Actualités (NON EXHAUSTIF)

Les plis du temps de France Culture sur Proust avec Hélène Waysbord (2/2)

Résumé

Du temps perdu au temps retrouvé, Proust est l’inventeur d’une machine à explorer le temps. Ses phrases élastiques s’étirent, se bouclent et nous propulsent dans la quatrième dimension.

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Contrairement à ce que pourrait laisser entendre le titre, À la Recherche du temps perdu n’est pas une évocation surannée du temps qui passe mais une anticipation moderne du temps comme illusion.

Bien plus proche du physicien Einstein que de son cousin philosophe Bergson, Proust rend le temps élastique en étirant ses phrases, crée de chapitre en chapitre, un véritable bloc espace-temps qui abolit le passage du temps et raconte une histoire qui ne suit plus la flèche du temps mais va et vient entre passé et présent.

« Proust nous invite à un voyage, comme si nous étions un ludion flottant dans ce milieu aquatique qu’est le temps.” –Thibault Damour

Double page extraite du cahier 39 (Le côté de Guermantes)
Double page extraite du cahier 39 (Le côté de Guermantes) 

– © Bibliothèque nationale de France, NAF 16679

Contemporain de Freud, la Recherche est également un voyage à l’intérieur de la psyché. Proust se comparait à un “plongeur qui sonde”. Entre mémoire et oubli, l’écrivain creuse les différentes strates de la mémoire jusqu’à atteindre notre moi “extra-temporel le plus profond. »

En proie à l’insomnie, Proust s’endort, se réveille. Sans relâche, l’écrivain assemble, déplace ces fragments extraits de la nuit. Il noircit les feuilles, écrit dans les marges, ajoute des paperolles collées aux pages. Et il gagne ainsi son combat contre le temps.

“ Le temps est en train de gagner. Mais il y a un petit David qui défie ce Goliath, c’est Proust ” – Anne Simon

À lire aussi : Passion Proust

Texte lu : À la recherche du temps perdu, Bibliothèque de la Pléiade, 1987

Avec la collaboration de :

  • ISABELLE SERÇA, professeure de littérature (Toulouse), Proust et le temps : Un dictionnaire, Le Pommier, 2022
  • ANNE SIMON, directrice de recherche CNRS, La Rumeur des distances traversées. Proust, une esthétique de la surimpression,* Garnier, 2018
  • NATHALIE MAURIAC DYER, directrice de recherche CNRS, Les soixante-quinze feuillets et autres manuscrits inédits, Gallimard, 2021
  • GUILLAUME PERRIER, professeur du secondaire, La Mémoire du lecteur. Essai sur Albertine disparue et Le Temps retrouvé, Garnier, 2011
  • ANDRÉ BENHAÏM, professeur de littérature française (Princeton), Panim visages de Proust, Presses Universitaires Du Septentrion, 2006
  • ANTOINE COMPAGNON, professeur émérite au Collège de France, Proust entre deux siècles, Seuil, 1989
  • HÉLÈNE WAYSBORD, La chambre de Léonie, Le Vistemboir, 2021
  • FRANÇOIS BON, écrivain, Proust est une fiction, Seuil, 2013*,* chaîne YouTube
  • GÉRARD MACÉ, poète, essayiste, photographe*, Le Manteau de Fortuny*, Gallimard, 1987
  • PIERRE BERGOUNIOUX, écrivain, Bréviaire de littérature à l’usage des vivants, Bréal, 2004
  • GUILLAUME FAU, Conservateur à la Bibliothèque nationale
  • PHILIPPE ZARD, maître de conférences Paris Ouest-Nanterre, La Fiction de l’Occident : Thomas Mann, Franz Kafka, Albert Cohen, PUF, 1999
  • THIBAULT DAMOUR, physicien, Si Einstein m’était conté, Le Cherche-midi, 2005
  • JEAN YVES TADIÉ, biographe de Marcel Proust, Le sens de la mémoire, en collaboration avec Marc Tadié, Gallimard, 1999
  • NICOLAS RAGONNEAU, créateur du site Proustonomics, auteur de Proustonomics, cent ans avec Marcel Proust, le temps qu’il fait, 2021

