Philing Good aime les « Célébrations du bonheur » d’Emmanuel Jaffelin

LIVRES PHILous 

 Célébrations du Bonheur d’Emmanuel Jaffelin : le stoïcisme serait-il le remède de notre société survoltée ? 

Dimanche 16 Janvier 2022

Alors que nous sommes encore en pleine crise sanitaire, que les médias stimulent sans cesse notre cerveau reptilien, la sagesse grecque, notamment celle des stoïciens, vient toquer à notre porte : si tu veux être heureux, commence déjà par relativiser le mot « bonheur », qui n’est qu’un leurre. Cela peut rappeler la phrase ironique du nihiliste Schopenhauer : tu n’as aucune chance mais saisis-là…

Dans le livre Célébrations du bonheur, le professeur de philosophie Emmanuel Jaffelin nous propose un plan simple et efficace, inspiré du stoïcisme, pour aborder la question du bonheur en trois parties : le Malheur, l’Heur, Le Bonheur.
L’Homme reste un être mortel. Malgré tout le progrès réalisé par les siècles successifs, l’angoisse de la mort, chère à Heidegger, est toujours aussi vivace. Nous constatons d’ailleurs, que plus l’être humain vit vieux, moins il est heureux.
D’où vient le malheur ?
A l’époque du polythéisme de l’Antiquité, le malheur s’expliquait par la fatalité du destin. Sont apparues ensuite les théories monothéistes comme le judaïsme, le christianisme et l’islam, qui créèrent la notion du « péché ». Le malheur a été alors mêlé à une notion de culpabilité. Aujourd’hui, l’homme moderne, dépourvu de transcendance, n’a qu’une vie « one shot », où tout s’arrête le jour de la mort et pour lequel le malheur n’a plus d’explication transcendantale. La vie linéaire sans conscience crée une insubmersible angoisse.
Face à ce malheur, Epictète, Bill Le sauvage, Thérèse de Lisieux, Stephen Hawking, et Jean-Dominique Bauby ont fait le choix du bonheur envers et contre tout. Pour faire face au sentiment du malheur, il est au préalable nécessaire de distinguer le « méchant » du « malheur ». Le malheur reste une interprétation psychique, une faiblesse d’interprétation. Le méchant en revanche est un faible incapable de maîtriser ses passions. Il finit mal parce qu’il pratique le mal… Le malheur doit être subi surtout par le méchant, seul responsable de son malheur.
Pourquoi faut-il se méfier de l’heur ?
« Heur » est un terme masculin qui veut dire chance, contrairement à « heure » qui désigne une unité de temps. Emmanuel Jaffelin démontre que l’heur est une montée d’adrénaline comme le coup de foudre, qui se termine toujours mal … comme une tragédie. Cela rejoint la vision des pessimistes comme Freud ou Schopenhauer selon laquelle le désir est insatiable. D’après lui, être touché par la chance ne présume rien de mieux que le malheur. C’est le côté excessif de « l’heur », un peu comme les coups de foudre amoureux qui chutent à la vitesse de la disparition progressive des phéromones. L’heur est donc souvent un leurre. Pour échapper au malheur, il convient de ne pas se laisser piéger par l’heur.Le bonheur, la marque joyeuse du sage
Face à un évènement négatif, on peut s’attrister, accepter, se résigner… Mais Emmanuel Joffelin va plus loin : il nous propose de l’aimer ! Les stoïciens nous conseillent d’apprendre à distinguer ce qui dépend de nous, de ce qui ne l’est pas. L’auteur nous invite à devenir des destinalistes : des hypervoyants et libres, contrairement aux fatalistes qui sont non voyants et esclaves de leur destin. Le bonheur est donc d’apprendre à ne pas dépendre de « l’Heur ».
Sur le plan des neurosciences, on peut rapprocher le lâcher prise stoïcien à la pleine conscience qui nous aide à nous décrocher de nos préjugés. « Vivre dans l’instant présent » nous aide à fabriquer de la sérotonine, qui joue un rôle dans le sentiment de contentement et de plénitude.Le stoïcisme est un début de cheminement vers le bonheur, car il est une initiation au lâcher prise. Mais est-il suffisant ? Ne faut-il pas également un petit brin de créativité pour réinventer sa réalité ?Ce qui demeure néanmoins certain est qu’Épictète, Bill Sauvage durant la Seconde guerre mondiale, Sainte Thérèse au XIXe siècle, Stephen Hawking ainsi que le journaliste Jean-Dominique Baudry, tous cités dans ce livre, sont des êtres inspirants, car ils ne cèdent pas à la victimisation. Ils ont le courage et l’impertinence de dépasser les événements fâcheux « pour faire de leur existence une énergie conduisant au Bonheur ».

