Alba sur Tasse de thé

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Bonjour Guilaine, « Alba, correspondance à une voix » d’ Anne De Bascher sera sur Tasse de Thé à notre prochaine mise à jour :
http://www.tassedethe.com/cadres/souscadre/courts/bibliotheque.htm

La Quinzaine littéraire consacre toute une page à Michèle Ramond ! (Jacques Fressard, 16 juillet 2008)

… à propos d’un livre qu’elle traduit chez Gallimard…

…Et en profite pour citer « Lise et lui »………

La surprise permanente, un article de Jacques Fressard

Saul Yurkievich, Bonheurs du leurre, trad. de l’espagnol (Argentine) par Michèle Ramond, Gallimard éd., 142p., 17,50€

Toute représentation, par la plume ou le pinceau, suppose un leurre. Nous y reconnaissons une figure qui est absente. C’est un piège bienheureux pour l’oeil, un caprice fertile pour l’esprit. Le titre original du livre – posthume en sa version traduite – de Saul Yurkievich l’exprime fort bien en un mot valise, Trampantojos, qui contracte tous ces termes en une seule diction. Et Michèle Ramond l’a fort bien adapté vers le français, en prenant du champ mais en restituant l’effet d’allitération et le jeu des vocables. (…)

La belle Arielle Dombasle lit Lewis Carroll pour la Bibliothèque des Voix

arielle-dombasle-20060328-118064.jpglg_image.jpgLewis Carroll
Alice au pays des merveilles
lu par Arielle Dombasle
Coffret 2 Cassettes/ou 3 CD – 32 euros

Le 4 juillet 1862, au cours d’une promenade en barque avec ses deux sœurs, Alice Liddell demande à Charles Lutwidge Dodgson de lui raconter une histoire. La petite fille lui inspire, à lui le mathématicien-logicien passionné de phénomènes occultes, cette tumultueuse plongée souterraine dans le monde du rêve.
Un monde hors temps, peuplé de créatures furieusement déraisonnables, où le lapsus est roi. Elle l’explore, étonnée mais toujours lucide et désireuse, avant tout, de grandir. “ Pleine de confiance, notera-t-il, prête à accepter les pires invraisemblances avec cette foi profonde que seuls connaissent les rêveurs. Et, pour finir, curieuse, curieuse de manière extravagante, dotée de cette ardente joie de vivre que l’on ressent uniquement durant les heureuses heures de l’enfance, quand tout est neuf et beau. ”
A la demande d’Alice, encore, Charles écrira l’histoire. Pour la publier, il prendra le nom de Lewis Carroll.
Conteuse à son tour, Arielle Dombasle joue de toutes les ressources de sa voix, et du chant, pour incarner les multiples personnages du rêve malicieux d’Alice. 333277.jpg

Le Nouvel Ouest a aimé « Alba » ! (Jean-Yves Paumier sur Anne de Bascher)

N°148, juin 2008
Parcours d’une rebelle – Par Jean-Yves Paumier

50a331d0f894f0c1621cfaed856103f4.jpg Ce roman de plus de cinq cents pages n’est en fait qu’un long monologue épistolaire. Entre Roxane et son amie Alba, les souvenirs de jeunesse et de pensionnat ont fait place à une complicité sans faille dans la remise en cause d’un ordre trop bien établi. Une chronique des années 1950-1960 sur fond de saga familiale et aristocratique.

Anne de Bascher livre, avec cette correspondance intime, un récit vif et touchant des situations que la vie lui offre, de la découverte de l’amour aux côtés de la belle pianiste Salomé, à la lutte pour s’intégrer dans un monde viticole misogyne.

Abordant de nombreux thèmes, l’ouvrage décrit des liens puissants et complices, des situations surprenantes, des atmosphères houleuses et oniriques où le bonheur côtoie le drame, la tristesse la liesse. Les rencontres avec des personnalités fortes qui jalonnent la route de la jeune narratrice offrent autant d’occasions pour ébaucher, avec humour et intelligence, un hymne aux amitiés et aux amours féminines.

D’une plume soignée, abordant des sujets aussi variés que le monde d’un pensionnat, de la Résistance, de la musique classique, des arts, des chevaux, de la viticulture… Alba met principalement en scène des femmes audacieuses, douées, déterminées. Des rebelles dans l’âme, d’irrésistibles conquérantes. L’auteur confirme toute la qualité de style qu’avait déjà montré son premier roman Dilemma, paru il y a une quinzaine d’années.

Anne de Bascher partage son temps entre la mise en valeur d’un patrimoine du XVIIIème siècle, une propriété familiale à Barbechat et l’écriture, passion d’une femme érudite, diplômée en histoire de l’art, en archéologie gréco-bouddhique, en langues et civilisations indiennes (Hindi). Ce n’est pas par hasard qu’elle a réservé l’appellation de Cuvée des Rebelles à un Muscadet Sèvre et Maine sur Lie vinifié à l’ancienne et produit amoureusement en quantité limitée.

