« Les aventuriers de la chouette perdue » sur France Culture épisode 1

Ecouter la première partie de l’émission : https://www.franceculture.fr/emissions/une-histoire-particuliere-un-recit-documentaire-en-deux-parties/la-chouette-dor-ou-le-tresor-volatil-12-les-aventuriers-de-la-chouette-perdue

Depuis 26 ans, quelque part en France est enterrée une statuette de chouette d’une cinquantaine de centimètres. Celui qui la trouvera mettra un terme à la plus longue chasse au trésor commerciale française.

Livre de Max Valentin et de Michel Becker permettant de localiser la cache (1993) Crédits : Editions Manya

24 avril 1993, 3h du matin, Max Valentin enfouit dans un lieu connu de lui seul un coffre renfermant une chouette en bronze. Le livre qu’il publie dans la foulée avec le sculpteur Michel Becker permet de trouver l’endroit. Celui qui viendra à bout des 11 énigmes trouvera la statuette et pourra l’échanger contre l’originale, une chouette toute d’or, d’argent et de diamants, d’une valeur d’un million de francs. 

Devin, favori des chouetteurs Crédits : Romain WeberRadio France

Le succès est immédiat. Les chercheurs se passionnent par milliers, prennent des pseudos, créent un vocabulaire et tissent des mythes. C’est une véritable communauté qui s’établit, via le minitel, les forums et les Chouette-Fêtes annuelles. 

Quand j’ai commencé à faire ma chouette, j’avais 49 ans. Des gens m’ont dit « mais c’est un truc pour les enfants ça ! », d’autres qu’il fallait être tordu pour faire des choses pareilles ! J’avais fini par me dire que quelque part, j’étais peut-être un peu bizarre. Et puis je suis allée à une « Chouette fête » : enfin je me suis trouvée à mon aise avec des gens qui parlaient de la même chose que moi, et ça, c’est agréable ! Loute, chouetteuse.

Seulement, 26 ans plus tard, personne n’a jamais trouvé la chouette.

Avec Michel Becker, coauteur du jeu ; Loute, Devin, Champy, Lux, Laios, Mblond, Mickey et Piblo, chouetteurs ; Patrick Schmoll, anthropologue et chouetteur.

Un documentaire de Romain Weber. Réalisé par Assia Khalid. Prises de son : Yann Fressy. Mixage : Claude Niort. Archive INA : Hervé Evanno. Documentation et recherche internet : Annelise Signoret. Avec la collaboration de Thibaut Téranian.

Écouter Archive INA – Max Valentin le 19 février 1997 dans « Sur un petit nuage » (France Inter)

Bibliographie

Max Valentin et Michel Becker : Sur la trace de la chouette d’or. Manya, 1993.

Patrick Schmoll : Chasseurs de trésor. Socio-ethnographie d’une communauté virtuelle. Néothèque, 2007.

Pour aller plus loin

Sur les traces de la Chouette d’or : blog des chercheurs.

La chouette d’or, sculptée par Michel Becker.

Site de Patrice Salvy, sur la trace de la Chouette d’or.

La Chouette d’Or : comment un livre-jeu conduit à relire, reconfigurer et ré-explorer le territoire. Mémoire de Master en géographie (Université Bordeaux-Montaigne) de Logan Lehmann (2018).

La rubrique chasses du site dédié aux Histoires de trésors.

Liens

Les énigmes de la chouette d’or

Blog du chouetteur Monglane

Le langage des chouetteurs sur le site de l’A2CO

Wiki Chouette, par le chouetteur Piblo

Fabrice Drouelle consacre un « Affaires sensibles » sur France Inter à la Chouette d’Or

https://www.franceinter.fr/emissions/affaires-sensibles/affaires-sensibles-19-decembre-2018

Aujourd’hui dans Affaires Sensibles, l’histoire d’un volatile insaisissable, un rapace introuvable, un oiseau de nuit pas comme les autres : la Chouette d’Or, ou la chasse au trésor la plus longue des temps modernes. Invité Patrick Schmoll anthropologique au CNRS et ancien chercheur de la Chouette.

