Actualités (NON EXHAUSTIF)

Esteval Editions recommande « Homo Emoticus »

Un ouvrage de Thierry Paulmier*

Préface d’Anne Lauvergeon

Alors que l’hypothèse de l’homo economicus défendue par les économistes considère le comportement humain uniquement sous l’angle de la rationalité, le modèle homo emoticus l’aborde sous le prisme des émotions. Il apporte ainsi un éclairage novateur sur les relations humaines au travail et dans le management.

Fruit de sept années de recherche, ce modèle des émotions vous permettra, que vous soyez manager ou collaborateur, de comprendre votre comportement et celui des autres. Il donne de nombreux moyens d’action pour activer les émotions positives et désactiver les émotions négatives, quel que soit le contexte.

Le modèle repose sur 4 phénomènes (danger, obstacle, perfection et don) qui activent respectivement 4 émotions (peur, envie, admiration, gratitude).

Celles-ci permettent de définir 4 états d’esprit au travail (esclave, mercenaire, artisan, volontaire) et quatre styles de management (tyran, magicien, maître, parent).

L’ouvrage dresse un inventaire des différents registres de la parole et de l’action qui permettent demanager les projets et les équipes par les émotions.

Solidement construit et référencé, ce livre ouvre de nouvelles perspectives pour le management, la conduite des hommes et des femmes, et la vie de l’entreprise. Il est un vade-mecum pour ceux qui souhaitent apprendre à cultiver l’exemplarité et la bienveillance !

*Thierry Paulmier est conférencier, consultant et formateur en intelligence émotionnelle.Docteur en sciences économiques (Université Paris 2 Panthéon-Assas) et en philosophie politique (Université Paris-Est Créteil), il est aussi diplômé de l’American Academy of Dramatic Arts de New York. Il fut d’abord économiste dans une agence de l’ONU. Puis il s’est tourné vers le théâtre et la recherche sur les émotions, lesquelles l’ont conduit à développer le modèle homo emoticus et à devenir un spécialiste de l’intelligence émotionnelle.
Il intervient auprès d’entreprises, d’administrations et d’organisations internationales sur des thèmes tels que le management et le leadership, le bien-être et la motivation au travail, la résolution de conflits et la négociation. Il enseigne notamment à l’ENA, à l’École de Guerre et à l’EDHEC Business School.

« Homo Emoticus »  – L’intelligence émotionnelle
au service des managers
Aux Editions Diateino – 500 pages – 23 €.

 

Thierry Paulmier parle de l’envie, source de tous nos maux français ?

L’envie, source de tous nos maux français ?

Qu’on me donne l’envie…

Et si ce diagnostic précoce et oublié d’Emmanuel Macron sur l’état de la France était le bon ? Dans une société où les mœurs et le religieux sont bouleversés, panser nos plaies est extrêmement complexe pour le politique.


Dans son livre programme Révolution, publié en novembre 2016, le candidat Emmanuel Macron écrivait : « Notre situation actuelle n’est ni acceptable ni tenable. Nous sommes comme recroquevillés sur nos passions tristes, la jalousie,la défiance, la désunion, une certaine forme de mesquinerie, parfois de bassesse, devant les événements ». [1] 

Le candidat Emmanuel Macron voulait réveiller les passions joyeuses des Français : c’était le but de son engagement. Une fois élu, il n’a d’abord pas dévié de cette ligne de conduite. À de nombreuses reprises, il a évoqué les passions tristes dont les Français étaient, selon lui, la proie, au point que le 3 octobre 2017, le Huffington Post publiait un article intitulé : « Décidément, Macron est vraiment passionné par les “passions tristes” de ses opposants [2] ».

L’article rapportait, qu’interpellé par une journaliste de l’AFP en marge d’une visite chez un sous-traitant de Whirlpool près d’Amiens, le chef de l’État avait, à propos des critiques émises contre sa politique économique qui favoriserait les plus fortunés, fustigé « ces formules dans lesquelles les passions tristes françaises aiment s’enfoncer ». Le 14 octobre 2017, le président Emmanuel Macron donnait un entretien au Spiegel dans lequel il affirmait : « Je ne céderai pas au triste réflexe de l’envie française. Parce que cette envie paralyse le pays ». Ainsi, quand Emmanuel Macron emploie l’expression « passions tristes », qu’il emprunte au philosophe Spinoza, il désigne essentiellement la passion de l’envie, synonyme de jalousie dans le langage courant. 