En partenariat avec le magazine L’OBS

Virginie Calmels dans Sud Ouest du 25/08/22

Virginie Calmels brigue la présidence de LR : « Si on ne change pas, on finira comme le PS »

  Lecture 2 min
Virginie Calmels brigue la présidence de LR : « Si on ne change pas, on finira comme le PS »
Virginie Calmels : « Je suis une « ordo-libérale », c’est-à-dire très ferme sur la restauration de l’autorité de l’État et libérale sur le plan économique. » © Crédit photo : Archives Philippe Taris / “Sud Ouest”
Par Jefferson Desport – j.desport@sudouest.fr

L’ex-adjointe d’Alain Juppé à Bordeaux est candidate à la présidence des Républicains dont elle a déjà été numéro 2, avant d’être écartée par Laurent Wauquiez en 2018. Interview

Depuis février 2019 et votre départ de la mairie de Bordeaux, dans le sillage de celui d’Alain Juppé, vous êtes restée discrète au plan politique. Pourquoi revenir et briguer la présidence de LR ?

La décrépitude de mon parti me fait peur. Si on ne change pas, on finira comme le PS. Il y a quatre ans, j’étais numéro 2 de LR et déjà je tirais la sonnette d’alarme. J’ai dit que ce parti était en train de se rétrécir sur une ligne politique que je jugeais excluante. J’ai dit qu’on allait dans le mur. Mais, à la tête du parti, on n’a pas accepté ce débat. Depuis, je n’ai pas voulu gêner. Je n’ai rien dit après le très faible score aux européennes (8 %) qui a conduit Laurent Wauquiez à la démission de la présidence. Ce résultat prouve que c’était un échec.

Au chapitre des échecs, il y a surtout eu celui de Valérie Pécresse à la présidentielle. Comment l’expliquez-vous ?

Le parti doit accompagner et ne pas être un frein ou un boulet. Mais un parti en aussi mauvais état ne peut pas être un soutien. Ensuite, Valérie Pécresse a payé la montée des extrêmes et le vote utile. Beaucoup d’électeurs de droite se sont reportés sur Emmanuel Macron à cause de ce risque des extrêmes. Enfin, il y a eu des erreurs et malheureusement, la forme a prévalu sur le fond.

La droite n’a plus gagné une présidentielle depuis 2007. Que proposez-vous ?

Il faut des lignes claires et équidistantes entre Macron et Le Pen et pas qu’identitaires. Je suis une « ordo-libérale », c’est-à-dire très ferme sur la restauration de l’autorité de l’État, les sujets régaliens – sécurité, défense, lutte contre l’immigration – et libérale sur le plan économique. C’est pour ça que je ne suis pas macroniste.

L’idée est donc de changer de ligne, d’être plus au centre ?

La ligne de la droite n’est pas claire. Certaines personnes peuvent être tentées d’être sur une rhétorique qui n’est pas celle de la droite républicaine comme je l’entends. Et si LR a perdu autant adhérents et d’électeurs, c’est aussi parce qu’on a tourné le dos au libéralisme.

Quelle sera votre méthode ?

Je propose une nouvelle façon de faire, ce que j’appelle : « des ailes et de l’air » pour LR. Nous devons remettre du débat, nous réintéresser à des sujets majeurs – le climat, le travail, le progrès scientifique, écologique… –, accueillir de nouveaux talents, de nouvelles sensibilités, ne pas avoir peur de la concurrence.

LR est donc à un tournant ?

Si on rate cette étape, on n’aura que nos yeux pour pleurer dans cinq ans. On ne pourra pas dire qu’on ne savait pas. On a l’exemple du PS sous les yeux. Qui aurait pensé que le parti de François Mitterrand pouvait disparaître ? Là, on parle du parti du général De Gaulle, de Philippe Séguin, d’Alain Juppé, de Nicolas Sarkozy. Le rassemblement de notre famille politique passe par un changement de ligne et de méthode.

Le fil d’or de France Culture sur Proust avec Hélène Waysbord (1/2)

Résumé

A l’origine du futur écrivain, il y a la voix d’une mère, l’appel du paysage, l’amour naissant et la peur de l’abandon. Des sensations qui s’échappent et que le jeune Proust voudrait retenir.

