Le Prix Geneviève Moll sélectionne « Monsieur Albert – Cossery, une vie »

genevieve-moll-france-21.jpgMonsieur Albert – Cossery, une vie est sélectionné pour la seconde sélection du Prix Geneviève Moll…

Le prix Geneviève-Moll 

Frédéric Andrau en course (26.03)

8 biographies sont en compétition pour le prix créé pour rendre hommage à la journaliste auteure 

 

Dans un communiqué, le groupe France Télévisions annonce le 27 décembre 2011 la disparition de Geneviève Moll, grande figure de la rédaction de France 2 et visage connue et appréciée des téléspectateurs. Elle avait 69 ans.

 

Geneviève Moll est arrivée à Antenne 2 en février 1981 comme journaliste à la rédaction de l’émission « Aujourd’hui Madame », en qualité de reporter et de chroniqueuse littéraire. Puis en juin 1981, elle a intégré la rédaction d’Antenne 2, en tant que grand reporter au service culture et société, elle en devient la chef de service en juillet 1988. Puis successivement, rédactrice en chef adjointe en novembre 1989 et rédactrice en chef de « Télématin » en décembre de la même année. En 1992, elle a un fou rire en direct dans l’émission qui passe en boucle depuis sur les écrans : un lendemain de réveillon de la Saint-Sylvestre, elle demande alors à Thierry Beccaro si ce dernier a « une barre » avant que les deux n’éclatent de rire (voir ou revoir la vidéo ci-dessus).

 

En 1993, elle devient rédactrice en chef du 13H, puis chef du service culture en 1996 et rédactrice en chef de l’Edition de la nuit en 1998. De septembre 2001 à mars 2007, elle revient au service société et culture, en qualité de grand reporter en charge de la littérature et des arts. En mars 2007, elle prend sa retraite et se retire dans le département de l’Eure.

 

Parallèlement à son activité de journaliste, elle est l’auteur de plusieurs biographies de personnalités célèbres dont Yvonne De Gaulle, Françoise Sagan ou encore François Mitterrand.

Le Huffington Post interviewe Frédéric Andrau, encore MERCI à Nadia Agsous

484150_356224931154607_1694371996_n.jpgLITTÉRATURE – Après avoir publié À fleur de peau et Quelques jours avec Christine A, Frédéric Andrau, journaliste et romancier, consacre un récit biographique à l’écrivain d’origine égyptienne, Albert Cossery, décédé en 2008. En novembre 2013, il aurait eu cent ans.

Quelle idée a inspiré ce récit biographique sur Albert Cossery?

J’ai lu Mendiants et Orgueilleux durant ma jeunesse sans savoir qui était l’auteur. Il m’arrivait pourtant de le croiser à Saint-Germain-des-Près sans le connaître. Je ne lui ai jamais adressé la parole car lorsqu’on le voyait, on n’avait pas trop envie de lui parler ou de le déranger. Albert Cossery ne passait pas inaperçu. Il était élégant et avait constamment le regard à l’affût. Et lorsque j’ai su qu’il était l’auteur de Mendiants et orgueilleux, j’ai eu envie de lire ses autres romans.

J’ai réalisé ce livre car il me semblait qu’il était de mon devoir de rendre hommage à ce personnage qui a marqué la littérature. Car même si sa vie n’était pas très agréable, il a néanmoins mené une existence atypique. Il a vécu dans un hôtel, de rien, avec rien et pour rien pendant soixante ans! À cela viennent s’ajouter les confidences que son ex-femme, Monique Chaumette me fit un soir, lors d’un dîner. Elle me révéla qu’elle avait été mariée à Albert Cossery pendant sept années. Les détails qu’elle me confia avivèrent alors mon désir d’écrire sur ce personnage hors du commun. Albert Cossery mettait de la distance entre lui et son environnement même s’il avait un besoin réel d’être aimé, admiré et reconnu. Pour écrire ce livre, j’ai eu accès à ses archives grâce à Joëlle Losfeld, son éditrice. J’ai retrouvé un tas de documents dont des petits carnets où il écrivait notamment lorsqu’il avait perdu l’usage de la parole. Il notait très souvent la phrase suivante: « qui se souviendra d’Albert Cossery? ». Ce qui dénote de l’existence d’une volonté de savoir quelle trace il laisserait après sa mort.