Anne de Bascher
Alba, correspondance à une voix
Editions Des femmes-Antoinette Fouque

Claude Delay, marquée par Antoinette Fouque

delay.jpgCe qui m’a frappée en elle, au premier abord, c’est son regard, attentif. Antoinette se déplace avec l’inconscient. Et elle va à toute allure. Pas une piste ne lui échappe. Je lui ai confié mon manuscrit. C’est le pouvoir de son magnétisme, à l’écoute immédiate des forces et des êtres. Dans le désert de l’édition, entre les standards et l’indifférence, j’avais rencontré une femme, une soeur des mots et des pulsions qui font écrire. Je ne l’oublierai jamais.
Quand elle s’est retirée, ce fut une agonie pour la rue de Seine où sa Librairie tenait toujours sa lampe allumée. Le retour d’Antoinette signifie le courage d’écrire et de vivre.
C.D.
Ses deux livres publiés aux éditions Des femmes :

Claude Delay
Les Ouragans sont lents
185 p. – 11 € – 1988
Une femme se perd… Nora s’enlise dans l’illusion du désert. Son mariage faussement protecteur, sans enfant, son métier de décoratrice exercé à poser le masque sur les maisons des autres, l’inflexible échéance du temps, tout la renvoie à son vide. Derrière elle, une enfance en miettes décompose aussi le passé.
Entre son amie Carmen, peintre de talent, qu’épanouissent les amants comme autant de couleurs, et la cliente Bébé, collectionneuse vorace, ou le triomphe de l’argent, Nora n’est que manque.
En profondeur et non sans brutalité, Claude Delay circonscrit ce manque au monde.
Corps et bien d’autrui sont aussi des apparences. Écoutant la crise de son héroïne dont elle reproduit le leitmotiv, l’écrivain, lentement, la guide vers la sortie. Une femme va-t-elle naître ?
On retrouve ici les qualités qui ont fait le succès du Hammam, le précédent roman de Claude Delay.
Psychanalyste et écrivain, elle parvient à faire entrer ses héros dans son champ d’investigations personnelles, à intégrer à la fiction une somme d’expériences acquises grâce à son activité de théoricienne et de praticienne.

Passage des singes
142 p. – 11 € – 1994
La mort de son père déclenche pour Dora, l’entrée dans le cycle de la perte. Ses chiennes-loup, Dalida et Zelda la précèdent sur le chemin inéluctable de l’adieu : chiennes-compagnes avec lesquelles elle partage toute son intimité. Elle va les perdre l’une après l’autre. Le temps bourreau décide seul pour chacun de nous. Sous le récit affleure l’explosif, la révolte contre le renoncement et la séparation de nos amours animales.
Une œuvre forte et généreuse, dont l’auteur nous entretient davantage de ce que ses chiennes lui ont donné que de sa peine de les avoir perdues.

Claude Delay, lauréate du 12e prix littéraire “30 millions d’amis” est diplômée de l’Institut d’Études politiques, licenciée en psychologie, diplômée de psychopathologie et de techniques projectives, et membre affilié de la Société de Psychanalyse de Paris.

« J’ai cherché » disponible en livre audio au Festival d’Avignon (V. Dréville et Ch. Juliet) dès le 18.07.08

4b7e36d67e8c61a540cf1b501d444125.jpgAvec Valérie Dréville, sortie en AVANT-PREMIERE AU FESTIVAL D’AVIGNON DES LE 18 JUILLET 08

J’ai cherché

Charles Juliet
Lu par l’auteur et Valérie Dréville
ISBN : 3328140021066
Texte inédit – 1 CD – 18 €
Office 04/09/2008

Dans un recueil de poèmes en prose inédit, Charles Juliet nous livre des fragments de mémoire, moments d’enfance, vécus au fil des saisons. Ces textes constituent un chemin dans l’introspection, fait de souvenirs autant que de blessures. En filigrane sont évoquées la disparition prématurée de la mère, à jamais présente, la figure de la mère adoptive essentielle à ce besoin d’amour, la renaissance par l’écriture. L’acte de création poétique est, en effet, évoqué ici comme la pierre angulaire de la quête des origines.

« mais après

tant d’errances

de ratages

de jours morts

j’ai trouvé l’accord

suis à l’unisson

avance de ce pas serein

qui se règle

sur celui de la vie »

3666acd14a4ddb0123d52e4fea080b55.jpg Charles Juliet est né en 1936 à Jujurieux. Les traumatismes de son enfance marqueront à jamais son œuvre, expression de la solitude. L ’internement et la mort de sa mère, l’éloignement de son père, lui font redouter un nouvel abandon même lorsqu’il est recueilli par une famille de paysans suisses. A vingt-trois ans, il décide de se consacrer à l’écriture. Son premier livre, Fragments écrit à 15 ans, est publié en 1995 chez P.O.L. Il est notamment l’auteur de Lambeaux, un texte autobiographique et Traversée de nuit, (1997), Lueur après labour (1997), Ténèbres en terre froide (2000), L’Incessant (2002)…