Le rôle de l’envie dans la crise des gilets jaunes 

En octobre 2018, le mouvement des gilets jaunes éclatait suite à une hausse du prix du carburant, en raison de l’augmentation de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) par le gouvernement. Ce mouvement trouvait sans doute en partie son origine dans la passion de l’indignation, laquelle répond à un sentiment d’injustice, mais s’est aussi greffée à celle-ci celle de l’envie, qui répond à un sentiment de diminution et d’infériorité, et du ressentiment ; autrement dit, de l’envie impuissante. La présence de l’envie peut se mesurer à l’aune des actes gratuits de violence contre les forces de l’ordre, des dégradations de commerces et de bâtiments publics et des pillages. La colère d’indignation étant au service de la justice, elle ne peut se servir de l’injustice. En revanche, la colère d’envie est vindicative : elle cherche à prendre sa revanche, à faire payer l’affront, l’humiliation de son infériorité ; elle substitue la vengeance à la justice. Le slogan «  Fouquet’s à nous » écrit à la bombe sur les vitres brisées du restaurant Fouquet’s sur l’avenue des Champs-Élysées par les vandales qui l’ont saccagé en fournit la meilleure preuve. Il témoigne, d’une part, de l’envie de posséder ce restaurant de la classe aisée et, d’autre part, d’une impuissance qui préfère détruire plutôt que de ne pas pouvoir jouir. La destruction est une forme de possession puisqu’elle dépossède quiconque de l’objet détruit.

Cette colère d’envie inédite a même failli menacer le président Macron lors de son déplacement au Puy-en-Velay, le 4 décembre 2018, où sa voiture a été coursée par des manifestants. Cette nuit-là, le président a eu peur pour sa vie, comme le racontent les journalistes Cécile Amar et Cyril Graziani dans Le peuple et le président, le récit inédit d’un face-à-face historique. Cet évènement aurait constitué pour lui un électrochoc.

L’ENA bouc émissaire 

Le président Macron a décidé de répondre à l’indignation du peuple par l’annulation de la hausse de la « taxe carbone » et la revalorisation du SMIC, mais il a aussi paru vouloir sacrifier à l’envie en annonçant, dès avril 2019, parmi les premières mesures nées du grand débat national lancé pour répondre à la crise des gilets jaunes, la suppression de l’ENA.

Ce faisant, l’ENA est devenue symboliquement la victime expiatoire de la crise, le bouc émissaire de tous les maux dont les Français souffraient, et notamment, de la déconnexion des élites des réalités du peuple. Le peuple a eu la tête de l’école de la noblesse d’État, qui remplace l’aristocratie de naissance par l’aristocratie de diplôme et qui octroie des privilèges tels que l’accès aux grands corps de l’État (Inspection générale des finances, conseil d’État, Cour des comptes), aux cabinets ministériels et à l’investiture politique, et permet le pantouflage lucratif dans les entreprises privées. La suppression de l’ENA, symbole de l’élite et de la méritocratie républicaines ne peut que ravir les envieux car, enviant les méritants, ils abhorrent le mérite. Dans Suréna, Corneille avertissait que : « Jamais un envieux ne pardonne au mérite »[3] De même, dans ses Mémoires d’Outre-Tombe, Chateaubriand, soulignait que : « Ces pauvres envieux, en raison de leur secrète misère, se rebiffent contre le mérite […] » [4].

La montée de l’envie en France

La montée de la violence et de l’égalitarisme forcené qui rejette jusqu’au mérite sont deux des signes les plus manifestes d’une intensification de l’envie en France. De ce mal, on ne peut totalement se défaire en démocratie, car il est consubstantiel à ce régime politique. Tocqueville avertissait ainsi : 

« Il ne faut pas se dissimuler que les institutions démocratiques développent à un très haut degré le sentiment de l’envie dans le cœur humain. Ce n’est point tant parce qu’elles offrent à chacun des moyens de s’égaler aux autres, mais parce que ces moyens défaillent sans cesse à ceux qui les emploient. Les institutions démocratiques réveillent et flattent la passion de l’égalité sans pouvoir jamais la satisfaire entièrement. Cette égalité complète s’échappe tous les jours des mains du peuple au moment où il croit la saisir, et fuit, comme dit Pascal, d’une fuite éternelle ; le peuple s’échauffe à la recherche de ce bien d’autant plus précieux qu’il est assez près pour être connu, assez loin pour n’être point goûté. La chance de réussir l’émeut, l’incertitude du succès l’irrite ; il s’agite, il se lasse, il s’aigrit. Tout ce qui le dépasse par quelque endroit lui paraît alors un obstacle à ses désirs, et il n’y a pas de supériorité si légitime dont la vue ne fatigue ses yeux » [5].

