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Actualités (NON EXHAUSTIF)
Hélène Waysbord reçue par l’Institut culturel du judaïsme à Lyon
Hélène Waysbord reçue par l’Institut culturel du judaïsme à Lyon


Le Télégramme a craqué pour « Mémé part en vadrouille »
À Vannes, Fiona Lauriol dédicace son livre « 101 ans – Mémé part en vadrouille » à l’espace culturel Leclerc
L’auteur raconte sa série de voyages en camping-car avec sa grand-mère centenaire. Elle sera en dédicace à Vannes samedi 6 novembre à l’espace culturel Leclerc.

En 2017, dans sa 98e année, Dominique Cavanna vit dans un Ehpad en région parisienne. La direction de l’établissement estime qu’il ne lui reste plus beaucoup de jours devant elle. Sa petite-fille, Fiona Lauriol, décide de la retirer de l’Ehpad et de l’accueillir chez elle. Après quelques mois de remise en forme, elle lui propose de l’emmener en camping-car. Le duo fait alors une série de voyages durant trois ans, avec un premier périple merveilleux de 40 jours en France. Les voyageuses parcourent ensuite l’Espagne pendant quatre mois, jusqu’à Compostelle, puis le Portugal, où elles se retrouvent bloquées pendant deux mois en 2020 à cause du confinement. La presque centenaire devient alors rapidement la mascotte du camping. La grand-mère et la petite-fille avaient pour projet de faire un autre voyage, dans la ville natale de Dominique Cavanna en Italie, mais ce vœu n’a pas pu se réaliser. La grand-mère aventurière est en effet décédée à 103 ans. Ce livre est une véritable leçon de vie.
Fiona Lauriol sur France 3 Bretagne
Revoir l’émission ici à partir de 9 minutes 45 :
https://france3-regions.francetvinfo.fr/bretagne/emissions/jt-1213-bretagne
Zone critique met à l’honneur « La Chambre de Léonie » d’Hélène Waysbord aux éditions Le Vistemboir
Henri Matisse, La Chambre rouge
N’importe quel lecteur et admirateur de Proust sait que la plus grande joie que procure la Recherche du temps perdu consiste en une relecture infinie et à en parler avec d’autres lecteurs. Hélène Waysbord nous fait le don de cet échange à travers son délicat ouvrage La chambre de Léonie, écrit en période de confinement – ce détail n’est pas anodin. Il s’agit bien d’une conversation, au cours de laquelle l’auteure tantôt nous offre sa vision de l’œuvre, tantôt se confie sur son existence. Ces deux angles de composition résultent du rapport singulier qu’Hélène Waysbord entretient avec la mémoire, qui l’a inévitablement menée à pénétrer avec abandon et délice dans la prose proustienne.
« Chaque être sans doute reste le corps vibrant porteur des traces d’origine qui l’ont comblé, seules quelques-unes seront vivifiées. Proust apprend cela si on s’abandonne à lui. » (p. 119 et 120)
Hélène Waysbord et Marcel Proust : un compagnonnage intime
Au début, il y eut une perte
Celle de ses parents, déportés puis assassinés à Auschwitz à l’automne 1942 puis au printemps 1943, années maudites entre toutes. Perte des repères, perte de l’amour donné, perte du Tout par lequel l’enfant s’attache au monde et s’y reflète, sans effort. Acter cette perte, c’est accepter de ne plus recevoir l’image de son propre reflet dans le monde et par conséquent, demeurer démuni. Isolé. Dépossédé. Hanté. Tout cela, Hélène Waysbord l’a été tour à tour, simultanément, invariablement. Habitée par une histoire qui est la sienne et qui lui échappe, qui la plonge dans le désarroi de l’identité dérobée.
Puis, il y eut la vie.