Texte de Claudie Cachard témoigne sur son expérience dans le catalogue des trente ans des éditions Des femmes

cachard.jpgcatalogue.jpgJ’ai reçu la nouvelle d’une reprise de l’activité éditoriale des Editions Des femmes avec un soulagement à la mesure du regret de ne plus les savoir éditrices, oeuvrant sur les terrains où elles s’étaient tant engagées. Promesse nouvelle en faveur d’ouvrages passés, présents, à venir, cette décision est porteuse de leurs partages et transmissions.
Tel, déjà, ce livre-anniversaire, consacré à des vies de livres et à des textes actuels poursuivant leurs chemins ou en empruntant d’autres. Presque vingt années se sont écoulées, depuis qu’un premier manuscrit gravit l’escalier de la rue de Mézières et fut, sans autre contact préliminaire, déposé aux Editions Des femmes.
 
Quel pouvait être, alors, le mouvement incitant ma voix intérieure du moment à dépasser ses réserves, pour faire état de convictions l’engageant à ne plus rester limitée aux cercles clos de l’intime ? Elle m’avait auparavant, invitée à l’écrit, passage et alliance possibles entre mes deux langues maternelles aux prises avec d’inépuisables concurrences… Faufilés dans l’écrit, les accents de l’étrangère, la Hongroise, ont pu y parcourir la française, restreinte aux partages du dehors. La voix intérieure avait déjà obtenu d’autres gains de cause. « Deviens psychiatre et psychanalyste. Décris ce que tu sens et penses. Pense et sens ce que tu écris… Chemine où cela te convient, comme tu es. Au carrefour, entre raisons et déraisons, les existences souffrantes témoignent de singulières pluralités humaines… »
Ce premier livre prenait ses distances avec des logiques psychanalytiques réticentes à de nouvelles orientations de pensée. Il insistait en faveur d’une psychanalyse dont les spécificités consistent précisément à mettre les fantasmes en question et non à confirmer des théorisations devenues intouchables. « Publie moi », osait donc demander cet ouvrage personnel. Naïvement, il semblait même, alors, ignorer ses proximités avec des questionnements proches poursuivis aux Editions Des femmes… L’accord fut obtenu, rapide et sans réserves, offrant à L’Autre Histoire la charge – mais n’était-ce pas plutôt la chance, ou encore l’honneur – d’inaugurer en 1986 une collection intitulée « La psychanalyste » dirigée par Antoinette Fouque.
En 1989, Les Gardiens du silence continuent ce cheminement critique. Largement lu, puis devenu indisponible, ce livre a poursuivi son trajet en Hongrie, où l’éditeur de psychiatrie et de psychanalyse, Animula, l’a publié en 1999, sous le titre A csend örzöi, Les veilleurs du silence. (…)
Paraître chez les femmes, comme il se disait alors, conciliait voix intérieure et ex/position de questionnements-limites tout en confirmant l’intérêt de recherches concernant les confins du psychisme. (…)
Entre dedans et dehors, entre singulier et pluriel… des entre-nous se rencontrent là où des identités en mouvement invitent aux appels des terres d’incertitude.
Des parcours longent leurs lignes de crête et y tracent des chemins. Ecrits et publiés, devenus geste de passage, ils se partagent, à livre ouvert.
C.C.

Claire Chazal à Grignan et chez Des femmes-Antoinette Fouque !! 3.07.08

03c89b2cd685fe2a2b1322cee0ccfc86.jpg LU PAR CLAIRE CHAZAL EN AVANT-PREMIERE AU FESTIVAL DE LA CORRESPONDANCE DE GRIGNAN LE 3.07.08

Cher Diego, Quiela t’embrasse
Elena Poniatowska

Lu par Claire Chazal
BIBLIOTHEQUE DES VOIX, DES FEMMES-ANTOINETTE FOUQUE, 2008(Actes Sud, 1993)

ISBN : 3328140021097
Extraits – 1 CD – 18 €
Office 25/08/2008

Angelina Berloff est russe, Diego Rivera est mexicain ; tous deux sont peintres. Ils se rencontrent à Bruges puis s’installent à Paris, en 1909. Dix ans plus tard, Diego part au Mexique, laissant sa femme derrière lui.

Elena Poniatowska écrit la correspondance fictive entre deux personnages réels, correspondance qui s’écrit à une voix, tant Diego se fait laconique et distant au fil des envois ; c’est le cri d’abandon d’Angelina, affectueusement surnommée Quiela par le peintre au moment de leur amour, qui est ici porté par la voix de Claire Chazal. Tour à tour sont évoqués la naissance de leur enfant, le travail de création de la peintre, ses doutes d’artiste et ses souffrances de femme. On apprend le décès de l’enfant, l’infidélité de Diego et la jalousie d’Angelina face à cette union d’où est née une fille. De l’espoir à la résignation, reste vivant l’amour qu’Angelina porte à l’artiste, luttant pour subsister, autant que pour continuer à créer malgré la solitude et le silence.

e4446b4b3c37c4a5510c8d0617a0dc43.jpg Elena Poniatowska est née en 1932 à Paris d’une mère mexicaine et d’un père appartenant à l’aristocratie princière de Pologne. Journaliste, écrivain, elle est également engagée dans la vie politique mexicaine, en faveur des libertés et contre les dérives du capitalisme international.

