Francine Keiser, exemple réussi de la reconversion professionnelle après 55 ans

Après 50 ans la reconversion professionnelle est-elle encore possible ?

Marc Alpozzo et Francine Keiser

Entretien avec Francine Keiser

À l’heure où une très grande partie des Français se mobilisent contre la réforme des retraites et le rehaussement de l’âge légal de 62 à 64 ans, refusant obstinément de travailler 24 mois supplémentaires dans leur vie, cette hostilité manifeste au travail étonne et interroge tout autant. La valeur-travail serait-elle devenue désuète ?
C’est en tout cas une question qui mérite d’être posée en ces temps de crises majeures, économique, écologique et existentielle. On reproche souvent aux salaires, à juste titre, d’être trop bas, de ne plus suivre le coût de la vie, et aux emplois d’être vidés de leur sens, ce qui conduit beaucoup de Français à ne plus vouloir travailler, ou bien à se reconvertir dans une activité de leur choix, plus proche de leurs aspirations initiales.
Est-ce si irréaliste ? Peut-on rêver de se reconvertir et de travailler mieux, dans un métier plus en accord avec sa personnalité ? Y a-t-il un âge limite à la reconversion. Francine Keiser a changé radicalement de voie, et a accompli une reconversion réussie à plus de 55 ans. C’est une personnalité atypique, avec deux parcours professionnels très opposés mais réussis toutefois. Une inspiration possible pour l’ensemble d’entre nous.

A l’heure où de nombreux Français en colère manifestent contre le report de l’âge de la retraite à 64 ans – nouvelle loi qui vient d’être promulguée par Emmanuel Macron – vous êtes l’exemple inverse puisque vous venez de démarrer après 55 ans une seconde vie professionnelle. Vous ne semblez pas prête à vouloir cesser de travailler.

Avez-vous d’ailleurs l’impression de travailler depuis que vous êtes créatrice de mode ?

Je ne perçois absolument pas mon travail créatif comme étant du travail. C’est une flamme intérieure qui me pousse et qui ne s’éteint jamais. Une énergie me porte. C’est mon ADN. Ma reconversion est un grand épanouissement. Mon cerveau n’est jamais au repos. Le matin, mes premières pensées de la journée vont aux créations que je veux réaliser. C’est mon ikigai, comme disent les Japonais – ce qui me fait me lever le matin.  S’ensuivent toutes les activités autour de la mise en œuvre, la production, le financement, la commercialisation et la distribution. C’est le « mal nécessaire » pour donner une existence à mes créations, pour les partager avec le reste du monde, pour les faire vivre… survivre. C’est vital pour pouvoir continuer. Ce ne serait pas juste de dire que je ne le perçois pas comme un travail. Ma nouvelle activité requiert beaucoup d’efforts et des tâches pas toujours les plus amusantes. Il y a des hauts et des bas à gérer. Mais ce sont mes créations qui motivent mon travail et c’est le travail qui honore mes créations et qui me permet de continuer à créer. Un ensemble vertueux !

Dans Lettres à un jeune poète, Rilke disait « Une œuvre d’art est bonne quand elle est née d’une nécessité ». Avocate d’affaires à succès jusqu’à très récemment, votre prestigieuse carrière fait rêver beaucoup de gens. Et donc vous avez fait le choix de tout quitter pour vous jeter dans l’aventure de la création d’une entreprise de prêt à porter de luxe. Qualifieriez-vous cette réorientation de lubie ou d’impérieuse nécessité ?

La créativité est le fruit d’une nécessité de s’exprimer. C’est un cri, une libération, un envol. La mode est un art, chaque pièce créée est une œuvre d’art. Le créateur de vêtements, comme tout autre artiste, a une histoire à raconter. Il y met son âme. Chaque pièce porte l’ADN du créateur. La création n’est achevée qu’au moment où je ressens une parfaite harmonie entre la pièce et moi-même ; un calme s’installe.  Une bonne collection est celle dans laquelle on reconnaît au premier coup d’oeil l’ADN du créateur qui constitue un fil rouge.

Une fois qu’on commence à commercialiser ses créations, on fait face à l’influence de l’extérieur. Les gens me demandent pourquoi je ne fais pas, dans une prochaine collection, ceci ou cela. C’est très tentant, c’est un dilemme, parce qu’on veut plaire…et il faut aussi gagner sa vie. Je résiste aux pressions. Je ne supporterais pas que le fruit de mon travail ne soit pas 100% moi-même. Et puis je réalise, mes créations plaisent aux autres parce qu’elles reflètent quelque chose d’inexplicable, quelque chose qu’ils ressentent mais qu’ils n’arrivent pas à décrire.

La décision de changer de milieu professionnel mûrissait-elle en vous depuis longtemps ? Quel fut le déclic pour vous lancer ?