En avril 1993, un homme, qui se fera appeler Max Valentin, enterre quelque part en France la copie en bronze d’une chouette de 50 cm, dont l’original est estimé à 1 million de Francs.Un mois plus tard, il publie un livre appelé « Sur la Trace de la Chouette d’Or », manuel en forme de jeu de pistes en 11 énigmes. La règle est simple : celui ou celle qui trouve l’endroit où gît la copie gagnera l’original. 

La chasse est ouverte : en France bientôt, ils sont des milliers à rêver de mettre la main sur l’oiseau précieux, des milliers aussi à creuser des trous dans le sol aux quatre coins de la France, sans résultat…

Les invités
  • Patrick Schmoll anthropologue, docteur en psychologie, ingénieur de recherches au CNRS à l’Université de Strasbourg
Programmation musicale
  • CHRISTINE AND THE QUEENS
    christine and the queens 5 dols 2018
L’équipe

Capital pointe le succès fulgurant du nouveau loisir qu’est la Chasse au Trésor

https://www.capital.fr/lifestyle/chasses-au-tresor-le-succes-fulgurant-de-ce-nouveau-loisir-1293976

Trouver un (vrai) trésor, enterré quelque part en France ? C’est le loisir auquel s’adonnent de plus en plus d’amateurs…

Mais où se cache la chouette ? Depuis le début des années 1990, c’est la question que se posent des milliers d’amateurs de chasse au trésor. Dans la nuit du 23 au 24 avril 1993, un certain Max Valentin, fondu de jeux de sagacité, enterra quelque part en France une petite chouette en bronze aux ailes déployées, à 80 cm de profondeur. A son heureux découvreur de l’échanger contre la statuette originale composée d’or, d’argent et de diamants, et estimée à l’époque à 1 million de francs. Pour la localiser, il suffisait d’acheter le livre composé de onze énigmes et d’autant de visuels et de se munir d’une carte de France Michelin. Édité par Max Valentin, Sur la trace de la Chouette d’or a été réimprimé à deux reprises et s’est vendu à 70.000 exemplaires. Une première édition s’échange aujourd’hui aux alentours de 150 à 200 euros sur eBay.

Le succès a été fulgurant. « Cette chasse-là aura toujours un statut particulier », confie Jacques Morel, chouetteur de la première heure… car cette petite statuette, qui devait être trouvée en un ou deux ans maximum selon les prédictions de Max Valentin, n’a toujours pas été déterrée, vingt-cinq ans plus tard ! Celui-ci était le seul à pouvoir en dévoiler la cachette mais ce formidable organisateur de chasses au trésor est décédé le 24 avril 2009, seize ans jour pour jour après l’enfouissement de sa chouette. Aux dernières nouvelles, les solutions des énigmes sont dans le coffre d’un cabinet d’huissier. Aujourd’hui, on estime à 2.000 les passionnés, dont certains vivent en Afrique, en Asie, aux États-Unis… qui espèrent encore trouver ce trésor légendaire.

Il faut résoudre onze énigmes pour retrouver cette chouette en or et diamants, cachée en 1993 quelque part en France. Mais personne n’y est encore arrivé. Ce jeu, devenu légendaire, a depuis inspiré d’autres organisateurs de chasses au trésor. – © Michel Weber / SP.

La chouette, Julien Alvarez l’a longtemps cherchée. Aujourd’hui, il n’en a plus vraiment le temps. Après avoir entamé une carrière dans la finance, cet entrepreneur de 40 ans a fini par réaliser son rêve : monter sa propre maison d’édition, consacrée… aux chasses au trésor et aux explorateurs ! Les Éditions du Trésor comptent une trentaine de publications. Sur la piste des pierres précieuses, Trésors des mers, l’histoire engloutie …, chaque ouvrage est une invitation au voyage et à l’aventure ! Mais celui dont il est le plus fier a pour titre A la recherche du trésor perdu. Reprenant le flambeau de Max Valentin, Julien Alvarez a lancé le 25 avril 2017 une immense chasse au trésor dont la thématique s’inspire des romans d’aventures les plus célèbres de la littérature. Le magot ? Un coffre rempli de 85 pièces d’or, 65 pièces d’argent et 50 pierres précieuses et semi-précieuses, dont la valeur est estimée à 50.000 euros.