Extraits :

« Tu as été mon amant, mon fils, mon inspirateur, mon Dieu, tu es ma patrie; je me sens mexicaine et ma langue est l’espagnol, même si je l’esquinte un peu en la parlant. Si tu ne reviens pas, si tu ne viens pas me rechercher, non seulement je te perds toi, mais je me perds moi-même, je perds tout ce que j’ai pu être. »

« De la façon la plus naturelle qui fût, sans jurements, sans dot, sans contrat sur nos biens, sans écrits, sans formalités, nous nous unîmes.

Aucun de nous deux ne croyait aux institutions bourgeoises. Nous affrontâmes la vie ensemble et dix années passèrent, les meilleures de ma vie. Si l’on m’offrait la possibilité de renaître, je choisirais de nouveau ces dix années-là, Diego, ces années pleines de douleur et de bonheur que je vécus avec toi. Je continue à être ton oiseau bleu, je continue à être tout simplement bleue, comme tu m’appelais parfois, je penche la tête, ma tête définitivement blessée, je la pose sur ton épaule et j’embrasse ton cou, Diego, Diego, Diego, que j’aime tant. »

Charles Juliet, déjà deux livres audio pour la Bibliothèque des Voix (et auteur de « Penser avec Antoinette Fouque »)

960.jpgCe sont des heures inoubliables que nous devons à ces livres qui s’emparent de nous avec une douce violence, qui nous tirent hors du temps, nous laissent à la fin éperdus de bonheur et de gratitude.
J’ai vécu de telles heures lorsque j’ai découvert Aubes et Crépuscules, l’autobiographie de Louise Nevelson, une femme fascinante.
Au long de ces pages, elle parle de son enfance, de la conviction qu’elle a eue très tôt d’être une artiste, de sa passion pour l’art, de son acharnement au travail, des longues et difficiles années qu’elle a traversées avant de savoir qu’enfin son temps était venu – le temps de s’accomplir, de concrétiser ce qu’elle portait en elle, d’engendrer l’oeuvre que nous connaissons.
Un livre qui est affirmation de vie et qui communique confiance, ferveur, énergie. Avec un retard considérable, j’adresse un chaleureux merci aux Editions Des femmes grâce auxquelles j’ai pu rencontrer une artiste qui m’est chère.
C.J.
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lincessant_1.jpgCharles Juliet
L’Incessant
lu par l’auteur et par
Nicole Garcia
Suivi de Poèmes et autres textes lus par l’auteur
Texte intégral
1 CD -18 €

« L’Incessant met en présence un homme et une femme qui s’affrontent avec âpreté. Cet homme et cette femme sont en chacun de nous. A certains moments de crise, ils se déchirent, nous harcèlent. Mais la décision qui clôt le débat n’est jamais définitive. A tout instant elle peut être remise en cause. Alors l’affrontement recommence. Maintes et maintes fois. A moins qu’un jour l’homme cède et qu’une seconde naissance l’introduise à une nouvelle vie. » Charles Juliet.

L’exploration intérieure est au cœur de l’œuvre poétique et fictionnelle de Charles Juliet, commencée en 1959. C’est par le travail d’écriture que le poète va descendre en lui-même pour tenter de retrouver la trace de la mère disparue et la voie de l’origine. Et renaître ainsi à la vie.
Les textes qui composent cet enregistrement, pièce de théâtre, poèmes, et extraits de recueils, choisis par l’auteur, sont autant de jalons dans cette difficile conquête.

couple_cherche.jpgCharles Juliet
J’ai cherché…
lu par l’auteur et par
Valérie Dréville
Texte inédit – 1 CD -18 € « Quels mots trouver qui dénoueraient tes tensions te videraient de ton angoisse apaiseraient ce qui te ronge quels mots trouver qui te clarifieraient te révèleraient à toi-même transformeraient ton regard. »
C. J.

 

L’exploration intérieure est au cœur de l’œuvre poétique et fictionnelle de Charles Juliet, commencée en 1959. C’est par le travail d’écriture que le poète va descendre en lui-même pour tenter de retrouver la trace de la mère disparue et la voie de l’origine. Et renaître ainsi à la vie.

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Marc Alpozzo interviewe Michèle Ramond (Les Carnets de la Philosophie, été 2008)

II-1.jpgLES CARNETS DE LA PHILOSOPHIE, trimestriel n°4 juillet-août-septembre 2008

Entretien avec Michèle Ramond
Propos recueillis par Marc Alpozzo

Marc Alpozzo : Vous êtes enseignante et écrivaine. Lise et Lui (des femmes, 2008) est votre dernier roman. Qui est le personnage de Lise ?