L’enfance recommencée malgré tout, dénuée d’illusions et emplie de l’incertitude des années de guerre, qui finit enfin, objectivement, mais continue d’habiter une subjectivité dorénavant marquée du sceau de l’effroi. Des études en littérature, une thèse de doctorat sur la métaphore dans l’œuvre de Proust, un mariage, l’enseignement, des activités culturelles auprès du gouvernement de François Mitterand, dans les années 1980. En 2013, Hélène Waysbord publie L’Amour sans visage, chez Christian Bourgois, puis Alex ou le porte-drapeau une année plus tard. Le premier est suivi des lettres que son père écrivit depuis le camp où il était interné avant sa déportation et de leur commentaire rétrospectif par sa fille, Hélène Waysbord. Ces deux récits, surgis des profondeurs de l’enfance orpheline, sont bouleversants comme le sont les témoignages qui exposent le vertige des existences rongées par l’indicible. Elle a longtemps présidé l’Association de la maison des enfants d’Izieu, qui fut un asile temporaire pour quarante-quatre enfants juifs de toutes nationalités, finalement déportés en 1944.
En période de confinement inattendu, Hélène Waysbord prend la plume pour examiner la chambre comme kaléidoscope de la vie morcelée, comme bastide clandestine, qui protège et isole en même temps.
Mais l’auteure de La Chambre de Léonie est avant tout une grande lectrice et spécialiste de Proust. Quoi de plus symbolique que de faire l’inventaire des chambres dans la Recherche du temps perdu, quand on a soi-même été une enfant recueillie, cachée entre quatre murs, puis retenue dans les chambres par la douleur, la stupeur, la mélancolie des jours qui passent sans pouvoir éclaircir les heures troubles du passé ? En période de confinement inattendu, de passage en Normandie en mars 2020, Hélène Waysbord prend la plume pour examiner la chambre comme kaléidoscope de la vie morcelée, comme bastide clandestine, qui protège et isole en même temps. Mais la chambre a surtout été, de tout temps, le lieu par excellence de la lecture solitaire, cette activité qui nous prête des vêtements imaginaires « pour jouer en costumes ces rôles où l’on s’apprend soi-même » (p. 17). Pour Hélène Waysbord, le livre reste ce professeur muet, qui nous offre une possibilité de « proximité immédiate » (p. 117) avec un écrivain aujourd’hui disparu, mais si familier grâce à l’œuvre apte à témoigner de sa présence bien plus intimement – et même, charnellement – que n’importe quelle rencontre : « Je me sentis d’emblée concernée par une lecture du monde qui ne livrait pas ses secrets » (p. 73). La lecture de l’œuvre de Marcel Proust a contribué à éclairer le chemin nébuleux des méandres de la tragédie personnelle d’Hélène Waysbord ; à nommer les minuscules pans de lumière reconquise – tels, dans l’œuvre, « le petit pan de mur jaune » et le « rayon de soleil sur le balcon » – là où n’importe qui d’autre n’aurait rien vu, rien que des ombres, des traces qu’on soupçonne, à moitié effacées, à moitié ignorées.
Dans La Recherche du temps perdu, la chambre de Léonie est la chambre des chambres, le refuge de la tante malade, de la femme prostrée, mais aussi de la rumeur et de l’observation, dans laquelle le narrateur s’abreuve du thé magique qui lui vaudra d’être, des années plus tard, transporté pour la première fois dans le labyrinthe de la mémoire qu’il parcourt dans son œuvre. De la chambre de sa tante Léonie, le narrateur retient le lit, cette matrice et ce sanctuaire de la création dont on sait par l’entremise de Céleste Albaret que Proust lui-même y écrivit l’intégralité de son œuvre :
[…] Léonie qui, depuis la mort de son mari, mon oncle Octave, n’avait plus voulu quitter, d’abord Combray, puis à Combray sa maison, puis sa chambre, puis son lit et ne « descendait » plus, toujours couchée dans un état incertain de chagrin, de débilité physique, de maladie, d’idée fixe et de dévotion.[1]
Le resserrement du monde de Léonie à la ville, puis aux différents contenants dont le dernier est le lit permet à Proust de colorer ce lit-matrice de toute la palette morale de l’intériorité de celle qui s’y tient. En somme, Combray est la métonymie du lit de tante Léonie, et plus encore, en vient à symboliser toutes les âmes ayant été terrassées par un chagrin incommensurable. Cette petite bourgade triste, résumée par son église un peu morne, résonne de l’écho de toutes les voix fluettes qui n’ont plus la force de se révolter contre le désastre, la perte, l’oubli contre lequel il faut lutter. Mais le lit d’une petite bonne femme qui ânonne seule et dont les paroles évanescentes disparaissent à tout jamais fait place, grâce à la vocation du narrateur, au lit comme métaphore de l’intériorité et de la mémoire. Celui sur lequel s’ouvre le roman tout entier annonce tous les autres, surgis de l’imagination du petit Marcel qui se tourne et se retourne, exaspéré mais déjà à demi assoupi, en pensant au baiser trop court que sa mère a bien voulu venir lui donner quelques instants auparavant, et qu’elle a emporté avec elle en fermant la porte de la chambre. Ce lit où il éprouve sa solitude sera, dans une autre dimension, celui où l’écrivain passa, pelotonné, la plus grande partie de sa vie pour composer l’intégralité de son œuvre, enveloppé dans le nuage opaque et presque irréel de ses fumigations contre l’asthme.