C’est une promesse que je me suis faite à moi-même, relativement tôt dans ma carrière d’avocate, que je changerai de métier à la moitié de ma vie. Je ne voulais pas, deux jours avant ma mort, être confrontée à la question « Comment aurait été ma vie, si j’avais fait d’autres choses ? » Peut-être mon serment de jeunesse a-t-il été motivé par une leçon de vie que j’ai retirée du roman magnifique « Train de nuit pour Lisbonne » de Pascal Mercier. Il y décrit l’agonie d’un homme lorsqu’il se rend compte qu’il n’aura plus assez de temps à vivre pour apprendre à jouer sur son Steinway, qu’il y a des expériences non vécues qui auraient rempli sa vie s’il les avait tentées et sans lesquelles sa vie restera à jamais incomplète. Je prenais ma promesse très au sérieux et je n’avais aucun doute que je la tiendrais. Par contre, lorsque la date approchait, je commençais à en parler dans mon entourage, et personne ne me prenait au sérieux. On pensait que c’était un état d’âme, une lubie. Plus tard, quand cela s’est concrétisé (et je devais vraiment me battre pour me faire entendre), personne ne me comprenait. Personne ne me soutenait dans ma décision. J’avais l’impression d’être laissée seule contre le courant. J’ai résisté et j’en suis tellement fière et heureuse maintenant.

En vous inscrivant en CAP couture après des années passées à travailler chez Linklaters, avez-vous eu l’impression de laisser derrière vous toute votre vie d’avant ? Ou avez-vous réussi la fusion entre vos deux mondes, les affaires et la mode ?

J’ai aimé la profession d’avocat, je l’ai exercée avec passion. Je l’ai quittée au moment où j’avais atteint le sommet de ma carrière, pour goûter à d’autres aventures. Pour me concentrer sur toutes les passions que je ne pouvais pas assouvir pendant l’exercice de ce métier. J’avais tout réussi et j’ai tout laissé derrière moi. Pour se reconvertir, il faut couper le cordon, il faut lâcher prise complètement. C’est un processus qui prend du temps. Il faut être en accord avec soi-même. Pour moi, la reconversion est achevée. Je me sens 100% créatrice, 100% artiste, mais plus avocat. Je vis une deuxième vie.

(Mon passé d’avocat d’affaires est certes d’une grande aide, notamment au niveau de la gestion de l’entreprise.  J’étais dans le comité de gestion d’un cabinet international. Pour moi, les principes de gestion restent les mêmes : avoir des objectifs clairs, définir les stratégies commerciales, gérer les risques, mener des équipes, innover. Ce qui est radicalement différent, c’est le côté artistique. L’artiste ne se pose pas de limites quand il crée.)

Dans La tyrannie du divertissement, le fondateur de l’Institut Sapiens Olivier Babeau expose de manière convaincante la manière dont la société actuelle utilise son temps libre de manière de plus en plus superficielle, en se contentant de divertissements plutôt que de chercher à s’enrichir ou à apprendre. Au fond, avez-vous souhaité une seconde vie professionnelle pour échapper à ce funeste sort qui est la conséquence de notre société de consommation ?

Je suis d’avis que tant qu’un être humain a le désir d’apprendre, il reste jeune. Apprendre, c’est l’envie d’évoluer et de continuer. Celui qui ne ressent plus le besoin d’apprendre se rapproche de la mort. J’ai toujours eu beaucoup d’intérêts différents et, même si je n’étais pas décidée sur l’activité que je voulais poursuivre à l’issue de ma première carrière, une chose était sûre : je voulais à nouveau étudier. Je suis excitée de découvrir des nouvelles choses, des nouvelles sensations, des nouvelles satisfactions, une nouvelle forme d’épanouissement. Je pense que je serais capable d’apprendre 1000 choses complètement différentes. Tout s’apprend. Inutile d’envier les autres qui savent faire quelque chose que nous ne maîtrisons pas. Il faut juste s’y coller studieusement ! Peut-être que le défi est relevé à présent : je sais de quoi je suis capable. Et qui sait, peut-être la couture n’est-elle pas mon dernier défi ?

Si le stress est présent, mais différent dans sa nature à présent, diriez-vous qu’il est plus facile à supporter parce que vous avez le sentiment d’avoir suivi votre vocation laissant s’exprimer votre nature profonde ?

Tant qu’on fait ce qu’on veut faire, ce qu’on croit juste de faire et tant qu’on a la main sur ce qu’on fait, il n’y a pas de stress. Le stress découle des attentes qu’ont les autres de vous, de la peur de ne pas arriver à satisfaire ou à plaire, de ne pas réussir.

Les anciens Romains disaient « Aut liberi, aut libri » (« Nos livres sont nos enfants »), une manière de se projeter dans l’éternité, de laisser une partie de nous intime nous survivre. Francini_K est en quelque sorte votre bébé. Votre nouvelle vie d’entrepreneure donne-t-elle un sens supérieur à votre vie car elle vous permet de transmettre vos goûts artistiques ?