En démocratie, on ne peut donc que s’efforcer de contenir l’envie.

L’admiration et la gratitude comme remède

Deux émotions principales le permettent : l’admiration et la gratitude ; d’où l’importance accordée par Tocqueville à l’influence des mœurs et de la religion dans le maintien de la république démocratique américaine. Par mœurs, Tocqueville désigne ce qu’il appelle les « habitudes du cœur » et, plus généralement, « tout l’état moral et intellectuel d’un peuple » [6].

Il affirme que c’est la religion qui dirige les mœurs et règle la famille. Il fait ainsi observer : 

« Qu’en Europe, presque tous les désordres de la société prennent naissance autour du foyer domestique et non loin de la couche nuptiale. C’est là que les hommes conçoivent le mépris des liens naturels et des plaisirs permis, le goût du désordre, l’inquiétude du cœur, l’instabilité des désirs. Agité par les passions tumultueuses qui ont souvent troublé sa propre demeure, l’Européen ne se soumet qu’avec peine aux pouvoirs législateurs de l’État » [7].

La famille et la religion sont effectivement les deux institutions qui façonnent les mœurs et où se cultivent l’admiration et la gratitude – les Anciens auraient dit la piété – sans lesquelles l’envie ne peut plus être réprimée.

[1] Emmanuel Macron, Révolution, p.34.

[2] https://www.huffingtonpost.fr/2017/10/03/decidement-les-passions-tristes-de-ses-opposants-passionnent-vraiment-macron_a_23231587/

[3] Pierre Corneille, Suréna, Acte V, scène 3.

[4] François-René de Chateaubriand, Mémoires d’Outre-Tombe Tome V, Paris, Garnier, 1910, 3ème Partie, Livre XIII, p.215.

[5] Alexis de Tocqueville, De la démocratie en Amérique I, Gallimard, folio histoire, 1986, Deuxième Partie, Chapitre V, p.300.

[6] Ibid., Chapitre IX, p.426.

[7] Id., p.432

Jeudi 8 juillet, Florian Merrien invité de l’instagram live de l’IFESD : préparer une échéance, sportive ou intellectuelle, même combat !

jeudi 8 juillet 2021 à 18h, l’IFESD vous invite à participer à un Live Instagram avec Florian MERRIEN  sur le thème : La préparation d’une échéance majeure, ça se passe comment ?
Les coulisses de la préparation des JO avec Florian Merrien, triple champion du Monde, Médaille d’or para-olympique au JO en tennis de table
C’est historique, pour la première fois dans l’histoire du sport, on ne fait plus la différence entre sports valides et dandy: c’est UNE SEULE EQUIPE DE FRANCE
Un vrai tournant dans les mentalités, un tournant inclusif que l’on aime à l’IFESD et une superbe opportunité du coup de faire connaître notre parrain qui pour la troisième fois prépare les JO pour le tennis de table (une des trois équipes les plus médaillées au monde)
Une jolie discussion autour de la préparation à une échéances, les Dos et Donts de l’exercice, et si c’était transposable à la préparation aux concours des Grandes Ecoles d’Ingénieur? C’est notre parti pris à l’IFESD: être inclusif, hybrider l’enseignement avec les avancées du digital & des neurosciences, capitaliser sur les forces de la préparation mentale et du coaching issus du monde sportif pour préparer nos futurs jeunes ingénieurs au monde de demain, à son agilité et à ses nouveaux métiers.

« Maths ignition » avec l’IFESD, stage de pré-rentrée intensif du 23 au 27 août : offrez des maths à vos ados !

« Maths ignition  🚀 « 
C’est un stage de pré-rentrée intensif en Mathématiques du 23 au 27 août – 3h de Maths au quotidien, pas des profs de Maths sup, depuis son lieu de vacances
 
L’IFESD, ed tech à mission, continue son rôle de promotion et de développement des talents mathématiques, en ouvrant à TOUS les élèves qui le souhaitent, quelle que soit la classe prépa qu’ils intègrent à la rentée, un stage de 5 jours du 23 au 27 août 100% en ligne de Mathématiques pour commencer la prépa sur de bonnes bases. 
 
