Francine Keiser et Alain Schmoll racontent leur reconversion professionnelle réussie sur Radio Notre Dame

Réécoutez l’émission : https://radionotredame.net/emissions/enquetedesens/13-06-2023/

Comment gagner le pari de la reconversion professionnelle ?

13.06.23

Francine KEISER, ancienne avocate, elle a fondé et créé « Francini_K », une marque de prêt à porter de luxe conçue au Luxembourg, produite en Europe.

Alain SCHMOLL, après avoir mené une carrière de dirigeant et de repreneur d’entreprises, il a créé un blog littéraire et publie des critiques sur Babelio sous le pseudonyme d’Archie. Il a écrit des ouvrages de fiction : « La trahison de Nathan Kaplan » est son quatrième roman.

Thierry DUBOIS, s’intéresse depuis plus de 30 ans à l’évolution de l’être humain depuis les origines ainsi que les découvertes sur le fonctionnement du cerveau. Coach de cadres et dirigeants depuis 20 ans, il développe sa compréhension de la réussite par son travail sur les talents qu’il utilise comme clé de succès dans ses accompagnements. Il a édité chez Eyrolles, en 2015, et réédité chez Gereso en 2022 « A la découverte de mes talents »

Le Journal de France Culture parle du Marché de la Poésie

Réécoutez sur ce lien le Journal de France Culture qui interviewe Pierre Vinclair sur le Marché de la Poésie

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/journal-de-12h30/journal-de-12h30-du-dimanche-11-juin-2023-6575680

Pierre Vinclair : « La poésie ne doit rien ; il ne faut rien de particulier » (Idées arrachées)

Indéniablement, livre après livre, Pierre Vinclair s’est imposé comme l’un des poètes français contemporains majeurs. Preuve en est encore avec son nouveau recueil de textes, Idées arrachées qui vient de paraître aux éditions Lurlure, dont le poète s’entretient ici le temps d’un grand entretien pour Diacritik avec Fabien Aviet et Nicolas Poirier.

Idées arrachées, que vous faites paraître aux éditions Lurlure, est un recueil de textes qui concernent la poésie, la prose, mais aussi la philosophie des genres littéraires, l’écologie, la traduction ou la critique. Il s’agit donc d’une articulation de choses hétérogènes, tant dans leur objet que dans leur genre propre (articles, entretiens, etc.). Quelle cohérence avez-vous voulu pour ce recueil ? Que vise-t-il et que fait-il, en général et dans votre cheminement ?

Fin 2015-début 2016, il s’est passé quelque chose de très important pour moi, à l’issue de plusieurs travaux ressortissant à un premier cycle d’écriture qui était une sorte d’enquête générale sur l’épopée. À la fin de ma thèse (sur les rapports de l’épopée au roman, au cours de laquelle j’avais essayé de formuler une conception énergétique des genres littéraires), après une étude serrée de The Waste Land, et constatant l’échec d’une tentative de roman épique dans laquelle j’avais mis beaucoup d’espoir, j’ai cessé de croire à la littérature, ou du moins, j’ai commencé à adopter sur elle un regard plus anthropologique, disons. Peut-être qu’une image exprimera mieux les choses : la littérature, c’est un peu comme le Musée du Louvre : une institution vénérable qui recueille toutes les œuvres ayant une valeur esthétique. Les touristes s’esbaudissent devant ces « chef-d’œuvres de l’art universel ». Mais en réalité, les objets qui s’y trouvent (finalement) n’avaient pas (à l’origine) vocation à y finir : tel masque servait à une cérémonie rituelle ; tel tableau était offert à un roi, tel autre embellissait l’autel d’une église. Chaque œuvre cherchait à faire quelque chose, accomplissait un effort souvent très éloigné de la seule valeur esthétique pour laquelle on l’expose huit cents ans après dans une vitrine, déconnecté de son utilité réelle. Croire en la littérature, c’est être comme tous ceux qui, dupes du mythe de la valeur esthétique tel qu’il est mis en scène au Louvre, essaient non pas de faire ce qu’ils ont à faire (séduire une dame, flatter un prince, apaiser les esprits des morts) mais de faire de l’art, comme si cela pouvait avoir le moindre intérêt. Ils finiront peut-être au Palais de Tokyo, mais pas au Louvre.

De même que le masque rituel qui finit au Louvre ne doit pas d’abord ses formes à des considérations relevant de l’histoire de l’art, il faut quand on écrit faire abstraction de ce qu’on appelle la littérature et retrouver un art brut, tout tendu vers son effort sauvage. Ce qui a représenté pour moi un assez vaste chantier de lectures, d’écriture, de critique, de théorie, de traduction. J’ai ainsi publié ces dernières années plusieurs livres dans chacun de ces domaines. L’avantage d’un recueil d’articles est, précisément, de faire coexister ces différentes facettes : les Idées arrachées, avec ses 7 parties, donne une idée du système nerveux central d’une pratique qui a tendance, sinon, à se multiplier dans des genres aveugles les uns aux autres. Car j’ai beau faire de la poésie, de la prose, de la traduction, mais aussi de la critique (critique de la poésie, de la prose) et de la théorie (théorie de la poésie, de la critique, de la traduction), en réalité je ne me consacre qu’à une seule et même chose : j’essaie de faire de mon écriture une manière de penser et d’agir (de penser en forme, de révéler la valeur de ce qui arrive, de m’adresser à autrui) et non pas (ou en tout cas pas d’abord, seulement par surcroît) de la littérature. Les Idées arrachées témoigne, dans l’unité d’un livre, des multiples directions de cet unique effort.

Votre ouvrage peut se lire comme un panoramique sur votre parcours, aussi bien comme poète que comme penseur de la poésie ou de la littérature. Ces deux dimensions de votre travail, l’écriture poétique et la réflexion sur la poésie, sont-elles inextricables ou peut-on malgré tout les concevoir dans leur relative autonomie respective ? A cet égard, vous insistez à plusieurs reprises sur la nécessité d’émanciper la poésie de la philosophie, mais votre expérience poétique qui passe par le « corps-à-corps » avec le texte des autres vous permet d’esquisser, voire d’articuler, les linéaments d’une théorie a posteriori. Pouvez-vous expliciter ce rapport entre théorie et pratique ? S’il y a un affrontement au cours duquel il va falloir arracher des idées (comme l’expose frontalement la couverture du livre), quel est l’enjeu pour l’écriture ? Cela signifie-t-il que la poésie est moins une affaire de grand style que d’économie d’écriture (de coups dans le langage) ?

La poésie signifie, à l’évidence, au moins deux choses différentes. C’est d’abord le nom d’un « genre » littéraire ancien, regroupant un ensemble de textes dont les formes caractéristiques (ballades, rondeaux, sonnets ; ou à un échelon inférieur : vers, mètres, rimes, par exemple), les usages (courtisans, élégiaques, ludiques, etc.) et les grands auteurs (Dante, Ronsard, par exemple), sont bien identifiés, par des poétiques explicites qui peuvent d’ailleurs faire l’objet d’un enseignement dès l’école élémentaire. Mais « poésie » est aussi le nom d’un ensemble de textes tout différents, qui ne correspondent vraiment pas au premier emploi du mot, ni dans les formes (ils ne sont pas en vers rimés et comptés, et parfois pas en vers), ni dans les pratiques et encore moins dans les poétiques : un grand chantier d’expérimentations contemporaines tous azimuts, qui cherche sans doute moins la subsomption sous un genre littéraire particulier, qu’à se situer entre les genres : une sorte d’Ur-Literatur au plus près de la création du sens. Les rapports entre ces deux usages du mot « poésie » sont incertains. Deux manières de les comprendre, essentiellement, nous sont proposées : 1) Certains affirment une partition historique, en disant qu’il y eut d’abord la poésie comme un genre particulier (avec ses conventions et ses métriques définies), puis une « crise de vers » libérant des pratiques nouvelles, définies par des poétiques de plus en plus « modernes » à chaque nouvelle génération, se succédant les unes aux autres jusqu’à atteindre notre état par les révolutions d’avant-gardes ; 2) d’autres proposent une interprétation métaphysique, suggérant que la poésie au second sens a toujours déjà été présente dans la première comme son secret ou son cœur battant, et que ce qui nous intéresse chez Dante, par exemple, c’est bien déjà ce qui a trait à la création même ; cette position (« métaphysique » en ce qu’elle affirme l’existence, sous la poésie contingente des poétiques, l’existence d’une poésie plus profonde et fondamentale) est celle, en gros, des Romantiques et de leurs successeurs (Blanchot, etc.).

Aucune de ces deux approches ne me satisfait : elles me semblent aussi paresseuses en termes poétologiques (dans l’approche historiciste, il suffirait de rapporter chaque état du poème à l’état précédent qu’il révolutionne, pour en justifier les audaces ; dans l’approche métaphysique, les formes extérieures du poème ne sont plus que des apparences contingentes) qu’aberrantes d’un point de vue ontologique (croit-on vraiment qu’il y a quelque chose comme « la poésie » — que celle-ci avance dans l’histoire à coups de roulades dialectiques ou qu’elle se cache, dans le retrait secret de ses opérations sémiotiques ? Cela me semble aussi absurde que de croire que tout ce qu’abrite le Musée du Louvre est ontologiquement « de l’art »). Surtout, elles ne sont pas stimulantes d’un point de vue critique : que peut-on dire d’un texte dont l’unique pertinence est de subvertir les formes précédemment usitées ? Que peut-on dire aussi d’un texte dont on considère les apparences extérieures comme des oripeaux contingents, qui ne nous disent rien de son opération secrète ?

Pour ma part, j’envisage que le « corps-à-corps » critique a précisément pour enjeu de découvrir le mode de pensée du texte : comme s’il y avait non pas la poésie classique d’une part et la poésie contemporaine d’autre part (avec le problème pinéal de leur articulation), mais des poétiques immanentes, qui nous sont pour la plupart mystérieuses même quand elles ont une apparence bien connue (c’est ce que j’ai essayé de montrer dans l’article des Idées arrachées intitulé « L’effet du soit-disant effet » : plutôt que de croire naïvement à la rhétorique de la tragédie qu’il revendique, il faut voir que les propriétés mobilisées servent en réalité à Racine à accomplir un tout autre effort). Les formes d’un texte ne sont pas décoratives (« esthétiques »), elles ne sont pas non plus que des caractéristiques utiles à la taxonomie ; ce sont plutôt des organes qui lui servent à penser en langue. Un texte exemplifie moins des poétiques et des rhétoriques instituées qu’il ne les mobilise pour penser avec et contre elles, entre elles ; il les déplace et les lacère ; il donne toutes ses forces pour faire émerger depuis sa matière même une pensée sauvage singulière.

Les distinctions, historique comme formelle, entre poésie classique et poésie contemporaine disparaissent alors à la faveur d’ilots plus ou moins organisés en archipels, plus ou moins aisément accessibles à la nage. Lorsqu’ils sont trop loin, l’enjeu de ce que j’appelle le corps-à-corps critique est de faire émerger les médiations qui nous permettent enfin de l’atteindre, c’est-à-dire de le recevoir conformément à l’effort (jusqu’alors mystérieux) qu’il cherche à accomplir. Je ne crois pas à la partition historique, que n’excite que le renouvellement aveugle des formes extérieures ; je ne crois pas non plus à la métaphysique, qui méprise les apparences concrètes des écritures ; je crois qu’un texte, contemporain ou passé, est quelque chose qui pense en forme.

Votre démarche semble double : dans un certain nombre de textes, vous réfléchissez à partir d’un poème, d’un livre, ou même d’un auteur, pour en tirer des éléments de compréhension plus ouvertement théoriques et situant les textes dans une perspective philosophique ou esthétique plus large (en particulier ceux sur Roussel, Conrad, Barthes, François Bégaudeau, Nathalie Quintane, la littérature et la poésie américaine). À d’autres endroits, vous situez d’emblée votre réflexion dans le cadre de la philosophie de l’art, pour plonger ensuite dans la dimension des œuvres où ces notions philosophiques prennent toute leur signification. On pense par exemple à la philosophie des genres que vous élaborez, en cherchant à comprendre ce qui distingue épopée et roman, ou encore à la réflexion sur les conditions de possibilité de la poétique comme théorie en confrontant Platon et Aristote. Faut-il voir là une tension chez vous entre deux manières d’appréhender le langage et la poésie, dont l’une partirait du singulier pour viser à l’universel (comme le jugement réfléchissant chez Kant), tandis que l’autre procéderait à partir du concept pour penser la singularité des œuvres (comme l’Esthétique d’Hegel) ? Ou bien est-ce plus simplement la marque que vous êtes à la fois poète et philosophe ?