Emmanuel Jaffelin, Célébrations du Bonheur, Guide de sagesse pour ceux qui veulent être heureux, Michel Lafon, septembre 2021, 175 pages.

Marjorie Rafécas
Rédigé par Marjorie Rafécas le Dimanche 16 Janvier 2022 à 21:47 Commentaires (0)

Emmanuel Jaffelin dans Livr’arbitres par Denis Marquet

Célébrations du bonheur, ou la sagesse qui rend heureux – article de Denis Marquet sur le livre d’Emmanuel Jaffelin
 
Le bonheur est un thème à la mode. De nombreux philosophes, coachs ou thérapeutes se sont penchés sur la question, proposant diverses recettes pour accéder à ce Graal que tout le monde convoite, mais dont on ne sait pas bien, finalement, ce qu’il signifie. Loin du simplisme des recettes, Emmanuel Jaffelin, dans Célébrations du bonheur, propose un véritable chemin philosophique, décapant bien des idées reçues et proposant une transformation de la manière dont nous vivons. Le grand mérite de ce livre est de présenter ce chemin avec une totale simplicité, dans un dialogue avec son lecteur au ton léger marqué par un agréable tutoiement. Ainsi, le propos est clair et concret, instillant le désir de le pratiquer.
 
En quelques pages, l’auteur expédie d’abord les promesses de bonheur que font les religions, y compris la dernière religion de la modernité, la science. Jusqu’au milieu du XXe siècle, celle-ci laissa en effet espérer que ses réalisations mettraient fin au malheur humain. Outre les dangers de ce qu’il appelle la « technoscience » (le nucléaire, l’écologie et le climat, etc.), Emmanuel Jaffelin montre bien que les progrès de la science, en augmentant l’espérance de vie, rendent la mort de moins en moins supportable et accroissent donc l’angoisse et le mal-être. Lorsque nous étions habitués à la mort des enfants en bas âge et aux dangers récurrents, la mort était familière ; aujourd’hui, nous rêvons d’un monde où nous serions en sécurité, ce qui est impossible : nous sommes donc beaucoup plus vulnérables psychologiquement à ce qui nous menace.
La conclusion s’impose : notre bonheur ne vient pas de l’extérieur. Nous sommes responsables de notre bonheur comme de notre malheur. Certes, cette vérité est difficile à entendre lorsqu’on est victime d’une personne malveillante. Mais, l’auteur le démontre implacablement, la victime et le bourreau ont un point commun : la passivité. « Le méchant » est passif parce qu’il est la proie de ses passions. Sa victime, quant à elle, subit certes physiquement ce qui lui arrive. Mais ce qui la rend malheureuse, c’est une passivité psychique : ayant écarté l’événement douloureux de sa conception de la réalité, elle l’a nié en tant que possibilité et n’a pas pu l’anticiper. Ainsi, « la victime se trompe logiquement : elle prend ce qui arrive comme une anomalie ». La passivité, c’est se refuser à considérer le vol, le viol, le crime, l’accident, la maladie, la mort naturelle comme des événements normaux. Demeurer actif, ainsi, ce serait connaître le réel dans toutes ses éventualités afin d’y être prêt.
À notre époque où la victimisation est le sport le plus à la mode, et où l’on n’est jamais aussi bien considéré que lorsqu’on peut désigner son bourreau à la vindicte publique, cette analyse a le courage de la lucidité. La référence à la sagesse stoïcienne est explicite : les événements qui me frappent ne dépendent pas de moi, en revanche, ma relation à ces événements et les pensées que je forme à leur propos sont le fait de ma liberté et la condition de mon bonheur ou de mon malheur. Le propos n’est pas seulement théorique. Emmanuel Jaffelin donne de nombreux exemples d’êtres frappés par la souffrance physique, la maladie et qui, pourtant, parviennent à être heureux. Il n’hésite pas à convoquer sainte Thérèse de Lisieux, animée par une joie intérieure parfaite dans la plus grande souffrance physique, et même un cas de guérison inexpliquée associée à la foi en cette sainte. Sans prendre position sur la dimension miraculeuse ou non de cette guérison, l’auteur conclut simplement que « la vie est une volonté positive qui vaut mieux que la plainte et l’enfermement dans la position de victime ».
La conclusion est paradoxale et heurte le sens commun de notre époque qui a renoncé à la sagesse, mais elle est d’une profonde justesse : le refus de ce qui nous arrive nous place dans la passivité, seule l’acceptation nous rend actifs ; or, nous ne pouvons être heureux qu’en étant actifs. Implicite, l’influence de Spinoza peut aussi se lire, pour qui la joie est une augmentation de notre puissance d’agir.
 
