Sur le sentiment de compassion : un important dossier signé Martha Nussbaum dans Le Magazine Littéraire de décembre 2009

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Le Magazine littéraire – Décembre 2009

Ils ont participé à ce numéro

Martha Nussbaum. Née en 1947 à New-York, spécialiste de philosophie antique et de philosophie antique et de philosophie du droit, elle est professeur émérite à l’Université de Chicago. Elle a publié une douzaine d’ouvrages, dont « The Fragility of Goodness, The Therapy of Desire, et, en français, Femmes et développement humain. L’Approche des capabilités » (éd. des Femmes)

*** Dossier « Un monde sans pitié » – sur George Orwell

Extraits inédits d’une méditation parfois critique sur 1984, par une influente philosophe américaine. Elle interroge ici, à travers Orwell, les fondements du sentiment de compassion.

(…) par Martha Nussbaum (trad. par Camille Chaplain, éd. des Femmes, 400 p., 25 euros)

Laurence Zordan cite Martha Nussbaum et Antoinette Fouque dans La Quinzaine Littéraire (16 au 30 novembre 2009)

martha.jpgLA QUINZAINE LITTERAIRE DU 16 AU 30 NOVEMBRE 2009 – SOCIETE
REVOLUTION DES FEMMES SANS FEMINISME
 
LAURENCE ZORDAN
 
Quoi de commun entre le protagoniste de la révolte du Chiapas et l’anthropologue enseignant à Berkeley, observant le rôle des femmes dans le mouvement des mosquées au Caire ? Deux ouvrages qui bousculent les lignes, qui n’en restent pas aux approches convenues et méritent ainsi un rapprochement peut-être inconvenant. Ils illustrent une conception symétrique de la profondeur : l’un est à l’image de l’exclamation paradoxale « qu’ils étaient superficiels par profondeur ! », l’autre ouvre à une minutie vertigineuse, où la ténuité possède une tonalité insoupçonnée, invitant à toutes les résonances. Tous deux posent la question de la capacité agissante des femmes, sans se satisfaire d’une réponse féministe.
 
Sous-Commandant Marcos
Saisons de la digne rage
Climats, 276 p., 21 euros
 
show_image.jpgSaba Mahmood
Politique de la piété
Le féminisme à l’épreuve du renouveau islamique
La Découverte, 312 P., 26 euros
 
(…)
L’ouvrage [Saba Mahmood] manie avec virtuosité précision de l’enquête empirique et envergure de l’analyse théorique, permettant de croiser « études de genre » et implications géopolitiques. Particulièrement féconde, l’approche par les « capabilités » (capabilities qui complète agency de Saba Mahmood) est aussi le fil conducteur du livre de Martha C. Nussbaum, publié par Antoinette Fouque, qui a elle-même ouvert la voie allant de l’observation de ce que les femmes sont « capables » de faire (à commencer par la gestation) jusqu’à un nouveau contrat humain.

L’explication sur la pauvreté de Martha Nussbaum, dans la revue Transversalités (juillet/sept 09)

nussbaum.jpgTRANSVERSALITES

JUILLET / SEPTEMBRE 2009

LA PAUVRETE : UNE APPROCHE SOCIO-ECONOMIQUE – ENTRETIEN AVEC JEAN-LUC DUBOIS (Jean-Luc Dubois est Directeur de recherche à l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD) et au Centre d’économie et d’Ethique pour l’Environnement et le Développement (C3ED) de l’Université de Versailles-Saint-Quentin en Yvelines (UVSQ) Il est également enseignant au Master Economie solidaire et logique de marché de l’Institut Catholique de Paris.

Cet entretien a été conduit par Elena Lasida, directrice du Master Economie solidaire et logique de marché à l’Institut Catholique de Paris (ICP), avec l’appui de Kevin Minkieba Lompo, doctorant au C3ED.

La pauvreté apparaît avant tout comme un phénomène économique. Or, l’économie a beaucoup évolué dans la manière d’appréhender la pauvreté, notamment à partir des apports de Amartya Sen. Sous forme d’entretien, Jean-Luc Dubois nous présente de façon précise les principales traces et conséquences de cette évolution. (…)

Comment peut-on, sur la base de cette notion de « capabilité », identifier les différentes formes de pauvreté ?

Dans ce cadre, la pauvreté est considérée comme un manque, ou une privation, de « capabilité » à mener la vie souhaitée. A. Sen ne considère la « capabilité » que dans un sens générique, ne citant que quelques « capabilités élémentaires », comme le fait de se procurer de la nourriture, d’apprendre à lire ou d’être soigné. Martha Nussbaum, à l’inverse, propose une liste de dix « capabilités humaines fondamentales », qui s’ajusterait aux contextes socioculturels rencontrés. On est dans une vision de la pauvreté objective et absolue, qui traverse l’espace et le temps. La subjectivité ne s’exprime qu’au travers des priorités et interactions que l’on peut établir entre différentes « capabilités ».

