Lecture de Hadlen Djenidi par Pierrick de Chermont

Hadlen Djenidi, Et cetera… Poèmes et proses, auto-édition, 2024.
Certes, l’au-édition n’a pas bonne presse et il y a de bonnes raisons à cette réserve quasi-instinctive de nombre d’entre nous. Mais nous n’ignorons pas que cette part immergée de l’iceberg poétique abrite parmi les plus célèbres recueils de la poésie française. Il est donc naturel de rester attentif à sa production. Voici donc le recueil d’un certain Hadlen Djenidi qui nous est présenté comme un français habitant Singapour, ville-état dans lequel je me suis souvent rendu, mais que je n’ai pas distinguée au fil des vers. D’ailleurs, n’est-ce pas étrange cette capacité de notre vie intérieure à être imperméable à l’extérieur, à se nourrir d’elle-même s’il le faut ? 
Dès le premier poème, s’avance une langue orale, rapide avec laquelle le poète va s’interroger sur son existence : « Si j’étais mort, / si j’étais fort. / si j’étais lui / Si j’étais joli » et dès ce  poème tombe la conclusion qui va courir le long des pages ; « Je suis un autre aux mille visages » ou encore, plus frappant avec cette amère pirouette: « je suis un tout revêtu de rien ». 
Parfois ses poèmes prennent un air de ritournelle quand ils se mettent à rimer et cela leur va bien ; le plus souvent, ils optent pour des vers longs, mais qui eux aussi pourrait être mis en chanson. On y trouve de la fraîcheur, de la fragilité provocante, de la plainte et une itinérance qui voulut se réchauffer par des rencontres. Ainsi, poème après poème, nous accompagnons un je qui se rend à l’Opéra Garnier, retourne sur ses terres d’enfance avec des « frivoles framboises », fête une après-midi enjouée avec des forains, traîne dans un bistrot de la rue Saint-Lazare. Nous tournons avec lui les pages mémorielles d’une France des années 80, quand vivaient Mitterand et Gainsbourg et que frappaient à sa porte les feux de la jeunesse. Suit le temps des amours, ici des amants, d’abord empreint d’une simplicité adolescente, avec ses grâces et ses sanglots, puis d’une recherche plus anxieuse, blessée, trompée, hallucinée par l’alcool et la drogue. Le je alors se revêt des habits d’« un comédien, un clown, un larbin », se plaint de vivre « à contresens », « à l’envers », se perd à force de mensonges (« je mens »), de s’étourdir en fumant « l’écume de mes regrets », de boire le fiel du remords qu’il voudrait couper par une confession enlarmée d’avoir été « un enfant de la malchance ». Avec une fierté encore debout, il s’insulte (se blesse) : « Sur mon visage de pauvre con / Et cetera… j’écris ma chanson » tandis que sa quête d’amour se mue en un appel à la détestation : « Et cetera… Exécrez-moi ». Reste qu’à travers ce recueil, le je jamais ne cesse de vouloir éprouver, en lui ou en d’autres, cette boule chaude qui bat en lui et qu’il étreint, qu’on appelle la vie, faut de mieux, ou poème si on trouve un papier buvard.
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