Michèle Ramond : C’est une femme avec qui je m’identifierais volontiers, Lise étant un nom qui implique la lecture et l’écriture. C’est une adresse au lecteur de la part de quelqu’un qui a un peu peur de ne pas être lu. Lisez-lui. Lise est un peu folle. Elle se bat pour un monde meilleur, et elle a une relation très ambiguë avec un double masculin qu’elle apostrophe, qu’elle semble à la fois solliciter, redouter, aimer. Elle est d’une grande ambivalence. Ce double masculin, qui est aussi un peu elle-même, est à la fois son amant, son père, son frère, son fils. Peu importe son étiquette généalogique. C’est l’homme avec ce qu’il représente de bon et de mauvais. Nous vivons dans un monde cruel, gouverné par l’argent, la recherche du profit, le goût du pouvoir, sans considération pour les plus faibles. Cette domination est globalement masculine, représentée par la classe des hommes, elle fait le plus grand tort aux femmes, mais elle en fait aussi aux hommes. Les hommes sont, je crois, souvent des tendres, mais ce monde les pousse à la cruauté. Dans le premier chapitre « Lise écrit », Lise s’adresse à ce double qui est le tyran Cyrus, mais j’aurais pu dire Bush ou Sarkozy ou Poutine. J’ai dit Cyrus car c’est un personnage mythologique qui fait rêver, et je n’ai pas envie de contextualiser davantage. Ce nom quand on l’écoute peut faire penser à un nuage, également, à un cirrus cyclonique, et il est exotique, il situe la relation homme/femme dans un temps et un espace légendaires, comme s’il s’agissait d’une fable avec sa morale.

Vous jouez sur la consonance. Lise est un prénom et Lui est impersonnel. En même temps, c’est un jeu de mot avec Louis.

Lui est d’abord Cyrus, le double cruel qui a marginalisé la femme, que ce soit sa sœur, sa mère ou son épouse, le sanguinaire qui aime la guerre, qui aime être avec ses troupes, qui répand la mort et la haine. En même temps, cette figure est complètement réversible. Elle devient subitement, dans le deuxième chapitre, Louis. Et à ce moment-là, lui c’est Louis Langlois, l’ouvrier méritant, le prolétaire qui se bat à son tour, comme Lise, pour un monde meilleur, l’utopiste, le résistant : Louis ce héros. On peut alors entendre « lui » comme l’homme total à qui Lise adresse une épître d’amour et de mise en garde. Lui devenu Louis c’est l’homme dans sa dimension lyrique, tragique, attendrissante, il y parfois un peu d’humour tellement les discours de Louis sont enflammés. Il y a aussi de l’humour dans les emballements de Lise, l’excessive !

Lise est mise en lumière sans que Lui soit mis dans l’ombre, mais vous faites resurgir les ténèbres que les hommes amènent par cet esprit de domination auquel ils ont accédé. Vous dénoncez alors l’injustice, non pas celle des hommes, mais celle qui a été créée par ceux qui ont créé ce monde, un monde patriarcal. Et peut-être aurait-il été autrement s’il avait été créé par les femmes.

En effet, s’il avait été créé par les femmes, il aurait été différent. Je ne sais pas s’il aurait été meilleur. Ce livre a été écrit dans une idée de réconciliation possible entre Lise et Lui. La conjonction de coordination appelle, non pas la fusion, mais une reconnaissance de l’un par l’autre. Il y a également une mise en équilibre. Lise a une vie de jour, par exemple elle écrit ses lettres à Cyrus pour tenter de le faire fléchir. Elle court comme une folle autour des remparts de la ville et voit le fleuve où flottent les cadavres des femmes et des enfants tués par la guerre, alors que Louis a d’autres activités, il est un tribun acclamé par les ouvriers qui luttent avec lui, il se bat contre les « rexistes », les fascistes de tous bords. Et de nuit, Lise devient une déesse caïman, sous cette forme magique elle invoque la mémoire de parents, elle se recueille sur une île du fleuve, elle sert un culte aux ancêtres, un peu comme une Antigone. Elle a été un peu Électre, au début du livre, quand elle pense à un stratagème pour piéger la mère patriarcale à qui elle reproche de donner sa préférence au fils tyran. Mais la nuit, quand le spectre des parents lui apparaît, la mère est une autre mère, elle est une revenante fragile, à qui le père revenant lui aussi accorde beaucoup de soins. Et ce père n’est pas le père patriarcal, mais le père tendre et lunaire, comme fut le mien. Ils sont morts tous les deux et ils réapparaissent au-dessus de l’horizon, tandis que Lise les contemple nuit après nuit, rendant hommage à sa généalogie ; révérencieuse à ceux qui l’ont fait naître.
Tout cela, c’est la nuit de Lise, tandis que Louis, la nuit, a d’autres activités. Il se réunit avec ses camarades de lutte, il fait des plans de résistance, il y a d’ailleurs des femmes qui se joignent à eux, il se bat à mains nues contre des traîtres à la liberté. Ces traîtres un peu fantasmatiques pourraient être n’importe laquelle de ces forces impies qui mènent la société actuelle à sa ruine, cette société libérale, capitaliste, militarisée et mercantile, sans considération pour les valeurs démocratiques, qui sacrifie la matière humaine à ses intérêts immédiats. Je n’incrimine pas l’homme, l’autre sexe, le compagnon, mais cette classe à dominante masculine, il faudrait plutôt dire « mâle », que la passion de l’argent et le goût immodéré du pouvoir, de ses bénéfices et de son exercice ont rendu monstrueuse.