Dès qu’on crée, on concrétise une idée, on donne naissance à une œuvre. Elle existe, sous une forme ou une autre. Elle inspire, elle influence, elle est sujette à critiques, elle est copiée, elle rend heureux ou triste. Elle existe. Elle subsiste. Ce qui a été créé ne peut plus disparaître. Donner existence à une œuvre crée une immortalité. Oui, je pense que cela donne un sens supérieur à ma vie.  

La question de savoir si vous auriez pu directement vivre de votre art, en tant que créatrice de mode, vous a-t-elle effleurée ? Regrettez-vous vos années de droit ?

Je n’ai jamais rien regretté dans ma vie. Quand je fais un choix, il est motivé et je l’assume. J’ai adoré ma carrière d’avocate. Elle m’a formée, elle m’a épanouie, elle a fait de moi la femme que je suis maintenant. Je n’aurais pas voulu rater cette expérience de vie. Si j’avais commencé comme créatrice de mode à 20 ans, je ne serais pas la même personne aujourd’hui, mes créations seraient différentes. Je serais peut-être mondialement connue ou j’aurais abandonné, faute de succès. J’aurais peut-être déjà entamé ma deuxième carrière comme monitrice de ski, auteur de livres ou restaurateur. On fait des choses parce qu’on est une personne à un moment donné, à un endroit donné. Mais je ne me pose jamais cette question. Comme je ne me pose pas non plus la question de savoir s’il aurait été préférable d’avoir rencontré mon amour 20 ans plus tôt. On ne peut pas aller en arrière.

Propos recueillis par Marc Alpozzo

Francine Keiser a fait une maîtrise en droit des affaires à l’Université de Paris I, Panthéon Sorbonne et a vécu une carrière de plus de 30 ans comme Avocat à la Cour au Barreau de Luxembourg, associée dans un cabinet international (Linklaters). À 55 ans, elle décide de changer radicalement de vie et fonde Francini_K, une marque de prêt à porter de luxe pour femmes conçue au Luxembourg, produite en Europe. Déjà sélectionnée aux Fashion Weeks de Luxembourg et de New-York.

 

Babette de Rozières, une femme engagée – entretien dans Entreprendre

Babette de Rozières, une femme engagée

Babette de Rozieres (Photo by David Niviere/ABACAPRESS.COM)

Babette de Rozières est une star du petit écran, une grande cheffe, et une personnalité aimée des Français, très engagée politiquement. On l’a vue aux côté de Valérie Pécresse dans la campagne présidentielle, personne ne peut l’avoir ratée, et elle en a tiré récemment un livre, La face cachée de la politique en Ile-de-France (Orphie, 2023).

Marc Alpozzo : Vous avez d’abord été connue par la télévision, puis par votre engagement politique, votre pugnacité, votre courage. Votre livre retrace ce parcours assez logique finalement.

Babette de Rozières : Le décor est planté. Quarante-cinq ans de télévision, je crois que personne ne m’a ratée. Mon engagement politique me semble être la continuité, d’abord avec ma carte prise au RPR, puis mon implication personnelle, je sais que je suis de droite. Mais avant tout, est-ce que mon livre vous plait ? À propos de mon livre Henri Guaino a dit sur une antenne « tous les hommes politiques devraient lire le livre de Babette et en tirer des leçons »

Bien sûr, c’est un récit autobiographique avant toute chose, dans lequel vous justifiez vos positions politiques, pourquoi cet engagement, quels sont vos combats, et quelles ont été vos déceptions. Alors, ce qui m’a surtout intéressé, et c’est dans le titre même de votre livre, c’est la face cachée de la politique en Ile de France.

En effet le titre de mon livre reflète bien son contenu, que je raconte ce que j’ai vécu

 Je ne justifie pas mes positions politiques je ne règle aucun compte personnel non plus, je raconte mes 6 ans en politique auprès de Valérie Pécresse, ce que j’ai vécu dans l’arrière-boutique.

 J’explique les raisons du choix politique que j’ai fait l’an dernier le 8 mars 2022 sur les ondes ce CNEWS en pleine campagne présidentielle.

Je pense que beaucoup de gens n’ont pas compris à ce moment-là pourquoi je claquais la porte de la campagne présidentielle de Valérie Pécresse.

Il fallait que je leur explique que ce n’était pas un simple coup de colère, un petit différend personnel mais l’aboutissement d’une longue réflexion devant une accumulation de constats, de déceptions, d’humiliations de choses que je ne pouvais plus accepter

Ce n’est pas un livre de rancœur personnelle, c’est un livre qui pose un constat sur la vie politique.  

Pécresse vous demande de venir la rejoindre, mais vous n’acceptez pas immédiatement.

Elle a eu du mal au début, car je n’ai pas dit « oui » tout de suite. Et mon mari n’était pas d’accord.  Elle m’a approchée en 2014, pour une élection en 2015, parce qu’elle voulait tordre le cou au président sortant qui était socialiste, ce qui était tout à son honneur d’ailleurs, puisque la politique c’est d’abord un combat. Elle est donc venue me chercher, dans mon restaurant à Maule dans les Yvelines.  