Votre récit révèle l’homme dans les moindres détails de sa vie quotidienne. Comment avez-vous procédé pour recueillir les données qui ont servi à reconstituer la trajectoire d’Albert Cossery?

J’ai d’abord recherché tout ce qui avait été écrit sur lui. J’ai trouvé énormément d’articles de presse mais aucun ouvrage hormis le livre d’entretiens de Michel Mitrani. Puis j’ai passé de longues heures en compagnie de personnes qui l’ont connu et côtoyé. J’ai interrogé les serveurs du café du Flore et de la brasserie Lipp. J’ai passé plusieurs nuits à l’hôtel la Louisianne afin de m’imprégner du lieu où il a résidé de très longues années, dans la chambre 78. Cette dernière n’existe plus en tant que telle car elle a été transformée en petite suite. J’ai discuté avec les commerçants où il faisait ses courses dans le quartier. Je montrais une photo de lui à des personnes âgées notamment. Celles qui le reconnaissaient témoignaient. J’ai également rencontré des personnes qui l’avaient connu de très près: Georges Moustaki, son ex-épouse Monique Chaumette et bien d’autres personnes qui ont été des témoins directs et dont les souvenirs ont servi à la reconstitution de ce récit biographique.

Vous proposez aux lecteurs une présentation inédite et détaillée d’un auteur très apprécié. Certaines de vos descriptions sont très précises comme si vous aviez assisté aux scènes que vous racontez. Quelle est la part de l’imagination dans ce récit?

Je suis resté très fidèle à la restitution de sa vie parisienne telle que les informateurs me l’ont racontée. Mais à certains moments du récit, je fais appel à l’imaginaire. Cela concerne, par exemple, son enfance en Egypte. Après m’être documenté sur ce pays, j’ai essayé d’imaginer le style de vie de la famille d’Albert Cossery. Ce dernier a été élevé dans un environnement familial où personne ne travaillait. Ses parents étaient plutôt aisés et le modèle familial semble avoir influencé son mode de vie. Albert Cossery lui-même n’a presque jamais travaillé. Son roman intitulé Les Fainéants de la Vallée fertile est autobiographique. Il met en scène toute une famille aisée dont les membres ne travaillent pas et passent le plus clair de leur temps à dormir. Pour la scène de sa mort, j’avais imaginé cet homme à l’agonie qui, malgré sa fainéantise, cette nuit là, a trouvé la force de se lever de son lit, de retirer le drap du matelas, de l’étendre par terre pour ensuite s’y allonger afin de mourir. C’est ainsi que je me suis représenté sa fin dans la chambre 78.

Votre récit se décline sous forme d’un long texte que vous écrivez en employant le « vous ». Le vouvoiement est-il un moyen pour marquer davantage la distinction qui caractérisait ce personnage qui aux yeux de beaucoup était énigmatique?

L’emploi du « vous » exprime l’idée d’intemporalité. C’est une manière de donner l’impression aux lecteurs qu’Albert Cossery est présent alors qu’il est absent au moment où j’écris le livre. Par ailleurs, ne pouvant pas me permettre de le tutoyer, le « vous » est un moyen d’exprimer une distance avec le personnage pour lui témoigner mon respect et lui rendre hommage. Ce type de narration permet aux lecteurs de lire la vie d’Albert Cossery plutôt que son histoire de vie.

Pourquoi Albert Cossery n’a-t-il jamais rien écrit sur Paris?

Le mystère demeure entier. Il a tellement su décrire avec précision le petit peuple du Caire bien des années après avoir quitté l’Egypte qu’on se demande pourquoi il n’a jamais mis à profit son expérience et ses observations pour écrire sur Paris et sur les personnages littéraires qu’il a connus tels que Alberto Giacometti, Jean Genet, Albert Camus et bien d’autres personnalités. Albert Cossery était partie intégrante du milieu littéraire et artistique de Saint-Germain-Des-Près à la belle époque. Il est vraiment dommage que nous ne possédions aucun témoignage de cet auteur. J’ai eu la chance d’interroger des personnes qui m’ont confié un tas de souvenirs que je restitue tout au long du livre.