Transformer le monde. C’est tout à fait marxiste. Mais chacun le transforme à sa manière.

En effet, parfois Louis est un utopiste. Il est évident qu’il a lu Marx et Engels, il est inspiré par leur style, de façon un peu naïve, avec du romantisme. Il a un idéal humaniste, parfois très inspiré, c’est un mystique matérialiste. Lui et Lise ont une dimension tragi-comique car on les sent assez dépourvus face à un destin mondial presque irréversible, ils donnent l’impression d’accomplir une mission impossible avec le sérieux des enfants qui ne perdent pas la foi, malgré les obstacles. Pour Lise cette part d’enfance est encore plus évidente, elle est très seule, elle ne se rapproche pas suffisamment des autres femmes, elle a l’esprit très occupé par sa révolte et par le frère qu’elle harangue et qu’elle tente de récupérer, d’attirer à sa cause.

N’est-ce pas le symbole même de la condition humaine ? Des héros certes, mais toujours déchus. Vous faites un renvoi à la mythologie grecque, mais à partir de cette mythologie n’êtes-vous pas en train de tenter un décryptage de la vanité des hommes qui pensent pouvoir transformer le monde à leur mesure ? Parce qu’enfin, chez les Grecs, on trouve aussi le fatum. Or, le destin de notre monde à présent, n’est-ce pas la technique et la rationalité qui imaginent pouvoir maîtriser la nature et les hommes alors qu’elles ne font que les ruiner ?

C’est exactement cela. Ils se battent l’un et l’autre, chacun dans son camp, elle par le rêve, le mythe, la fiction, le délire verbal parfois, lui dans l’action, la militance, la griserie philosophique, chacun selon son style essaye d’échapper à ce fatum qu
i est l’enchaînement irréversible dans lequel la matière humaine, la masculine ET la féminine, les deux sexes confondus, se rencontrent. Ils sont isolés dans leurs combats parallèles et pourtant confondus dans ce cataclysme qui est en train de les broyer. Le texte évoque sans cesse ce cataclysme par des images et des situations que nous pourrions dire poétiques, elles ne sont pas réalistes, elles sont prémonitoires malgré tout. On sent bien qu’à continuer ainsi la matière humaine, dont la littérature ne peut ni ne veut se passer, sera liquidée. Il faut donc que la femme et l’homme (Lise et Louis) se retrouvent, au-delà de leurs ressentiments et de leurs différences ou désaccords pour redessiner une cartographie mondiale plus humaine.

Mais pensez-vous que ce soit encore possible ? Par exemple, pensez-vous que la littérature n’est pas à présent impuissante à changer le monde ?

J’espère qu’elle ne l’est pas. Par exemple, un livre peut agir sur les individus. Un livre peut nous consoler dans la peine, ou calmer notre soif de pouvoir ou de vengeance. Je pense qu’il y a une dimension éthique dans un beau livre. Je pense que la séduction que le livre opère par la beauté du style, par le caractère incongru ou imprévisible des images est alliée à une force morale. La beauté en littérature est une figure éthique, elle agit comme un contre-pouvoir, la littérature peut, je le crois vraiment, combattre les effets néfastes du pouvoir tyrannique de Cyrus, il est important de lui reconnaître cette vertu qui est aussi la force du désespoir. L’ennui c’est que les lecteurs se détournent de ce genre de livres, qu’ils recherchent des livres plus légers, de la distraction, des histoires d’amour et de luxe, ou alors des livres d’Histoire qui nous ramènent au passé, ou des biographies qui font rêver à des vies exceptionnelles. La littérature est discréditée aujourd’hui, peu promotionnée et peu vendue. Mais j’ai espoir que le monde peut s’arranger. Je crois qu’il y aura, à un certain moment, un soubresaut populaire qui rejoindra les rêves de Lise et l’action militante de Louis, un soubresaut qui saura faire la soudure entre féminin et masculin et qui parviendra à vaincre le monstre, comme dans les contes. Mais il y aura beaucoup de dommages avant que nous y parvenions. Alors il convient d’encourager la littérature pour précipiter la prise de conscience des hommes et des femmes, la littérature est une arme chargée d’avenir qui ne tue pas et qui peut provoquer des révolutions salutaires.

Vous ne croyez pas par exemple à une disparition de l’homme et de la femme ?

Ce serait terrible. Terrible que la femme vive éloignée de l’homme et l’homme de la femme. J’aurais peur de ces sociétés unisexuées, chacune soudée par des revendications spécifiques, des haines, des rancunes et des rivalités. Il me semble que les deux sexes devraient pouvoir se retrouver et se comprendre tout en conservant chacun ses spécificités. Ils se retrouvent déjà dans l’érotisme. Mais je crois qu’ils sont moralement de plus en plus séparés malgré les progrès législatifs pour combattre les inégalités sociales, civiques et politiques.