Mon restaurant était devenu son lieu de prédilection ou elle organisait ses repas, (il me revient qu’à ce jour elle ne m’a pas encore payé le repas que j’ai préparé à sa demande pour 54 militants de son équipe de campagne à Maule dans mon restaurant pendant sa campagne présidentielle)

 Elle a usé de beaucoup de stratèges, elle savait comment me prendre par les sentiments, mais ça n’a pas marché tout de suite. J’ai attendu, j’ai réfléchi, on me déconseillait lourdement de la suivre mais à partir du moment où je prends une décision je ne reviens pas dessus, et j’y avais beaucoup réfléchi. Plus d’un an après, je lui ai dit « oui », ce qui a déclenché une explosion de joie, tout le monde a été au courant, elle m’avait mise 3e sur sa liste, puis très gênée elle est venue me dire que je serais 5e, parce qu’on lui avait demandé de prendre les écologistes, ce que j’avais compris, puis enfin, elle m’a proposé d’être tête de liste en Seine Saint-Denis, sauf que j’ai refusé car je ne suis pas née en Seine Saint-Denis, j’habite les Yvelines, donc j’ai refusé d’aller en Seine Saint-Denis. Ça s’est bien passé. Je me suis alors lancée dans la campagne, j’ai arrêté mes deux émissions de télévision ou je gagnais bien ma vie, je me suis investie à 100% à ses cotés.

 Et puis voilà, Babette c’est le faire-valoir, elle va partout, on ne peut rien faire sans Babette. Monsieur Stefanini, directeur de campagne, donne la consigne à tout le monde, vous ne faites rien sans Babette, partout ma tête, j’étais partout, j’ai même fait le sitting dans le 15e durant 24 heures avec Pierre Yves Bournazel qu’elle a aussi maltraité. La campagne s’est donc bien passée, elle me promet durant cette campagne la vice-présidence au tourisme et une fois qu’elle a distribué les postes, soudain Babette n’est plus là, je ne dis rien, puis elle me nomme déléguée spéciale à la « préfiguration » de la cité de la gastronomie, et lorsque j’ai réalisé que c’était une coquille vide, un hochet, j’ai compris qu’elle s’est foutue de moi et qu’elle m’a bien utilisée.

Comment expliquez-vous cela ?

Allons, vous posez la question, mais vous savez bien qu’une femme issue de la diversité, très populaire, j’étais la seule tête connue dans son équipe, je pesais lourd dans sa liste. Mais si j’ai décidé d’aller avec elle, c’est d’abord parce que j’avais aussi mes idées je ne suis pas naïve à ce point d’autant que j’avais vécu avec un homme politique de 1er plan cumulard maire sénateur et président à l’époque d’un conseil général.

 Deux choses me motivaient. Les Outre-mer, et un dossier que je détenais depuis quelques années sur la préservation et la promotion de la culture en Outre-mer. Je pensais que j’aurais une légitimité pour m’imposer et parler des Outre-mer et faire ce que j’avais envie de faire. J’avais donc un moyen de parler de mes citoyens. Je me suis donc dis aussi que j’allais créer un parcours de la gastronomie visant une visibilité sur les outre-mer, ce qui n’intéressait pas Valérie Pécresse. Lorsque je lui en parlais, elle changeait de conversation.

Ce que vous voulez dire, c’était que vous étiez surtout sa caution.

C’est exactement ça. Toute sa campagne reposait sur Babette. Je peux même vous dire que j’ai pesé très lourd dans cette campagne, et si je n’avais pas été dans sa campagne, je me demande encore si elle aurait été élue. Je le dis sans prétention et sans vantardise

À ce point, vous croyez ? Je vous laisse libre de vos mots. Il faut tout de même souligner que Valérie Pécresse, durant la campagne présidentielle, n’a pas été très brillante, si je peux m’exprimer ainsi sans être trop méchant.

C’est le moins que l’on puisse dire. Elle a été nulle, sans saveur, sans aucune densité humaine, seule sa pomme comptait. Elle utilisait tout le monde et ses adeptes étaient tous à ses pieds. Elle était trop habitée trop avide de pouvoir. Au ZENITH j’ai vu une rock-star arriver au ralenti, et ridicule « vous m’avez manqué » ; j’étais devant avec les élus, j’entendais les commentaires, c’était un grand moment de détresse.

Sa campagne n’a pas été très bonne, et cela lui a coûté cher. En plus de cela elle n’a pas été tendre avec Bourdin, pour ne pas dire qu’elle a été presque méchante avec ce journaliste, non ?

Écoutez, cher ami, sa campagne ne m’intéressait pas. Vous avez lu mon livre, vous avez vu que j’y parle surtout de la manière dont j’ai été traitée. J’y évoque également la façon dont elle traite les gens qui sont avec elle. Elle est formidable avec vous, tant qu’elle a un intérêt sinon elle vous presse comme un citron et quand il n’y a plus de jus elle vous jette c’est l’effet kleenex. Il faut savoir que Valérie Pécresse elle n’aime qu’elle.  Ses adeptes sont tous des moutons à ses pieds, c’est pour cela qu’elle s’imaginait indomptable, son arme absolue c’est le mensonge les menaces et son factotum Patrick Karam ce mauvais sujet malfaisant ce philanthrope des tropiques, son chien de garde qui puise dans son stock d’associations communautaires, qui constitue son fonds de commerce et qu’il entretient en promettant des subventions pour prouver à sa présidente amie  qu’il est capable de rassembler un large public.

