Le Figaro littéraire du 4 décembre 2014
Mémoires
Le témoignage d’un capitaine rescapé d’un des plus célèbres naufrages.
Un rescapé de « La Méduse » De Daniel Dupont – texte présenté par Philippe Collonge, Éditions La Découvrance, 162 p., 17 €
Avant ou après le fameux tableau de Géricault, des témoignages sur ce qui s’est passé lors du naufrage de La Méduse, il y en eût quelques uns, mais l’histoire de l’édition connaît parfois des miracles. Voici la publication des Mémoires du capitaine Dupont, qui n’avaient fait l’objet que d’une diffusion restreinte en 1903. Le capitaine Daniel Gervais Dupont a de nombreux états de service, mais on notera surtout que le 2 mai 1816, rentré en France, il est rappelé pour servir dans le bataillon de fusiliers du Sénégal et embarqué sur la frégate La Méduse.
Ensuite ?
Après l’échouement de la frégate, le 2 juillet 1816, il fait partie des naufragés qui dérivent pendant douze jours sur un radeau de fortune au large de la Mauritanie. Le 17 juillet, il est recueilli avec quatorze survivants, sur cent cinquante. Il est enterré à Maintenon, dans l’Eure-et-Loir. Ce qu’il raconte dans ses Mémoires est donc un témoignage de première main. On doit ce miracle à Philippe Collonge, bibliophile qui a consacré sa retraite aux livres anciens et aux recherches historiques. Il se trouve qu’il habite à Maintenon et qu’il a été, comme indiqué sur sa notice, « amené à croiser les traces du Capitaine Dupont, un des survivants du radeau de La Méduse, dont il a retrouvé et commenté les Mémoires ».
Dans les coulisses d’un fait divers
Dans ces Mémoires, les pages concernant le naufrage ne sont pas les plus nombreuses : quarante, tout de même, après une longue première partie sur sa trajectoire qui démarre par la Guerre en Vendée, en 1792. Cet homme robuste, mort à 75 ans, ce qui est très âgé pour l’époque, chanceux, décrit le drame qui lui arrive avec sécheresse – à la manière d’un militaire. « De l’organisation désastreuse du renflouement de la frégate » aux « journées tragiques se succèdent : faim, soif, délires et actes de désespoir », en passant par « les premières nuits d’horreur sur le radeau et les naufragés abandonnés à leur sort », on se retrouve « embarqué » dans les coulisses de l’un des plus grands faits divers. Cette sécheresse de ton ne fait qu’accentuer l’impression d’horreur. Dans une barque à la dérive, des survivants, au bord de l’épuisement, tentent de profiter de la situation pour voler quelques pièces à d’autres.