Lise ET lui ou lise EST lui ? Pensez-vous à une complémentarité ? Ou pensez-vous que la femme doive se trouver par elle-même sans se référer à ce que l’homme est ?

Lise est un objet de dérision bien souvent, un objet de sarcasme. Elle mange des racines, elle écrit inlassablement, elle vit dans une masure, elle court autour de la ville, elle se cache sous ses voiles, la nuit, elle se transforme comme Mélusine. Il y a une sorte de dimension comique dans cet apartheid de la femme. Mais Lise est également dans une sorte de quête. Elle accomplit sur elle une sorte de travail chimique de transsubstantiation. Elle travaille sur sa matière humaine pour se rendre meilleure. Et la nuit, on assiste à sa métamorphose. Elle devient cette déesse caïman. Elle a une forme de militance. Elle n’est pas du tout narcissique. Elle est même un peu christique. Comme le pélican qui fouille dans ses entrailles pour donner à manger à ses enfants. Elle s’auto-sacrifie. Elle macère son corps. Elle s’élève spirituellement. Tout cela se fait dans le secret, n’est vu de personne, sauf bien sûr du narrateur et du lecteur ! C’est un travail accompli sur soi, presque monacal, avec le ciel pour seul témoin. Sorte de mise en scène de l’effort de la femme dans l’écriture, pour que le monde aille mieux. Quant à l’homme, Louis Langlois, il fait un travail dans la foule, il est davantage incarné, il se bat avec les armes du résistant pacifiste et avec le discours politique. Mais les deux combats sont faits pour se rencontrer. La femme se donne un peu en holocauste. Et là, je m’identifie à Lise. L’écriture, je la prends dans ma substance vivante. Je sacrifie peut-être des années ou des mois de vie pour faire de cette écriture une offrande. Et si les deux, homme et femme, Lise et Louis, elle et lui arrivent à se rencontrer et à s’apprécier, il y aura alors une vraie union des sexes. Il faut savoir que les femmes sont aussi de grandes misogynes. Il faudrait que la femme se réconcilie avec la mère que la jeune fille considère, à son adolescence, comme une rivale, et c’est d’ailleurs réciproque. C’est une des grandes épreuves dans la vie d’une femme. Les choses vont mieux pour la femme lorsque cette épreuve peut être dépassé. Les femmes cessent alors d’être victimes de leurs ressentiments à l’égard de la mère et de la femme en général. Lise passe par cette épreuve, pourtant durant sa vie nocturne elle la vainc. Est-ce toujours possible ? L’ordre mondial tire profit de cette difficulté pour la femme, qui la rend souvent complice du tyran ou du moins qui l’empêche d’être solidaire des femmes, qui nuit à la sororité alors que les hommes fraternisent en hordes très soudées.

Chez la femme, on trouve un principe de réalité bien plus fort que chez l’homme, qui, lui, est peut-être plus ouvert à la métaphysique, à la philosophie ?

L’homme est plus rationnel, c’est vrai. Mes héros masculins se grisent parfois avec des idées, des concepts. Il y a une solidarité idéologique entre eux qui frise la drôlerie et qui est attendrissante. Dans ces moments-là, Louis est un peu exalté et en même temps un peu touchant. Ses compagnons de route le sont aussi, Folletière est un métaphysicien et un astrologue, Marodan un républicain espagnol plein de fougue socialiste et de nostalgie. Alors que Lise est plus dans la matière, dans le corps, mais elle l’utilise un peu comme la matière première des anciens alchimistes. C’est un corps que l’on cuit et qui se dépose, qui se modifie et se perfectionne, et petit à petit la lie est évacuée. Cette matière humaine peut alors donner sa sève. C’est un corps qui se spiritualise. Ce travail de Lise sur son corps est celui de l’écriture sur la langue maternelle, cuite et recuite jusqu’à pouvoir au mieux exprimer l’émotion, le tréfonds.

Vous évoquez également dans votre roman, la difficulté d’écrire. Comment vivez-vous l’écriture et le moment de la rédaction d’un roman ?

Je vis ce temps comme un travail sur moi-même. Quand j’écris, j’essaye d’aller vers autrui. C’est une écriture dans laquelle j’essaye d’être meilleure que je ne suis. Avec le travail sur la langue, les règles, les contraintes, on dit des choses plus importantes, on dit des choses plus inconscientes, pas forcément prévues, on dit l’impensé. Quand la matière devient lourde, ardue, on ne maîtrise plus ce que l’on dit, et le message est plus fort, plus durable. Il va susciter des exégèses. Et, à partir de là, tout lecteur va entrer en travail sur soi. Dans l’éc
riture, se formule une pensée que l’on ne maîtrise pas. Et c’est à ce moment-là que l’on risque de dire des choses qui pourront être profitables à l’humanité.

De quelles références littéraires vous nourrissez-vous ?