On se pose évidemment la question du financement… « Il y avait deux gros postes à budgétiser, explique le jeune éditeur. Celui lié au livre, de sa fabrication (droits d’auteur, impression, etc.) à sa médiatisation, puis le financement du trésor. Nous avons puisé dans nos fonds propres et mis à contribution nos futurs lecteurs par le biais d’une campagne de crowdfunding six mois avant la chasse. Il s’agissait de prévendre le livre. Nous avons ainsi récolté 38.000 euros. » L’ouvrage s’est vendu à 20.000 exemplaires, séduisant un public très varié. « C’était la grosse surprise, confie Julien Alvarez. Nous avons des chercheurs âgés de seulement treize ans, des personnes qui cherchent en couple, des groupes d’amis trentenaires ; nous avons plus de femmes que d’hommes ! »

Amandine, passionnée de rébus et d’énigmes, a tout de suite accroché. Il faut dire que ce loisir demande un investissement minimum pour des heures de recherche et de plaisir : « Je n’ai quasiment rien dépensé à part l’achat du livre et quelques-uns des grands classiques nécessaires , explique cette jeune maman, qui cherche en binôme avec une amie. C’est une activité attractive et facile d’accès. » Contrairement à la Chouette d’or, Julien Alvarez a prévu une date de fin. Si le coffre n’est pas trouvé au plus tard le 30 avril 2019 à minuit, il offrira le gain à une association caritative ou le remettra en jeu dans le cadre d’une autre chasse.

Dans des endroits atypiques et sur des durées plus courtes, c’est ainsi que s’organisent aussi les chasses au trésor. Isabelle Terrissol a fondé Anima Events, une société qui en propose sur catalogue. Un des concepts qu’elle a imaginés fait fureur : la chasse au trésor dans le Louvre ! Chaque mercredi soir, une dizaine d’équipes de six joueurs résolvent des énigmes au beau milieu des collections du célèbre musée. « On est complet toutes les semaines, se réjouit-elle. Chaque séance compte entre 60 et 100 joueurs. Il y a des bandes d’amis, des familles, des amoureux… pas forcément le public habituel des musées. Ça permet d’aborder ce lieu différemment. » Le succès est tel que le concept a depuis séduit les Invalides, le Quai Branly, le musée Guimet, Beaubourg et la Cité des sciences.

Organisée autour de trois parcours, la chasse au trésor est un moyen ludique de découvrir le musée et ses œuvres. – © J. Schellaert / SP Anima Events.

Les entreprises se mettent au jeu

Plus étonnant, Anima Events organise des chasses au trésor pour les entreprises. La dernière a eu lieu dans la demeure d’un célèbre maroquinier de luxe de la place parisienne. « C’était une chasse en costumes à la Agatha Christie, explique Isabelle. Elle existe déjà dans notre catalogue (La Dame blanche, NDLR) mais nous avons rajouté des acteurs, des costumes, des intrigues et nous l’avons adaptée au lieu. » Les particuliers font aussi appel à ses services pour animer un lendemain de mariage, une cousinade, un anniversaire…

Les thématiques Harry Potter ou pirates font un carton auprès des plus jeunes. « A une époque, c’était devenu ringard, estime Isabelle Terrissol, mais grâce aux escape games et à certains jeux vidéo où il faut fouiller des pièces et trouver des indices, on observe un gros regain d’intérêt de la part du public. Le principe de la chasse en lui-même est indémodable, après, c’est une question de marketing. » Il faut compter une cinquantaine d’euros par personne pour une chasse déjà écrite. Le double pour du sur-mesure.

