à tous de les entendre et de les partager.
Une critique de l' »organisation phallique » impulse des mouvements qui ressourcent la théorie et la pratique psychanalytiques dans des terres insolites où se retrouvent, entre autres, les traces de Ferenczi.
L’auteur propose de considérer comme autant d’aventures analytiques les étrangetés fondamentales et familières dans lesquelles se constituent et se maintiennent les vies humaines. Invention et dévoilement, questionnement et liberté psychique sont au cœur même de toute recherche psychanalytique. C’est d’ailleurs cette seule recherche qui lie patient et psychanalyste, s’offrant l’un à l’autre leurs découvertes et leurs créations. Claudie Cachard a choisi d’en transformer le chant, plutôt que la clinique : l’aura plutôt que la science.
Pour Claudie Cachard, la psychanalyse ne peut être que création personnelle et continue. Médecin, psychiatre, psychanalyste sont ses inscriptions de fait sans que s’acceptent, pour autant, les conformités d’école.
Française-hongroise — double appartenance originaire — les deux langues maternelles la situent à la fois là et ailleurs, en quête d’autres histoires et d’autres modes de formulation.

Claudie Cachard, Les gardiens du silence (2006) dans la Revue EMPAN (mars 2007)

EMPAN, Prendre la mesure de l’humain

Des femmes et des hommes : un enjeu pour le social ? numéro 65, revue trimestrielle mars 2007

Notes de lecture

Les gardiens du silence

Cachard, C. 2006. Paris, Editions Des femmes 208 p.

C’est ce très beau titre qu’a choisi Claudie Cachard pour son second livre qui vient d’être réédité aux Editions Des femmes. Claudie est psychiatre et psychanalyste, et anime depuis maintenant vingt cinq ans le groupe Corps Psychose Psychanalyse.

Comment rencontrer ceux qui se taisent radicalement n? Comment donner une place psychanalytique à ce qui se dit en silence ? Ce sont les questions que posent ce livre.

Mais les Gardiens du silence, c’est d’abord une écriture qui nous prend par la main et nous emmène vers les lieux où la parole est vacante. Nous n’y sommes pas seuls. L’auteur est là, bordant les espaces en même temps qu’elle les approche ou les désigne. Par cette écriture singulière, précise, ne fuyant aucun détour et comme portant le lecteur, ce sont des lieux singuliers que notre lecture arpente et découvre.

C’est ainsi que garder le silence se retourne, et nous entendons alors combien il est possible d’être gardé par le silence. On pourrait dire aussi « veillé par le silence » et rejoindre ainsi le titre que ce livre porte dans sa traduction hongroise : « Les Veilleurs du silence »…

Ce que Claudie soutient est à la frange, au bord de la psychanalyse et aborde « les zones limites où le corps fait psychisme et où le psychisme fait corps » et « le fonctionnement psychique de dernière chance s’acharnant à traiter l’intraitable ». Le livre étudie les réponses psychiques que chacun a construites dans les situations extrêmes, et cherche à « reconnaître certaines analogies concernant les réponses fantasmatiques dont disposent les humains face à la souffrance grave et à l’irrémédiable. »

La question d’être le seul survivant, la culpabilité qui en résulte, mais aussi la toute-puissance qu’on trouve à se construire soi-même comme une crypte ou un tabernacle protégeant ses morts pas morts.

L’auteur ne refuse pas les questions, mais au contraire les considère chacune et les met à plat, envisage les dénis, les protections, la jouissance liée à la souffrance, « la terreur toute proche de la jouissance » ou la frontière « de l’horreur au sublime ».

Le livre a dix-sept ans. Il est étonnamment jeune et frais, adolescent peut-être. Il rejoint à sa manière propre certaines recherches actuelles et thérapeutes ayant longuement fréquentés les psychotiques, et donne son éclairage particulier et original sur ces questions difficiles.

Blandine Ponet

« Les gardiens du silence » de Claudie Cachard

Les gardiens du silence

Claudie Cachard

Réédition augmentée

Collection La psychanalyste

Office 21/04/ 2006

Partant d’une interrogation sur son travail de psychanalyste, Claudie Cachard s’intéresse aux « folies privées » qui habitent chacun d’entre nous, ces territoires qui ont pour spécificité de ne pas pouvoir être atteints par les mots. Il y a toujours en nous une part de silence irréductible : en psychanalyse aussi, qui pourtant s’attache à faire advenir les mots là où le silence s’obstine. Et, même pour le psychanalyste, l’expérience psychanalytique est constituée par ce que l’auteure appelle les « folies privées », cet espace intime inexplorable par les mots. L’auteure s’intéresse plus particulièrement dans cet essai aux territoires psychiques silencieux par excellence que sont les expériences extrêmes (le deuil précoce, les camps), ces limites de l’humain inaccessibles à la parole.

Claudie Cachard, d’origine hongroise, est psychiatre et psychanalyste.
Ses travaux portent sur la double appartenance, la double culture, le bilinguisme, l’exclusion et la folie.
Elle a publié L’Autre histoire : questions de vie et de mort (Des femmes, 1986), Les déraisons de vivre (Calmann-Lévy, 1995), Etrangetés radicales et folies ordinaires (Erès, 1998), Mais la folie demeure (Le Rocher, 2003).
La première édition des Gardiens du silence a été publiée aux Editions Des femmes en 1989.