Quelle place pour la femme dans l’Egypte antique ? Par Philip Kayne

THEMES AUTOUR DE LA FEMME DANS « LES CONQUERANTS D’ATON » Tome 1 « La Part de Vérité »

1)   LA MERE BIEN AIMEE :  

A la première syllabe, le prince Khetara (nom de jeunesse d’Akhenaton) reconnait la voix de sa mère, la reine Tiy (p 31-35). C’est l’enfant plus que le jeune adulte qui entend la voix maternelle. Mère, vous êtes là ?…La joie des retrouvailles l’assaille avant même qu’il ne voit l’objet de son amour. Le prince la découvre enfin, allongée sous un arbre et ne peut s’empêcher de la dévorer des yeux. Maintenant, il a besoin de la toucher et il lui embrasse les mains avec tendresse, presque de la dévotion ; d’ailleurs, il l’appelle Divine Mère ! La tendresse est à son comble et le prince laisse déborder son cœur …revoir le visage que mes yeux ont vu pour la première fois sera toujours le plus grand des bonheurs…

L’amour filial, exacerbé par l’absence, prime sur toutes autres considérations, sur le monde qui entoure la mère et son fils. Et sa mère le retient, comme si, elle-aussi, souhaitait prolonger l’étreinte. L’amour de sa vie serait-il dans ses bras ? Il est vrai que les études du prince les avaient séparés depuis plusieurs années. Mais qu’importe, puisqu’à présent ils sont à nouveau réunis ! Un moment intense se passe, à la limite de l’acceptable. Son père, le Pharaon Amenhotep III mettra d’ailleurs fin à l’envolée. Mais la reine Tiy n’a pas dit son dernier mot (dont elle jurerait pourtant, en bonne épouse, qu’il appartient a Pharaon…) et si c’est bien elle qui va laisser son royal époux rassurer leur fils Khetara quant à son devenir, on comprend bien que la Tiy a donné son assentiment. 

C’est la toute la finesse et le pouvoir d’une reine qui pèse sur les décisions politiques et religieuses (p35-37)  jusqu’à décider elle-même des orientations politiques lorsque la santé d’Amenhotep III deviendra chancelante, qui sera le ministre de l’ombre de son fils (p 288-294). Et puis, encore, cet amour filial entre une mère et son fils (p 37,fin p 288 et 289) jusqu’au décès douloureux et magnifique de Tiy(p 325-327)          

2)   LA RENCONTRE AMOUREUSE 

      Le prince Khetara est doublement malheureux ; au cours d’un banquet, il assiste aux fiançailles arrangées de son frère ainé, Touthmôsis, avec leur demi-sœur, la princesse Sitamon (p43). Si cette dernière, belle plante rosissantecomme l’appelle Khetara, se fait à l’idée d’une pareille union (le prince héritier est un bel athlète et aussi le futur Pharaon…) Touthmôsis, lui, se retrouve démuni devant la décision de Pharaon ; une mascarade ou ses sentiments les plus intimes se voient bafoués…De plus, la chasse au lion le laisse gravement blessé à la cuisse et tout autant dans son amour propre…Dans l’Egypte pharaonique, les mariages consanguins étaient autorisés au sein de la famille royale, pour préserver le précieux sang royal. Les unions incestueuses participent de la même logique, quoique ce type d’union fût le plus souvent rituel. Le prince Khetara lui aussi consentira, par amour, à épouser sa cousine NefertitiLa belle est venue, telle qu’on l’appelait sans doute avec raison (p113-115). 

Elle deviendra la Grande Epouse Royale c’a d la reine d’Egypte, l’égale de son mari, devenu le Pharaon Akhenaton. On prétendait même que si Pharaon célébrait le lever de Ra, jamais celui-ci ne se couchait sans que Nefertiti ne l’eut salué au cours de l’Oblation du soir (p16)…Son beau visage dissimulait sans doute un esprit bien fait et son corps élancé un cœur vaillant.  Six filles, sans tare apparente, naitront de l’amour indissoluble que se voua le couple solaire et, en dernier, un fils du nom de Toutankhaton (p339-340), victime à la fois de l’âge relativement avancé de sa mère, pour l’époque, et, dans son cas, des effets délétères de la consanguinité. 

Celui-ci deviendra ce roi connu de l’univers entier sous le nom de Toutankhamon et épousera sa sœur ainée Ankhensenamon qui sera son bâton de route. Dans un pareil contexte de consanguinité aggravée, la jeune femme fera sans doute plusieurs fausses couches (deux fœtus non viables ont été retrouvés momifiés dans la tombe de Toutankhamon).    

3)   KYA, LA CONCUBINE DE L’ADOLESCENCE DE KHETARA ET EPOUSE SECONDE

A dire vrai, nous ne savons pas grand-chose de Kya, femme de pouvoir, d’intrigues et qui donnera à son prince Khetara, son fils premier né, Semenkhara. Encore une fois, ce sera l’épouse-sœur de ce dernier, Meritaton, qui l’épaulera jusqu’à sa disparition brutale. Quant à Kya, après avoir mené un combat sans merci contre sa rivale Nefertiti (p192-193 p281-282 p346-347) – chacune d’elles avait un fils susceptible de devenir Pharaon… elle disparaitra sans laisser de traces (p360-365). Nous voyons bien que si Pharaon règne, la reine joue un rôle très important, parfois même déterminant dans la conduite des affaires de l’Etat. 

Ce sera particulièrement vrai tout au long de la XVIIIème Dynastie, la Dynastie impériale qui fera de L’Egypte le royaume le plus puissant du Moyen-Orient durant de nombreux siècles. D’ailleurs, on peut raisonnablement penser que l’un des secrets de la longévité du système pharaonique tient peut-être dans la répartition pragmatique du pouvoir, dans ce tandem homme-femme, porté au paroxysme par le couple de légende formé par AKHENATON-NEFERTITI qui mèneront une révolution des idées sans précèdent dans l’histoire de l’humanité et qui restera unique, tout comme la divinité qu’ils prônaient.