Le dix-huitième Siècle français, Montaigne, Platon, Proust, Marivaux, Duras, Colette, Woolf, Valéry, la littérature de langue espagnole, mes contemporaines en Espagne, en Amérique espagnole et en France. Je suis hispaniste, donc je me nourris beaucoup de littérature espagnole ou hispano-américaine. Je lis parfois les écrivains très distraitement, avec une attention flottante, surtout quand moi-même j’entreprends d’écrire, et souvent il y a quelque chose qui me met en chantier. Je crois beaucoup à l’intertextualité. On n’écrit rien de vraiment nouveau. On écrit autrement des choses déjà écrites par d’autres. Je crois qu’il y a une grande fraternité de fait entre les écrivains, je pense que l’écriture universelle résonne dans la moindre phrase qu’écrit un nouvel auteur. Il y a là une vraie humanité palpitante, très humaine, très érotique, très sensuelle, très spirituelle aussi, qui se niche dans la littérature. La littérature est un réservoir d’humanité. C’est un autre monde. Le monde imaginaire est en fait beaucoup plus utile que les écrits politiques. La philosophie, je la mets également du côté de la littérature. Les Méditations métaphysiques de Descartes c’est de la littérature. C’est très beau. On n’est pas forcé de comprendre rationnellement, il existe une autre compréhension qui est celle que sollicite ou permet la littérature.

Alors écrivez-vous pour dénoncer le monde ou pour l’embellir ?

Dénoncer, mais pas forcément pour détruire. En essayant de suggérer les voies d’un monde meilleur. Par exemple, au début du roman, Lise s’en prend à la mère de Cyrus, Parysatis, dont elle dit qu’elle est aussi la sienne, tout cela est très fantasmé. Ensuite, elle se réconcilie avec la mère qui devient une fragile apparition et qui soulève en Lise un émoi profond. Lise suit un chemin de perfection. S’améliorant elle-même, elle va davantage séduire ce frère bifront, tantôt Cyrus tantôt Louis, elle se met en situation de l’attendre, l’écriture semble travailler à ce que tous deux puissent se rencontrer, s’aimer et se comprendre. Je ne sais pas si l’homme et la femme vont se réconcilier à temps, mais je crois qu’une vraie compréhension l’un pour l’autre pourrait vraiment arranger les choses. Et ce qu’il y a d’atroce dans la domination masculine qui caractérise ce monde global capitaliste pourrait s’adoucir. Ce n’est pas une guerre des pouvoirs. Lise n’a pas envie de devenir puissante. Elle est pacificatrice et sa puissance est tout intérieure.

Alors que l’homme a besoin de cette puissance extérieure ?

Peut-être. Mais il est fragile, aussi. Et quand Lise le sent fragile, elle l’aime. Le pouvoir trouve toujours un pouvoir plus fort. Il est voué à broyer mais à être broyé également. Et Lise essaie de trouver un chemin de survie qui ne passe pas forcément par la prise de pouvoir.

Plus par la faiblesse. Cette faiblesse taoïste par exemple, qui donne tant de force à la force qu’elle finit par s’effondrer d’elle-même.

Oui. C’est joli ce que vous dîtes. Mais la force va rendre également hommage à la faiblesse. Et la faiblesse va du coup relever la force, lui dire : j’ai besoin de toi, mais elle va également lui demander de reconnaître la force de sa faiblesse. Et à partir de là, il va y avoir un nouveau lien nuptial.

Du coup, il y a une vraie complémentarité. Pas d’égalité, ou plutôt d’égalitarisme, cet égalitarisme dont la démocratie aussi se targue. Mais pas non plus d’interpénétration qui ressemblerait à une sorte d’invasion. La femme ne doit pas envahir la sphère masculine en prétendant être un homme.

Non ! Et en même temps, Lise EST lui. Ils finissent par s’équivaloir, sans pour autant qu’il y ait à passer par le stade de l’égalité et de la non-différenciation.

Ils vont s’équivaloir dans la différence ?

Oui ! Ce serait une belle conclusion philosophique. Mais il faut une égalité sociale, une justice, pour que cette équivalence dont rêve Lise et lui advienne. Et l’on se rendra compte, alors, que Lise et Lui sont faits pour se réconcilier et s’épauler contre un ennemi commun. Cet ennemi insoupçonné est un troisième sexe auquel, pour son malheur, le masculin s’est identifié, un sexe virtuel et exterminateur qui a beaucoup de ressemblance avec le capital, un monstre que le patriarcat a nourri, que les fratries ennemies fortifient, que les intégrismes voient grandir et prospérer et qui nous anéantira tous, hommes et femmes, mettant fin à la guerre des sexes qu’il a excitée, mais aussi à toute vie humaine sur terre. Louis Langlois a parfaitement perçu l’existence de ce monstre, c’est contre lui qu’il livre le combat du chapitre « Une nuit de Louis ». Lise confond presque toujours ce monstre avec son double masculin parce que ce dernier, surtout lorsqu’il s’identifie à Cyrus, lui ressemble beaucoup. Vous voyez, c’est dans l’écriture que nous avons découvert ce troisième sexe, pas dans la pensée éveillée ! C’est la découverte de Lise et Lui. Pas la mienne.