Les lettres françaises : spécial Catherine Lopès-Curval (Georges Férou & Gérard-Georges Lemaire)

artwork_images_140197_480314_catherine-lopes-curval.jpgLES LETTRES FRANÇAISES, du 3 mai 2008

Illustrations de Catherine Lopès-Curval + article de Georges Férou sur sa peinture
Catherine Lopès-Curval au pays des merveilles

CATHERINE LOPES-CURVAL AU PAYS DES MERVEILLES

LES METAMORPHOSES D’ALICE de Catherine Lopès-Curval, Espace-Galerie des femmes, jusqu’à fin mai

Catherine Lopès-Curval entretient avec la littérature une relation étroite, profonde et même paradoxale. Quand elle s’est emparée voici quelques années de l’oeuvre de Franz Kafka, elle s’est mise en tête de suivre Joseph K. pas à pas. Plus elle s’est attachée à la lettre du texte, plus elle l’a rendu pictural : en réalisant ce transport dans le langage de la peinture des épisodes à la fois burlesques et tragiques du Procès, elle en a révélé le caractère onirique. En reconstituant avec une précision renversante l’univers décrit par l’écrivain pragois, elle a construit son propre roman. À partir de cette longue et intime relation, elle a pu prendre toute la mesure du sens de son art et en a excédé les limites.
Quand elle a de nouveau éprouvé le désir de se confronter à une oeuvre littéraire, elle a choisi Alice au pays des merveilles. Cette fois, elle a procédé de manière moins systématique. Son attention s’est d’abord portée sur les anamorphoses incessantes du corps de la jeune égérie du révérend Dodgson. Ses transformations anatomiques lui ont fourni un fil conducteur et aussi le motif d’une confrontation à l’espace du tableau : son corps est toujours trop grand, trop petit ; les êtres et les choses qui l’entourent changent donc à leur tour d’échelle au cours de ce voyage initiatique. La raison et le bon sens n’ont plus de place : seules s’imposent les lois abstraites du logicien.
Alors Alice tombe dans un tube interminable rempli de pilules assez suspectes (ces pilules sont omniprésentes). Elle se retrouve en grande conversation avec le mille-pattes bleu juché sur un champignon gris (tout aussi suspect que les pilules) en train de fumer son narguilé. Il ne s’agit pas seulement pour elle de subir des changements inattendus de proportions : les couleurs sont elles aussi soumises à des mutations violentes renforçant la bizarrerie des événements.
Pour rendre cet univers trouble où tout ce qui est enchanté s’avère dangereux, l’artiste a construit une fantaisie picturale où le plus absurde, le plus improbable sont la norme. La part ludique de l’art pictural tel qu’elle le vit et nous le transmet y trouve largement son compte. Avec cette grande suite de compositions, Catherine Lopès-Curval a poursuivi une quête commencée à ses débuts par des récits tirés de l’imaginaire urbain. Elle a proposé une lecture – sa lecture – du livre de Lewis Carroll ; elle est peu académique et fantasmée. Du même coup, Catherine Lopès-Curval démontre que peindre peut signifier prendre le thé avec le lièvre de Mars et le chapelier fou…

Georges Férou

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