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Marcel Proust n’est pas né dans la douceur. Durant les mois qui précèdent sa venue au monde, Paris est assiégé par l’artillerie allemande puis secoué par le séisme de la Commune. Sa mère, Jeanne Proust, s’est réfugiée chez l’oncle Louis Weil, à Auteuil. Elle accouche difficilement, le 10 juillet 1871, au 96 rue La Fontaine, d’un enfant chétif et inquiet.

Robert Proust et son frère, 1er mars 1876
Robert Proust et son frère, 1er mars 1876 

– Wikimedia Commons

Proust n’a jamais connu non plus de véritable chambre de l’enfance. Après s’être établis rue Roy, son père et sa mère déménagent rapidement boulevard Malesherbes. Presque chaque week-end, ils retournent à Auteuil. Le petit Marcel s’endort du côté maternel, lieu d’une ascendance maternelle juive et bourgeoise. Et pendant les longues vacances, la famille migre dans la Beauce, lieu d’une origine paternelle catholique et rurale. L’enfant s’endort dans la maison d’Illiers-Combray, du côté paternel.

« Proust s’est débattu entre ces deux paysages.” – Nathalie Mauriac Dyer

Dans ce kaléidoscope de sensations, l’odeur et la voix de sa mère sont des points fixes. L’enfant sent et écoute. Les Mille et Une Nuits que Jeanne Proust lui lit à voix haute. Le baiser du soir qu’elle lui donne pour qu’il s’embarque seul dans la nuit. À la fois vitales et fugaces, ses premières impressions d’enfance enfouies seront ravivées lors de la destruction de la maison d’Auteuil pour finalement remonter des profondeurs à la mort de la mère.

« On a dans l’histoire même du jeune Proust tous les leviers pour aller vers la création d’un berceau imaginaire. » – Nathalie Azoulai

A l’âge de 9 ans, Proust est assailli par une violente crise d’asthme, dont il souffrira toute sa vie. Coupé d’un lien direct avec la nature et sentant poindre en lui des élans amoureux qu’il va devoir vivre sous le signe de l’interdit, le jeune Proust noue un à un les fils de sa future écriture.

À réécouter : Proust l’optimiste
58 min

Textes lus :

Films : Marcel Proust, du côté des lecteurs de Thierry Thomas

Avec la collaboration de :

  • NATHALIE MAURIAC DYER, directrice de recherche au CNRS, Les soixante-quinze feuillets et autres manuscrits inédits, Gallimard, 2021
  • EVELYNE BLOCH DANO, essayiste, biographe, Madame Proust, Grasset, 2004
  • HÉLÈNE WAYSBORD, La chambre de Léonie, Le Vistemboir, 2021
  • NATHALIE AZOULAI, écrivaine, La fille parfaite, P.O.L, 2022
  • ISABELLE SERÇA, professeure de littérature (Toulouse), Proust et le temps: Un dictionnaire, Le Pommier, 2022
  • ANNE SIMON, directrice de recherche CNRS, La Rumeur des distances traversées. Proust, une esthétique de la surimpression, Garnier, 2018
  • GUILLAUME PERRIER, Professeur du secondaire, La Mémoire du lecteur, Essai sur Albertine disparue et Le Temps retrouvé, Garnier, 2011
  • ANDRÉ BENHAÏM, professeur de littérature française (Princeton), Panim visages de Proust, Presses Universitaires du Septentrion, 2006
  • GÉRARD MACÉ, poète, essayiste, photographe, Le Manteau de Fortuny, Gallimard, 1987
  • FRANÇOIS BON, écrivain, Proust est une fiction, Seuil, 2013
    NICOLAS RAGONNEAU, créateur du site Proustonomics, auteur de Proustonomics, cent ans avec Marcel Proust, Le temps qu’il fait, 2021
  • MICHEL DAMBLANT, botaniste, Voyage botanique et sentimental du côté de chez Proust, Géorama, 2019
  • ANDRÉ BENHAÏM, professeur de littérature française (Princeton), Panim visages de Proust, Presses Universitaires du Septentrion, 2006
  • GÉRARD MACÉ, poète, essayiste, photographe, Le Manteau de Fortuny, Gallimard, 1987
  • JACQUES LETERTRE, collectionneur, Président de la Société des Hôtels Littéraires et de l’hôtel Le Swann
  • THIBAULT DAMOUR, physicien, Entretiens sur la multitude du monde, Odile Jacob, 2002
  • JEAN YVES TADIÉ, Professeur émérite (Paris IV), Marcel Proust, biographie, Gallimard, 1996
  • THIERRY THOMAS, auteur, scénariste, réalisateur, Marcel Proust du côté des lecteurs, Ina, La Sept Arte, 2000