Conscient qu’après la période Covid, certaines classes de Terminal n’aient pas pu aller au bout du programme, alors que les 3 premiers mois de la prépa sont décisif pour que l’élève potentialise ses chances d’intégrer une bonne école d’Ingénieur, l’IFESD met à disposition sa plateforme et sa pédagogie innovante pour aider TOUS les futurs taupins à partir sur des bases solides pour leur rentrée en Maths sup
 
Tout est revu (nombres complexes, trigonométrie et exponentielles, dérivées et intégrales, calcul algébrique, suites et limites) et  les principaux raisonnements mathématiques sont présentés et utilisés : le raisonnement par récurrence, le raisonnement par l’absurde, le raisonnement par analyse-synthèse.

Le roman de science-fiction le plus réussi de l’année Covid à l’honneur dans Lettres capitales

Interview. Bernard Woitellier : « Je me suis borné, dans ce roman, à retranscrire un cataclysme solaire d’une telle ampleur, dans notre monde actuel »

 

Le maître de la lumière est une dystopie que Bernard Woitellier construit sur plusieurs plans narratifs s’emboîtant comme des tiroirs et renfermant dans un écrin tout autant d’aventures sur fond d’éruption solaire, de black-out et d’effondrement de notre civilisation. Bienvenue dans un monde où la survie devient l’unique obsession, et où les rebondissements maintiennent le lecteur en haleine dans un huis-clos à l’échelle du monde, des océans et des continents.

Bonjour Bernard Woitellier, l’idée d’un black-out ne semble pas tenir pour vous de la fiction. S’agit-il d’un phénomène réel, qui s’est déjà produit dans notre système solaire, comme le relatent les premiers chapitres de votre livre ? Partez-vous d’un événement ou des événements connus pour mettre en branle votre récit ?

Bonjour Dan,

Les tempêtes solaires très violentes et leurs conséquences sont maintenant connues, bien que rares. La dernière en date est celle de 1859 ; elle est restée dans l’histoire sous le nom d’« Événement de Carrington ». Deux éruptions à 3 jours d’intervalle ; la première provoqua des aurores boréales jusqu’aux Antilles, la deuxième illumina le ciel du Venezuela pendant cinq jours. Le champ magnétique de la Terre s’inversa. Les seuls dommages relevés survinrent sur le réseau télégraphique naissant.

Je me suis borné, dans ce roman, à retranscrire un cataclysme solaire d’une telle ampleur, dans notre monde actuel.

Un petit aperçu du danger des éruptions solaires violentes nous fut donné par la tempête de mars 1989. Bien que sans commune mesure avec « l’Événement de Carrington », elle fut à l’origine de l’explosion de trois transformateurs dans une centrale électrique canadienne. La province de Québec fut plongée dans l’obscurité en 90 secondes.

Les techniciens purent relancer le réseau après une dizaine d’heures. Heureusement, car les températures étaient largement négatives.

Quel atout offre ce bouleversement solaire sur la vie des habitants de la terre et pourquoi avez-vous choisi comme devise apocalyptique ces paroles de Cham, un de vos personnages : « L’hiver des hommes vient. Crois-moi, il va durer longtemps ; sur toute sa longueur, il fera des victimes » ?

Pour écrire ce roman –dans lequel tous les détails sont vrais–, je me suis énormément documenté. Mais le document qui m’a été essentiel est « Severe Space Weather Events ». C’est un rapport établi par différents experts, commandé par l’administration Obama, au sujet des impacts possibles d’une violente éruption solaire sur le fonctionnement de notre civilisation. Le rapport est plutôt effrayant : il prédit une baisse brutale de la population mondiale d’environ 20 % (la première année). Mais plus inquiétante encore est la phrase de conclusion : « Il faudra 4 à 10 ans pour rétablir la distribution électrique ».

Donc oui, comme disait Cham, l’hiver des hommes va durer longtemps et faire certainement beaucoup de victimes.