Après l’analyse du malheur compris comme événement infortuné, l’auteur se demande si les événements favorables, ceux que nous désirons, peuvent nous apporter le bonheur. Par opposition au malheur, il les appelle joliment l’Heur (mot qui signifie, étymologiquement, chance ou bonne fortune). L’Heur a-t-il le pouvoir de nous rendre heureux ? Quelques exemples bien choisis montrent le contraire : le coup de foudre qui mène à la mort (Roméo et JulietteBelle du Seigneur), le gain au loto qui se transforme en cauchemar… Si nous attendons notre bonheur des événements extérieurs, la joie, toujours éphémère, se transformera en souffrance. La raison en est simple : nous avons alors mis notre vie entre les mains du hasard, c’est-à-dire de ce qui arrive indépendamment de nous. Ainsi, nous avons nié notre liberté. En tant que conscience en effet, nous avons la capacité de transcender les événements. Encore faut-il, pour cela, décider de ne pas en dépendre. En évoquant divers trajets de vie saisissants, Emmanuel Jaffelin démontre que l’épreuve, en nous montrant la vanité d’associer notre bonheur aux événements du monde, a le pouvoir de nous ramener à cette intériorité dont nous nous détournons trop souvent.
En filigrane, se dessine une analyse de ce que les bouddhistes appellent l’impermanence : si j’attache mon bonheur à un événement favorable, je me condamne à être malheureux très vite ; en effet, l’infortune suit de près la fortune dans ce monde où tout change, où toute action engendre une réaction, où rien n’est durable. Dans la vie, nous ne pouvons demeurer tout en haut ; puisque nous devrons immanquablement redescendre des sommets de notre existence, autant nous munir de ce que l’auteur nomme avec humour un parachute : celui-ci consiste simplement à ne pas être dupe des moments favorables, à ne pas les associer au bonheur que nous cherchons profondément, à en profiter simplement en sachant qu’ils ne dureront pas. Là encore, la clé est d’être actif et non passif. Si nous laissons les événements décider de notre bonheur, nous nous maintenons dans la passivité et notre félicité tournera nécessairement en affliction. La santé, la richesse et la gloire sont sans doute préférables à la maladie, la pauvreté et l’anonymat. Mais, du point de vue de notre bonheur, les stoïciens l’affirment : ils sont indifférents.
D’un ton léger et en douceur, Emmanuel Jaffelin démonte ainsi les certitudes sur lesquelles repose l’édifice de notre société de consommation. Aucun objet, aucune possession, aucune somme d’argent ne peut nous rendre heureux, pas davantage qu’un succès amoureux ou les diverses fortunes du quotidien dont nous nous faisons gloire sur nos réseaux sociaux.
 
