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[Par Amandine Cauchy, 08 janvier 2008]
Nous aimerions qu’il y ait un lieu où,
singulières, cependant-nous aurions dépassé l’état d’urgence,
-l’état de siège –occupation et résistance,
l’état de guerre et de violence,
l’amour de la haine parmi nous. (…)
Gravidanza (2007)*
Pour Aung San Suu Kyi et Taslima Nasreen…
Ah, Antoinette. Toujours là dans sa lutte. Toujours vigilante aux femmes, à leurs détresses, à leurs appels au secours.
Aung San Suu Kyi, Prix Nobel de la Paix, chef du parti démocrate birman, toujours assignée à résidence depuis 1988, soutient les manifestations du peuple birman durement réprimées par la dictature ? Elle se démène, ne décroche pas de son téléphone : actions, pétitions, manifestations !
Taslima Nasreen, l’écrivaine bangladeshi, est de nouveau menacée pour son combat pour l’émancipation des femmes ? Vite, elle agit, toujours guidée par la sécurité physique et la liberté d’expression de son amie de lutte.
Pour la force créatrice des femmes…
Antoinette est une femme impatiente. Elle est une femme de pensée, une femme de rassemblement.
En 1968, après mai, et après avoir écouté les slogans machistes et autoritaires, Le pouvoir est au bout du phallus, Le pouvoir est au bout du fusil, c’est la naissance du Mouvement de Libération des Femmes, avec Monique Wittig et Josiane Chanel. « En pleine époque de décolonisation, nous avons essayé de nous décoloniser, pour que les femmes libèrent leurs paroles ! C’était l’époque du « notre corps nous appartient » », se souvient-elle.
Femmes, pas féministes
« En 68, Avec Monique Wittig, nous étions en désaccord avec « le Deuxième Sexe » de S. de Beauvoir. Pour Wittig, c’était par rapport au lesbianisme, pour moi, par rapport à la maternité, au fait d’être mère et de le vouloir -je venais d’avoir ma fille 4 ans plus tôt ».
Mais très vite, pour Antoinette, avec l’instance « Psychanalyse et Politique » il s’agissait de positiver le terme « femme », et de savoir « si cet esclavage maternel des femmes n’était justement pas causé par cette immense richesse ou compétence constituée par la procréation ».
Parce que pour elle, « en faisant le MLF, je visais à donner une dimension politique à cette expérience de la grossesse propre aux femmes, à donner une traduction politique à l’expérience psychique et physique qu’est la grossesse ». Alors que Wittig rejetait le terme « femme » : « Monique Wittig en était même arrivée à la conclusion que « Le mot femme est un terme d’oppression ». Moi pas du tout ! »
Une création libérée
Dans la lignée, en 1974, Antoinette fonde sa maison d’édition, les Editions des Femmes où aujourd’hui encore elle rêve de « donner lieu, tracer des voies positives en mettant l’accent sur la force créatrice des femmes ».
S’ensuit un passage au Parlement européen de 1994 à 1999. Et surtout, depuis quelques semaines, la création de l’Espace des Femmes, où elle a déménagé sa Maison, l’Alliance des femmes, avec ses amies artistes, écrivaines.
« Phallocentrée »
« Phallocentrées », les sciences humaines maintes et maintes fois décortiquées dans deux essais de féminologie -terme qu’elle a inventé, (Il y a deux sexes, 1995 réédité en 2004) et Gravidanza (2007), mêlant histoire, philosophie, anthropologie….
On l’a compris, Antoinette n’aime pas ces « ismes » qui fixent les choses, ni les « é », qui assoient les généralités.
Antoinette n’aime pas que l’on parle de « la » femme, et préfère parler « des femmes », et de « leur entrée dans l’Histoire ».
« L’envie de l’utérus »
Pour Antoinette, il y a « deux sexes », deux corps, deux libidos, l’une ne prenant pas le pas sur l’autre, n’en déplaise à Freud et à son « envie du pénis », dictat d’une libido unique d’essence mâle.
Pour Antoinette, la procréation et la possibilité de donner vie constituent la force des femmes. C’est quelque chose qui échappe aux hommes et qu’ils nous envient. C’est « l’envie de l’utérus », qui se traduit notamment par la tentative de maîtriser et de contrôler cet utérus.
Pour Antoinette enfin, « la perte de cette expérience (celle de la grossesse) appauvrirait l’humanité, démographiquement bien sûr, mais la priverait aussi d’une richesse ».
Une permanence historique
« Depuis 40 ans, il y a une permanence historique des femmes, un mouvement continu. Aujourd’hui, être une femme n’est ni un privilège, ni une damnation. Et si l’on vit encore dans une phase phallique, on finira par la dépasser, l’humanité va grandir, pour atteindre enfin sa maturité, son stade géni(t)al pour l’un et l’autre sexe. »
« Un autre temps viendra »
Bel exemple que celui de Ségolène ! « Qu’on l’aime ou qu’on ne l’aime pas, elle a rempli un vrai contrat humain. Avec ses quatre enfants et sa carrière, elle a donné l’exemple ! Elle s’est heurtée au machisme ; elle a été battue : je savais que le temps n’était pas venu. Mais il viendra, un autre temps viendra… »
Alors ?
Encore se risquer, entre gestes et mots ; à la béance ;
à la relance entre dires et pas ; et dégager la tête, et les mains et les voix ;
les langues et les yeux, les oreilles, le cœur ; énoncer, de plein chant, nos revivances, toutes.
Gravidanza (2007)
Plus d’infos !
* Extrait de « Des femmes en mouvements », décembre 1977
Espace des Femmes, 35, rue Jacob, Paris 6ème
Renseignements : 01 42 22 60 74
L’Espace des Femmes
Gravidanza, Féminologie II, par Antoinette Fouque, aux Editions des Femmes, 2007, 15 euros
Il y a 2 sexes, essai de féminologie, par Antoinette Fouque, chez Gallimard, le Débat, 1995 (édition revue et augmentée en 2004)
Gravidanza