Un inventaire poétique
Composé de courts chapitres permettant d’en faire un bréviaire à consulter par entrées, La Chambre de Léonie revient sur quelques chambres de la vie d’Hélène Waysbord
Composé de courts chapitres permettant d’en faire un bréviaire à consulter par entrées, La Chambre de Léonie revient sur quelques chambres de la vie d’Hélène Waysbord, de la chambre « de satin rose dragée », où l’orpheline de cinq ans fut recueillie après la « disparition » de ses parents, à la « Chambre rouge » de Matisse, qui revêt une importance capitale aux yeux de l’auteure, car cette toile lui permit d’envisager, après une phase particulièrement cruelle d’égarement « empli de menaces », « un monde où vivre » (p. 104 et 105). La description qu’elle en fait après l’avoir découverte au Musée de Lille est un enchantement : en pénétrant dans les tourments de sa mémoire, Hélène Waysbord nous donne aussi accès aux étincelles de beauté que ses yeux ne cessent de percevoir, malgré la perte qui revient, le désarroi qui demeure :
La chambre selon Matisse devenait un lieu total de contemplation, de jouissance silencieuse, sans irruption menaçante du dehors avec l’œil de la Gestapo derrière chaque porte, comme un pistolet pointé. (p. 106)
L’œuvre comme chambre où se lover, où trouver refuge contre les abîmes et la folie, mais également où commencer à écrire ce qui se dérobe quand le péril guette, apparaît évidemment en filigrane dans ces lignes. La chambre de Léonie accomplit un doux va-et-vient entre les souvenirs de la jeune orpheline observatrice que fut – et que restera toujours – Hélène Waysbord, et une réflexion sur la lecture, sur l’enchantement permis par la prose proustienne toute droite sortie non pas d’une mais de nombreuses chambres, c’est-à-dire d’un lit d’homme confiné : successivement au Grand Hôtel de Cabourg, à l’hôtel des Réservoirs à Versailles, à Paris enfin. L’auteure rappelle à quel point Marcel Proust était relégué lui aussi par sa santé fragile et ses poumons délicats à l’espace domestique et intime du lit, et aime à penser que malade ou pas, « chacun se cache » dans sa chambre, dans un espace où dissimuler sa différence, ses désirs et ses chagrins honteux, son corps éprouvé. La chambre comme lieu de confinement et refuge au monde extérieur et à sa brutalité, devient sous la plume d’Hélène Waysbord un espace sacré « au sens ancien, dans [lequel] on ne peut entrer » sans avoir sonné (p. 96).