Mais alors, qu’est-ce que le bonheur ? Pour le cerner, il s’agit d’abord de cesser d’en faire un objectif. Le bonheur n’est pas un but, il est une conséquence. Mais la conséquence de quoi ? D’un travail de libération intérieure affirme l’auteur.
La première chose dont il nous invite à nous libérer, c’est du désir et de l’aversion. Lorsque nous nous tendons vers une chose où nous raidissons contre une autre, nous sommes dans l’inconfort de la tension, et le plaisir d’obtenir l’objet convoité ou d’éloigner celui que nous craignons consiste simplement dans la cessation de cette tension : il nous ramène donc à zéro. « Négation du négatif », le plaisir est donc « un jeu à somme nulle » qui, loin de nous apporter le bonheur, nous maintient dans l’esclavage par rapport aux événements.
Que nous craignions ou fuyions quelque chose, nous y sommes attachés et cet attachement est le contraire de notre liberté. Épictète est cité : « il n’y a rien de plus déraisonnable que de vouloir que les choses arrivent comme nous les avons pensées (…) : la liberté consiste à vouloir que les choses arrivent, non comme il te plaît, mais comme elles arrivent. »
Ici, le raisonnement est subtil. Nous ne sommes pas libres là où nous croyons l’être : lorsque nous croyons « manipuler la réalité », en fait c’est la réalité qui nous manipule, car nous avons laissé notre intériorité dépendre de ce qui ne dépend pas de nous. Nous n’avons pas la puissance de provoquer ce qui arrive à nos vies, lesquelles sont soumises à un déterminisme (que les stoïciens appelaient le destin). Mais nous avons la liberté de ne pas le subir passivement. Il s’agit donc de nous entraîner à être libre là où nous le sommes : « si tu ne maîtrises pas la cause de ce qui t’arrive – ce qui n’est pas un défaut mais la réalité –, tu peux maîtriser les représentations que tu t’en fais », résume l’auteur. Or, les représentations qui nous rendent malheureux sont celles de ce qui aurait pu arriver à la place de ce qui arrive.
La deuxième chose dont nous pouvons nous libérer, c’est donc de nos pensées passives : celles qui nous séparent de la réalité. Mon meilleur ami est mort ? Il est impossible qu’il ne le soit pas, puisqu’il l’est. Au lieu de souffrir en imaginant qu’il ne soit pas mort, n’est-il pas préférable de me remémorer les moments réels que j’ai vécus avec lui et qui m’ont rendu heureux ? L’auteur nous invite à distinguer sans cesse, à la suite des stoïciens, ce qui dépend de nous et ce qui n’en dépend pas. La mort de mon ami, comme tout événement qui arrive, ne dépend pas de moi. En revanche, dépendent de moi les pensées que je forme à propos des événements. « La maîtrise des représentations conduits à l’ataraxie, autrement dit à la sérénité de l’âme » affirme Emmanuel Jaffelin. Qui s’exerce chaque jour à maîtriser son âme rencontrera un jour le bonheur, sans avoir cherché autre chose que la sagesse. Car le bonheur, conclut joliment l’auteur, est « la marque joyeuse du sage ».
 
Jamais dans l’histoire nous n’avons autant maîtrisé notre environnement, possédé autant de biens, vécu dans un tel confort. Pourtant, avec les progrès matériels augmente notre consommation d’antidépresseurs. « Le bonheur est une idée neuve en Europe » disait le révolutionnaire Saint-Just. La modernité a cru pouvoir rendre l’homme heureux par la politique, l’économie ou la science. Célébrations du bonheur nous démontre qu’il s’agissait d’une illusion, non pour nous désespérer mais, au contraire, pour nous montrer le chemin du véritable bonheur. C’est un chemin intérieur et tout homme, quelle que soit sa situation, peut le pratiquer. Épictète n’était-il pas esclave et maltraité, tout en étant sage donc heureux ? Avec ce livre, Emmanuel Jaffelin retrouve le sens originel de la philosophie : l’amour de la sagesse.

Causeur publie « Comment peut-on être heureux au temps du Covid ? » une tribune du philosophe Emmanuel Jaffelin

Comment peut-on être heureux au temps du Covid ?

Une tribune du philosophe Emmanuel Jaffelin, auteur de « Célébrations du Bonheur » (Michel Lafon)

La pandémie nous invite à repenser notre définition du bonheur. Être heureux est une affaire de volonté, nous ont appris les stoïciens…


La question est aussi pertinente que celle qui aurait pu être posée en 1918 alors qu’il n’y avait pas de vaccin. Pouvait-on être heureux pendant cette période (1918) de grippe (dite) espagnole [1]? Pourtant, autant cette question paraît, au moins en France, pertinente en 2021-2022 tant les hommes vivaient, avant l’apparition de ce virus, dans le monde pacifié de la consommation, autant elle n’est pas évidente si l’on ne définit pas clairement le Bonheur (Xingfu en chinois, Happyness en anglais).

Il va de soi que, dans notre société consumériste – qui est aussi une société de médicaments – le bonheur paraît une suite du plaisir, soit un plaisir plus intense, soit un plaisir plus durable. En fait, si l’on y réfléchit, le Bonheur n’est ni l’un ni l’autre. En grec antique, le Bonheur (eudemonia) n’a rien à voir avec le plaisir (hédonè). Ainsi, loin de tout hédonisme, disons que le Bonheur est un état de l’âme qui se caractérise par l’aptitude d’un être dit «heureux», à accueillir tous les événements, bons comme mauvais.