Je dirais que dans le premier cas, j’agis en critique, et dans le second en théoricien. Le critique essaie, dans son corps-à-corps avec une œuvre singulière, d’en reconstituer l’effort et le fonctionnement (puisque sa singularité signifie précisément son écart aux poétiques connues) — pour le transmettre, éventuellement, aux autres lecteurs qui en auront la lecture d’autant facilitée. Le critique, en cartographe, étend le domaine des singularités connues. Le théoricien (ou le philosophe), quant à lui, essaie de justifier cette approche de la littérature en général qui s’intéresse aux textes pour leur effort, c’est-à-dire d’élever la théorie des genres à un fonctionnalisme ou pragmatisme transcendantal. Pragmatisme : chercher dans les formes non ce qu’elles exemplifient, mais ce qu’elles permettent de faire et de faire faire (par exemple, ne pas imaginer que le recours à la rime est esthétique, mais se demander plutôt à quoi elle sert : elle peut par exemple éveiller une forme de suspense entre deux fragments d’élocution, c’est-à-dire un certain type de temporalité contrecarrée). Transcendantal : non pas s’arrêter à ce qu’il fait effectivement, mais décrire ce que tel ou tel outil ferait dans les conditions optimales de la réception du texte.

Aucun de ces deux niveaux — critique et théorique — ne mobiliseen tant que telle l’écriture poétique, même si je considère l’explication-de (critique) comme une sorte de préliminaire à l’explication-avec (poétique). Essayer moi-même de composer des poèmes nourrit et enrichit ma manière de parler de ceux des autres, c’est évident ; et lire ceux des autres déplace et fait avancer les miens. Mais quant à dire dans quelle chambre secrète le critique et le poète échangent leur costume, je ne le sais pas trop.

Au début du livre, vous remarquez presque ironiquement que la pratique de l’écriture vous a éloigné des théories structuralistes dont vous étiez proche quand vous faisiez vos études. Cela veut-il dire qu’il y a nécessairement une distance entre la poésie, dans sa dimension concrète, et la théorie du langage littéraire, dont les « totems », les « fétiches », selon vos termes, n’ont aucun rapport avec la matière du texte tel qu’il se donne au lecteur, et que cet éloignement atteste d’une primauté presque sauvage du poème, résistant à l’emprise de l’abstraction conceptuelle ? Sans parler d’un privilège du poème sur le concept, votre « pragmatisme transcendantal » ne modifie-t-il pas radicalement notre approche de la poésie ? Implique-t-il une autre attitude à l’égard de la pensée et de ses matériaux ?

Pendant Mai 68, le structuralisme était encore en pleine effervescence. Et pourtant « les structures ne défilent pas dans la rue ! » pouvait-on lire sur un célèbre graffiti. Il paraît que Lacan, avec son goût du paradoxe, avait répondu que c’est pourtant précisément ce qui s’était passé en 1968 : les structures avaient défilé dans la rue. On peut ainsi toujours proposer une théorie plus sophistiquée, c’est de bonne guerre : le philosophe a sans doute besoin (il disparaîtrait, sans cela) de prétendre que ce qui existe vraiment, c’est ce que lui seul est capable de voir et qui n’avait jamais été énoncé jusqu’à lui. Par quel miracle ? Ce mystère est censé signer son génie.

L’écart entre la théorie et la pratique pourrait être le même, en ce qui concerne la poésie, que dans tout autre domaine (le théoricien y est toujours susceptible de prétendre avoir découvert une évidence, comme par hasard jamais remarquée), mais il s’aggrave si l’on considère — comme vous le suggérez — le poème dans sa sauvagerie spécifique : contrairement aux autres fragments de langage, le poème est un être farouche, prenant sur lui la création du sens, en son immanence au travail des formes.

C’est la raison pour laquelle une humilité particulière est ici requise, de la part de la pensée conceptuelle : elle a tout à apprendre de cette forme de vie étrange, comme le biologiste de l’animal qu’il a devant lui. Plutôt que l’orgueil d’une philosophie obnubilée par son copyright, cherchant chez les poètes à confirmer la pertinence de tel ou tel concept fabriqué ailleurs et avant (comme c’est l’usage le plus courant), la pensée du poème devrait être sur mesure : le poème sécrète une pensée singulière, il n’y a qu’à la recueillir avec la plus grande délicatesse. Ce qui ne signifie pas qu’il soit « supérieur » au concept ; pas davantage en tout cas qu’une grenouille à la Phénoménologie de l’esprit.

Une scène inaugurale semble se dessiner en parcourant vos textes : celle d’une modernité littéraire qui s’ouvre avec la Commune et Mallarmé, soit la révolution sociale et la révolution poétique — l’Auteur transférant son privilège d’écrire librement à tous les hommes, désormais eux aussi créateurs et aptes à recréer le monde par leurs actes (cf. le Mallarmé de Sartre). Cette conscience historique suppose la contingence, à la fois de l’ordre social et du langage. Dans cette perspective, comment se noue cette modernité avec votre attrait pour l’épopée, qui pourrait au contraire incarner l’autorité de la tradition ? Par ailleurs, s’il faut abandonner le réalisme et la représentation (dire et répéter le monde tel qu’il est ou a été fait), l’émergence des œuvres dans l’histoire impliquant leur nouveauté, et ainsi acter l’absence de fondement de nos discours (comme Mallarmé faisant jouer le langage contre lui-même), la poésie prend-elle en quelque sorte la place de la religion et de la politique ? Ou bien doit-elle accepter d’être une forme elle aussi contingente mais renouvelée de connaissance et d’action sur et dans le monde social ?

Je ne formulerais pas les choses ainsi, car je ne crois pas tellement à la pertinence de l’histoire littéraire pour rendre compte de l’effort des genres. Par quoi je veux dire : ce qui compte dans un texte ou un événement, c’est ce qui s’y affirme, et ce que cela rend possible pour nous, aujourd’hui ; non pas le fait que cela vienne avant ou après. Je ne considère pas non plus l’épopée comme un genre particulièrement ancestral : il y a des épopées il y a 3000 ans en Grèce, il y a 1000 ans en France, au XIIe siècle japonais, au XXe siècle dans les Balkans, etc. Comme chez Mallarmé, ce qui m’y intéresse est la manière singulière dont un texte (en sa réalité matérielle, sans avoir recours à des concepts, et en ne mobilisant les rhétoriques et les jeux de langage constitués que pour les faire travailler de travers) pense. J’accorde moins de pertinence à la modernité comme concept historique qu’au modernisme comme effort (commun à bien des textes et à bien des époques) de faire émerger, par le travail de la forme, une pensée de la vie en son incessante créativité.

La poésie ne doit rien ; il ne faut rien de particulier. Les mots d’ordre ne la concernent pas. Elle n’a pas à abandonner ceci ou cela. Chaque poème est souverain. Et s’il me semblerait aberrant de prétendre que la poésie puisse jouer le rôle de la religion ou de la politique, je lui reconnais malgré tout de proposer des fragments d’élocution revendiquant une double propriété, qu’on ne rencontre habituellement que dans les textes sacrés (et les êtres vivants) : être absolu, et en même temps, être agissant. Fiat Lux !

Le souci que vous avez de décortiquer les textes pour en dévoiler les principes d’écriture (les connecteurs formels et l’effort qu’ils entendent viser), vous fait refuser l’ancienne image de la poésie qui se paierait de mots, notamment la sacralité de l’œuvre tout à la gloire de l’auteur. Il faudrait donc rompre avec l’héritage poétique comme « transmission d’un enchantement » (l’autorité du Poète, p. 292), ce qui s’oppose aux postures individualistes, à l’image de « Rimbaud, qui a légué toute une grammaire de gestes poétiques : le poète voyant mais maudit, la bohème, la drogue, l’illumination hermétique, l’adieu à la poésie, etc. » (p. 192) A quoi vous ajoutez avec ironie : « A Singapour, personne n’a jamais entendu parler de Rimbaud. Leurs références sont plutôt Yeats, T.S. Eliot, Seamus Heany. Cela ne produit pas du tout la même sorte de poésie, ni la même idée de ce que doit être un poète. Et puis, comme ils écrivent en anglais, ils sont en dialogue avec la poésie contemporaine américaine, anglaise, indienne, etc. » Y aurait-il un nouveau sens de l’authenticité ? Celle-ci passerait-elle par de nouveaux usages langagiers, dont certains hérités de traditions non francophones ? À l’inverse, comment ne pas tomber dans une nouvelle posture qui recourrait par exemple à une rhétorique de l’humilité ou de l’originalité, celles que vous dénoncez chez Barthes ou Guyotat ?

Qu’il faille chercher l’authenticité plutôt que la posture, cela ne me semble pas une position problématique ; cela n’empêche que l’on risque en effet à tout moment de retomber dans une posture (y compris la « posture de l’anti-posture »). C’est vrai autant dans l’ordre du poème, que dans toute action où il est question d’éthique. Peut-être cette question acquiert-elle une acuité supplémentaire dans le poème (et surtout « contemporain »), dans la mesure où il semble précisément fondé sur le refus des rhétoriques : les gestes de Rimbaud que vous évoquez, ce sont précisément des appels à une forme d’authenticité, une contestation des vieilles postures. Ils nous appellent donc à une fidélité paradoxale, un double bind éthique : d’un côté, ils pointent pour nous une attitude authentique, émancipée des vieilles postures ; d’un autre côté, ils risquent eux-mêmes de se figer en nouveau répertoire de postures. Faut-il être fidèle à ceux qui clament le refus de la fidélité, soumis à ceux qui se révoltent ? Voyez un poète comme Artaud : son refus des formes autorisées de la culture s’est peu à peu transformé en une figure culturelle identifiée, et l’on trouve aujourd’hui beaucoup de poètes « artaldiens », comme si Artaud avait lui-même proposé une rhétorique reproductible. D’ailleurs, sans doute commençons-nous tous par éprouver un certain nombre de postures : l’authenticité ne s’acquiert qu’à la fin, et je dirais même in extremis, après un long chemin de singeries plus ou moins volontaires et plus ou moins conscientes. Si elle s’acquiert.

En habitant au Japon, en Chine, à Singapour, en Angleterre j’ai pu m’intéresser à des traditions fondamentalement différentes de la nôtre, ce qui est très précieux pour comprendre ce qui dans notre propre manière de faire, avec ses propres évidences inquestionnées relève du pur conformisme, et ce qui au contraire peut être aux prises avec quelque chose d’important. Par exemple : jusqu’à il y a 150 ans, tous les poètes français composaient une poésie en vers réguliers et rimés. Depuis 150 ans, c’est le contraire. Étrange, non ? N’y a-t-il pas nécessairement un a priori qui nous fait considérer aujourd’hui que la rime n’est plus possible ? Cet a priori ne prend-il pas l’allure d’une posture quand ceux qui l’abritent (ils suivent simplement ce que tout le monde fait, au moment où tout le monde le fait) revendiquent par ailleurs la plus grande liberté de penser, la plus grande originalité ? Un outil qui a été utilisé si longtemps et dans tant de régions du monde ne mérite-t-il pas, de la part de chaque poète, un examen sérieux et « authentique » à l’issue duquel il décide, dans tel poème, de l’utiliser, et dans tel autre, de ne pas le faire ? La rime n’est pas une décoration caractéristique d’une esthétique, c’est d’abord un certain outil pour penser : pourquoi alors s’en priver par principe ? Comme dans ces matières (authenticité, postures), il en ressortit à l’éthique, chacun fait sans doute comme il veut, cherche le salut s’il lui plaît, ou continue à faire le malin. Laissons aux rimbaldiens leurs semelles de vent, aux tarkosiens leurs bonshommes de merde et à tous, les « il faut faire ça », « on ne doit pas faire ça ».

Une orientation que vous donnez à vos poèmes consiste à s’adresser à un autrui concret plutôt qu’à un Autre absent (le « lecteur inconnu ») : vous vous adressez à vos proches, vous ne craignez pas de leur y faire jouer un rôle, et si vous aimez qu’un poète abolisse les coulisses et la scène pour inscrire son cheminement poétique dans son œuvre (dévoilant la matière de son écriture), vous allez jusqu’à lui préférer une géographie, c’est-à-dire les relations à un milieu que l’on ne peut découvrir qu’en s’inventant et où l’on ne peut inventer qu’en explorant — bien loin du mythe du génie inspiré. De la tradition américaine, vous reprenez un geste de démocratisation de la culture, étendant le droit à écrire le poème et à y figurer, non seulement à tout individu mais aussi aux animaux et aux choses : « Comme l’écran de télévision, le poème en prose accepte tout. Tout peut s’y passer. Cette impureté aussi peut être vue en un sens comme « américaine » : le fait d’oser parler de la vie telle qu’elle est, dans toutes ses manifestations, plutôt que de se cantonner aux sujets traditionnellement considérés comme poétiques. » (p. 113) Cette voie est-elle la seule à pouvoir régénérer le poème ? Ou bien la force d’une œuvre ne peut-elle pas être, comme chez Blanchot, son aptitude à incarner un contre-monde, avec l’avantage de chambouler le lecteur (forcé de se désidentifier par rapport à ses attentes) mais aussi l’inconvénient d’une certaine illisibilité ?