En partenariat avec le magazine L’OBS

Virginie Calmels, candidate à la présidence des Républicains

Virginie Calmels: «Je suis candidate à la présidence des Républicains»

ENTRETIEN EXCLUSIF – L’ex-numéro 2 de LR, très critique vis-à-vis d’Emmanuel Macron, souhaite «donner des ailes et de l’air» à la droite.

Virginie Calmels, encartée LR, ex-numéro 2 des Républicains auprès de Laurent Wauquiez, ancienne adjointe d’Alain Juppé à Bordeaux et retirée de la vie politique depuis 2019, a décidé de participer à l’élection du nouveau président du parti en décembre, à condition d’obtenir les parrainages nécessaires.

1. En juin, dans une tribune au Figaro, vous appeliez à « sauver la droite » et à la « reconstruire » en associant libéralisme et souverainisme. Alors que l’élection d’un nouveau président des Républicains aura lieu en décembre, quel rôle comptez-vous jouer ?

Je suis candidate à la Présidence des Républicains. Pourquoi ? Parce que je ne me résigne pas à voir LR enchainer les défaites et continuer à se rétrécir sans ligne claire. Parce qu’il existe un risque fort que la droite s’efface derrière l’extrême droite comme le PS s’est effacé derrière LFI. Parce que j’ai la conviction qu’il y a un chemin pour la refondation avec une ligne équilibrée, créative et gagnante. Parce que ce parti compte encore de nombreux talents qui mériteraient d’être davantage mis en lumière. Et enfin parce que j’ai la détermination, l’énergie, et la méthodologie pour y parvenir. Nous parlons du parti du Général de Gaulle, de Georges Pompidou, de Valéry Giscard d’Estaing, de Jacques Chirac, d’Alain Juppé, de Nicolas Sarkozy, ce n’est pas rien tout de même ! On ne va pas le laisser disparaître sans rien faire !

2. Quel est votre projet ?

Je souhaite donner « des ailes et de l’air à LR » ! Derrière le crédo de ma campagne, c’est un véritable plan d’action que je décline dans mon site internet de campagne « virginiecalmels.fr ». Des AILES, pour porter une vision et un espoir pour notre pays, et notamment en s’intéressant aux profondes mutations auxquelles nous faisons face, tant géopolitiques que climatiques, économiques et sociales, en appréhendant les enjeux de progrès sans oublier nos racines, notre culture et notre histoire. De l’AIR, pour donner un nouveau souffle au Parti, et notamment en attirant de nouveaux profils, en étant dans l’interactivité avec nos militants et en osant les débats internes. En bref, créer un collectif stable capable de trouver du plaisir à travailler ensemble, de se respecter mutuellement, de restaurer la confiance et la fierté de nos adhérents, de nos élus et de nos électeurs, et d’obtenir des résultats pérennes !

3. En quoi votre candidature serait plus rassembleuse que celle d’Eric Ciotti, qui veut œuvrer à la renaissance d’un « grand parti de droite, populaire et libéral », ou de celles éventuelles de – entre autres – de David Lisnard, (Bruno Retailleau, Annie Genevard, Michel Barnier), Aurélien Pradié, de François-Xavier Bellamy ou Othman Nasrou ? Équidistante d’Emmanuel Macron et de Marine Le Pen, la droite à laquelle j’aspire, qui associe liberté et restauration de la souveraineté, est une droite à l’épicentre des différents courants de LR donc rassembleuse. Je ne crois pas en des lignes excluantes, soit étatiste et souverainiste, soit trop conservatrice, soit illibérale qui achèveront de perdre les électeurs de droite. Et comme il y a 4 ans comme 1 ère Vice-Présidente des LR, je combats toujours farouchement l’alliance des conservateurs et des populistes, sorte de Nupes de droite. Je crois en une droite sans complexe où rien n’est tabou : ni l’autorité en matière régalienne dans les domaines de la sécurité, de l’immigration, de la justice ou de la défense ; ni la justice en matière sociale ; ni la liberté en économie ; ni la responsabilité en matière d’écologie ; ni l’efficience en matière de santé et d’éducation. Il s’agit de porter un projet qui ne privilégie pas le régalien au détriment de l’économie, ni la santé au détriment de la liberté ou du travail, ni l’humanisme au détriment de la sécurité, ni le social au détriment de l’équité, ni l’égalité dans l’éducation au détriment de l’excellence. En tant qu’élue pendant 6 ans à Bordeaux (1ère adjointe au Maire, Vice-présidente de la Métropole, conseillère régionale de Nouvelle Aquitaine et Vice-présidente de LR) et engagée pendant 15 ans dans des actions caritatives, j’ai pu me forger une conscience politique. Parallèlement, en tant que chef d’entreprise depuis 25 ans, fédérer une équipe de travail, assumer des responsabilités, et définir un cap, est mon quotidien. Cette double expérience rend ma candidature singulière.