L’atout que les survivants ont entre leurs mains, c’est cet instinct de solidarité que l’on voit à chaque catastrophe qui frappe un coin d’humanité. Ce fut le cas lors du cyclone Katarina, lors du tsunami en 2004, ou au Japon en 2011. On croit toujours que c’est Mad Max qui va naître des cendres d’un désastre, mais le premier réflexe humain est l’entraide. Peut-être peut-on considérer qu’une telle catastrophe nous offrirait une nouvelle chance de construire « un monde meilleur », c’est-à-dire plus juste, plus respectueux de la Vie, et plus soutenable pour la planète. Il existe un mot en langue Hopi qui désigne notre mode de vie : Koyaanisqatsi, qui signifie « la vie en déséquilibre », une vie qui ne peut se perpétuer.

Quelle signification a le titre de votre roman ? Qui est ce maître de la lumière dont vous écrivez (page 71) : « Un artiste inconnu semble peindre le ciel, crayonne des rayures de lumière » ?

Le titre est tiré de l’exergue, une des premières citations égyptiennes datée du VIe siècle avant notre ère :

« Je flottais absolument inerte. J’ai amené mon corps à l’existence grâce à mon pouvoir magique. Je me suis créé moi-même… Je suis l’éternel. Je suis Ré,

Le Maître de la Lumière. »

Pour parler de la stratégie romanesque que vous utilisez dans votre livre, j’aimerais savoir pourquoi avez-vous choisi ce type de narration à tiroir, très mouvant, cinématographique ?

(Rires). Je n’ai rien choisi, c’est l’histoire qui s’est imposée à moi avec cette écriture très visuelle. Je dirigeais la trame du roman, mais les scènes se déroulaient devant moi sous forme de flashes.

Il y a un passage où l’un des personnages se retrouve bloqué par la glace en bordure de rivière. Je ne l’avais pas imaginé. Le personnage est tombé « devant moi » ! Ce n’était pas du tout prévu. Il a fallu que je trouve une solution, dans le même état de stress que les protagonistes de la scène –largement écrite sous adrénaline !

Il y a aussi des passages que j’ai réécrits, en pensant : « il faut que je change d’angle pour cette scène ». Ce qui se traduisait dans le récit par un changement de « caméra, de focale ou d’éclairage ».

Quant à vos personnages, on ne manque pas de remarquer la qualité de leurs traits, faisant d’eux des êtres forts, impressionnants, dans les deux sens, positifs et/ou négatifs. Pourriez-vous nous dire comment les avez-vous choisis et quels sont les traits dont vous les avez le plus fait bénéficier ?

Merci !

Je me dis souvent que la Vie, c’est comme dans les romans ou les films : le plus important, ce sont les personnages. Ce sont sur eux que repose l’histoire. Je voulais que les miens aient un fort potentiel d’évolution. Même s’ils partaient de très loin, j’espérais qu’ils avancent, qu’ils se battent ; soit pour défendre les leurs (comme Thana et Alma avec leur fils/fille), soit pour profiter de ce bouleversement, changer de vie et arrêter de la subir (comme Paola ou Aryan). Pour Raul, le personnage le plus controversé du livre, le prologue explique la vie qu’il a eue avant de devenir ce qu’il est. Il me semblait important de le faire pour laisser aux lecteurs l’opportunité de le comprendre sans le juger.

Que ce soit Alma et Sarah ou Thana et Tim, il s’agit du très symbolique couple mère-fille/mère/fils. Le lecteur attentif ne peut pas se douter de cette force parabolique qui est même contenue dans le choix de leurs prénoms. Peut-on dire qu’Alma, Thana, renferment le symbole de la vie et de la mort ?

À la relecture, on peut bien sûr le supposer. Mais l’écriture pour moi est une forme d’inconscience. J’écris sans arrière-pensées, je transpose en mots les images qui passent dans mon cerveau. Elles sont au présent immédiat. Si je ne les écris pas, elles disparaissent. Au moment où elles surviennent, elles sont des rêves, et je n’ai pas le temps de les interpréter.

Il a même fallu que je relise le livre une fois achevé, pour comprendre que Thana était l’héroïne principale. Je ne m’en étais pas rendu compte !

Que dire des hommes ? Sont-ils, selon vous, de vrais mélanges de tendresse et de violence, à quelques exceptions près ? Que veulent-ils nous dire de l’état de l’humanité soumise au danger de sa chute brutale ?

Je crois que les personnages masculins présentent des facettes très variées que la catastrophe va révéler ou exacerber. Le seul « vrai gentil » est Maxime, l’étudiant canadien, tellement amoureux de son astrophysicienne qu’il en paraît un peu benêt ; mais pour lui aussi, son existence va basculer.