7 millions de géocacheurs

Le dernier venu dans la grande famille des chasses au trésor s’appelle le géocaching. Né en juillet 2000, lorsque le département américain de la défense décida de libéraliser le GPS, il consiste à cacher (ou à trouver) un minuscule objet (jouet, pièce, message…) glissé dans une petite boîte (la géocache) grâce à ses coordonnées géographiques. Celui qui trouve l’objet peut à son tour le replacer dans une nouvelle cache et ainsi de suite… Pour jouer, il suffit de télécharger une application puis de se localiser.

L’Américain Jon Stanley pratique depuis 2001 le géocaching : une chasse au trésor par GPS. Près de 3 millions de boîtes sont ainsi cachées dans 191 pays. Certaines sont vides, d’autres contiennent juste un message, un souvenir, voire des pièces (les géocoins). – © GEOCACHING HQ / SP.

Il existe forcément des dizaines, voire des centaines de caches près de l’endroit où vous vous trouvez. « 7 millions de personnes s’y adonnent dans le monde entier, explique Jacques Morel, notre chouetteur, également mordu de géocaching, et il existe à ce jour trois millions de géocaches. » Si l’aventure vous tente et que vous êtes (très) joueur, la plus incroyable de toutes se trouve… en orbite, dans la Station spatiale internationale ! Déposée le 12 octobre 2008 par le magnat des jeux vidéo et « touriste spatial » Richard Garriott, la géocache numéro 218 est à ce jour le plus inatteignable des trésors !

Les Echo enquêtent sur les Chasses au Trésor

https://www.lesechos.fr/2014/10/la-folie-des-chasses-au-tresor-1104397

Publié le 31 oct. 2014 à 1h01Mis à jour le 6 août 2019 à 0h00

J’ avais organisé des chasses au trésor pour mes enfants et ils avaient été vraiment enthousiastes. Je me suis dit que c’était une bonne idée d’essayer de recréer cela parmi nos collaborateurs », explique Maud de la Moissonnière, chargée de communication interne chez LexisNexis, éditeur et fournisseur d’informations juridiques. Il s’agissait aussi d’une manière d’innover dans la présentation annuelle des produits aux salariés. Tout un après-midi, près de 300 collaborateurs du groupe ont eu à résoudre plusieurs énigmes dans le quartier des Tuileries, à Paris. Pour y parvenir, ils devaient se servir de produits vendus par le groupe. « Il y avait plusieurs équipes et nous avons mélangé des salariés de services qui se croisent peu et cela a créé une véritable solidarité participative entre eux », confie Maud de la Moissonnière.

Cette chasse au trésor personnalisée a été mise sur pied par Ma Langue au Chat. Cette société organise régulièrement ce type d’événements pour des grands groupes tels que BNP Paribas ou EDF, qui en sont friands pour des opérations de « team building ». « Nous avons un réseau d’auteurs qui travaillent sur l’écriture des énigmes. Nous faisons aussi jouer des comédiens professionnels qui interviennent dans l’intrigue, donnent des indices aux joueurs et créent des quiproquos », décrypte la dirigeante Isabelle Ruelland. Ma Langue au Chat compte aussi des collectivités locales dans son portefeuille de clientèle, dont la Mairie de Paris, pour qui elle organise, tous les ans depuis 2005, une chasse au trésor réunissant près de 30.000 participants. Résultat, pour un événement de grande envergue ou concocté sur mesure, la fourchette de prix est comprise entre 12.000 euros et 30.000 euros. Des montants qui ont fini par susciter des vocations. « Le secteur est indéniablement en croissance. Cela a longtemps été un marché de niche, mais aujourd’hui on compte une dizaine d’entreprises semblables à la nôtre en France », note Isabelle Ruelland.