Si vous deviez présenter Albert Cossery, comment le définiriez-vous?

Ma description du personnage est plutôt humaine que littéraire. Albert Cossery a été décrit comme un « dandy altier », un « anarchiste mondain »… Mais il était avant tout un personnage très mystérieux qui n’était pas très prompt à la communication et à l’échange. Il était capable de rester assis des heures entières sur la banquette du Flore à ne rien faire. Et aux serveurs qui lui demandaient s’il ne s’ennuyait pas, il répondait: « je ne m’ennuie jamais quand je suis avec Albert Cossery ». Il passait également son temps sur une chaise dans le jardin du Luxembourg et à Saint-Sulpice à regarder et à observer les passant-e-s, et en particulier les jeunes filles. Il était très curieux et doté d’un sentiment d’autosuffisance qui intriguait plus d’un. J’ai tout de même le sentiment qu’Albert Cossery était « un peu » un imposteur qui avait de l’intelligence, de l’humour et une grande distinction. Je crois bien qu’il a mené une existence de simulation et qu’il a souvent menti à lui-même et aux autres. Il jouait avec soi et avec la crédibilité, les faiblesses et la générosité des personnes qui l’entouraient.

Frédéric Andrau invité à Lyon (librairie Le Bal des Ardents) le 21 mars 2013

886624_231084380363376_1486042840_o.jpg885081_10151498257068744_903554319_o.jpgJeudi 21 mars à 18h30 à LYON, la Librairie Le Bal des Ardents (17 rue Neuve, 69001 Lyon) invite Frédéric Andrau pour une rencontre /dédicace autour de Monsieur Albert – Cossery, une vie

« Une passionnante intervention de Frédéric Andrau tout à l’heure au Bal des Ardents pour la dédicace de son dernier opus : MONSIEUR ALBERT, COSSERY UNE VIE. » (Lilian Auzas)

+ photo prise par une lectrice

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La Mairie du 6ème consacre une page à « Monsieur Albert » dans son magazine de mars 2013

couvcoss mairie.jpgNotre 6ème

Journal du 6ème arrondissement

n°261 – mars 2013

Conseils de lecture, p.17

Une biographie d’Albert Cossery 

Frédéric Andrau nous livre ici un récit biographique fourmillant de détails et d’anecdotes, à la fois libre et vivant, de l’écrivain Albert Cossery, l’une des figures littéraires germanopratines les plus étonnantes du XXème siècle.

Le narrateur s’adresse à Cossery qui lui raconte la vie qu’il a menée. Une vie faite de peu, immobile, à Paris, et, pour l’essentiel, au coeur de Saint-Germain des Prés, entre le Jardin du Luxembourg, la brasserie Lipp, le Flore et Les Deux Magots. Et, sur une vie longue de presque un siècle, seulement huit livres… Mais quels livres ! Dont le plus célèbre reste certainement « Mendiants et orgueilleux ».

Des quartiers populaires du Caire où Cossery est né en 1913, jusqu’à l’hôtel « La Louisiane », au coeur de Saint-Germain des Prés, où il vécut 60 ans dans la même sobre et petite chambre ; de l’Ecole des Frères de La Salle aux cafés de Flore et des Deux Magots ; des virées nocturnes de fêtes et de dragues, avec, entre autres, Camus, au jardin du Luxembourg où ilo aimait contempler les jeunes et jolies femmes, des premières publications en revues aux hommages tardifs des prix littéraires, cet homme en marge, sans jamais un sou en poche – il s’est toujours refusé de travailler ! – mais toujours habillé avec une parfaite élégance, est comme ressuscité par Frédéric Andrau. Celui-ci nous relate dans le détail ses relations avec les écrivains de son temps, les hommes de théâtre et de cinéma, son éditrice de prédilection, Joëlle Losfeld… Cossery était un solitaire qui ne manquait pas d’amis.