Je me garderais bien de dire que telle ou telle manière de faire est la seule possible et vaut absolument. Et j’aime le tragique avec lequel Blanchot considère la littérature comme une sorte de religion, à la fois sacrée et en même temps de part en part fictive et même impossible. Pour autant je reste perplexe face à la grandiloquence avec laquelle il fait comme si la littérature devait s’intéresser à quelque chose de plus important que ce qui arrive, nous arrive, n’importe comment, dans la vie quotidienne. Plus judicieux m’apparaît de considérer le poème, précisément, comme une force de révélation, capable de mouler le réel jusqu’à faire apparaître les énergies qui le structurent et le traversent. C’est cohérent, je crois, avec le fait de s’adresser à des personnes concrètes : non pas considérer l’écriture comme le lieu d’une expérience-limite du langage, mais comme un endroit où peut se penser à nouveaux frais, et dans de nouvelles formes, dans la plasticité du langage, ce qui arrive dans nos vies singulières et quelconques. Car ce qui importe, au fond du fond, ce n’est pas la littérature ; ce n’est pas le langage ; ce sont nos vies. C’est pourquoi j’ai écrit plus haut que la question de l’authenticité et des postures ressortissait à l’éthique : l’enjeu reste (pour moi du moins) de penser la vie, penser sa vie. Le poème peut être un puissant instrument formel pour le faire mais, si l’on en reste à la posture, il introduit entre soi et sa propre vie une singulière « fausse conscience ». Comme l’écran de télévision, n’importe quoi peut y affleurer, y compris la télé-réalité.

La sauvagerie semble être une notion tardive dans votre parcours, mais elle vient en fait avant toute cristallisation du langage en formes culturelles instituées. Elle serait au fond le principe d’un refus de la théorie de surplomb (« le poème ne répond pas aux plans de l’esprit », p. 370) ou de ce qui précéderait le geste qui crée. Cette sauvagerie ressortirait d’une an-archie du langage, permettant de saisir « le poème comme un bricolage total » (p. 334). Elle viendrait « éclater […] les catégories culturelles qui recouvrent le réel. Et parmi ces catégories, peut-être, celles du grantécrivain et du « poète ayant un don ». » (p. 183) Comme les postmodernes, souvent mal lus, vous vous en prenez au subjectivisme. En fait, il y aurait quelque chose comme un inappropriable ou un « indéconstructible » (Derrida), une multiplicité virtuelle que chaque œuvre, par sa perspective propre, exprimerait. Bien que vous refusiez la « posture de la transgression », vous faites jouer un grand rôle à cette quasi différance inassimilable à la logique et rétive à la marchandisation. Comment en êtes-vous venu à dégager cette marge de liberté, refusant les carcans de l’être ?

Déjà dans Barbares (2009), je formulais le travail d’écriture comme le fait de « descendre dans les mots ». Aux alentours de 2015, la fin de la rédaction de ma thèse (qui portait sur l’épopée, entendue dans une optique pragmatique, comme genre de texte pouvant transformer la société en produisant de la pensée politique) et le corps-à-corps avec The Waste Land de T. S. Eliot (dans mon livre Terre inculte, Hermann, 2018), ont ouvert une réflexion sur la sauvagerie qui a délimité le cadre à l’intérieur duquel se débat depuis ma réflexion sur la poésie. On peut articuler cette réflexion autour d’un problème unique, mais dont la formulation peut se décliner : comment descendre dans les mots ? Comment faire du poème une réalité absolue, sans que celle-ci soit la fameuse « intransitivité » ? Comment composer un être de langage à la fois absolu (il ne se contente pas de représenter ce qui existe hors de lui) et puissant (il ne s’agit pas que d’exposer des joyaux, émaux et camées) ? La « sauvagerie » s’est formulée comme la réponse à de telles questions. Il s’agit alors de concevoir non pas le poème comme un espace rhétorique (où les éléments formels sont là pour dénoter son appartenance à un genre) et encore moins esthétique, mais comme une espace énergétique (où tout devient fonction d’un organisme, ou du petit monde qu’est le poème). Les actions qui ont lieu dans cet espace relèvent d’une pensée qui oppose toujours un reste à la prise logique, car le plan des mots fonctionne ici comme une sorte de corps. C’est, peut-être, ce que l’on peut appeler un indéconstructible ; en tout cas la proposition théorique de Guillaume Artous-Bouvet dans Derrida, le poème (Hermann, 2022) va dans ce sens.

Le plaisir pris à la lecture de votre recueil, comme une boîte à outils plus que comme un manifeste strict, relève bien souvent du vagabondage. On voit d’ailleurs que la figure de Conrad est cruciale pour vous, conjuguant l’attrait pour le grand dehors et l’engagement dans sa situation historique, ici contre le colonialisme et la logique de rentabilité : écrivant dans une langue étrangère, il réussit à mobiliser les ressources d’une sauvagerie (un « patchwork de langage », p. 147) qui est aussi résistance. Vous dites en outre, dans une recension de Quintane, qu’aujourd’hui la sophistication intellectuelle a changé de camp, qu’elle est passée aux mains des techniciens, des administrateurs et des marchés. Quel regard l’activité poétique permet-elle d’avoir sur les rhétoriques langagières actuelles ? Permet-elle d’y échapper si, à la manière de Lyotard, « le poème peut montrer le différend car il accepte de vivre entre les genres de discours » (p. 116) ? Est-ce cela une « poésie engagée » (mais non militante) ? Comment le poème peut-il refuser les modes, récupérations et discours uniques, bref sa domestication, s’il doit à la fois tenir une position (créer une forme ou un style), au risque de s’institutionnaliser, et continuer de se déplacer ? Est-ce un souci pour vous lorsque vous entreprenez un nouveau projet ?

Ni Conrad ni Quintane ne sont mobilisés pour des poèmes, dans les Idées arrachées. La prose peut essayer de faire de la politique (il n’est pas dit qu’elle y parvienne), mais il me semble que le poème n’a pas, de son côté, à être « engagé » — si par là on entend prendre parti, d’une manière claire, dans une alternative politique préexistante. À chaque poème échoit de recommencer la création du monde ; il ne mobilise tout ce qui le précède que pour le suspendre. En ce sens il vit bien « entre les genres de discours » ou les jeux de langage, et n’a pas à s’institutionnaliser (même en chapelle, en école ou en -isme).

Quant à moi, quand j’entreprends un nouveau projet, je ne pense pas du tout à ce genre de choses. Par exemple, en ce moment je suis en train de commencer la composition du troisième tome d’une tétralogie dont l’Éducation géographique (Flammarion, 2022) est le premier volume, et qui s’est donné pour enjeu de « dire ce qui compte à ceux qui comptent » dans 100 séquences qui mobilisent (ou inventent) toutes une forme différente. Après les lieux et les personnes, ce troisième volume est un livre des événements. Les sections s’écrivent les unes après les autres ; la dernière que j’ai composée, « La mort à Vevey », se présente sous la forme de dizains (une phrase qui court sur trois strophes de deux, trois ou quatre vers) rendant compte de l’agonie de Valentine Godé-Darel, telle que l’a peinte Ferdinand Hodler en fin 1914-début 1915. Le poème tourne autour du double événement de la mort, et du tableau qui l’arrache au flux du temps. Les questions que je me pose en l’écrivant n’ont à peu près rien à voir avec la question des modes, de l’institutionnalisation et des -ismes. Je ne pense qu’à mon poème et aux toiles de Hodler, jusqu’à ce que ce soit mon poème qui pense à elles, qui les pense et repense leur objet.

Un des apports de votre réflexion consiste à lier poésie et écologie (en premier lieu refus de l’ego et de ses miroirs). Comme Castoriadis, qui avait pensé la question écologique, vous souhaitez faire contribuer la praxis (« je voudrais que soient remis l’agir au cœur du poème et la poésie au cœur de l’agir », p. 219) à la lutte contre la catastrophe en cours, ici avec les moyens du poème et non de la philosophie. En quoi la poésie est-elle politique ? Quel peut être le rôle des poètes face à la crise écologique, si tant est que la poésie puisse quelque chose face à l’effondrement du vivant ? La poésie trouve-t-elle là sa limite, ou bien au contraire un excitant, l’occasion de se révolutionner ? Comment votre poésie prend-elle en charge cette crise ?

D’un côté, il me semble évident que publier à quelques centaines d’exemplaires une plaquette illisible (ou presque) pour tout le monde (ou presque), ne doit en aucune manière être considéré comme un acte politique. La poésie n’est pas « proprement politique » et même en tant que discours, le poème oppose sa sauvagerie à la condition pragmatique minimale de la politique (le dialogue, qui présuppose qu’on parle une langue commune dans laquelle des solutions se peuvent trouver aux quiproquos). L’indéconstructible du poème est aussi un intranchable, alors que la loi de la politique est : il faut trancher. Le poème est peut-être même la chose la plus éloignée d’une praxis politique (qui nécessite la mobilisation, la coordination et l’accord d’un grand nombre d’individus). Creusant son chemin de solitude, ne répandant que l’incompréhension et la perplexité, le poème laisse au contraire hélas facilement brûler les forêts et s’acidifier les mers. Il ne fait même pas son tri sélectif.

La sauvagerie du poème signe donc son appartenance à un autre ordre que celui du discours, et sa relation aux écosystèmes saccagés est avant tout d’homologie : le poème est sauvage, comme un animal. Rétif au discours, indomptable. Le rapport du poème à l’écologie ne concerne d’abord pas son dire, mais son être. Or (c’est déjà quelque chose) on peut dire que si n’existaient, plutôt que les milliards de déclinaisons du zoon logikon, que des renards, des grenouilles et des poèmes, le problème écologique serait résolu : la politique n’est pas en cela la solution à la crise écologique mais (avec son usage du discours, sa manière de trancher, son goût des masses) fait plutôt partie du problème.

Une fois cela dit, peut-on imaginer mobiliser cet étrange animal, le poème, dans la lutte écologiste ? Que peut faire un poème pour la planète ? (Mais que peut faire un renard ? Que peut faire une grenouille ?) C’est ce que j’essaie de saisir dans le long entretien avec Jean-Claude Pinson que l’on trouve dans les Idées arrachées : tout se passe comme si vous étiez en train de défiler lors d’une marche pour le climat, et que vous croisiez un pur-sang (le poème) au bord du chemin. Ne pouvez-vous embringuer cet animal véloce dans votre propre lutte, qui est aussi une lutte pour sa survie à lui ? Comment l’animal étrange qu’est le poème pourrait-il être mobilisé dans la résistance écologique ?  Un précédent essai, Agir non agir (José Corti, 2020), essayait de donner les conditions pour lesquelles un tel engagement (qui n’est donc pas un engagement du « dire » du poème, mais de son « être », on l’aura compris) peut avoir lieu. J’y proposais 7 dimensions du poème résistant : sauvage, total, tendu, intéressant, pensant, collectif et rituel. Je ne vais pas détailler ici chacune de ces dimensions (que je reprends d’ailleurs dans l’entretien avec Jean-Claude Pinson), mais s’il fallait résumer en une phrase, je dirais : ce que le poème peut faire pour l’écologie, c’est d’abord terroriser la manière rationaliste (comptable, technicienne) que nous avons de voir le monde, et qui est à l’origine de l’exploitation des espèces, des sols ou des mers. Faire de nous, de nouveau, des animaux farouches, qui pensent collectivement, par images et par association, de nouvelles manières de vivre et de vivre ensemble. Bref, des sauvages.

Pour finir, on peut remarquer que les penseurs ont du mal à investiguer et caractériser la création contemporaine. Elle est souvent mal connue ou caricaturée : plutôt que de nous laisser penser par l’expérience de formes inédites, nous cédons à la déploration (en rapportant tout à un passé mythique ou à une vérité de l’art). Votre recueil, au contraire, contribue à cartographier ce qui émerge. Tout comme votre activité éditoriale et votre revue Catastrophes. Quel est l’état de la création littéraire contemporaine en France, selon vous ? Vous semble-t-elle inventer de nouvelles formes d’expérimentation intéressantes (pour reprendre votre expression) ? Discernez-vous des courants, des innovations formelles, des voix inédites ?

La création est collective : de la même manière qu’on n’invente pas tout seul un jeu de langage, ce n’est jamais untel ou unetelle qui crée une nouvelle manière de faire poème, un nouvel -isme. En revanche, ce sont bien les œuvres singulières (plus ou moins embarquées dans tel ou tel collectif, plus ou moins en marge) qui sont intéressantes. Et même : tel ou tel livre, tel ou tel poème est intéressant. Le surréalisme, par exemple, a inventé une nouvelle grammaire du poème, mais cela ne signifie pas que tous les poèmes surréalistes sont intéressants, ni même que le poète le plus intéressant des années 20 était Breton.