Positionnée sur le créneau des particuliers, la société Qui Veut Pister Paris ? organise, tous les week-ends, quatre chasses au trésor dans les ruelles parisiennes. Munies de jumelles, boussole et même d’une lampe UV pour trouver les indices à l’encre noire, plusieurs dizaines de personnes s’esquintent les méninges pour résoudre casse-tête sur casse-tête. Le fondateur, Guillaume Nanjoud, écrit lui-même toutes les intrigues. Le but ? Résoudre une enquête grâce à des indices disséminés dans la ville – flèches sous des bancs publics, énigmes écrites sur un bout de papier -, et découvrir au passage certains quartiers et leur histoire.

Les prix tournent autour de 10 euros par personne et cette entreprise a rapidement séduit touristes et Parisiens. « Essentiellement des jeunes entre 18 et 35 ans qui veulent découvrir leur ville », précise Guillaume Nanjoud. « Qui Veut Pister Paris ? va franchir la barre des 600 chasses au trésor organisées sur l’année 2014 », avance Guillaume Nanjoud, qui assure qu’après 200.000 euros de chiffre d’affaires en 2013, les revenus de son entreprise vont avoisiner les 400.000 euros cette année. Installé également à Bordeaux, Strasbourg et Lille, il prévoit de se déployer prochainement à Toulouse et Nantes. Ce phénomène de la chasse au trésor gagne peu à peu l’ensemble du territoire. « De nombreuses villes organisent elles-mêmes leur propre chasse au trésor ou leur jeu de pistes pour faire découvrir leur patrimoine aux touristes et visiteurs de manière ludique », explique Jacques Bandet, qui tient le site spécialisé www.chasses-au-tresor.com.

Un outil marketing

Les entreprises ne sont pas en reste et sont de plus en plus nombreuses à franchir le pas dans une optique de marketing. Cet été, afin de faire la promotion de nouveaux pneus, Michelin avait organisé une chasse au trésor numérique (des énigmes sont publiées en ligne et permettent, in fine, de retrouver un objet caché) avec le gain d’un roadster pour le vainqueur.

Même initiative du côté d’Asmodee en février dernier. Pour les vingt ans de Jungle Speed, son jeu de société phare, le groupe a lancé une chasse qui a duré près de cinq mois, et a permis au gagnant d’empocher 20.000 euros. « Pour un budget de 30.000 euros, nous avons eu près de 10.000 participants et 20.000 visiteurs uniques mensuels sur le site dédié », souligne le directeur marketing du groupe, Nicolas Benoist, pour qui le coup promotionnel est réussi.

Cette chasse a été écrite par l’auteur français de référence en la matière : Sam Dalmas. Son fait d’arme ? « Les 12 énigmes de Dalmas », un livre publié en 2009, qui s’est écoulé à plus de 70.000 exemplaires. Cette chasse a pris fin en juin 2013, quand le lauréat a retrouvé le trésor – enterré quatre ans et demi plus tôt par ses soins, en pleine nuit, dans une forêt de l’Eure -, empochant au passage un chèque de 150.000 euros. Un montant qui oblige à une certaine prudence : Sam Dalmas est un pseudonyme, car il craint les menaces et pressions qui le forceraient à révéler des indices ou même la cache. Pour ces raisons, aucun de ses proches n’est informé de cette activité, qu’il exerce pendant son temps libre.

Mais quel est le modèle économique pour ce type de chasses au trésor ? Un organisme partenaire, en l’occurrence Malakoff Médéric, met au pot pour la doter d’un prix à même d’intéresser le plus grand nombre. Un éditeur s’occupe de la publication du livre et l’auteur est rémunéré en fonction des ventes, comme un écrivain classique. Mais le succès des « 12 énigmes de Dalmas » n’était pas acquis d’avance… Son auteur a même lutté près de dix ans avant de convaincre des partenaires. A la fin des années 1990, il fait le tour des maisons d’éditions, qui ne donnent jamais suite, avant que Marabout ne le recontacte finalement en 2007 pour compléter sa nouvelle collection « Enigme ». « Elles étaient toutes emballées. Le problème est que, pour des raisons légales, je ne peux communiquer les solutions de ma chasse au trésor à personne. Il était donc difficile de convaincre une entreprise d’investir autant d’argent dans ces conditions », raconte Sam Dalmas… au téléphone.