Mais un tel état de l’âme, l’équanimité, suppose de ne pas faire du Bonheur un but de l’existence. Disons alors qu’à défaut d’être un but de l’existence, le Bonheur ne peut être qu’un effet de la sagesse. Et précisons qu’une telle sagesse est celle qui est offerte (et non vendue!) par la philosophie stoïcienne. En pleine période de ce virus Corona (Covid-19), il n’est donc pas impertinent de nous demander:

1- si nous pouvons être heureux.

2- si nous pouvons l’être lorsque nous nous nous retrouvons atteints par un tel virus qui (nous) rend malade et peut entraîner notre mort.

3- si nous pouvons l’être lorsque nous perdons un proche qui a été contaminé par ce Corona.

1- Pour répondre à la première question,  rappelons d’abord que l’équilibre de l’âme – l’équanimité – est le produit de la volonté et d’un apprentissage à la sagesse qui ne découle jamais d’un événement positif (ou d’une série d’événements positifs) qui nous arrive(nt) comme, par exemple, le fait de gagner à la loterie, ou de voir la naissance d’un enfant désiré, ou de constater que les ennemis deviennent des amis, etc. Si ces événements sont indéniablement vus comme étant «positifs», il s’avère négatif que votre bonheur découle de tels événements extérieurs. Epictète nous apprend ainsi, dans son Manuel, qu’il y a deux sortes de choses: celles qui dépendent de nous et celles qui ne dépendent pas de nous. Or, les événements évoqués ci-dessus relèvent évidemment de la deuxième sorte de choses. Il est facile de comprendre que ces événements vont faire plaisir à celui qui les vit et reçoit, mais il ne les conduira nullement au Bonheur. La joie est une passion qui nous remplit de bonne humeur, mais qui reste étrangère et hétérogène au Bonheur, attitude de l’âme et de la personne qui se produit aussi bien quand de mauvais événements se produisent que lorsque de «bons» événements arrivent. Le Bonheur n’est donc ni une passion, ni une action; il est, toutefois, le fruit d’une action,  de la volonté intelligente, qui consiste à anticiper ce qui peut nous arriver afin de l’accueillir (quelle que soit sa prétendue négativité: mort, maladie, accident, etc.).

L’homme heureux, par sa capacité d’anticipation des événements, accueille donc les événements qui lui arrivent, quelle que soit leur tonalité positive ou négative (établie par la psychologie moderne). Ainsi, ce qui arrive et qui est estimé «négatif» rend malheureux le non-sage, c’est-à-dire celui qui ne pense pas et n’anticipe pas les événements de sa vie [2].

2- Le fait d’être atteint par le virus Covid-19 ou l’un de ses variants, suppose d’en chercher la cause. Si celui qui l’a «attrappé» n’a appliqué aucune des contraintes obligées ou recommandées, la moindre des conséquences logiques et philosophiques est qu’il se reconnaisse comme responsable [3] de sa maladie. Une telle conscience de soi est difficile à pratiquer dans une société qui préfère reconnaître ses citoyens comme des victimes potentielles ou réelles plutôt que comme des responsables, d’où le rôle de l’avocat lors d’un procès dans un tribunal correctionnel, avocat qui s’efforce de mettre en évidence les facteurs qui n’excusent pas, mais qui diminuent la part de responsabilité du criminel dans le meurtre qu’il a commis. Ce virus est donc l’occasion [4] non seulement de faire des tests pour savoir si l’on en est atteint, mais surtout de se préparer à être responsable. Dès lors, le fait d’être contaminé par le virus n’est positif que si celui qui l’a reconnaît, non sa malchance, mais sa responsabilité.

3- Dès lors, si vous perdez des proches à la suite de cette contagion, mieux vaut la lucidité que la tristesse. Vous devez savoir que cette (ou ces) personne(s) est (ou sont) morte(s) à la suite d’un mauvais usage de leur liberté. Bien sûr, tous ceux qui nagent dans l’idéologie de la victimité auront du mal à entendre ce lien de la liberté et de la vérité.

Les plus sages sauront accepter ces événements dits «négatifs» en les replaçant dans un contexte où la liberté a sa place. Par conséquent, le Bonheur stoïcien consiste à accepter ce qui arrive, même si ce qui arrive est estimé négatif par notre entourage. Mais attention, il ne s’agit pas d’accepter ce qui arrive parce qu’il arrive, mais de l’accepter car nous nous y sommes préparés en l’anticipant. 