Les parties les plus intéressantes ne se jouent pas nécessairement entre les membres du comité officiel déterminant les règles du jeu.

Les œuvres les plus intéressantes sont souvent les plus singulières, donc situées à une distance raisonnable des expérimentations collectives innovantes dont elles se nourrissent aussi pourtant et qui peuvent leur fournir des éléments de grammaire. Il est courant de dire que lors des cinquante dernières années, le champ poétique était structuré autour de l’affrontement entre les lyriques et les expérimentaux (ou formalistes) et sans doute reste-t-il des séquelles, dans le paysage contemporains, de ces affrontements destructeurs. Mais les chants d’Hölderlin au mirador (2003) d’Ivar Ch’Vavar explorent toutes les potentialités d’une forme expérimentale dans un registre intensément élégiaque, jusqu’à faire du poème un instrument puissant pour penser sa propre vie : voilà un livre intéressant !

Il y a donc deux questions bien différentes : quels collectifs fabriquent de nouvelles manières de faire poème, aujourd’hui ? Par ailleurs quelles œuvres singulières, et même quels livres, quels poèmes, me semblent ou m’ont récemment semblé particulièrement intéressants ?

Les jeux de langage naissent sans doute d’abord par hybridation plutôt que génération spontanée. Hybridation culturelle. Dans le champ contemporain français, l’influence de plusieurs générations de poésie américaine est palpable, de l’« objectivisme » (surtout celui de Reznikoff et son usage de l’archive, dans une poésie « documentaire ») à la poésie « minoritaire » (qui fait du texte le lieu de combat où se fabriquent, se revendiquent ou se renforcent des identités oppressées). Hybridation médiale : un front de recherches est engagé du côté des formats numériques, de l’instapoésie aux vidéo-poèmes ; un autre du côté des performances sonores et visuelles, qui d’ailleurs elles aussi dépendent d’une technologie en constante évolution. Hybridation générique : non seulement la poésie se mêle au roman, non seulement le roman se mêle de poésie, mais un pan de la création réfléchit (en théorie et en pratique) à la traduction comme forme de création poétique (et réciproquement).

S’il s’agit dans ces hybridations (il y en aurait sans doute d’autres) de créer de nouveaux jeux de langage ou de nouvelles grammaires du poème, chacune aura sa propre manière de faire jouer la valeur et de définir en quoi consiste l’intérêt d’un poème. Mais j’aime d’abord, on l’aura compris, les œuvres qui se situent entre les grandes innovations, dans une clairière peu usitée où elles vivent d’une singularité peu aisément réductible à tel ou tel grand geste. Pour les seuls livres parus entre mars 2022 et mars 2023, j’ai par exemple trouvé du tout premier intérêt Tout est normal de Guillaume Condello, Shifumi de Laurent Albarracin ou Ana-Viola d’Eugénie Favre (je pourrais en citer d’autres, et chacun dira les siens, cela me semble déjà une quantité extravagante de bons livres pour une seule année, mais après tout la poésie française vit peut-être un âge d’or !). Pour descendre encore en singularité, je dirais que bien souvent, l’intéressant ne se joue même pas tant à l’échelle d’un livre qu’à celle d’un poème, par exemple ce « Milieu » de Camille Ruiz, paru dans la revue Catastrophes. J’en aime le thème lafontainien (du chien domestique face au chien sauvage), les contrastes (horizontal / vertical), la bizarre rime inopinée « ondulent / modulent », et les images puissantes, venant compliquer une voix qui parvient pourtant à conserver sa clarté :

            milieu

près de la friche où je le fais courir
je me demande ce que pense mon chien
quand les chiens sauvages l’interpellent
et qu’il essaye de cacher
son corps horizontal
derrière la verticalité du mien.

est-ce la peur ?

peut-être qu’il ressent juste
qu’il est mon chien.
la honte du règne animal.

au même endroit les guêpes modulent
tout l’espace qu’elles rencontrent.
des planètes creuses et fragiles ondulent
sur les branches minces des arbres.
l’ombre de mon chien contre mon ombre
nous façonne. je suis pour lui
créature, dispositif, main qui promène,
nourrit, punit, caresse. par défaut
son milieu, niche de paumes et d’ongles.

Pierre Vinclair, Idées arrachées. Essais et entretiens, éditions Lurlure, janvier 2023, 472 p., 26 €

Pierre Vavasseur salue par une interview le 40ème anniversaire du Marché de la Poésie

La poésie n’a pas d’âge, elle est au commencement du monde. Mais le Marché de la Poésie qui bat son plein Place Saint-Sulpice jusqu’à demain soir en a un: voilà quarante ans qu’il a quitté le port et que les voiles blanches de ses bateaux livres tiennent bon le cap sous le vent des mots. Entretien avec Yves Boudié, président et Vincent Gimeno-Pons, délégué général.

40 ANS de Marché de la Poésie. Au-delà des fonctions que vous y occupez à ce jour, qu’est-ce-que cet anniversaire vous inspire et son fondateur, Jean-Michel Place, est-il à vos yeux un héros moderne ?

À n’en pas douter !  Ce fut une idée apparemment saugrenue… mais qui, au fil des années, a fait la preuve qu’il existe un public curieux de poésie et de littérature exigeante.

La poésie a connu des années difficiles, il me semble, dans les années 70, comme si la loi avait été de l’assécher, de la vider de sa sensualité, de brûler Aragon pour encenser Meschonnic. Résultat, le public s’en est effrayé et détourné.  Me trompé-je ?

Un certain public, certes, mais le rayonnement du Marché a prouvé qu’elle avait malgré tout conservé la confiance du public. Et ce public s’est élargi au fur et à mesure du temps.

Yves Boudié (à gauche) et Vincent Gimeno-Pons, délégué général entourent Guilaine Depis, attachée de presse de l'événement
Yves Boudié (à gauche) et Vincent Gimeno-Pons, délégué général entourent Guilaine Depis, attachée de presse de l’événement

La poésie est-elle à vos yeux en passe de redevenir un lieu de résistance ? A-t-elle retrouvé sa parole d’apaisement ?

– La poésie a toujours su être une résistance, on se souvient d’Agrippa d’Aubigné, de Hugo, de René Char, résistants chacun dans leur siècle, contre l’oppression. Le poème parfois se fait arme. Mais la résistance n’est pas seulement historique, elle se manifeste aussi dans la langue, dans la résistance aux discours d’une économie débridée qui censure les paroles marginales.

Sans réfléchir, l’un et l’autre, quel nom de poète a-t-il été la clé d’y succomber ? Avez-vous en tête un vers qui vous accompagne pour la vie ?

D’apaisement peut-être pas, mais de grande réflexion, de grande sagesse, tout en restant dans l’univers de la révolte : Bernard Noël. Sa voix en lecture était apaisante, malgré la grande force de ses mots. Et, Marie-Claire Bancquart nous a tant apporté ; une poésie totalement différente mais d’une grande émotion à partager.

Chaque année, le même succès de fréquentation
Entrez, c’est gratuit

Il suffit de parcourir les allées du Marché pour s’enthousiasmer de l’originalité et de la qualité des productions qu’on y trouve. Comment vivent ces maisons ? Comment « tiennent » -t-elles ?

La plupart de ces maisons d’édition sont totalement artisanales. Face à l’industrie culturelle, nous restons dans un univers d’une grande humanité et inventivité. La liberté est au cœur de leur choix. Elle prime sur l’intérêt commercial, même si cet aspect demeure malgré tout présent, ne serait-ce que pour continuer à produire ces œuvres de création.

Comment les choisissez-vous ?

Nous sommes exigeants sur un point bien précis : ce doivent être des éditeurs qui publient à compte d’éditeur. Puis, sans forcément être  en accord avec l’ensemble de leur ligne éditoriale, nous tentons de choisir un « panel » représentatif de tous les univers de la poésie contemporaine.

Quand la poésie prends corps
Quand la poésie prends corps

J’imagine que vous veillez au prix des stands ? Etes-vous suffisamment aidés ?

Ne cachons aucun chiffre : le budget du Marché est de l’ordre de 225 000 euros, dont 55% proviennent de la participation des éditeurs, le reste est représenté par l’aide de l’État principalement (Centre national du Livre), la Région Île-de-France et la Ville de Paris. Quelques partenariats privés dont notamment La Sofia, la culture avec la copie privée et la fondation Michalski. La participation des éditeurs est fondamentale pour assurer une indépendance d’esprit et d’action.

Pensez-vous que la chanson française est un secours à la poésie ?

Un secours, non. La chanson et la poésie sont deux lignes parallèles, qui, malgré la géométrie, tentent de se rejoindre parfois  pour le meilleur et…

Estimez-vous que le rap est une passerelle inattendue pour redonner sa place au langage ?

Que ce soit pour le rap ou le slam, on a tendance à les confondre avec la poésie. Or dès que l’on commence à aborder ces deux formes, on finit souvent par oublier le poème et le livre.

Bruno Doucey, l'un des éditeurs phares du salon
L’éditeur Bruno Doucey ou la poésie en fleurs

L’éducation nationale a-t-elle abandonné le combat ?

Pour ce qui concerne le secteur de l’enfance, il n’y a aucune hostilité, voire un travail soutenu autour de la poésie. Cela devient plus compliqué à partir du collège, mais c’est sans nul doute lié à l’adolescence. L’attirance revient au sortir des études secondaires, la création des masters 1 et 2 d’écritures créatives orientées vers la poésie le démontre.

Il se dit que, depuis le Covid, la jeunesse s’est tournée vers la poésie pour y trouver un réconfort. Vrai ou fake ?

Peut-être est-il encore trop tôt pour en juger. Cependant, il semblerait qu’il y  ait un regain pour la poésie, pas seulement auprès de la jeunesse. La société contemporaine est devenue si violente que le besoin d’une réflexion sur le monde, et d’une certaine évasion, s’imposent.

Exercice-de science fission. Vous êtes un duo de scénaristes chargés d’imaginer un monde sans poésie. Vers où vous porte votre plume ?

Nous ne saurions même imaginer la chose. La poésie est l’essence de la langue. Sans le poème, pas de romans, pas de nouvelles…

40e Marché de la Poésie mode d’emploi

Où: Place Saint-Sulpice, Paris 75006. Métro Saint-Sulpice.

Quand: jusqu’à 21h30 aujourd’hui; demain dimanche de 11h30 à 20h

Pays invité d’honneur: les nations des Caraïbes

Entrée gratuite.

Denis Cosnard publie un très beau texte sur le 40ème anniversaire du « Marché de la Poésie » dans Le Monde

Denis Cosnard publie un très beau texte sur le 40ème anniversaire du « Marché de la Poésie » dans Le Monde

EnquêtePorté par des auteurs, des éditeurs et des lecteurs en nombre croissant, l’art poétique brille dans les livres mais aussi sur scène comme sur les réseaux sociaux. Panorama d’un monde en ébullition, à l’heure où s’ouvre le Marché de la poésie, à Paris.

1 – Rusty Boy

Trente secondes plus tôt, le bar de ­Ménilmontant résonnait de rires, de verres s’entrechoquant, de joyeuses retrouvailles entre antifascistes et queers, et d’une once de larsen. Mais, quand Chichi s’approche du micro, le Saint-Sauveur se fige. Silence absolu dans le café bondé. Un œil sur le téléphone où elle a noté son texte, la jeune femme commence à déclamer : « Hier soir, l’inconscient a murmuré à mon oreille que tout allait recommencer… » Cinq minutes plus tard, Rusty Boy interprète un slam a cappella : « J’tergiverse/En controverse/Alors j’m’exerce/C’est quoi, le sens ?/ Incessantes pensées qui me transpercent/Trop de questions à la Julien Lepers. » Rigolade générale. Suivent Noémie, Mélina, Cristal… Des étudiants dont c’est la première prestation et des habitués de l’écriture, comme François-Marie Pons, 74 ans et une demi-douzaine de livres à son actif. A la clé, des textes drôles, lyriques, brillants ou ratés, mais toujours touchants.

La poésie avait été donnée pour morte ? Ce lundi soir de mai, dans le bar parisien, elle jaillit, s’envole, tombe et se relève, plus vive que jamais. Tous les mois, les anciens du master de création littéraire de Paris-VIII, réunis sous la bannière du Krachoir, organisent une scène ouverte au Saint-Sauveur. Un autre collectif, Mange tes mots, fait de même au café juste en face. Le public, jeune, en redemande.

Quant aux professionnels de ces phrases qui ne vont pas forcément au bout de la ligne, c’est sur la place Saint-Sulpice, à Paris, qu’ils célèbrent la vitalité de leur art. Le Marché de la poésie s’y tient jusqu’au 11 juin. « Pour cette 40e édition, plus de 500 éditeurs de poésie contemporaine seront présents, et nous espérons bien réunir 50 000 visiteurs », se réjouit d’avance Yves Boudier, poète et cheville ouvrière de cette manifestation, la plus importante de France.