Le charme de ce livre réside dans la confiance qu’Hélène Waysbord accorde au lecteur, dans le fait de bien vouloir lui confier ses tourments fondateurs
Le motif de la chambre fait la part belle aux dispositifs d’observation mis en place dans La Recherche du temps perdu, le roman des apparences et des mirages, mais surtout de la surveillance, voire, de l’espionnage. Aux dires de Céleste Albaret, Proust ne sortait jamais de chez lui qu’avec « un objectif précis en chasseur d’un détail ou en pèlerin de ses personnages » (p. 80). On imagine aisément Hélène Waysbord, à la poursuite d’un passé impénétrable, d’une enfance volée et inconsolée, en investigatrice infatigable, « en recherche d’un père protecteur et idole, abruptement arraché » (p. 54). On croise sans surprise dans La chambre de Léonie un spectre inversé d’Albertine sous la forme de ce père trop aimé et qui n’aime pas en retour, disparu sans crier gare. Une enfant est déplacée malgré elle d’Argenteuil en banlieue parisienne vers un village lointain, anonyme, et trouve refuge au « café en face de la gare », dans « la chambre de satin rose dragée », « où le romanesque prend son envol », et qu’elle préfère à la salle du bas avec « ses contigüités équivoques » (p. 24). Une jeune femme se marie dans les années 1950 et décrit sa relation à l’auteur de La Recherche du temps perdu comme destinée « à durer bien au-delà de ce qu’[elle aurait] pu croire » (p. 72). Il y a quelque chose de Modiano chez Hélène Waysbord : dans la permanence de l’énigme au cœur de l’existence, mais également dans la douceur infinie qui émane de leurs récits respectifs. L’un et l’autre voguent, au gré de leurs gouffres, sur une mer instable mais protectrice. Leur vie apparaît comme une négociation perpétuelle avec le précipice et la matrice. Ils partagent avec Céleste Albaret, l’inoubliable femme de chambre de Proust, le temps propre au célèbre écrivain : celui-ci n’a plus rien de commun avec le temps des autres, celle de l’horloge parlante ou des gares. Il s’étire inconsidérément, mais surtout, dessine une nouvelle dimension : celle où l’identité et la mémoire se confondent.
Le charme de ce livre réside dans la confiance qu’Hélène Waysbord accorde au lecteur, dans le fait de bien vouloir lui confier ses tourments fondateurs, et de les lui laisser associer avec la grâce rédemptrice des récits proustiens, auxquels elle mêle sa voix, dans une fugue envoûtante et poétique.
- Hélène Waysbord, La chambre de Léonie, Préface de Jean-Yves Tadié, éditions Le Vistemboir, Paris, 2021.
Fanny Arama
[1] Marcel Proust, Du côté de chez Swann, Paris, Gallimard, coll. « Folio », édition présentée et annotée par Antoine Compagnon, 1988, p. 48 (je souligne).
Emmanuel Jaffelin sur France infos
Marie Bernardeau a reçu mercredi 3 novembre 2021 le philosophe Emmanuel Jaffelin dans son émission Le 14- 17 de France infos pour son livre « Célébrations du bonheur »
Session de jeu coquinou autour d’un petit-déjeuner INNOOO le 18 novembre à 10h
Session Bonnes Pratiques InternetINNOOO a le plaisir de vous inviter à une session de jeu Coquinou autourd’un petit déjeuner:Avec Luc Rubiello Président fondateur d’INNOOO et Dominique Jaquet DSIde l’APEC Vice-Président d’INNOOO et des membres de l’association:Le jeudi 18 novembre 2021 à 10hAu Cercle militaire 8 place Saint-Augustin Paris 8ème:Pass sanitaire scanné à l’entrée du Cercle et jean proscrit pour leshommesLors de cette partie de jeu Coquinou entre les participants, chacunaméliorera ses Bonnes pratiques internet et échangera sur l’indépendanceinternet de la France dans un monde sans GAFAMA propos d’INNOOO : l’association est reconnue d’intérêt général etmilite pour un internet français et sans publicité reposant sur desoutils conçus, hébergés et maintenus en France : un multimoteur de recherche ouvert retournant les réponses les pluspertinentes sans publicité, les Actualités du jour garanties sans « fake news », un moteur d’images pour des recherches mettant l’accent sur lasérendipité (capacité de faire une découverte par hasard), un réseau social acentré (sans système centralisé), libre et modéré, des actions de sensibilisation aux bons réflexes internet : jeu decartes pédagogiques Coquinou, tutoriels gratuits, conférences dans leslycées, entreprises et universités.Plus d’information: www.innooo.frUn événement Balustrade * RSVP par sms au 06 84 36 31 85Informations presse : guilaine_depis@yahoo.com
Un superbe article de l’écrivain Marie Desjardins sur « La Chambre de Léonie » dans La Métropole
Du côté de l’expérience Proust
Marie Desjardins
C’est un voyage intérieur que propose Hélène Waysbord avec La chambre de Léonie, paru aux éditions Le Vistemboir : un essai tenant du récit, un récit tenant de l’essai, une réflexion psychologique et philosophique, un ouvrage biographique ajoutant à la connaissance de l’auteur d’À la recherche du temps perdu, Marcel Proust. Biographie, en effet, en ce que la biographie est une famille, un ensemble. Dans cette perspective, elle devrait s’écrire avec la majuscule, toutes les biographies, avec une minuscule, étant ses constituants, autant de prismes du kaléidoscope.