Frédéric Andrau n’idéalise pas pour autant son personnage : il pointe sans détour les caprices insupportables de l’écrivain, sa mauvaise foi, son manque de tact avec celle qui fut un temps son épouse, la comédienne Monique Chaumette – à qui est dédié le livre. Ce livre, souvent drôle et touchant, se fait plus profond et émouvant encore quand vinrent les dernières journées, les dernières heures de Cossery. 2013 est le centenaire de la naissance de Cossery dont toute l’oeuvre est disponible aux Editions Joëlle Losfeld.

Frédéric Andrau a collaboré pendant plusieurs années dans la presse écrite. Il est l’auteur de deux romans, « À fleur de peaux » (Le Sémaphore, 2005) et « Quelques jours avec Christine A » (Plon, 2008).

280 pages, parution le 1er mars 2013 aux Editions de Corlevour. Prix 19,90 euros. http://www.corlevour.fr 

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MERCI à Éric Poindron pour la soirée « Des mots, des pas, des curiosités » consacrée à « Monsieur Albert »

« DES MOTS, DES PAS, DES CURIOSITÉS » HOMMAGE À ALBERT COSSERY JEUDI 14 MARS

« DES MOTS, DES PAS & DES CURIOSITÉS »

UNE SOIRÉE HOMMAGE À ALBERT COSSERY

JEUDI 14 MARS À 19 H 30

 Avis aux curieux inspirés, aux amateurs de littérature, d’art sous toutes ses formes et de rencontre rares, chaque semaine, à Paris, le mercredi, de 19 h 30 à minuit, Eric Poindron reçoit un créateur et un « honnête homme » (écrivain, éditeur, journaliste, critique littéraire, artiste, plasticien, peintre, sculpteur, musicien, magicien, voyageur ou personnage surprise). Quatre heures, et souvent, plus entrecoupées par une pause dînatoire. Un moment rare et précieux pour les collectionneurs de découvertes.

JEUDI 14 MARS à19 H 30, SOIRÉE HOMMAGE A ALBERT COSSERY

À la question : « Pourquoi écrivez-vous ? », Albert Cossery répond : « Pour que quelqu’un qui vient de me lire n’aille pas travailler le lendemain »

Nous recevrons FRÉDÉRIC  ANDRAU

pour son livre Monsieur Albert, Cossery une vie 

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Soixante ans dans une chambre d’hôtel à Paris, huit livres publiés, des années à donner l’impression de ne rien faire, un détachement absolu de tout bien matériel et, au bout du compte, une vie qui tient dans trois cartons… Voilà comment pourrait se résumer la longue existence d’Albert Cossery.

Mais ce serait sans compter avec l’indélébile empreinte qu’il a laissée dans la littérature française, dans le monde des lettres en général et à Saint-Germain-des-Prés en particulier…

Après avoir rendu hommage, à sa façon, à Christine Angot dont il a fait le personnage principal de son roman précédent, Frédéric Andrau évoque cette fois-ci un autre écrivain, Albert Cossery, à l’occasion du centième anniversaire de sa naissance.

À travers ce récit, qui est à la fois une visite intime de son univers et une évocation de son parcours littéraire, avec un mélange habile d’émotion et d’humour, l’auteur rend un hommage vivant et vibrant à l’écrivain disparu en 2008 qui avait su si bien faire de ses origines égyptiennes une carte de visite.

Monsieur Albert, Cossery, une vie, de Frédéric Andrau, éditions de Corlevour

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Dans ses livres, Albert Cossery exalte la vie en Orient comme il la mène à Paris : il faut rire et jouir de l’existence, se libérer de toute forme de possession ou d’aliénation. Le monde appartient à ceux qui se lèvent tôt ? Lui n’est jamais debout avant midi…
 
Albert Cossery est un écrivain rare : il n’a pas publié plus d’un roman par décennie. Chacun de ses livres est un joyau célébrant en français le mode de vie oriental, l’Égypte des pauvres qui cultivent, avec beaucoup d’humour, une certaine forme de sagesse, celle qu’il pratique lui-même dans le Paris de Saint-Germain-des-Prés. Depuis 1945, il vit à l’Hôtel de la Louisiane, et sa silhouette mince et élégante est devenue une figure aimée et respectée de ce quartier.Le Magazine Littéraire

Les places étant comptées, et afin d’organiser au mieux le buffet qui ponctue la soirée, merci de répondre le plus tôt possible.