2 – Agonie et résurrection

La poésie ? « Est tout à fait inutile ; passée de mode », s’amusait Flaubert dans son Dictionnaire des idées reçues, écrit entre 1850 et 1870. Depuis des siècles traîne le fantasme d’une crise de la poésie, voire de son inéluctable agonie. Face au roman, la poésie est, de fait, devenue un genre mineur. En 1636, juste après la création de l’Académie française, 23 de ses 40 membres étaient poètes ; aujour­d’hui, un seul se présente d’abord comme tel, François Cheng – mais il signe également des essais. En librairie, 1,3 million de recueils ont trouvé preneur en France en 2022, à peine 0,4 % des ­ventes totales de livres, selon la société d’études de marché GfK.

Mais, pour un moribond, la poésie se révèle étonnamment active. Elle se dit dans les bars, dans les salons, à la Maison de la poésie, à Paris, comme au Centre international de poésie Marseille. Les poètes sont de plus en plus sollicités pour des lectures, devant un public de moins en moins confidentiel. Au point qu’Alexandre Bord, ancien libraire devenu éditeur, est en train de monter avec un professionnel de la scène une agence pour organiser les futures tournées des poètes, comme pour les chanteurs.

La poésie surgit aussi dans des ouvrages nombreux, variés, avec 400 à 500 nouveaux titres intégrés chaque année dans le catalogue de la ­Bibliothèque nationale de France. De nouvelles collections naissent, comme « L’iconopop », dirigée par Alexandre Bord et Cécile Coulon aux éditions L’Iconoclaste. La poésie attire aussi des célébrités, à l’instar du chanteur de Feu ! Chatterton, Arthur Teboul (Le Déversoir, 256 pages, 18 euros, numérique 11 euros), et de l’actrice Sophie Marceau (La Souterraine, 160 pages, 17 euros, numérique 12 euros), chez Seghers, une maison relancée par Editis après deux ans de sommeil. Ou encore des romanciers, qui y trouvent une forme plus adaptée à leurs propos : à la rentrée, c’est en vers libres qu’Eric Fottorino évoquera sa sœur (Mon enfant, ma sœur, Gallimard) et que Julia Kerninon célébrera dans Yoko Ono (L’Iconoclaste) ­l’artiste japonaise.

Autres signes à noter : Mes forêts, de la Canadienne Hélène Dorion (Bruno Doucey, 2021), vient d’être inscrit au programme du bac de français. Elle est la première poète vivante ainsi consacrée. Au même moment, Jacques Réda, 94 ans, est entré dans le dictionnaire Larousse.

Quant aux ventes de poésie, après des années de stabilité, elles ont bondi de 42 % entre 2019 et 2022, pour totaliser 14,6 millions d’euros, une croissance deux fois plus forte que celle du reste du marché, selon GfK. La France serait-elle entrée dans un moment poétique, une de ces parenthèses où ce genre touche un public plus large, comme dans les années 1880 ou durant l’Occupation ? « Oui, on y est, il y a un besoin d’entendre et de lire de la poésie », se réjouit Jean-Yves Reuzeau, du Castor Astral. « En temps de détresse, nous avons besoin de ceux qui appellent à renverser l’évidence », opine Jean-Pierre Siméon, dans son anthologie La Poésie à vivre (Folio, « 3 € », 144 pages, 3 euros). « Le confinement s’est révélé très favorable, confirme Olivier Barbarant, Prix Apollinaire 2019 pour Un grand instant (Champ Vallon) et président de la commission poésie du Centre national du livre (CNL). Les temps de catastrophe suscitent une soif de sens et de poésie. ­Notre succès actuel dit quelque chose de la dureté de l’époque. »

3 – Traverser

Une lampe cligne au fond de mes rêves. Peur de la voir s’éteindre à tout moment. Combien de veilleuses faut-il pour traverser toute une vie ?

(Extrait du Grand Vivier, de Jean-Louis ­Giovannoni, Unes, 176 pages, 23 euros).

4 – Objectif poésie

L’effervescence actuelle n’a pas échappé à Rima Abdul Malak, ministre de la ­culture et passionnée de poésie. Au Liban, où elle a grandi, elle était habituée à ces soirées qui ne s’achèvent jamais sans que des poèmes soient partagés. Dans d’autres pays, comme le Portugal, l’art poétique est aussi resté un fleuron de la littérature. En France, Rima Abdul Malak a découvert avec surprise à quel point le genre était dédaigné, mal-aimé. Comment soutenir son renouveau ? Début mai, elle a réuni une dizaine de poètes et d’éditeurs Rue de Valois pour un dîner confidentiel, non inscrit à l’agenda officiel. « Elle ne nous a rien promis, mais peut-être des mesures sortiront-elles de cette rencontre », espère l’un des convives. Avant de prendre congé, chaque auteur a dit un de ses ­poèmes. La tradition libanaise va-t-elle s’acclimater ?

5 – Nébuleuse

Cette fébrilité autour de la poésie tient en partie à l’entrée de nouvelles planètes dans cette galaxie. Au centre du système règne un astre massif, la poésie classique. La liste des recueils les plus vendus ces cinq dernières années le montre de façon spectaculaire. Elle est largement dominée par l’inusable Paroles, de Prévert (1946), et Les Fleurs du mal, de Baudelaire (1857), dont huit éditions ­figurent parmi les cinquante recueils les plus diffusés, selon GfK. La Fontaine, Hugo, Césaire, Apollinaire, Ponge, Rimbaud, Eluard suivent de près, ainsi que plusieurs anthologies. Commercialement, un bon poète est un poète mort de longue date, français, à réviser pour le bac.

6 – La planète Saint-Sulpice

Sur une deuxième planète, plus discrète, s’affairent des poètes vivants. Ceux qui, souvent, se retrouvent au Marché de la place Saint-Sulpice. Ils se nomment Bernard Chambaz, Jean-Patrice Courtois, Ariane Dreyfus, Laure Gauthier, Christophe Manon, Michèle Métail, Charles Pennequin, Esther ­Tellermann, ou encore Laura Vazquez, toute nouvelle Prix Goncourt de la poésie. Quelques-uns sont publiés par de grands éditeurs attachés à la poésie, au premier rang desquels Gallimard, P.O.L et Flammarion.

Beaucoup passent par de petites maisons, telles Unes, Cheyne, Le Castor Astral, Arfuyen, Bruno Doucey, Lanskine, Nous, L’Aigrette, L’Ail des ours, etc. Leurs livres sont avant tout diffusés par quelques dizaines de librairies très motivées comme L’Atelier, à Paris, ou Le Tracteur savant, à Saint-Antonin-Noble-Val (Tarn-et-Garonne), et lus par un public d’initiés, rares mais fidèles. Les tirages sont limités à quelques centaines d’exemplaires. « Quand on vend 1 000 livres, on est très, très contents », confie Alice Déon, éditrice de Valérie Rouzeau, une des ­vedettes de cette planète, à La Table ronde.

Editeurs spécialisés, librairies spécialisées, revues spécialisées, lecteurs spécialisés – eux-mêmes souvent poètes : un espace assez autonome s’est formé, « qui fait écho à ce que connaît la musique savante », relève le chercheur Sébastien Dubois dans sa très ­riche étude La Vie sociale des poètes (Presses de Sciences Po, 336 pages, 26 euros, numérique 20 euros).

Cet astre sélect vit de peu. Les rémunérations sont minimes, les éditeurs serrent leurs marges pour proposer de beaux objets, et la plupart des auteurs ont un second métier : 45 % sont enseignants, selon le pointage de Sébastien Dubois. Diverses subventions permettent à l’ensemble de tourner. Le secteur touche 4,5 % des aides du CNL, à peu près dix fois son poids dans l’économie du livre. Au total, « la poésie vit dans une économie alimentée par les pouvoirs publics », résume Sébastien Dubois.

7 – Avenir de la langue

Economiquement, cette planète Saint-Sulpice ressemble à celles du Petit Prince, « si petites qu’on a beaucoup de mal à les apercevoir au télescope ». Littérairement, son rôle est plus décisif. Ici miroite la langue d’aujourd’hui et s’invente celle de demain. Avec qui pour prendre le relais de Jacques Roubaud, Michel Deguy, Philippe Jaccottet ou Yves Bonnefoy ? Difficile à dire. Au XXe siècle, des mouvements comme dada et le surréalisme ont structuré le champ poétique. A présent, il paraît plus morcelé. Fini les mouvements, les courants. Mis à part l’Oulipo, ­toujours vaillant, quelques collectifs comme BoXoN, RER Q ou Pou, et des revues du type Catastrophes, on compte autant de types de poésie que de poètes, ou presque. Et autant d’inventions.

Par exemple, le « gestomètre » de ­Robert Rapilly, une forme où une action simple et quotidienne est divisée en sous-actions successives décrites avec froideur. Ou les proverbes retournés et les formules tranchantes de Laura Vazquez : « J’ouvre la peau de mes amis/pardon/je voulais vous connaître » (Le Livre du large et du long, Le Sous-sol, 416 pages, 22 euros, numérique 16 euros). Les jeux typographiques de Mélanie Leblanc (Encrer l’invisible, Le Castor Astral, « Poche/Poésie », 160 pages, 9 euros). Ou encore les textes d’Elodie Petit qui emploient l’écriture inclusive, et féminisent certains mots : « Je veux danser nue et aimer pleinx d’autrx corpx/mais me réveiller à côté de la·e tien·ne » (Fiévreuse plébéienne, Le Commun).

A défaut de groupe ou d’école, une tendance s’affirme : les femmes, longtemps tenues dans l’ombre, prennent massivement la parole. « Les talents les plus novateurs sont essentiellement des femmes », souligne Jean-Yves Reuzeau, du Castor astral. En particulier des ­lesbiennes, des trans, des Noires. S’emparant du langage, elles l’interrogent, le violentent, le disloquent, le recréent. « Elles veulent réinventer le monde en changeant la langue, constate Alexandre Bord, de L’Iconoclaste. Peut-être l’avant-garde d’aujourd’hui se trouve-t-elle là. »

Depuis un siècle, seuls deux poètes français ont obtenu un succès immédiat, relève Sébastien Dubois : Paul ­Géraldy, en 1912, et la toute jeune ­Minou Drouet, en 1956. La postérité les a oubliés. A l’inverse, des auteurs d’abord confidentiels se sont imposés avec le temps, comme Aimé Césaire. « La poésie n’est claire qu’à la longue », notait Aragon. Les écrivains comme leurs éditeurs misent donc sur le long terme. « On croit au bouche-à-oreille, aux libraires, aux salons, à la constance, témoigne François Heusbourg, responsable des éditions Unes, qui publie chaque année dix-huit titres, tous de poésie contemporaine. On construit patiemment un catalogue. Le succès de grandes voix étrangères comme Fernando Pessoa ou Gabriela Mistral nous permet de faire découvrir de jeunes auteurs tels Cédric Le Penven et Raluca Maria Hanea. »

8 – Valdinguer les mots

tu es entré
ton souffle a tout balayé

ʇnoʇɹns sʇoɯ sǝɯ
snossǝp snssǝp suǝs ʇuos
*
ıoʇ NOUS ıoɯ

j’en suis toute
ǝéuɹnoʇǝɹ

j’aime
ıoɯ uǝ sʇǝɯ tu ǝnb désordre ǝן

(Extrait d’Encrer l’invisible, de Mélanie Leblanc).

9 – Etoile d’Instagram

Un troisième objet céleste est apparu tout récemment dans le ciel de la poésie. Une étoile scintillante, celle des « instapoètes », ces auteurs connus avant tout grâce aux réseaux sociaux. Leur star s’appelle Rupi Kaur. Cette jeune ­Canadienne originaire du Pendjab est suivie par 4,5 millions de ­personnes sur Instagram, où elle alterne textes brefs, adaptés au format carré du réseau, et photos d’elle-même dans des costumes ­variés. Après avoir publié ses premiers poèmes en autoédition, elle a désormais vendu plus de 10 millions d’exemplaires à travers le monde.