La biographie est un genre, si l’on peut dire, car comment atteindre à la vérité du personnage (ce que recommandait André Maurois lui-même) ? Le chemin le plus sûr est sans doute celui de sa propre vérité. Or c’est celui qu’emprunte Hélène Waysbord, conseillère de François Mitterand dans les années quatre-vingt pour les Grands projets. C’est en exposant son sentiment, son expérience, du grand écrivain qu’elle parvient à en fournir un éclairage peut-être pas nouveau, mais personnel et par conséquent unique. Tous les livres sur l’analyse d’une figure sont utiles, fussent-ils littéraires ou non. La recherche ne s’achève jamais. Aussi ne peut-on pas se surprendre d’une énième parution sur Proust, en l’occurrence. Chaque pierre participe à l’édification de la connaissance.
Tout lecteur de Proust, même d’une infime partie de son œuvre, s’il est fasciné par le personnage, yeux sombres, élégant, énigmatique, camélia à la boutonnière, presque mystique dans sa démarche, trouvera donc son compte dans cet essai, ne serait-ce que pour un détail… celui que rapporte Waysbord, par exemple, au sujet de la voix exceptionnelle du créateur de Swann, en citant ce que Cocteau en dit : « Cette voix n’arrivait pas de la gorge, mais des centres elle avait un lointain inouï. » Le détail est fondamental au tableau, et chaque témoin d’un détail participe à la Biographie. Ainsi, entre autres, Benoist-Méchin relatant sa visite à Proust en 1922, et rappelant le souvenir de ce regard abyssal, brillant littéralement dans la pénombre, surgissant du visage cireux, Proust mourut quelques jours après sa rencontre avec ce jeune intellectuel brillant, collaborateur condamné puis gracié, grand biographe. Waysford et Benoist-Méchin, diamétralement opposés, ont néanmoins dans leur cheminement vers Proust un point commun : ils lui ont consacré une thèse.
La démarche de Waysford est claire : « Comment, se demande-t-elle, faire de Proust mon mystérieux correspondant, personnage et guide à la fois dans mon entreprise audacieuse, sans doute impossible, d’une présence retrouvée ? » Les parents d’Hélène Waysford, juifs, ont été déportés à Auschwitz. Depuis elle n’a jamais cessé d’être à la recherche du temps perdu. La fréquentation de Proust, cet être confiné, devenu orphelin, d’une extrême sensibilité, d’origine juive également, cette pure affinité élective entraîne au moins Waysford sur la voie de l’apaisement. Dans son esprit, le disparu toujours vivant fait œuvre étrange de consolation, un frère dans l’au-delà. C’est l’angle de La chambre de Léonie. Et aussi celui de la genèse de l’œuvre ; « les “écrans” proustiens, qui jalonnent le récit, précise-t-elle, la chambre de Léonie, celle de Vinteuil, ou la cour de l’immeuble du narrateur, sont constitués selon un dispositif identique : cadrage, espionnage, dissimulation. ». Affirmation qu’elle nuance elle-même, englobant dès lors tous les possibles : « Il est tant de façons de lire Proust. »
Par la première phrase, par exemple : « Longtemps je me suis couché de bonne heure. » Si connue, tellement citée… C’est, selon Waysford, « la phrase la plus simple et la plus décantée. […] D’emblée le lieu est privilégié est posé, le lit nocturne, centre du monde à venir. […] Une première phrase qui est le miroir de réfraction où se projettent les nombreuses pages de la Recherche. N’importe qui aurait pu la dire, chacun peut se l’attribuer vu sa simplicité, mais écrire le roman qui suit était réservé à un seul, un grand malade couché, la vie la plus singulière qui soit. »
Cette réflexion si juste est une autre définition de Proust qui étoffe sa Biographie. Celle-là est de Waysford qui, comme son sujet, a accédé à l’écriture par la souffrance, la remise en question, l’affirmation, enfin, à la faveur… d’une pandémie des temps modernes. Son ouvrage est d’actualité, on y lit quelques remarques délicieuses au sujet « d’un minuscule virus » ; comme celle-ci : « le mot confinement, répété à longueur de journée sur les ondes et dans les journaux, avait remplacé la moitié du lexique… » C’est par conséquent lorsqu’elle se retrouve enfermée, comme Proust, que Waysford se met à la rédaction de son expérience avec lui, livrant du coup une foule d’anecdotes éclairant son sujet, bien sûr, mais aussi le parcours général du biographe, dont ses frustrations. Dans le cas de Waysford, l’impossibilité de mettre la main, lors d’une vente à Drouot, sur une lettre capitale de Proust écrite le 18 août 1902 dans laquelle elle comprit que, « dix ans avant la chambre de liège et le retrait, son choix [était] déterminé en tous ses aspects. ». Elle rapporte par ailleurs des joies occasionnelles du biographe à la parution inattendue, notamment, de fragments de nouvelles de jeunesse, dans lesquels la vocation et l’orientation de l’écrivain sont clairement établies.