Soupçons de fraudes

Il faut dire que l’affaire de « La Chouette d’or » ne lui a pas vraiment facilité la tâche. Ecrite par feu Régis Hauser – Max Valentin de son pseudonyme – cette chasse entamée en 1993 avait très vite popularisé le genre, avant de jeter sur lui un voile de suspicion. « C’était la première chasse d’ampleur organisée en France, dotée d’un trésor estimé à un million de francs [près de 150.000 euros, NDLR]. Il n’y avait pas de précédent et cela a suffi à en faire un modèle fondateur », témoigne Patrick Schmoll, socio-ethnographe et auteur du livre « Chasseurs de trésors » (1), qui décrypte le phénomène. Mais alors qu’il était censé être découvert au bout de quatorze mois maximum, personne ne retrouve trace du trésor. De quoi faire naître des soupçons de fraudes, fuites, tricheries – qui n’ont jamais été étayés. Vingt et un ans après, la chasse est toujours ouverte et le trésor attend d’être déterré dans un coin de l’Hexagone.

En dépit de cet épisode, ce type de chasses au trésor a aussi le vent en poupe. Lancée début 2010 aux Etats-Unis, « Quest for The Golden Eagle », accompagnée d’un livre d’énigmes, propose un prix de 1 million de dollars. Autre illustration de cet engouement, la parution récente du premier tome de la trilogie « Endgame », aux éditions Gallimard. Ces romans cachent une énigme et chacun des trois livres sera parsemé d’indices et de codes qui permettront de la résoudre. Le gagnant repartira avec 500.000 dollars en pièces d’or. Une particularité qui ne doit rien au hasard. « C’est un choix de l’auteur. Cela fait rêver, renvoie à l’enfance, rien ne symbolisait mieux la notion de trésor », décode Hedwige Pasquet, présidente des éditions Gallimard jeunesse.

Car de quoi cette folie pour les chasses au trésor relève-telle ? « Cela participe d’un mouvement plus général du ludique à tous les aspects de la vie sociale. Les gens veulent que la vie soit « fun ». Plus profondément, cela répond à un besoin de réenchanter un monde devenu, pour beaucoup, trop rationnel, trop gestionnaire et vide de sens » , analyse Patrick Schmoll.

D’ailleurs, l’argent n’est pas le seul eldorado des chasseurs. Depuis quelques années, une nouvelle variante est en plein essor : le « géocaching », pratique née au début des années 2000 avec la vulgarisation du système GPS, tombé alors dans le domaine public. Le principe est simple : en s’aidant de données de localisation transmises par des tiers sur des sites de « géocaching », il faut retrouver une cache – généralement une boîte étanche contenant des babioles ou un registre de visites. Une fois celle-ci dénichée, on peut notamment inscrire son nom sur le registre ou remplacer la breloque par une autre, puis il faut remettre la boîte à sa place. En France, plus de 100.000 cachettes dites actives sont recensées, pour plusieurs dizaines de milliers de pratiquants réguliers. Dans le monde, on dénombre, en tout, près de 2,5 millions de « géocaches » pour plus de 6 millions de « geocachers ». Longtemps réservée aux initiés, la pratique est en train de se répandre à vitesse grand V, bien aidée par la généralisation des smartphones, équipés de systèmes de géolocalisation, et par la floraison d’applications dédiées au « géocaching ».

Les réseaux sociaux ne sont pas épargnés non plus par la fièvre de la chasse au trésor. Pour la promotion de son dernier album, Coldplay en a aussi organisé une, via Twitter, en février dernier. Après avoir caché des paroles de leurs nouvelles chansons dans les bibliothèques de neuf pays différents, le groupe a « tweeté » des énigmes permettant de les retrouver. Même si cette fois encore, la quête ne menait à rien de sonnant et trébuchant, l’opération a quand même fait du « buzz » et leurs textes ont vite été débusqués. Après tout, peu importe le trésor, chacun sait que ce qui compte, c’est l’ivresse de la quête.