En France, ses recueils Le Soleil et ses fleurs et Home Body (NiL) ont constitué les plus grands succès de poésie en 2022, dépassant pour une fois Prévert et Baudelaire. Lorsque sa tournée mondiale l’a emmenée à Paris, en octobre, les places pour l’applaudir à La Cigale ont trouvé preneurs en trois jours. « Certains décrètent avec beaucoup de snobisme que ce n’est pas de la poésie, s’agace son éditrice, Claire Do Sêrro. Bien sûr, ses textes sont très accessibles, et son dernier cahier d’exercices poétiques, Ecrire pour guérir, relève à moitié du développement personnel. Mais c’est génial qu’une jeune femme sorte ainsi la poésie de son enclave. Grâce à elle, toute une génération découvre que la poésie n’est pas forcément hermétique, ni réservée à une élite ! »

Aux Etats-Unis, au Royaume-Uni, en Asie, les « instapoètes » ont déjà fait bondir le marché de la poésie depuis des années. En France, la révolution est en marche. Derrière Rupi Kaur, d’autres auteurs qui se sont créé un public sur les réseaux sociaux arrivent en masse dans les librairies. A l’image de la militante afroféministe Kiyémis, ou de la Franco-Marocaine Rim Battal. « Il s’agit souvent d’une poésie très incarnée où l’auteur se met en scène et où les femmes refusent de s’invisibiliser, avec une forte dimension visuelle », note Camille Bloomfield, chercheuse en littérature et poète active sur Instagram. La politique y est aussi très présente.

Nombre de ces textes offrent des formes classiques, vers, rimes, sans grande audace formelle. Certaines poésies nées hors du livre présentent toutefois un intérêt particulier « lorsque le médium est interrogé, qu’un travail sur la spécificité de ­l’espace de publication – Instagram ou autre – est en jeu », relève Gaëlle Théval, enseignante à l’université de Rouen. Un exemple ? Les vidéoperformances et les poèmes sonores de Charles Pennequin, auteur reconnu des éditions P.O.L. « La poésie veut faire un gros trou dans tout ce qui parle en nous », dit-il dans un texte récent.

10 – Un reboot

OUT OF CONTROL
Je me fous de mon âme
Je me fous de mon corps
Sur mon compte Instagram
J’ai simulé ma mort
REC
Il faut enregistrer nos vies
Avant qu’elles ne disparaissent toutes
Dans un cambriolage inouï
Ou un reboot

(Extrait de Quand les décors s’écroulent, de Christophe Fiat, L’Attente, « Ré/velles », 152 pages, 14,50 euros).

11 – Rimes & acrostiches

Pourquoi onze parties dans cet article ? Parce que les poètes préfèrent l’impair. Que l’onzain (strophe de onze vers) est une forme sous-estimée, employée par Marot, Lamartine, Musset et Perec. Et qu’en prime les premières lettres des ­titres de ces onze sections forment un mot cher à Jacques Prévert.

Denis Cosnard

Thierry Milleman « Ondes et énergies cérébrales dans la physique quantique » dans Entreprendre (long entretien)

L’immortalité démontrée par la physique quantique

Par Marc Alpozzo, philosophe et essayiste

L’être est, le non-être n’est pas, disait Parménide. Et pourtant, Héraclite affirmait que le même homme ne posait pas deux fois le même pied dans le même fleuve. Sommes-nous à la fois éphémères et éternels ? Peut-on croire que le corps physique, ou plutôt matériel, serait mortel, alors même qu’une substance immatérielle continuerait de vivre après la décorporation, ou plutôt, la dématérialisation ? C’est du moins ce qu’entend démontrer dans un livre passionnant, le Dr Thierry Paul Millemann, qui mêle physique quantique et économie, pour nous montrer que nous sommes immortels, et qu’il est temps pour l’humanité de le savoir.  

Marc Alpozzo : Votre livre Ondes et Énergies cérébrales dans la physique quantique : l’immortalité dans un monde parallèle mais bien réel paru aux Editions Vérone (2023) pose une question fondamentale pour notre nouveau siècle que l’on pourrait résumer ainsi : Qui sommes-nous réellement et quelle est notre destinée exacte ? Pour y répondre, vous utilisez la physique quantique et biologie moléculaire dans un livre qui est loin d’être facile à lire. Or, en nous dévoilant, par les découvertes des lois de la physique quantique, universelles et irréfutables, une réalité́ extraordinaire de mondes matériels et immatériels dans lesquels nous vivons en même temps sans en avoir conscience, vous rejoignez les positionnements des mystiques, et vous nous dites : « N’ayez pas peur. Vous êtes immortels. » Est-ce ainsi qu’il faut lire ce livre ?

Dr. Thierry Paul Millemann : Si quelques pages sont difficiles à lire, je le comprends fort bien, j’ai néanmoins fait en sorte que l’ensemble soit compréhensible par tous.  

En fait il n’y a rien de mystique dans ce livre car il ne s’agit pas de croyances, qui sont toujours positionnées sur l’imaginaire des hommes, mais de la démonstration scientifique basée sur la physique quantique de la réalité de notre vraie vie immatérielle, notre vie « Ondulaire » faite d’Ondes et d’Energies cérébrales qui est « intemporelle », terme que je préfère à « immortelle », car l’erreur est de croire, sans savoir, que nous mourrons un jour.

La plupart des gens lettrés n’ont pas peur de la vie ou de la mort, mais ils sont curieux et parfois inquiet de ce qui se passe après ! Comme me disait Jean d’Ormesson : « quand on meurt, c’est pour longtemps, et que fait-on pour l’éternité ? »

Pour comprendre, nous devons impérativement savoir comment nous sommes réellement constitués comme pour toute la matière de l’univers.

La réalité de la vie et de tout notre environnement ne sont pas du tout ce que vous croyez !

Les lois de la Physique ont démontré que les humains, comme toute la matière, sont en même temps, des structures matérielles atomiques, constituées d’atomes, et donc corporelles, évoluant dans l’univers que nous quittons un jour lors de la désagrégation des particules élémentaires qui composent le corps, et des structures immatérielles faites d’ondes et d’énergies cérébrales, indépendantes du corps qui perdurent intemporellement !

Tout d’abord, le corps n’est qu’une association instable d’atomes organisée en ordinateur organique quantique, (c’est-à-dire que son processeur central, les neurones, fonctionne avec la plus petite unité matérielle qui est la particule élémentaire) doté de capteurs, d’émetteurs et de transmetteurs, géré par les neurones du cerveau, mais doté d’une pensée faite d’Ondes et d’Energies Cérébrales. Comme le dit très bien Hubert Reeves, « nous sont tous des poussières d’étoiles ».

Ainsi, par exemple, vous étiez persuadé de voir avec vos yeux ou d’entendre avec vos oreilles: c’est faux ! Ils ne font que recevoir des ondes lumineuses ou sonores qui, via les rétines ou appareils auditifs,  adressent un mors d’électrons aux neurones de la vision ou du cortex auditif du cerveau qui leur permet de recréer l’image et le son de votre environnement, tout en créant des ondes et énergies qui sont stockées dans la mémoire. Imaginez les milliards de milliards de vibrations neuronales et d’ondes-énergies émises à chaque nanoseconde et vous serez encore très loin de la réalité et de la complexité extraordinaire de la vie.

Vous étiez sûr de vivre votre environnement avec votre corps, d’humer un parfum, goûter un bon vin ou sentir une caresse : faux ! Toutes les parties sensorielles du corps ne font que retransmettre aux neurones du cerveau des impulsions électriques via un réseau d’électrons d’une complexité inimaginable. Et l’ensemble des neurones retranscrivent toutes ces impulsions  comme étant votre vécu sensoriel.

Marc Alpozzo et le Dr. Thierry Paul Millemann

Notre corps ne fait que porter notre vraie vie intrinsèque qui est « Ondulaire ». Comment cela fonctionne ?

De plus en plus de scientifiques comme ceux du Max Plank Institute for physique, admettent que notre vie cérébrale faite d’ondes et d’énergies perdure après la mort du corps mais sans pour autant en définir les conditions. Sir Roger Penrose, par exemple, physicien et mathématicien reconnu, prix Nobel, a réussi à définir les liaisons entre les ondes cérébrales et les neurones, via des microtubules, (pour faire simple, sorte de micro câble situé dans les neurones contenant les ondes cérébrales de la pensée et de l’action. Pensez par exemple à la fibre optique d’internet ou de la TV) permettant ainsi l’action du corps avec les ordres de la pensée, mais sans pouvoir en définir leur pérennité.

Mais alors, comment notre vraie vie « Ondulaire » faite d’ondes et d’énergies cérébrales, peut-elle perdurer après la mort ?

J’ai émis pour la première fois l’idée d’une concentration « Ondulaire », (ondes et énergies) lors de la présentation de mes recherches en 2010 que de nombreux scientifiques saluèrent les qualifiant « d’un très grand intérêt » comme le Pr. François Gros, alors Secrétaire Perpétuel de l’Académie Française des Sciences, ou de « très original » comme l’Astrophysicien et Académicien Georges Courtès.

Il me fallait cependant impérativement, pour vérifier ma théorie, trouver un élément de liaison qui pouvait conserver ensemble la multitude d’ondes de vie et mémoire, de l’action, puis celles de la pensée et pour finir de l’ensemble « Ondulaire », car sinon, ces ondes après la mort se disperseraient dans l’univers pour s’y diluer, sans aucune unité de vie intemporelle.

Je me suis orienté alors vers le principe de « Valence » qui permet aux atomes de s’unir par les électrons périphériques mis en commun de façon orbital autour de ces atomes, qui, ainsi liés indéfectiblement, forment toute la matière de l’univers, nous compris. C’est en quelque sorte la ficelle qui tient le paquet cadeau solidement fermé. Pour exemple, pour qu’une molécule d’eau puisse exister, il faut que 2 atomes d’hydrogène et un atome d’oxygène, deux gazs, s’unissent ensemble et pour ce faire, ils mettent en commun autour d’eux de façon orbital, comme une ceinture, leurs électrons les plus éloignés des noyaux, les électrons de valence, et sont ainsi solidement noués ensemble pour constituer de l’eau.

Il n’y avait pas de raison pour que les ondes ne puissent pas aussi répondre à cette loi fondamentale de la physique, puisque toute matière est onde et que toute onde est matière comme l’ont démontré Niels Bohr et ses confrères du début du siècle dernier. Albert Einstein mit 20 ans à l’admettre, mais vous pouvez lui faire confiance c’est exact, même si cela est difficilement compréhensible pour le commun des mortels. Je peux vous le démontrer facilement et de façon très compréhensible avec la lumière. Tout le monde sait que la lumière est une onde, l’onde lumineuse, avec toutes les fréquences des couleurs de l’arc en ciel par exemple, mais aussi, quand on la capte, elle devient une particule, matérielle, le photon. Il en est de même pour toute la matière par réciprocité.

La découverte des ondes de Valence ou Orbitales fut l’élément fondamental de ma théorie de l’unité de vie ondulaire car elles démontraient comment les ondes et énergies cérébrales étaient liées entre elles pour l’éternité, et surtout l’existence d’une onde orbitale générale enveloppant l’ensemble de toutes les autres permettant ainsi la constitution d’une unité de vie « Ondulaire » intemporelle. Comme peut l’être un poisson rouge dans son bocal.

Cette théorie est une avancée scientifique fondamentale car elle est basée sur les lois de la physique qui sont toutes aussi fondamentales, et universelles.

M. A. : Étonnamment, pour le lecteur distrait, vous ne croyez pas dans les religions. Volontiers agnostique, vous croyez cependant en Dieu, même si vous dites que foi, croyance et athéisme sont la même chose, et votre positionnement est plus empirique.  Ce que vous affirmez en réalité, c’est que l’athée est passé à côté d’un élément essentiel de l’existence : que la vie matérielle devrait bien mieux considérer la vie « intrinsèque » des hommes. Pouvez-vous nous éclairer ?

T. P. M. : Etant Agnostique je ne crois en rien ! Je sais ou je ne sais pas, mais je ne crois pas sans savoir. Le croyant lui, est ignorant et fait confiance à celui qui lui dit savoir. Si ce soi-disant savant peut lui démontrer son savoir, alors l’ignorant devient savant à son tour et n’est plus croyant. En matière religieuse, le soi-disant sachant, est dans l’incapacité totale de démontrer son savoir. Pour s’y soustraire, il a inventé la foi ! Dieu lui a parlé, point final. Le croyant ignorant reste donc un ignorant croyant en quelque chose d’indémontrable. Mais dès lors que cela lui apporte un réconfort quelconque, alors laissons le croire. Surtout qu’à ce sujet personne ne détient la vérité.

Vous dites que je crois en Dieu, non pas du tout, mathématiquement parlant, je sais qu’il « est ». C’est totalement différent. Point de démonstration nécessaire à son existence, il « est » c’est tout. En mathématique nous avons un symbole pour le représenter qui est un 8 horizontal. Comme disait Blaise Pascal, « Dieu, l’univers et les hommes ne font qu’un, car il ne peut y avoir qu’un seul et unique infiniment grand » ! Cela n’a pas changé avec le temps et les découvertes de la physique. Il faut l’admettre sans trop se poser de question, car, comme disait Arthur Schopenhauer : « en matière de métaphysique, la seule chose qui vous reste à l’esprit, c’est le mal de tête ! »

Quand je parle de l’Athée, je pense surtout à Karl Marx et son Das Kapital, Kritik der politischen ökonomie, que je traduis par Grosse Katastrophe!