« J’essaie de suivre l’itinéraire de Proust dans la recherche de son identité profonde. Je retrouve donc ainsi des fragments éclatés de ma propre identité », déclare-t-elle dans une interview lors du festival de Cabourg, en octobre dernier. Un long travail, long d’une vie, personnel, à même le déchirement et la cruauté d’une époque ; « le trou noir de l’arrachement », écrit-elle. Tout ceci a conduit Hélène Waysford à formuler cette conclusion sur Proust, en soi un morceau d’anthologie de réelle critique littéraire, synthétique, exact et limpide : « Chaque être sans doute reste le corps vibrant porteur des traces d’origine qui l’ont comblé, seules quelques-unes seront revivifiées. Proust apprend cela si l’on s’abandonne à lui. »
Quel amour. Quelle leçon de lecture. Comment résister à citer intégralement l’explication que donne Waysford de la méthode de Proust en ce qui concerne ces « traces d’origine » ? Explication qui résume impeccablement cette méthode. « Il n’est pas question de mémoire, il s’agit d’une navigation sans boussole dans l’épaisseur du temps où le passé coexiste avec le présent. Le corps parle tel un épiderme mémoriel où les sensations ont tracé leur sillon. Des moments rares qu’on ne commande pas à volonté, mais qu’il convient de recevoir comme une grâce et un travail. L’intelligence de Proust s’est consacrée à élucider ces instants de temps à l’état pur, arrachés aux contingences du moment, à toute la chronologie de ce qui serait déjà joué. Des images instantanées de l’éternité. »
Il n’y a plus un mot à dire, sinon que le livre qu’on tient dans les mains est par ailleurs très esthétique, tant par son format original, 18 x 18, que par sa couverture très réussie.
Hélène Waysbord, La chambre de Léonie, Préface de Jean-Yves Tadié, Éditions Le Vistemboir, Caen, 2021, 125 pages.
Gilles Pudlowski fait l’éloge de « La Conversation »
Quand sa rédactrice en chef, à l’heure de partir en vacances, demande à Charlotte, jeune journaliste stagiaire, frais émoulue de Sciences Po, d’interviewer, au coeur de l’été, l’ancien président de la République récent prix Nobel de la Paix, Victor Esménard, celle-ci va y voir forcément une chance, une aubaine, une occasion à ne pas manquer. La rencontre se passe au Plaza Athénée, commence dans la galerie, se prolonge à table. Le politicien rusé, censé détester les journalistes, use de séduction, pratique l’art de la conversation avec un sens aiguisé du monologue, use de l’aphorisme, de la citation, sans en abuser, médit de l’époque, glisse d’utiles conseils d’écriture (toute la page 80 sur le thème de « si vous vouez écrire, écrivez écrivez… »), se gausse de ses contemporains, vante les vertus du vin et du cognac, de la bonne chère aussi, évoque la douceur de vivre et se défie de l’avenir. Bref, donne, sans y prendre garde, des leçons de sagesses. Charlotte, elle, encaisse, réplique, ruse, et se trouve piégée en bout de course. On ne vous dira pas comment. Cette conversation, premier roman d’Alexandre Arditti, est un brillant exercice de style qui échappe aux lieux communs, à la redite, à la banalité. Et se suit avec un constant plaisir. Gilles Pudlowski