Renseignements :

coqalane@wanadoo.fr ou facebook (Eric Poindron) ou 06 40 21 19 56
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Le Chouan des Villes applaudit l’élégance de « Monsieur Albert »

Avis aux amateurs : MONSIEUR ALBERT Cossery, une vie de Frédéric Andrau

«  À regarder le monde s’agiter et paraître
                                             En habit d’imposture et de supercherie
                                             On peut être mendiant et orgueilleux de l’être          
                                             Porter ses guenilles sans en être appauvri »

                                                                                        Georges Moustaki

481155_10151359427598995_1676269750_n.jpgJ’ai évoqué une autre fois le personnage d’Albert Cossery, cet écrivain d’origine égyptienne qui, soixante années durant, vécut dans une modeste chambre d’un hôtel parisien, ne travailla jamais et publia très peu. Frédéric Andrau vient de lui consacrer un livre intitulé« MONSIEUR ALBERT Cossery, une vie ». Le livre se présente sous la forme d’une biographie dialoguée – ou plutôt monologuée : l’auteur s’adresse directement à Albert Cossery en le vouvoyant – comme il sied quand on s’adresse à un « Monsieur » ! L’artifice de narration peut agacer, mais, les premières pages lues, l’attention du lecteur s’éloigne de la forme pour s’attacher au fond.

Albert Cossery était à coup sûr un « Monsieur » – mais ce n’était pas un ange. Sachons gré à l’auteur de n’avoir pas dissimulé les défauts de son personnage : sa misogynie, son égoïsme, sa mesquinerie, sa dureté sont mentionnés et illustrés – ainsi que sa fainéantise, quoique, pour Cossery, ce défaut n’en soit pas un : « Vous érigiez, dit Andrau, la fainéantise au rang de valeur primordiale de la vie. »

Il faudrait du reste s’entendre sur le sens du mot « fainéantise » appliqué à Cossery. Le traiter de cossard serait par trop facile ! « Les gens ont l’impression que je ne fais rien, mais je ne fais jamais rien. Je réfléchis. Réfléchir, ça donne l’impression de ne rien faire, mais ce n’est pas ne rien faire. » Cossery, c’est l’irruption anachronique et subversive de l’otium dans un temps de negotium triomphant. « Je suis un anarchiste aristocrate », disait-il encore. Ses heures, vides en apparence, étaient comme ses phrases – riches en « dynamite » ! « Perdre, mais perdre vraiment pour laisser place à la trouvaille », disait Apollinaire.

Une autre de ses valeurs – indiscutable celle-la – fut l’élégance, qu’il mit en pratique à sa manière. D’aucuns s’étrangleront face à certains arrangements de couleurs. Par exemple, il osa se présenter à l’une de ses très rares prestations télévisées en « chemise verte, cravate ocre, veste bleue et pochette rouge ». De même, il aimait assortir pochette et cravate. Frédéric Andrau voit dans cette dernière habitude l’acmé de son élégance, révélant de la sorte une touchante ignorance.  Il se trompe encore lorsqu’il affirme que « Monsieur Albert » « fut toujours très bien mis » : « Monsieur Albert » fut mieux que « bien mis » – il fut élégant.

Plusieurs passages du livre permettent de reconstituer, à la façon d’un puzzle, l’idée qu’Albert Cossery se faisait de l’élégance. Sa leçon tient en quelques points capitaux.