La phrase la plus catastrophique de tout son raisonnement entièrement faussé par une conception de la vie totalement erronée, ne considérant que la matérialité de l’homme, et qu’aucun capitaliste ne remit en question pouvant ainsi mettre en esclavage économique l’ensemble de la population mondiale est : « L’homme loue sa force de travail au capitalisme qui l’emploie au gré de ses besoin » !

Dès lors l’homme devenait un outil de production qu’il convenait d’être le plus rentable possible, donc le moins cher, l’excellence étant la pauvreté absolue et une rémunération ne permettant que la reproduction de cet outil ! La pauvreté devenait une richesse extraordinaire pour les capitalistes qu’il fallait s’approprier pour produire au moindre coût.

Or c’est tout le contraire qui est induit par ma théorie, c’est le capital qui doit être au service des hommes. Et le capitalisme a beaucoup plus à gagner en enrichissant les pauvres qu’en les maintenant pauvre. Je peux aisément le démontrer économiquement, mais c’est un autre débat qui nécessite un livre à lui seul.

La crise de 1929 par exemple que nous continuons de façon fallacieuse à qualifier de crise de surproduction, n’est en fait que le pâle reflet d’une sous-consommation due à une surexploitation du travail par le capital ne permettant pas aux hommes de consommer leur propre production.

En ne considérant l’homme que comme un outil de production, sans tenir compte de sa véritable structure immatérielle, l’humanité se conduit de façon puérile et mercantile sans se rendre compte qu’elle court à sa perte matérielle.

D’une façon très curieuse, l’humanité passe son temps à détruire ce qu’elle construit. Toutes les civilisations ont toujours disparu sous les invasions de voisins en surpopulation, qui ont toujours préféré tout détruire dans leurs conquêtes plutôt que d’utiliser les acquis, repartant à chaque fois à zéro. Il est évident que si les humains connaissaient leur réalité intemporelle de leur vie Ondulaire, ils changeraient de mentalité et arrêteraient de se faire la guerre comprenant que cela ne sert à rien.

Le pourquoi de cette situation fut la raison principale de mon premier choix des Sciences Economiques, car outre les théories économiques, l’économétrie, les mathématiques et statistiques, toutes les sciences sociales et humaines sont étudiées, mais aussi avec l’histoire des peuples et des civilisations, la géographie comme la géologie et bien d’autres domaines nécessaires à la compréhension du comportement humain en société. Cela donne une vision d’ensemble de l’évolution de l’humanité dans une construction journalière du savoir bien au-delà du doctorat universitaire.

M. A. : Nous sommes dans un monde de plus en plus matérialiste, notamment avec le transhumanisme qui a la prétention de faire de l’humain un être matériel absolu, capable de s’auto-créer et de s’auto-anéantir, recherchant l’immortalité sur terre, etc. Vous parlez plus volontiers à ce propos d’esclavage et de servage. Pour vous, que ce soit la révolution communiste ou le matérialisme pur et dur du capitalisme financier, c’est bonnet blanc et blanc bonnet, les hommes sont perdus s’ils ne prennent pas en compte les lois de la physique qui les conduiraient à comprendre qu’ils sont immortels et que la vraie liberté est ailleurs, n’est-ce pas ?

 T. P. M. : Mon parcours professionnel m’a conduit à connaître le monde entier dans sa diversité géographique et humaine. Mais aussi bon nombre de scientifiques, de dirigeants et personnalités influentes, de la politique et des affaires.

Parmi mes relations professionnelles, les plus marquantes, figurent sans nul doute, les hauts dignitaires militaires du Pentagone d’où sont nées des amitiés sincères et indéfectibles. De toutes mes observations sur les déséquilibres entre les peuples, et parfois l’incohérence des situations économico-politiques, ils m’apportèrent les réponses à mes questions.

Rien n’était dû au hasard !  Tous les pays développés suivaient des plans de politiques hégémoniques dont personne n’avait réellement connaissance. Tous ces plans d’action classés « secret défense » vous glacent le sang quand vous en prenez connaissance. Il est vrai que pour les militaires, ils ne parlent jamais de morts, mais de pertes.

C’est ainsi par exemple que je découvris que la première étude sur le devenir de l’humanité fut commandée par le Président Roosevelt à son retour de Yalta, après avoir rencontré le roi d’Arabie Saoudite, Ibn Saoud, avec qui il instaura l’islamisation radicale des musulmans afin de pouvoir compter sur la mobilisation djihadiste en cas d’invasion des champs pétroliers par les Soviétiques. Ces derniers n’ont jamais eu cette velléité, mais l’intégrisme avec tous ses dommages collatéraux était né et allait prospérer.

C’est en 1953 que cette étude fut délivrée au Président Eisenhower, qui la jugea si préoccupante qu’il fit nommer une enquête sénatoriale dont les résultats furent si épouvantables qu’il classa le tout « Secret Défense ». C’est le Président J-F. Kennedy qui avec courage ressortit le bébé. Puis plus tard Henri Kissinger dont la fameuse étude NSSM 200 de 1974 (National Security Study Memorendum) dont l’objet était l’implication de la croissance exponentielle de la population mondiale sur la sécurité et les intérêts occidentaux. Laquelle donna naissance à la NSDM 314 de 1976 (National Security Decision Memorendum) signée par le Major-Général Brent Scowcroft (son successeur) alors Conseiller à la sécurité du Président Ford pour les actions de sauvegardes hégémoniques et sécuritaires à entreprendre. Ces dossiers furent déclassés secret défense 15 ans plus tard, car d’autres plans furent mis en place. Ceux de D.Rumsfeld, secrétaire à la défense, H. Paulson au Trésor et ancien assistant du secrétaire à la défense au Pentagone et P. Wolfowitz Secrétaire à la défense des années 2000 (toujours classés secret défense), sont tout autant effrayants.  En revanche,  les ordres donnés à G. Bush sénior alors directeur de la CIA et les suivants, sont toujours aussi classés Secret défense. Et pour cause !

Le cataclysme est programmé pour les années 2050, et ces plans de sauvegarde hégémonique laissent rêveur, on parle de plus de 4 milliards d’êtres humains qui ne doivent pas naitre ou mourir prématurément !

Tous les dirigeant devraient le savoir, tout du moins je l’espère, mais très franchement quand je vois leurs politiques, j’en doute de plus en plus, ou l’ignorent volontairement ! Pourquoi ? Parce qu’ils n’ont pas la moindre solution ! Donc ils font l’autruche en croyant que quelqu’un trouvera bien une solution ou qu’un miracle se produira pour sauver l’humanité !

Mais les Occidentaux vont-ils réellement pouvoir s’en sortir indemnes ?  Rien n’est moins sûr ! Pour l’Europe nous allons devoir faire face à environ 7 à 800 millions d’émigrés potentiels qui n’auront que le choix d’immigrer en Europe ou mourir sur place ! Que vont-ils faire et qu’allons nous faire ? Bien sûr le développement est la solution car plus un pays est développé plus sa population décroit, comme en Europe ou maintenant en Chine. Seulement voila, il est impossible de développer les 4 milliards d’humains sous-développés ! Pourquoi ? Eh bien, pour que l’on puisse développer tous les pays ne serait-ce qu’au niveau de la Roumanie, il faudrait 2 planètes terre ! Avons-nous 2 planètes terre à notre disposition ? Cela veut dire que pour assurer notre propre développement nous devons nous assurer de la totalité des réserves du monde et que les 4 milliards d’humains sous développés doivent le rester, mais aussi que les pays émergeants doivent le rester et qu’à chaque fois que l’un d’eux sort la tête de l’eau « on » l’y remet dessous !

Petit problème néanmoins, le Président Xi Jiping a bien la ferme intention de développer les 800 millions de chinois qui vivent encore au moyen âge, et cela ne pourra se faire qu’au détriment des pays déjà développés !

Autre problème majeur, la terre ne peut pas nourrir plus de 10 milliards d’êtres humains et encore en exploitant toutes les réserves, terrestres, halieutiques et maritimes, en limitant la consommation alimentaire des pays développés et surtout en acceptant des fractures écologiques irréversibles, c’est-à-dire que le retour en arrière à l’échelle du temps humain n’est pas possible. Pour exemple déjà aujourd’hui plus aucune génération pour les millénaires à venir ne pourra connaître la terre telle qu’elle était en 1970 !

Nous étions 2 milliards en 1950, 6 milliards en 1999, plus de 8 milliard aujourd’hui, et les 10 milliards seront atteint dans les années 2040.

Les vrais problèmes sont donc devant nous et très proches.

Devant cette tragédie humanitaire, j’ai cherché à comprendre pourquoi les humains passaient leur temps à détruire ce qu’ils construisaient, et pouvaient rester impassibles en face des catastrophes tant humanitaires qu’écologiques et de ce Tsunami qui va tous les emporter.

Il me fallait comprendre comment nous étions constitués pour agir de la sorte.

C’est ainsi que je me suis dirigé naturellement vers la biologie moléculaire et la chimie organique, mais très rapidement je compris qu’il ne s’agissait pas de la matérialité du corps, mais de son utilisation par la pensée humaine. La physique quantique était donc la solution. C’est donc trente ans d’études passionnantes de toute la physique qui m’a permis de développer cette théorie de la vie Ondulaire.

Ce qui est curieux néanmoins, c’est de constater  que l’univers et tout ce qu’il contient agit comme les humains ! C’est une lute continuelle, la destruction donnant naissance à la création. Nous sommes bien tous des poussières d’étoiles et nous agissons bien comme elles !

Jusqu’à présent, les hommes ont toujours eu une conception de l’immortalité, mais cela n’était que croyances  pour certains et illusions pour d’autres. Aucune civilisation ne s’est vraiment constituée autour d’une vie intemporelle, et pour cause, personne n’en avait la moindre idée. Cela peut-il changer ? Connaissant les humains, j’en doute, même avec la connaissance de ma théorie Ondulaire. Il faudrait que tous les scientifiques fassent corps autour de cette découverte et qu’elle soit diffusée dans le monde entier pour commencer à observer un début de prise de conscience. Ne jamais oublier que même Albert Einstein s’est vu alloué seulement un petit poste au bureau des enregistrements des brevets au titre qu’un chercheur indépendant ne pouvait pas être sérieux ! Alors vous pensez bien que le travail d’un illustre scientifique inconnu comme moi, prendra du temps pour être reconnu.

M. A. : Vous montrez en le démontrant que le rêve de l’immortalité biologique est une pure hérésie. Vous expliquez que toute notre vie est animée par des électrons, qu’ils construisent la matière en la détruisant, et que la vie ne répond pas aux grandes lois de l’évolution mais aux quatre forces interactives de l’univers. N’est-ce pas un peu trop en avance comme analyses pour être compris de nos contemporains ?

T. P. M. : En fait ce n’est pas mon analyse qui est trop en avance pour être comprise par nos contemporains, mais bien l’intérêt qu’elle peut susciter auprès des média qui diffusent l’information. Il est clair que si j’avais démontré l’immortalité des fesses de Nabila, j’aurai fait les premières pages des journaux. La science n’est jamais en avance, c’est nous qui sommes en retard et uniquement par intérêts financiers. Car la question pour les médias et les décideurs en général est : qu’est-ce que cela nous rapporte ? Et pour que le peuple puisse s’y intéresser il faudrait qu’il lève les yeux de son nombril Facebook pour regarder autour de lui. Nous n’en prenons pas le chemin. De ce fait seuls les lettrés et personnes curieuses et avec un esprit ouvert sur le monde seront intéressés en premier lieu.

En physique, les lois sont immuables. Or, les particules élémentaires qui composent le corps humains n’arrivent pas à stabiliser leur incroyable association au sein de leur structure de chimie organique.  Depuis toujours, les humains désirent être riches, et jeunes éternellement. Si certains alchimistes ont essayé de transformer le plomb en or, sans succès, d’autres ont cherché l’élixir de vie en vain.  

La longévité maximale d’un homme se situerait entre 120 et 150 ans. L’informatique moderne a permis à quelques experts en biologie et biophysique de compiler les ADN et les données médicales de centaines de milliers de volontaires. Le programme mis en place par ces chercheurs avait pour but d’estimer, avec une probabilité d’erreur réduite au maximum, le taux de vieillissement biologique et la durée de vie maximale de chaque individu de cet échantillon. En examinant le rythme du vieillissement, les experts ont mis en évidence deux facteurs majeurs dans de la durée de vie humaine : l’âge biologique prenant en compte toutes les maladies liées au stress ou mode de vie, et la résilience. La diminution puis la perte de cette dernière interviendrait entre 120 et 150 ans et entraînerait obligatoirement la mort.