Il fallait voir comment elle traite les gens qui travaillent avec elle. C’est pitoyable, c’est un vrai tyran, elle menace, elle promet mais elle ne tient pas sa parole.

Alors j’ai dit NON à l’arrogance, à l’indifférence, aux mensonges à la tromperie et j’ai claqué la porte. On s’engage en politique pour les autres pas pour avoir un titre un rond de serviette. La politique c’est un don de soi.

En effet, vous n’êtes pas tendre avec Valérie Pécresse dans votre livre. Ça m’a paru comme un règlement de comptes. Elle n’a pas été très brillante c’est vrai dans la campagne, et avec Bourdin, je l’ai trouvée presque méchante.

Brillante ? ridicule, oui. Je ne peux pas être tendre avec une femme qui veut être présidente de la république et qui ne savait même pas à combien est le seuil de pauvreté en France. Je vous l’ai dit ce n’est pas un règlement de compte, ce n’est pas le cas je vous rassure il n’y a ni aigreur ni rancune ni haine dans ce livre.  Je suis heureuse de ma vie de ce que j’ai fait et de ce que je continue à faire.  Lisez bien mon livre vous verrez que le choix que j’ai fait reposait sur des faits politiques précis. Je ne suis pas quelqu’un que l’on traite par le mépris. J’ai toujours su lui dire ce que je pense en toute franchise mais elle n’en faisait qu’à sa tête.

Avec Bourdin, en effet, elle a voulu se faire remarquer, faire du buzz pour attirer l’audimat et les électeurs mais malgré tout ça elle a fait un flop. En tout cas, je ne peux pas travailler comme cela. Je vais vous dire, Valérie Pécresse à la région a fait beaucoup de choses, parce qu’on était là, à ses côtés pour la soutenir la mettre en avant ce que j’ai fait pendant toute la mandature. Tous ces gens qui ont été élus à la première mandature étaient des gens solides, de première cordée. Elle a donc fait autant de choses, parce qu’elle était très bien entourée. Mais durant la seconde mandature, sans nous avertir, elle annonce sur TF1 qu’elle se lance dans la présidentielle. Ça été quelque chose de très curieux. Je ne me réjouis pas de son résultat, une femme à la présidence cela ne m’aurait pas déplu. Mais ses méthodes glauques ne sont pas dignes d’une femme politique qui ambitionne le poste suprême.

Le vrai problème des LR à mes yeux, ce n’est pas Pécresse, mais le refus de l’union des droites, par exemple celle proposée par Éric Zemmour. C’est une erreur fondamentale, qui empêche la droite de revenir au premier plan, n’est-ce pas ?

D’abord, Valérie Pécresse n’avait pas d’idées. Et tout le monde savait qu’on allait dans le mur, mais personne n’osait le lui dire. Moi j’ai eu le courage de lui dire de ne pas y aller, qu’elle allait s’abimer. Elle doit y penser et Magali Lamir sa directrice de cabinet aussi.

 C’est cela la politique de plouk. Comme on dit chez nous, elle a mis un coup de sabre dans l’eau. Et le 8 mars 2022 j’ai claqué la porte alors qu’elle était au plus haut dans les sondages 18%.

 Et si j’ai écrit ce livre c’est aussi pour expliquer pourquoi j’ai quitté les LR. Alors, pour ce qui concerne l’union des droites dont vous me parlez ça ne m’intéresse pas, les loosers ne m’intéressent pas.

Mais alors, pourquoi êtes-vous encore de droite. Par exemple, le parti de Zemmour, Reconquête, ce n’est rien d’autre que le RPR de 1986. Le RN de Marine Le Pen n’a plus rien à voir avec le FN de son père. Comment vous expliquez-vous que vous soyez tout de même restée à droite, alors que la droite s’obstine à faire son cordon sanitaire, n’écoute plus l’opinion de la rue, préférant l’opinion médiatique, ce qui crée un désaveu du peuple pour les représentants politiques, au point que l’abstention est le premier parti de France ?

Je vais vous dire, durant la campagne, il y avait deux programmes qui parlaient des outre-mer : Celui d’Emmanuel Macron et celui de Marine Le Pen. Valérie Pécresse n’avait aucun programme pour les outre-mer. Je lui avais fait une note sur le sujet, elle n’en a pas tenu compte.