 L’élégance est un virus qui se contracte jeune. « Lorsqu’on vous demandait d’où vous venait ce goût pour le raffinement vestimentaire, vous disiez que vous le deviez à votre père qui était toujours habillé comme un prince. »

– L’élégance est une affaire de détails« Vous nourrissiez une véritable passion pour les chaussettes. Vous en étiez un grand consommateur. Plus les années passaient, plus vous en achetiez, ou vous vous en faisiez offrir (…) C’était comme une obsession (…) Vous les jetiez sans les laver. »

– L’élégance n’a rien à voir avec l’argent ou le nombre de vêtements possédés.« Personne ne vous avait jamais vu acheter des costumes. D’ailleurs, dans votre logique minimaliste, vous vous contentiez de peu, deux ou trois vestes, autant de pantalons, trois ou quatre cravates et autant de pochettes pour pouvoir jouer avec les couleurs. »

– L’élégance a ses rituels« Vous vous déshabilliez lentement, disposiez soigneusement votre veste sur un cintre et votre pantalon sous le matelas de votre lit, avec tous les autres, afin qu’ils restent impeccablement dans les plis. C’était la première chose que vous faisiez, systématiquement, en rentrant chez vous. (…) Vous endossiez votre tenue d’intérieur, un pyjama ou une robe de chambre selon les saisons. »

– L’élégance est un stoïcisme. Vous ne supportiez pas l’air négligé (…) A l’âge où parfois l’on aurait tendance à se laisser aller, vous mettiez un point d’honneur à resterextrêmement présentable. Toujours droit, le port de tête altier (…) Vous disiez qu’on devenait vieux lorsqu’on arrêtait d’acheter des vêtements. »

– L’élégance est une école de vie« Vous disiez : la vie est belle, il ne faut pas se présenter étriqué devant elle. »

Sa mort même fut élégante. A ce sujet, deux versions s’opposent. Pour certains, il aurait chu, nu, sur le parquet de sa chambre d’hôtel et, dans un ultime réflexe, il aurait tiré à lui une couverture pour dissimuler son pauvre corps amaigri. On pense à César qui, succombant aux coups de ses ennemis, abaissa sa toge sur ses jambes pour tomber décemment. Pour Frédéric Andrau, en revanche, il se serait levé, aurait défait son lit, tiré un drap blanc qu’il aurait parfaitement étendu sur le sol puis se serait allongé dessus, « le corps très droit, les bras alignés de part et d’autre », vêtu d’  « un pyjama impeccable» Les deux versions sont belles et confinent à la légende.

Albert Cossery eut une vie conforme à ses aspirations les plus profondes – ce qui, en soi, est déjà exceptionnel. Fut-il heureux ? Il était trop lucide et trop intelligent pour faire du bonheur le but de sa vie. Le mot, d’ailleurs, est significativement absent du livre d’Andrau. Le soleil et les jeunes filles l’éblouirent. De là à avoir été heureux…

 

MONSIEUR ALBERT Cossery, une vie, Frédéric AndrauEditions de Corlevour, 19,90 euros. Recension du 12 mars 2013 

Sur le sujet, lire cette chronique de Christopher Gérard. 

Agoravox, le média citoyen aime « Monsieur Albert »: sa critique signée Kindred

223277_10151477854861405_996944597_n (1).jpgAlbert Cossery : Mendiants et orgueilleux

A l’occasion du centenaire de la naissance d’Albert Cossery, Frédéric Andrau publie une biographie intitulée Monsieur Albert.

L’occasion pour moi de revenir sur cet écrivain curieux et sur le dernier livre que j’ai lu : Mendiants et orgueilleux

Albert Cossery est né le 3 novembre 1913 au Caire. Vers l’âge de 20 ans, il s’est installé à Paris où il est mort le 22 juin 2008, dans sa chambre de l’hôtel, à 94 ans.

Il écrivait en français, mais ses romans se déroulaient en Égypte.

On dit qu’à la question : « Pourquoi écrivez-vous ? « , il répondait :  » Pour que quelqu’un qui vient de me lire n’aille pas travailler le lendemain « …

Les titres de ses quelques livres s’inscrivent facilement dans la mémoire :

Les Hommes oubliés de Dieu (1941).
La Maison de la mort certaine (1944)

Les Fainéants dans la vallée fertile (1948).
Mendiants et orgueilleux (1955)
La Violence et la Dérision (1964)
Un complot de saltimbanques (1975)
Une ambition dans le désert (1984)
Les Couleurs de l’infamie (1999)

Le roman se déroule au Caire, bien sûr. Le début est assez léger. Un homme veut attirer l’attention d’une femme. Quoi de plus banal :Il y a longtemps, j’avais lu Les Fainéants dans la vallée fertile. Plus récemment, j’ai lu Mendiants et orgueilleux. J’en donne quelques extraits, pour donner envie.