D’autres, comme certains transhumanistes pensent que l’homme qui vivra 1000 ans est déjà né. A quoi bon vivre 150 ou 1000 ans, suis-je tenté de répondre puisque la finalité reste la même. Le temps à l’échelle de l’univers n’a pas d’importance. La seule observation ayant réellement un sens dans le transhumanisme, est l’idée que l’esprit humain peut être séparé du corps biologique. Cette notion d’entité différente de la composition corporelle est exacte car il s’agit bien de la vie « Ondulaire ».

Mais quel pourrait être l’intérêt de transférer cet esprit ou âme pour les croyants, dans un nouveau corps amélioré, robotisé, ou même virtuel ? De plus très franchement, disposer d’une nanotechnologie la plus évoluée possible pour permettre de télécharger et de transférer un esprit humain, ce n’est pas pour demain. Si cet esprit « captable » informatiquement parlant est bien un ensemble de compilations vibratoires d’électrons, comme dans un programme informatique, alors sa concentration ondulaire ne devrait pas avoir besoin d’un corps matériel pour perdurer. L’erreur de tous ces chercheurs est de ne pas considérer l’existence de l’univers parallèle immatériel, pourtant parfaitement démontré par les lois de la physique. Ils se concentrent sur la réalité de la biologie moléculaire uniquement matérielle, et non sur la physique, qui elle, peut concevoir ces mondes.

Une multitude de projets sont apparus depuis l’essor technologique des années 2000. Pour exemple, en 2013, Google a créé Calico, abréviation de California Life Company, un centre de recherche sur le développement de la longévité, très fier de ses liens avec les leaders pharmaceutiques et les universités d’Harvard et du Massachusetts Institute of Technology (MIT). Axé sur la lutte contre les maladies neurodégénératives et le cancer, ce centre de recherche a pour objectif d’approcher la durée maximale théorique de la vie humaine, qui serait donc à en croire les études spécialisées de 150 ans.

Altos Labs, une autre nouvelle start-up de la Silicon Valley  a regroupé une équipe de scientifiques de renom. Elle bénéficie du soutien de Jeff Bezos, et du milliardaire Russo-Israélien Youri Milner, ami de Mark Zuckerberg. Les scientifiques recrutés ont pour mission de trouver une technologie permettant tout simplement de vaincre la mort en la reportant indéfiniment. Au sein de cette équipe, figure le Dr Shinya Yamanaka, lauréat du prix Nobel de médecine en 2012 pour ses travaux sur les cellules souches, et Jennifer Doudna, spécialiste de la biologie structurale et du décryptage de l’ARN, co-lauréate du prix Nobel 2020 de chimie pour sa découverte sur la technique d’édition du génome CRISPR-Cas9. Le but est de développer une technologie de « reprogrammation biologique », consistant à rajeunir les cellules arrivées à maturité, permettant ainsi de régénérer le corps humain lorsqu’il vieillit et de guérir de maladies de dégénérescence.

On trouve également  l’« Hevolution Foundation », fonds d’investissement à but non lucratif pour la recherche sur la longévité, établie par décret royal en Arabie Saoudite, dirigé par Mehmood Khan, un ancien responsable du département scientifique de PepsiCo.  Et aussi la Longevity Science Foundation, entreprise Suisse, qui veut investir plus de 1 milliard de dollars dans le même but.

L’erreur de tous ces scientifiques, et milliardaires aux idées généreuses mais démesurées, non physiciens, est de croire que le vieillissement et la mort sont la finalité de l’être humain. Ils s’attachent tous aux concepts vivants de la biologie moléculaire sans aller voir ce qui se cache derrière, ce qui a permis de créer toute l’essence biologique. Ils se trompent de cible. Ils veulent traiter « l’effet » et non la « cause ». Le fruit de la création et non la structure de la création. Ils ne font que repeindre la façade du château sans se rendre compte que ce sont les fondations qui maintiennent l’ensemble debout.

En décomposant l’homme en parties moléculaires, puis particulaires et regardant de près sa structure nucléaire et composition atomique, le raisonnement passe de celui de l’augmentation de la longévité physique et matérielle, soit le prolongement de la vie biologique, à la véritable immortalité immatérielle. Les concepts sont diamétralement opposés. 

L’immortalité biologique, en imaginant qu’elle puisse être atteinte un jour, reste prisonnière des lois de la physique universelle et de ses quatre forces, elle reste matérielle et ne pourrai être en fusion avec l’univers ou Dieu. Impossible d’aller voir un jour une autre planète dans une autre galaxie, car A. Einstein avec sa célèbre formule E=MC2  est passé par là. A contrario, l’immortalité immatérielle, fait corps avec la notion d’infini de l’univers ou de Dieu. Ils ne font qu’un. Dans l’un, l’immortalité reste dans une structure finie et dans un espace – temps bien défini dont on ne peut s’évader, dans l’autre une structure infinie sans espace- temps et sans contrainte nucléaire.

Reconnaissons-leur cependant une grande utilité dans la recherche de solutions aux maux du corps de l’être humain afin de lui permettre de mieux vivre. La vraie question est de savoir si un jour nous pourrons associer ces mondes parallèles immatériels à celui que nous connaissons qui est matériel. Autrement dit ces mondes pourront-ils un jour communiquer ensemble ?

M. A. : Vous n’avez pas remis en cause l’hypothèse scientifique de la fin de l’univers. Vous dites mêmes que Dieu éteindra la lumière. Vous affirmez cependant que la physique ne donne pas encore toutes les réponses. Nous nous en doutions. Ce qui est pourtant essentiel dans votre texte, c’est que vous montrez le lien intrinsèque entre l’âme et le corps. La matière pense, dites-vous. Quand nous mourrons nous serons dématérialisés. Où irons-nous alors ? Quelle est la vie après cette vie-ci, puisque le corps non pas matériel mais immatériel continue de vivre ainsi que l’âme, même si cette notion vous pose problème puisque vous dites que c’est une énigme ? Cette vie intrinsèque est faite de vibrations et d’ondes. On peut donc imaginer un autre univers en-dehors de celui-ci, n’est-ce pas ?

T. P. M. : Toute la matière, répond aux mêmes lois universelles, l’univers n’est en aucun cas maître de son destin, et ne possède pas de libre arbitre. Or si la science a élaboré des théories de la mort de l’univers, elle ne dispose pas de théorie de la création des univers. Dans ces conditions il est impossible de tenir un discours scientifique sur les raisons et les conditions de la naissance et de la mort de l’univers.

Nous pouvons très bien imaginer que notre univers dont la vitesse d’expansion est en diminution, puisse arriver à un point d’inflexion, pour se contracter à nouveau, puis pour se re-concentrer dans un point de singularité à des températures inimaginables, pour réexploser dans un nouveau Big Bang, tout les x milliards d’années, comme un battement de cœur ! Dès lors nous ne parlerions plus de la mort de l’univers, mais de son fonctionnement. 

L’unité de vie représentée dans son support d’ondes orbitales, notre vie Ondulaire,  n’étant plus matérielle, nous ne serons plus soumis aux aléas de l’univers matériel. Nous ferons partie intégrante de l’univers Energies, donc de la force suprême, et de l’infini.

Les astrophysiciens ont tendance à vouloir se passer de Dieu. En fait ils ne font que constater les événements en les expliquant avec des démonstrations empiriques, mais jamais ils ne répondent à la question : « d’où viennent les quatre forces de l’univers ? »

Qui est à l’origine de quoi, et inversement ? Qu’y-a-t-il en dehors de l’espace ? De combien de dimensions est-il question ?

L’univers est-il seul et unique, où n’est-il qu’une partie fonctionnelle d’un ensemble encore plus grand, comme le système sanguin l’est au corps humain ? Le caractère généralement admis d’unicité absolue du cosmos interdit de parler d’autres univers. Pourtant aujourd’hui de nombreux physiciens théoriciens commencent à envisager des univers multiples représentant un panel d’univers possibles.

Ce qui est certain est qu’il existe un univers matériel que nous connaissons en partie, et son double immatériel, comme les humains avec leur vie corporelle et leur vie ondulaire immatérielle.

Il est évident que notre vie étant la somme de toutes nos ondes et énergies, devenue immatérielle, rien ne lui interdira de continuer de vivre comme lors de sa matérialité, puisque sa matérialité est déjà vécue à travers ses ondes et énergies immatérielles. Après la disparition du corps, la vie cérébrale reste la même, à un seul détail près, il n’y a plus d’espace temps. C’est-à-dire que si vous souhaitez allez voir Antonio Vivaldi jouer du violon à Venise dans son siècle vous pourrez le faire en rejoignant instantanément les ondes énergies de cette époque et de son environnement. Tout comme aller voir les dinosaures si cela vous chante.

Mais au même titre qu’un bébé devient un enfant puis un adulte, il est certain que notre vie ondulaire évoluera également vers des connaissances et des dimensions que nous ne connaissons pas.

Pour finir je conclurai en disant que notre seule préoccupation terrestre devrait être de faire le maximum pour vivre heureux, en harmonie avec les hommes et notre planète, en ayant bien conscience que nous sommes tous égaux, car nous avons tous une fin matérielle et nous avons tous à apprendre quelque chose de l’autre, et que la seule façon de vivre pleinement est de toujours prendre plaisir à faire plaisir à l’autre.   

Propos recueillis par Marc Alpozzo

Paul Sunderland a aimé « Tantièmes » de Jean-Pierre Noté dans « Mauvaise nouvelle »

Tantièmes, un monde sanspuss

Tantièmes, un monde sanspuss

Par Paul Sunderland 

Tantièmes, un monde sanspuss, de Jean-Pierre Noté (2021, Az’Art atelier éditions)

On pourrait considérer la futurologie comme une sorte de voyance à prétentions scientifiques. Le fait est que, depuis quelques années, cet exercice se multiplie au point de rejoindre, dans la quantité de ses projections, ce qu’on appelle par ailleurs la fiction spéculative (désignée aussi, peut-être de manière un peu trop restreinte, comme science-fiction).

Mais depuis un certain temps, les approches d’un côté strictement scientifique et de l’autre strictement imaginaire ont tendance à vouloir fusionner, ce qui donne lieu à une littérature d’un certain point de vue terrifiante car tendant de plus en plus à l’immédiateté des intrigues et enjeux. C’est de là que nous partons et c’est là que nous arrivons lorsque nous avons sous les yeux le très bon et très dérangeant roman Jean-Pierre Noté. Comme dit l’autre (fut-ce Maurice G. Dantec ?), la science-fiction, c’est la littérature du réel. Ici, la spéculation se tient au bord de l’abîme auquel nous sentons de plus en plus ne pas pouvoir échapper. Tantièmes relate la prise de contrôle non étatique de l’humanité, ni plus ni moins. Contrôle intellectuel, comportemental, tout ce que vous voulez. L’accès à la maîtrise du monde (vieille lune de la littérature populaire mais ici, nouvelle lune) se fait par le développement d’une intelligence artificielle (tiens donc) omniprésente et conjuguée à l’absence totale de scrupules de la part de ses concepteurs.

Le contrôle se fait par la langue : Jean-Pierre Noté a parfaitement compris la puissance géopolitique de l’idiome avili par un Etat en faillite morale suffisamment avancée (n’ayons pas peur de préciser que la chose a lieu dans la France d’un jeune président) pour vendre, ni plus ni moins, son Académie à des intérêts privés ou plus exactement, aux intérêts privés d’un homme dont le portrait physique se tient à mi-chemin entre le patron d’Amazon et l’ennemi juré de Superman, Lex Luthor.

C’est précisément là que l’écart se resserre entre le futurologue et l’écrivain : la chute des Etats, des institutions séculaires, leur remplacement par des algorithmes gestionnaires de citoyennetés sont au coin de la rue, peut-être même déjà en cours. Que l’intrigue de Tantièmes ait une fin heureuse ou qu’elle n’en ait pas, c’est au lecteur, individuellement, d’en décider (et ça évite de dévoiler la fin). Personnellement, je me rallie à l’idée venue du fond des âges que la somme des désordres contribue à un ordre plus grand, mais en ajoutant de suite qu’en ce moment, je comprends tout à fait que nous ayons un peu de mal à voir les applications concrètes de cette sapience.

C’est bien l’intérêt de ce roman où, en définitive, nous lisons l’histoire de notre abdication malgré les efforts de protagonistes plus ou moins éveillés (ou réveillés) selon le cas. C’est à vérifier, mais je pense que Jean-Pierre Noté, peut-être plus pessimiste que moi, nous invite à comprendre, par le biais de Tantièmes, que nous ne courons pas à la catastrophe parce que celle-ci, en fait, a déjà eu lieu. Et toutes les fins heureuses possibles et imaginables de la littérature n’y changeront rien.

https://guilaine-depis.com/tantiemes-un-monde-sanspuss-un-roman-melant-lintelligence-artificielle-et-la-langue-de-jean-pierre-note/