Deux jours avant le premier tour, elle a fait dans une journée un aller et retour en Guadeloupe pour dire qu’elle est allée en outre-mer oubliant la Martinique, erreur stratégique. J’ai pris cela comme du mépris et mes compatriotes aussi. Vous savez ce qui compte pour moi ce sont les valeurs et l’amitié, ce que je reconnaissais dans la droite de Pasqua, de Chirac, de Juppé, de Sarkozy, de Guaino… Maintenant, je vais répondre à votre question, je ne pense plus rien des LR, il n’y a même rien à en penser, et je ne vais pas en parler, ça ne m’intéresse pas.

Cela dit, il faut tout de même reconnaître que la situation actuelle est très grave, surtout en ce qui concerne l’abstention, et surtout si l’on fait une analyse assez poussée de nos institutions et de nos pratiques institutionnelles et constitutionnelles, on prend conscience que l’on prive le peuple de la démocratie mais on le réduit aussi au silence, en grignotant toujours un peu plus les libertés individuelles, d’expression et même celle de penser, autrement dit la liberté de faire la loi, ce qui revient de droit au peuple en démocratie. Regardez la réforme des retraites et le 49.3, la loi sur l’immigration. Or, si vous privez le peuple de sa liberté de s’exprimer, il ne faut pas s’étonner qu’il y ait des violences. Certes, on n’est plus en 1789, mais il faut y penser. Aujourd’hui, on s’exprime en tapant sur des casseroles. Ce que je déplore et c’est dommage car pour moi les casseroles n’ont leur place qu’en cuisine !

En effet, les casserolades. Mais je reviens aux Outre-mer. Que préconisez-vous politiquement pour ces régions, que l’on considère depuis trop longtemps comme une France de seconde zone ?

Vous avez bien raison, et cela a toujours été une souffrance. Quand je suis entrée à la télévision, j’avais 19 ans, c’était l’ORTF, je me suis rendue-compte que j’étais « immigrée ». C’était la première fois qu’il y avait une Noire dans la maison, et je peux vous dire qu’en 1968, c’était quelque chose. J’ai donc pris conscience de ce climat, que l’on me traitait comme une étrangère, on m’appelait « Y a bon Banania ». On nous disait français. Lorsque pour la première fois j’ai parlé de patates douces, de citrons verts à la télévision on m’a renvoyée dans mes cocotiers, ma cuisine que l’on qualifiait ici dans l’hexagone, en France « d’ethnique » n’intéressait personne. Mais je vais vous dire, le vrai drame de l’Outre-mer, c’est l’éloignement.

Et il faut se rendre compte de l’état d’abandon dans lequel sont les Outre-mer. Éloignement économique avec les difficultés d’approvisionnement, les problèmes d’eau, alors même que les territoires Outre-mer sont entourés d’eau, les problèmes de pollution, avec plus de 70% des hommes qui ont un cancer de la prostate. Alors, je vais vous dire, les Outre-mer tout le monde s’en fout. Et mon combat à moi c’est l’Outre-mer. Il est urgent qu’on s’en occupe avant que cela devienne l’Outre-tombe.

Propos recueillis par Marc Alpozzo

« Un roman contemporain dans le vent » sur « Le Manoir de Kerbroc’h » de Léo Koesten

Léo Koesten, Le manoir de Kerbroc’h

Éloïse de Kérambrun est bourgeoise au foyer, épouse d’un polytechnicien de petite noblesse bretonne très catholique, directeur d’usine et souvent absent, et mère de deux ados, Margaux de 16 ans et Théodore de 14 ans. La famille très BCBG habite Versailles et part en vacances au manoir ancestral en Bretagne, le Kerbroc’h, où les grands-parents paternels tiennent à maintenir la tradition et la bienséance.

Le sel du roman est de faire craquer ces gaines, devenues insupportables aujourd’hui. La femme à la maison, réduite au rôle de servante de Monsieur et des ados, sans opinion autre que celle de son mari sur la tenue de la maison, l’éducation des enfants, la politique – c’est bien fini. Lui déclare « aimer » sa femme comme il se doit mais va batifoler ailleurs, avec Jupencuir sa secrétaire vêtue ras la moule, alors qu’elle-même n’aurait pas le droit de prendre un amant. C’est la révolte.

Madame veut son indépendance, découvrir un métier, passer le concours de professeur des écoles – autrement dit institutrice ; elle enchaîne les stages en CE1 à Versailles (gamins bien élevés, adorables) puis en Section d’enseignement général et professionnel adapté ou Segpa (ados perturbés et sexuellement avides, retardés mentaux et sociaux, en rébellion). Devant cette sortie du moule catho tradi, la fille aînée avoue vouloir baiser avec son copain Martin, son amoureux depuis la cinquième – et le fils de 14 ans coucher avec son ami Corentin, tout en refusant le dessein paternel de lui faire intégrer Polytechnique au profit d’un CAP de pâtissier !

Le mari prénommé Foucault, comme son père le grand-père, ne voit pas d’un bon œil cette révolution contre son autorité tenue de Dieu et de la coutume, sinon de la loi lors du contrat de mariage. Si les coutumes et la loi changent, pourquoi lui changerait-il ? Comme tous les mis en cause, il « réagit » – en réactionnaire : par la crispation sur ses « Zacquis » et par la violence. C’en est trop, le divorce est inéluctable même si lui comme elle ont chacun encore des sentiments l’un envers l’autre.