« Tout en elle proclamait une fierté naïve et un mépris total pour son entourage.

Elle passa près de Yeghen sans rien changer de son allure, et feignant de l’ignorer complètement. Celui-ci s’était presque arrêté sous le réverbère ; il montra son visage en pleine lumière, la bouche tordue par un rictus qui voulait être un sourire engageant. Mais cette mimique bouffonne fut perdue cette fois pour la jeune fille. Elle ne daigna même pas lui jeter un regard.

Yeghen , déçu par cette façon d’agir, fit encore quelques pas, puis se retourna et courut derrière elle. Il se sentait prêt à provoquer une émeute s’il le fallait. Comment avait-elle osé l’ignorer !

  • Tu as perdu ça, mademoiselle !

Elle s’arrêta, interdite, l’air grave et un peu effrayé. L’affaire se compliquait pour elle ; elle ne pensait pas qu’il aurait le courage de l’aborder. Instinctivement, elle avait tendu la main ; Yeghen lui remit le bout de papier contenant le poème et s’éloigna en toute hâte, sans se retourner.

Cela s’était passé sans incident ; il avait réussi son coup d’une façon magistrale. Comment allait-elle réagir après la lecture du poème ? »

 

Puis on tombe sur un dialogue moins banal :

  • « Maître, dit Yeghen, je vais te faire une confidence…
  • J’écoute
  • Eh bien, tel que tu me vois, je suis en pleine aventure sentimentale.
  • Mes félicitations ! Quelle est l’heureuse élue ?
  • C’est une fille qui n’est pas comme les autres.
  • Je t’arrête là, Gohar(1). Qu’est-ce qu’une fille que n’est pas comme les autres ? mon cher Yeghen, je te connaissais plus de discernement.
  • Je voulais dire que ce n‘est pas une putain.
  • C’est une bourgeoise ?
  • Oui. Sans doute la fille d’un fonctionnaire.
  • Oh ! l’horrible chose. Et tu es amoureux d’elle ?
  • Tu me prends pour El Kordi, maître. Je ne suis pas un enfant.
  • El Kordi (2) plus n’est pas enfant, dit Gohar. Crois moi, tu le méconnais. Il est simplement sous l’influence de toute une littérature européenne qui prétend faire de la femme le centre d’un mystère. El Kordi s’ingénie à croire que la femme est un être pensant ; son besoin de justice le pousse à la défendre en tant qu’individu social. Mais au fond, il n’y croit pas. Tout ce qu’il demande à la femme c’est de coucher avec lui. Et encore, la plupart du temps, sans payer, parce qu’il est pauvre.
  • Mais dans cas le but est différent. Je ne cherche pas à coucher avec elle.
  • Un amour platonique ! C’est encore plus grave !
  • Il ne s’agit pas d’amour, maître. Il s’agit d’autre chose.
  • De quoi donc ?
  • Je ne sais pas. (…) En vérité, cette fille m’amuse. (…). Figure toi qu’elle me regarde sans dégoût. Et en pleine lumière encore. Elle me sourit même. Je ne suis pas loin de croire qu’elle me trouve sympathique.
  • Tu ne vas pas devenir fat ? s’inquiéta Gohar. Ainsi elle fait appel à ta vanité. Mon cher Yeghen, cette fille est un abîme de perversités.

(chapitre V) 

Les choses ne vont pas en rester là. Une fille va mourir des mains de l’un de ces deux hommes.

La suite du roman va donc être une enquête policière, mais le lecteur n’aura pas à chercher l’auteur du crime, puisqu’il aura assisté à la strangulation. Ce plutôt une sorte de Crime et châtiment en moins long et sous une autre latitude.

Kindred, 9 mars 2013