Citizen Jazz a craqué pour Laurent Dehors

LAURENT DEHORS

UNE PETITE HISTOIRE DE L’OPÉRA : OPUS 2 

Laurent Dehors (comp, dir, saxes, cl, bcl, cornemuse, guimb, voc), Matthew Bourne (p, voc), Michel Massot (tb, tu, voc), Tineke van Ingelgem (voc), Gabriel Gosse (g, keyb, dms, voc), Jean-Marc Quillet (perc, cla, dms, voc) 

Label / Distribution : Autoproduction

 Il y a peu d’instants dans la vie d’un chroniqueur musical où l’on peut utiliser le mot opus sans être voué aux gémonies et aux quolibets. Mais voici que Laurent Dehors nous en offre l’occasion. Par deux fois. De sa Petite Histoire de l’Opéra, il avait fait un Opus 1. Voici, presque dix ans après, l’Opus 2 avec une équipe largement remaniée : reste le fidèle Jean-Marc Quillet, qui livre dans une « Intro Toccata  » une tangente africaine au balafon. Monteverdi ne sera jamais le même, c’est ce que l’on attend principalement des visites du patrimoine avec Dehors et ses détours ingénieux. Il a ses marottes, bien sûr, comme cet « Air de Micaëla » de Bizet aux airs de bastringue où la soprano Tineke van Ingelgemfait montre d’une grande rigueur rythmique, bien soutenue par le piano de Matthew Bourne qui signe de sa présence cet album enregistré à la Buissonne.

Sans préjuger de la suite, la démarche de Laurent Dehors est la même que sur l’Opus précédent : il utilise la matière première, la mâtine avec des vieux camarades à l’image de Michel Massot et des jeunes pousses comme Gabriel Gosse et la fait sienne. Mais contrairement au précédent round, il ne s’attache pas forcément aux « Grands Airs », même si l’emblématique « Habanera » (Carmen, toujours, fondateur…) est présente avec cette boîte à rythmes facétieuse. Mais il y a quelque chose de plus personnel, de plus émotif dans la sélection. C’est souvent le cas lorsque Bourne est au piano, et l’on perçoit très vite que les choix du programme ont été fait collectivement autour de figures de femmes fortes, de Carmen à Didon jusqu’à la défiance attroupée de « Mambo » où Massot et Dehors se poussent du col avec une joie turbulente que Bourne soutient main gauche avec son style tonitruant. De la lave et des séismes. Même le très moderne Bernstein, incursion XXe dans cette sélection marquée par le baroque italien, trouve des habits neufs.

Laurent Dehors s’amuse, c’est indéniable, de la même façon qu’il sait parfaitement verser dans l’émotion voire une certaine mélancolie. Il nous fait aller du sourire à la chair de poule en quelques instants. « L’air de Didon » cher à Purcell est à ce titre une petite bulle dans ce disque et réoriente la toute fin de cet Opus 2, qui se pare de nuages sombres. On est loin, dans « Sento in seno » où Bourne plonge dans les tripes de son piano, des rodomontades électriques de Gabriel Gosse. Son échange avec la soprano, à petites touches, fait de Vivaldi une jolie construction sensible, qui ressemble à ces désuètes boites mécaniques où une danseuse en stuc tournoie sans cesse… Une fois de plus, Laurent Dehors dépasse son image iconoclaste pour soulever le voile et montrer une vraie sensibilité. C’est ainsi que ce clôt ce second voyage opératique, dans la brève « Una Furtiva Lagrima » de Donizetti, suspendue à la performance vocale de Tineke van Ingelgem, avant de se lancer dans « Les Oiseaux ». Une réussite qui nous songer au futur : et si Laurent Dehors nous proposait un opéra de son cru ? C’est le moment.

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