Quant aux enfants, c’est la baffe : le sexe, le sexe, le sexe ! Passe encore pour Margaux, elle a l’âge d’être active, même si le hors mariage n’est pas admis par l’Église ni par la précaution bourgeoise. Mais pour Théo, un fils pédé est une tache indélébile sur la lignée, la réputation et l’avenir. Tout fout le camp et un abbé est requis pour redresser l’homo illico. Sauf que la loi française interdit l’homothérapie, que le bon sens trouve aberrant de confier la tâche de redressement à un célibataire frustré trop souvent tenté par les enfants de chœur, et que la mère s’insurge carrément contre. Elle a milité contre le mariage gay avec ses relations versaillaises de la « bonne » société mais son fils la met devant la nature. Elle est d’ailleurs aidée par sa belle-mère qui trouve cette contrainte inepte. Le gay contrarié risque d’être aussi névrosé que le gaucher contrarié.

Chacun doit s’épanouir comme il est, non tel que le pater familias le veut. Ce choc des époques, ces dernières cinquante années, se révèle tout cru en ce roman jubilatoire autant que jaculatoire. Car chacun baise à couilles rabattues, Foucault en Jupencuir, Éloïse avec Sandro le prof de gym puis Richard le directeur puis Stéphane le réalisateur de films, Margaux avec Martin avant un autre, Théo avec Corentin dans le même lit. Cet élan vital et vigoureux ressoude la famille – sans le père. Pour le moment, car il arrivera peut-être à résipiscence avec le temps, lorsqu’il aura « rebondi » et se sera trouvé un nouvel équilibre – plus réaliste et mieux en phase avec l’époque.

La grand-mère Lucille divorce aussi de son mari prof de prépa qui collectionne les maîtresses et tient des fiches soigneuses sur les mensurations et performances de chacune d’elles, cachées dans la cave condamnée pour « risque d’éboulement » sous le manoir. Elle retrouve son amoureux d’adolescence Rémy et sa vocation de comédienne. Mère, grand-mère et petits-enfants forment alors une sorte de gynécée contre le pouvoir du mâle (Théo étant du côté féminin), un phalanstère égalitaire face au pouvoir hiérarchique patriarcal. L’argent n’est pas un problème car chacun va travailler : Éloïse comme instit, Margaux comme garde d’enfants, Théo comme blogueur vendant ses pâtisseries et donnant des formations payantes, Lucille avec la location de gîtes et comme metteuse en scène. Elles ont le projet de monter un spectacle au manoir racheté par la grand-mère, afin de pouvoir l’entretenir et le sauvegarder pour la lignée.

Un roman contemporain dans le vent, adoubant un « matriarcat » qui n’a jamais été qu’un mythe mais que la vertu démocratique égalisatrice peut permettre en temps de paix, avec pour objectif que chacun puisse être enfin lui-même, hors du moule religieux et social.

Léo Koesten, Le manoir de Kerbroc’h, 2023, Éditions Baudelaire, 243 pages €19,00 e-book Kindle €12,99

Attachée de presse BALUSTRADE : Guilaine Depis, 06 84 36 31 85 guilaine_depis@yahoo.com

Babette de Rozières chez Marie-Ange de Montesquieu

Réécoutez l’émission de Marie-Ange de Montesquieu avec Babette de Rozières ici https://radionotredame.net/emissions/enquetedesens/16-06-2023/

Babette de ROZIERES, chef cuisinière française, animatrice de télévision, et femme politique. Elle est auteure des plusieurs ouvrages et elle a organisé le premier Salon de la Gastronomie des Outre-mer à Paris en 2015.

Sonia EZGULIAN, cuisinière, journaliste, auteur et consultante pour la restauration, l’hôtellerie et l’agroalimentaire, elle est auteure de « Le goût de l’imprévu » (Flammarion, 2023).

Regis HARDOUIN-FINEZ, vrai passionné du goût, des terroirs et de la gastronomie. Fondateur de la société Le Vin Partagé & Co, il est aujourd’hui caviste en chambre et propose des vins rares et des spiritueux de collection. Il est également ambassadeur du Cognac depuis 2012.