4)   MOUTNEDJEMET, SŒUR CADETTE DE NEFERTITI

Comment cette jeune et sans doute jolie femme (p115-116) aurait-elle pu rester en retrait alors que sa sœur avait épousé le prince héritier Khetara ? Dévorée par l’ambition, intrigante de charme, Moutnedjemet (p125-126) épousera le sémillant général Paatonheb qui deviendra plus tard le Pharaon Horemheb, le fossoyeur sans état d’âme de l’œuvre entreprise par ses prédécesseurs directs ! On peut se demander si Moutnedjemet n’a pas aidé à la disparition de Kya ?…(p360-365)       

5)   MOUNA, LA GOUVERNANTE ET LA CONFIDENTE DE NEFERTITI

La plupart du temps, le rôle de confident(e) était dévolu à la nourrice, mère de substitution pour les princes et princesses (p99-103). La momie de la reine Hatchepsout a d’ailleurs était découverte grâce à celle de sa nourrice, allongée à ses côtés. Dans le cas de Néfertiti, l’affaire est plus nébuleuse et il semble que sa nourrice fut épousée en deuxième noce par son père Ay, tant cette dernière fut attentive au bien être de l’enfant. Il est donc plausible que le rôle éminent de confidente pût échoir à une gouvernante, choisie pour ses affinités avec et envers sa divine maitresse. Dans ce cas-là, il s’agit d’une relation d’amitié, profonde et durable. 

6)    LA BEAUTE ET LES SOINS CORPORELS

Voilà un thème de prédilection dans l’Egypte antique ! Oui, l’Égyptienne prenait soin d’elle, de son apparence. Déjà, dans un pays chaud, le confort demande de porter des vêtements légers, d’autant plus que l’on grimpe dans l’échelle sociale ; le lin blanc fera plus que vêtir les égyptiennes, il enveloppera les corps aux courbes souvent sensuelles, l’arrondi ou le fuselé des formes. Sous Akhenaton et Nefertiti, la mode vestimentaire se fera vaporeuse et la Reine n’hésitera pas à dévoiler ses formes, arborant des tuniques transparentes et ouvertes. Comme nombre de ses contemporaines, Nefertiti possédait des coffrets à fars, sorte de beauty case avant la lettre qui contenaient une grande variété de produits à usage cosmétique. 

En effet, les pharmaciens du Palais concoctaient un grand nombre de potions, onguents et crèmes qui servaient à soigner mais aussi à embellir la peau, mélangeant extraits végétaux, animaux et matières inertes. Les médecines chinoises et indiennes procèdent encore de la sorte aujourd’hui, preuve que la méthode fonctionne ! Il en va de même pour les différents parfums et senteurs florales, si prisées dans tout le Moyen-Orient. Les fleurs (jasmin, lotus et autres fleurs du Nil) étaient broyées ou froissées et incluses dans une solution grasse qui permettait de conserver le parfum floral et servait aussi de baume pour la peau.     

7)   LA CONTRACEPTION

Encore un domaine innovant et d’excellence où intervenait la pharmacopée des produits végétaux, animaux et matières inertes ! En fait, les Egyptiens étaient les grands spécialistes de la médecine antique et leurs « Sinous » donnaient des consultations à tout ce que le monde antique possédait comme dirigeants ou personnalités d’importance. Et les méthodes de contraception, en particulier, faisaient partie de cette maitrise recherchée. 

Ainsi, les femmes qui souhaitaient éviter une grossesse indésirable humectait un tapon de lin avec un macérât de diverses substances spermicides comme le miel mélangé à du jus fermente de dattes, de la gomme d’acacia et du natron. Il suffisait alors d’enfoncer ledit tampon profondément dans le vagin pour obtenir l’effet recherché…qui allait parfois bien au-delà des espérances puisque, d’après certains papiri, l’infertilité pouvait se prolonger et devenir dans certains cas définitive…La chose devait sans doute arranger certaines catégories « socio-professionnelles » comme les prostituées et autres courtisanes. Les tests de grossesse existaient également et semblaient eux-aussi très performant, comme le signalaient l’Egyptologue Christiane Desroches-Noblecourt. 

Un tampon de lin imbibé d’échantillon d’orge et d’amidonnier et humecter d’urine était sensé indiquer une grossesse éventuelle ainsi que le sexe de l’enfant à naitre…Enfin, il ne faut surtout pas oublier l’art divinatoire sous toutes ses formes et les oracles car l’ésotérisme imprégnait la vie de tout un chacun ! (p156-159) Les astronomes Egyptiens sont les inventeurs de l’astrologie avec ses signes, ses décans et l’influence de ceux-ci sur l’existence des hommes.         

  

EN BREF… 

 

La société égyptienne accordait donc une grande place à la femme, dans de très nombreux domaines, pratiquement à égalité avec les hommes et toujours de concert avec eux. 

Malgré le fondement patriarcal des institutions, la femme possédait des biens, les gérait, disposait de sa personne, indépendamment de sa position sociale. 

Bien sûr, c’est dans la haute société, lieu de tous les jeux du pouvoir, que la femme trouvera la meilleure place pour s’exprimer, qu’elle soit reine, nourrice, gouvernante ou mère… 

Même la spiritualité était placée sous le signe de la dualité des sexes, jusqu’à la complémentarité sous le règne d’Akhnaton et Néfertiti

 

Indubitablement, la femme était l’avenir de l’homme…et inversement…quelle leçon de modernité, pour notre époque !    

Laisser un commentaire