Dans L’Express, Philippe Broussard a lu le premier le livre-événement sur René Resciniti de Says – 8 avril 2015

logo_l_express.jpgPuisque le magazine L’Express évoque l’attachée de presse de ce livre, 15 jours avant sa sortie, je me permets de partager avant son propre article recopié ci-après ma réponse par émile  immédiatement envoyée au journaliste Philippe Broussard.
 
Cher Philippe Broussard,
On vient de m’envoyer votre article sur le livre de Christian Rol.
Vous me citez « on y retrouve avec émotion tous les combats des années 70 et 80 » ; 
 
je regarde le Larousse à « émotion », voilà ce qui est écrit : 
 

Trouble subit, agitation passagère causés par un sentiment vif de peur, de surprise, de joie, etc. : Parler avec émotion de quelqu’un. 

Réaction affective transitoire d’assez grande intensité, habituellement provoquée par une stimulation venue de l’environnement.
Sous l’Ancien Régime, révolte populaire non organisée et généralement de courte durée.  
 
Puis je regarde la définition du même mot dans « Wiktionary » :

émotion /e.mo.sjɔ̃/ ou /e.mɔ.sjɔ̃/ féminin
  1. Réaction affective subitetemporaire et involontaire, souvent accompagnée de manifestations physiques, provoquée par un sentiment intense de peur, de colère, de surprise, etc.
    • Les émotions se caractérisent en biologie par des modifications d’apparence, notamment dans l’expression faciale, des actes caractéristiques (cris, fuites ou attaques) et des bouleversements à l’intérieur du corps ( battements de cœur, pression artérielle, irrigation sanguine de la peau et des viscères, sécrétion d’hormones…). (Professeur Jean-Didier VINCENT– La jalousie expliquée par un neurobiologiste – Journal Le POINT, p. 68, N° 2196-16 Octobre 2014)
    • Tous les états de la sensibilité sont moteurs. Le langage lui-même en contient la preuve. Il les appelle des émotions.  (Pierre LasserrePhilosophie de Goût musical, Les Cahiers verts n° 11, Grasset, 1922, p.82)
    • « L’émotion est un jugement » a écrit Edmond Haraucourt. Avec lui je le tiens pour le moins faillible de tous.  (Joseph CaillauxMes Mémoires, I, Ma jeunesse orgueilleuse, 1942)
    • Lorsqu’au bout de quelques semaines Elhamy la remercia, avec une cordialité souriante, du bien qu’elle avait fait à son fils, une émotion sourde étreignit sa gorge.  (Out-el-KouloubZaheira, dans « Trois contes de l’Amour et de la Mort », 1940)
    • La généralité des Américains s’imaginaient la guerre d’après les campagnes limitées, avantageuses et pittoresques, qui avaient eu lieu autrefois. […]. Ils étaient enclins aussi à la regretter, comme un exercice ennoblissant, à déplorer qu’il ne fût plus possible d’en expérimenter les émotions.  (H. G. WellsLa Guerre dans les airs, 1908, traduction d’Henry-D. Davray et B. KozakiewiczMercure de France, Paris, 1910, p. 211 de l’éd. de 1921)
  2. (Vieilli) (Français classique) Mouvements populaires qui annoncent une disposition au soulèvement, à la révolte.
    • Une émotion commença de se dessiner dans la ville. – Calmer l’émotion populaire.

Je persiste et signe, j’ai un trouble profond (qui correspond à celui décrit dans les définitions du Larousse et de Wiktionary) à lire le livre de Christian Rol ; je ne vois pas en quoi ce trouble pourrait être heureux, positif.

C’est le même trouble, la même émotion intense (oui là aussi, j’emploie le mot « émotion ») que j’ai eue avec les attentats de Charlie Hebdo en janvier 2015.
Ou que j’ai en lisant « Les Bienveillantes » de Jonathan Littell, ou « Le Journal d’Anne Frank » ou encore « Les Misérables » de Victor Hugo ou toute littérature qui tient la route et qui doit donner des émotions. Le livre de Rol, qui est un document, m’en donne autant qu’un bon roman. En cela, il est selon moi un écrivain.
Et la littérature n’a rien à voir avec la morale, c’est en tous cas ma conception à moi – flaubertienne – de la littérature, « un univers sensible porté par un style ».
 
Et aurais-je eu mon grand amour assassiné, victime d’un tueur de l’extrême droite comme de Daech, dans les deux cas, j’emploierais le mot « émotion » pour faire référence à mon ébranlement intime, à mes larmes, à mon coeur qui saigne, à ma douleur et au meurtre.
Oui, tout meurtre et tout affrontement d’idéologies – nauséabondes ou pas – suscitent en moi de l’ÉMOTION.
Je ne vois pas d’autre mot.
 
Je reste à votre disposition pour en discuter de vive voix.
Bien cordialement à vous,
Guilaine Depis 06 84 36 31 85

broussard.jpgFacho connection

Le parcours d’un homme présenté comme l’un des assassins de Pierre Goldman et d’Henri Curiel. Un livre trouble.

Autant le dire d’emblée : ce livre laisse une sensation de malaise. Pour s’y aventurer, il faut aimer les eaux troubles. 

« Roman vrai d’un fasciste français », prévient le titre. Toute l’ambiguïté est là : où s’arrête le roman, où commence la vérité ? À ses révélations, peut-être : le « héros », René Resciniti de Says (1951-2012), serait l’un des auteurs de deux assassinats non élucidés : celui du militant communiste Henri Curiel (4 mai 1978) et celui de Pierre Goldman, icône de l’ultragauche (20 septembre 1979).

Un meurtrier pour deux crimes, c’est le « buzz » assuré. Et, avec lui, la polémique, puisqu’il apparaît que divers habitués de la nébuleuse radicale savent cela depuis des lustres. Dans leur monde, où mythomanie et nostalgie vont souvent de pair, « René l’Élégant » était une sommité dont le CV a fasciné (…). Il a tout fait, ce marquis franco-italien : adhérer à l’Action française, traquer les « rouges », cogner des « pédales », fréquenter les flics véreux, mener la grande vie sans jamais travailler…

Il est mort ruiné, chez des amis royalistes, avant de regarder La Cave se rebiffe.

L’auteur, le journaliste Christian Rol, éprouvait de l’affection pour lui. (…) En 2011, c’est lui qui avait aidé Maxime Brunerie, auteur d’un attentat contre Jacques Chirac, à écrire ses souvenirs. Ce nouveau livre, où même les pires terroristes italiens ont droit à l’indulgence, séduira sans doute ce lectorat ciblé. « On y retrouve tous les combats des années 1970 et 1980 », s’enflamme son attachée de presse. Pas sûr que les proches des victimes partagent ce genre d’émotions.

Philippe Broussard

Le Roman vrai d’un fasciste français, par Christian Rol. La Manufacture des Livres, 288 p., 19,90€

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