Les méchants sont des mythos, des escrocs, des violeurs. Comme dans les films des frères Coen, j’ai du mal à ne pas les ridiculiser, à montrer à quel point ils sont stupides. Même s’ils gagnent parfois, ils ne sont souvent que des brutes que le contexte d’une telle catastrophe va libérer. Les rues deviendraient très dangereuses.

Heureusement, il y en a d’autres qui redonnent confiance en l’espèce humaine. Comme Jesús qui danse un tango avec Alma. 

Cette mise face à face des êtres humains les conduit nécessairement à des conflits, souvent radicaux. Diriez-vous que cette confrontation, facilement traduisible comme une lutte entre bien et le mal est un des thèmes de votre roman ?

La lutte entre le bien et le mal est une constante de la réalité. Prenez « L’Archipel des Hérétiques » de Mike Dash, dont la scène finale aux Canaries est tirée. Un bateau hollandais –le Batavia– chargé de trésors, de familles de colons, de soldats, marins et officiers fait naufrage. Toutes les personnes à bord se scindent en deux groupes et accostent sur deux îles. Sur la première, tout le monde s’organise pour la survie et s’entraide. Sur l’autre, une bande prend le contrôle de l’îlot, sombre dans la folie la plus meurtrière, et va vouloir attaquer le groupe de « loyalistes ». C’est une histoire vraie, et personne ne peut prévoir a priori ces comportements.

Un autre leitmotive de votre roman se penche sur la valeur étique du comportement humain, sur sa capacité de réagir devant la peur. « Le courage – écrivez-vous – ce n’est pas d’ignorer la peur ; c’est d’être capable de continuer à faire les choses malgré elle !… ». Comment interpréter ces paroles avec lesquelles Jesús, un de vos personnages, tente de rassurer Alma ?

Le courage n’est certainement pas d’ignorer le sentiment de peur. C’est d’arriver à se raccrocher à ses valeurs, et se dire qu’il faut le faire sinon on ne pourra plus se regarder dans un miroir. Pour Alma et Thana, le courage c’est d’à tout prix protéger leur enfant. C’est de tenter de faire ce que leur conscience leur souffle, même si elles tremblent à l’idée de ne pas réussir.

Jorge, navigateur expérimenté et ancien du Vietnam, nous propose une autre vérité. « Sur le pont d’un bateau, la part de vérité que les habitants des grandes métropoles s’escriment à déguiser sous des dehors clinquants, éclate dans la lumière crue : en pleine tempête, tous les hommes sont nus. L’ouragan leur arrache leur superficialité ». Diriez-vous, en conclusion, que la confrontation de l’homme avec la nature qui ne tarde pas de remettre en place cette position de prétendu maître de l’Univers est un des messages forts de votre récit ? Y a-t-il d’autres aspects de cette humanité à la dérive que vous avez souhaité nous faire savoir avec les moyens de cette riche et palpitante fiction qu’est votre roman ? Et, si oui, lesquels ?

En plein océan, c’est une vérité dont vous ne pouvez douter. Vous êtes définitivement minuscule. Quel que soit votre grade ou votre place dans la société, si la mer veut vous détruire, vous ne pourrez y échapper. Si un jour, un nouvel « événement de Carrington » survient, le monde en tant que planète ne sera pas touché. Par contre notre monde, l’organisation de notre société humaine disparaîtra en quelques jours. Et nous serons face à la nature biologique de notre environnement et aux difficultés que cela va nous poser.

En guise de conclusion, je citerai la phrase d’un philosophe (dont j’ai oublié le nom) : « Notre monde a gagné en efficacité ce qu’il a perdu en résilience ». C’est cette fragilité, invisible et immense, qui me fait peur.

En 1859, quelques câbles du télégraphe avaient fondu devant le nuage de particules électromagnétiques lancées par le soleil. Les lampes à pétrole continuèrent d’éclairer les maisons, et les percherons de labourer les champs. Aujourd’hui nos vies sont tellement sophistiquées qu’elles ne supporteraient pas un tel choc. Nous ne sommes pas prêts à vivre comme des Amish. Pourtant, la colère imprévisible du soleil est bien une épée de Damoclès au-dessus de nos têtes.

Propos recueillis par Dan Burcea

Bernard Woitellier, Le maître de la lumière, Éditions Librinova, 2019, 643 pages.