Comme l’écrivait Shakespeare: dès qu’un enfant est né, déjà il est assez vieux pour mourir. Bref, le Bonheur est un effet d’une structure de l’âme qui a l’intelligence du réel!

Célébrations du bonheur

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[1] De mars 1918 à juillet 1921, la « pandémie grippale de l’année 1918 » a fait entre 20 et 100 millions de morts dans le monde, dont environ 400 000 en France.

[2] Ce que les compagnies d’assurance font pour lui, en lui proposant de le dédommager selon les types d’événements supposés négatifs qui peuvent lui arriver et qui rendent les assurances joyeuses car fructueuses ! L’Avenir est pavé de bonnes intentions ! Pour l’Enfer, on l’a déjà vu.

[3] Du latin responsus signifiant: Qui doit répondre de ses actes

[4] ou la chance

Invitation : le bonheur dans la sagesse, rencontre avec deux philosophes (jeudi 13 janvier 2022 à 19h 60 rue de Seine Paris 6ème)

Balustrade vous invite à une soirée

Trouver le bonheur dans la sagesse

Jeudi 13 janvier 2022 de 19h à 22h

Cocktail dînatoire offert aux inscrits

Avec les philosophes Emmanuel Jaffelin (« Célébrations du Bonheur », Michel Lafon)

et Denis Marquet(« Dernières nouvelles de Babylone » (Aluna)

A l’Hôtel la Louisiane 60 rue de Seine 75 006 Paris – Pass sanitaire obligatoire

Inscription obligatoire pour le cocktail par sms 06 84 36 31 85

Le philosophe Emmanuel Jaffelin dans Midi News parle du bonheur sous le covid

Emmanuel Jaffelin dans Midi News Emmanuel Jaffelin : «le télétravail met des personnes à distance. Comme les lépreux dans l’Antiquité, on les isolait, et là on fait la même chose»

CNEWS
Emmanuel Jaffelin, philosophe : «le télétravail met des personnes à distance. Comme les lépreux dans l’Antiquité, on les isolait, et là on fait la même chose», dans Midi News.

Le grand philosophe Robert Redeker a lu « Célébrations du bonheur » d’Emmanuel Jaffelin pour Marianne

LE BONHEUR EST UN EFFET, NON UN BUT

Et si nous avions tort de courir après le bonheur ? De le considérer comme la fin de toutes nos activités ? Rien de plus trompeuse que cette recherche à perdre haleine : elle ne conduit qu’à la déception, qu’à l’amertume, qu’au désespoir ! Nous prenons l’heur, lorsqu’il complaît à nos désirs, pour le bonheur, oubliant qu’il se renversera bientôt en son contraire.

C’est dans cet heur, pourtant, que nous plaçons nos rêves de félicité. Nous succombons au coup de foudre, et voilà que tout tourne mal ! Nous donnons la vie à un enfant, et voilà qu’il meurt ! Nous avons gagné au loto, et voilà que nous perdons en qualité d’existence ! Notre faute de logique : nous plaçons notre bonheur dans ce qui ne dépend pas de nous.

Lorsque surgit l’événement contraire, la maladie, la ruine, la séparation, la disgrâce, la mort, nous nous croyons malheureux. Le malheur est une question d’interprétation. En soi, il n’existe pas. Ce n’est pas l’événement qui nous fait souffrir, mais le jugement que nous portons sur lui. Il est malheur parce que nous le jugeons tel. La mort d’un enfant n’est pas un malheur en soi ; ce n’est un malheur que dans notre jugement. Nous pouvons juger qu’elle est dans l’ordre des choses. Si les événements ne dépendent pas de nous, notre jugement lui, en dépend. Le bonheur n’est pas un but de l’action, mais un effet de la liberté intérieure.

Ne nous fions pas au titre, Célébrations du bonheur. Ce livre n’est pas un sirupeux pensum de développement personnel, cette espèce littéraire aussi toxique qu’invasive, mais un véritable livre de philosophie pour tous, écrit dans la langue du quotidien. Aussi limpide que les Entretiens d’Épictète, il est un symptôme de l’inépuisable fécondité du stoïcisme, qu’Emmanuel Jaffelin remet au goût du jour.

Emmanuel Jaffelin, Célébrations du bonheur. Guide de sagesse pour ceux qui veulent être heureuxMichel Lafon, 176 p., 12 €

Robert Redeker