Le fait de considérer la pauvreté comme une privation de « capabilité » a plusieurs conséquences. Tout d’abord, on doit tenir compte de l’accessibilité, ou du droit d’accès (« entitlement »), à l’ensemble des biens et services disponibles. Cette accessibilité est indispensable, car c’est elle qui permet aux personnes de constituer, par accumulation, les actifs dont elles ont besoin comme le capital physique, le capital humain résultant d’une fréquentation régulière de l’école, le capital social en tissant des liens, etc. Ensuite, il faut connaître les aspirations des personnes afin de pouvoir définir les priorités en termes de « capabilités » à renforcer ou à étendre. Ce sont ces aspirations qui vont orienter les décisions collectives et les mesures qui seront mises en oeuvre dans le cadre des politiques publiques. Enfin, se pose la question de la conversion des ressources en fonctionnements. C’est ainsi que l’on peut déterminer ce que les gens sont réellement capables de faire et d’être, en fonction de leurs aspirations et face aux opportunités disponibles. Or, cette conversion est à l’origine de l’inégalité de « capabilité » entre les personnes et soulève bien des questions de justice sociale.

martha.jpgMais la définition des « capabilités » ne rejoint-elle pas l’idée des « conditions de vie » de la première approche ?

Il est vrai que lorsqu’on détaille la « capabilité » (au sens de A. Sen) en une liste de fonctionnements, ou mieux en une liste de « capabilités humaines fondamentales » (au sens de M. Nussbaum), on rejoint la vision des conditions de vie. Les fonctionnements expriment, de fait, l’accomplissement d’un certain nombre de conditions de vie en ce qui concerne la santé, l’éducation, le logement etc. Ils se rapprocheraient même plutôt des conditions d’existence vu l’ouverture multidimensionnelle qui les caractérise. (…)

Pour en savoir plus :

Nussbaum M., Femmes et développement humain : l’approche des capabilités, Paris, Des femmes, 2000 (réédition 2008)

« Femmes et développement humain » de Martha Nussbaum

Martha Nussbaum.JPGMartha Nussbaum
Femmes et développement humain
L’approche des capabilités


Traduit de l’américain par Camille Chaplain.

400 p. – 30

Femmes et développement humain, est le premier ouvrage de la philosophe Martha Nussbaum traduit en France.
C
onnue pour ses apports en philosophie politique sur la question du développement, et pour ses études des inégalités sexuelles, elle collabore depuis les années 80 avec l’économiste Amartya Sen, Prix Nobel d’économie en 1998. Elle a contribué à l’élaboration du concept de « capabilité », créé par Sen, qui permet de renouveler l’évaluation du niveau de développement des pays non plus à partir du PIB, mais à partir de la plus ou moins grande liberté des individus d’une société à choisir leur mode de vie. Le niveau élevé des revenus ne suffit pas à dire qu’un pays est développé. Il faut tenir compte de la « capabilité », c’est-à-dire de la liberté effective, réelle, pour les individus, de choisir entre différents modes de vie. C’est cette capabilité qu’il faut prendre en compte dans l’évaluation du développement d’un pays (elle comprend par exemple la liberté d’expression, la possibilité de se soigner, ou d’être éduqué…) ; « capabilités » qu’il faut distinguer des lois : le droit théorique pour un individu de faire telle chose ne correspond pas toujours à la possibilité réelle pour lui de faire cette chose.
L’apport de Martha Nussbaum à ce concept est très important : elle dresse une liste de toutes les « capabilités » qu’un gouvernement doit garantir pour qu’un pays soit développé.
Dans Femmes et développement humain. L’approche des capabilités, Martha Nussbaum traite de façon novatrice, grâce au concept de « capabilité, la question des inégalités sexuelles. Elle montre qu’aujourd’hui, il existe presque partout une inégalité entre les hommes et les femmes : il est donc nécessaire, d’une part, que la politique et l’économie internationales soient attentives à cette inégalité, d’autre part, que la pensée féministe se centre sur les problèmes des femmes dans le tiers-monde.
Ce livre, écrit avec éclat, abonde en exemples narratifs. Il offre un exposé totalement novateur de la façon dont nous devrions comprendre la « qualité de vie » à l’échelle d’une nation et de la façon dont nous devrions penser le minimum requis que tous les gouvernements devraient procurer à leurs citoyens.

Martha Nussbaum, née en 1947 à New York, est spécialiste de philosophie antique, de philosophie du droit et de philosophie éthique. Professeur émérite de droit et d’éthique de l’université de Chicago, rattachée au département de philosophie, à la faculté de droit, à la faculté de théologie et au Collège, elle est membre associé du département des lettres classiques, affiliée au Committee for Southern Asian Studies et membre du conseil du Committee on Gender Studies. Elle est l’auteure d’une douzaine d’ouvrages (The Fragility of Goodness, The Therapy of Desire, Sex and Social Justice…)