 

Le philosophe Emmanuel-Juste Duits chez Marie-Ange de Montesquieu

Réécouter l’émission

Véronique REILLE-SOULT, enseignante et experte en stratégies de réputation, en communication de crise et spécialiste de l’opinion, co-fondatrice et présidente du cabinet Backbone consulting, elle est aussi chroniqueuse. Son dernier livre est « L’ultime pouvoir – La vérité sur l’impact des réseaux sociaux » (Ed. Du Cerf, 2023)

Emmanuel-Juste DUITS, philosophe, enseignant, cofondateur de différentes initiatives dont « Wikidébats » et « Les Cafés de l’info ». Il est auteur de nombreux ouvrages dont son dernier « Doper son esprit critique – Penser et agir dans un monde complexe » (Chronique sociale, 2023)

La femme fatale réinventée de Bernard Méaulle dans « Actualitté » sur « Un si brûlant secret »

Un si brûlant secret : la femme fatale reinventée

Un si brûlant secret, publié aux Éditions de la route de la soie, est le deuxième roman de Bernard Méaulle, qu’il place sous le signe de la féminité, renouvelant le mythe de la femme fatale qui transforme le tragique en une aventure du plaisir. L’auteur couche sur le papier la vie de Maria, meurtrie par une enfance difficile, celle-là même qui lui a donné le goût éperdu de la liberté. Par Marion Catalayoud.

ActuaLitté

Maria a tout de la séductrice et Bernard Méaulle sait en jouer : l’onomastique nous rappelle la Carmen de Prosper Mérimée ou la Concepcion (in La femme et le pantin, 1898) de Pierre Louys, à la différence près que notre personnage principal ne prend pas son jeune âge comme une arme éternelle ; Maria est l’Espagnole qui fascine, qui intimide, elle est la femme infidèle et pourtant sincère, forte et parfois docile, tantôt impertinente tantôt grave, cette femme de tous les paradoxes s’unifie sous le nom de Beauté.  

Une séductrice née

On l’imagine sous ces traits : « Avec son strict chignon en forme de casque argenté civilisant, sa crinière de lionne et son regard translucide, elle ne laissait personne indifférent. […] Ils [les hommes] regardent avec avidité cette jeune femme brune, ses yeux vert d’eau, sa peau de miel, qui déambule sur les quais de Seine avec sa séduisante silhouette couronnée d’une folle crinière de jais ». 

L’art de la description s’inspire de la littérature du XIXe siècle et s’inscrit dans le sillage du roman d’apprentissage où la physionomie, et en particulier le regard, sont au cœur de l’écriture qui rend grâce à l’admiration que le lecteur ne peut s’empêcher de vouer à l’héroïne contemporaine. Non seulement elle est une redoutable Vénus, mais elle l’est d’autant plus que son intellect doit prendre sa revanche sur le physique avantageux de Maria qui, déjà, doit venger son enfance. 

Introspection et humour 

Le tour de force de Méaulle est d’exposer la psychologie du personnage sans perdre le sel de la narration, c’est-à-dire de l’action. Le savant équilibre entre narration et description résulte d’un dispositif romanesque ingénieux : les chapitres du livre sont régis par un âge de la vie de Maria et l’intelligence de cette succession ne fait aucun doute.

En effet, chaque instant de vie, chaque événement éclairent les comportements de Maria, ses questionnements, ses choix, ses doutes, son devenir, sans pour autant tout laisser reposer sur le « secret » qui la constitue plus qu’il ne l’accable. La distance qui sépare les tranches de vie servent à mettre en perspective les amours vécues, les drames et les folies qui s’enchaînent avec le recul propre à la maturité. De facto, l’intérêt de cette lecture s’approche de celle que l’on porte aux Mémoires. 

L’intimité déployée entre le lecteur et les personnages sont aussi le succès d’un narrateur qui ne juge pas et s’emploie souvent à un humour proche du burlesque, il écrit par exemple : « S’il existe un vibromasseur de l’âme, c’est celui-là [le travail de la respiration ventrale]. »

De plus, Méaulle donne à lire nombre d’aphorismes – ô combien risqués ! – mais qui réussissent chaque fois ; le fait est qu’ils sont étonnamment légers, loin de l’abstraction, toujours de circonstances, dans la mesure où l’esprit de sérieux ne correspond pas à l’auteur, lequel note malicieusement « l’élégance ne doit jamais sauter aux yeux. Celle de cette Espagnole étrange et hypnotique sautait à l’âme ». La plume de Méaulle est aussi chafouine que Maria, et le sourire du lecteur est de connivence : « La taquinerie est un ange déguisé en fille de joie. Une call-girl platonique. Qui vous taquine vous aime. Comment ne pas adorer une marchande d’amour qui ne demande pas d’argent ? » 

Une passion sage : le chemin de la médiation 

Autour des thèmes de la séduction, l’auteur élabore un récit sur fond de l’enseignement de Lanza del Vasto, philosophe et artiste italien, qui fut un disciple de Ghandi. Sa vie tout entière était tournée vers la paix, de cette sagesse Maria s’en est nourrie ; d’abord elle a vécu cette morale comme liant avec un homme de cœur, ensuite comme un perpétuel émerveillement. À travers cette formation spirituelle, les questions existentielles prennent une autre forme et se chargent d’une profondeur pure de n’être pas entravées par la colère d’un être qui a vécu. 

In fine, Un si brûlant secret fait le pari d’inspirations multiples couplées d’une forme romanesque originale qui font la part belle à un personnage féminin éminemment actuel qui au terme de sa vie se demande, sans regret toutefois, « pourquoi ai-je cru plus dans le désir plus que dans l’amour ? »