4. Les Républicains ont fait leur pire score à la présidentielle. LR est-il toujours le même endroit pour la reconstruire ? Vous même après en avoir été la numéro 2 avez quitté la vie politique en 2019 (Laurent Wauquiez juge que « l’alternative » à reconstruire « doit dépasser les questions d’appareils », Xavier Bertrand pense que son parti « Micro France pourra attirer les gens à qui LR ne parle plus »).

Tentons d’abord de refonder le Parti afin de renouer avec les déçus de LR et de disposer d’un large socle, avant de songer à dépasser les questions d’appareils. Rappelons que LR bénéficie pour cela de fondations solides (l’UDR, le RPR, l’UDF et l’UMP).

5. Vous avez toujours votre carte de LR ?

Oui bien sûr.

6. A l’heure où les crises se multiplient, le libéralisme que vous défendez pourrait effrayer les Français. Comment rassurer ceux qui craignent un déclassement et une paupérisation pour eux et leurs enfants ?

La France est championne d’Europe des prélèvements obligatoires et des dépenses publiques ce qui nous place en tête des nations les plus socialisées, et pourtant on a 9M de pauvres et 5,5M de chômeurs. Nous ne pouvons que constater l’échec de l’État providence ! A contrario, la dernière politique réellement libérale menée en France a été celle d’Edouard Balladur en 1986 et elle avait porté les fruits de la croissance et de la prospérité. Nous ne pourrons donc pas faire l’impasse sur la nécessité de repenser le rôle et la place de l’État, de questionner le rapport aux dépenses publiques, d’encourager les initiatives individuelles et entrepreneuriales, de revoir en profondeur l’organisation bureaucratique qui obère l’efficacité des services publics. Par ailleurs, il ne faut pas confondre libéralisme et capitalisme ou mondialisme et il faudrait beaucoup de pédagogie pour enfin sortir de la diabolisation du mot libéralisme et s’accorder sur sa définition. Quand les gilets jaunes ressentaient l’injustice profonde d’une taxation qui nous dépossède du fruit du travail, retenant près de 2€ gagnés sur 3 au total, et piétinant ainsi nos droits fondamentaux de propriété, ils étaient libéraux ! Le libéralisme c’est aussi la défense des libertés individuelles et la crise sanitaire nous a montré combien elles pouvaient être remises en cause.

7. Le projet politique que vous portez serait-il très différent de celui défendu, au sein de la majorité présidentielle, par Edouard Philippe ou Bruno Le Maire ? Les LR doivent-ils travailler avec Emmanuel Macron ?

Il y a des différences majeures. La grande faiblesse du macronisme c’est le régalien avec une disparition inquiétante et flagrante de l’autorité de l’État, une insécurité croissante, un déni évident face à la menace islamiste et une absence d’action sur l’immigration, ainsi qu’une incurie dans la gestion des dépenses publiques hors covid. En outre, le « en même temps » d’Emmanuel Macron montre quotidiennement ses limites, encore récemment sur le droit de vote des étrangers.

8. Vous avez été la vice-présidente de Laurent Wauquiez à la direction des Républicains, en 2017. Est-il le candidat naturel de la droite pour 2027 comme certains le souhaitent ?

L’heure est à la refondation du Parti et, comme je l’ai déjà dit, à la reconquête de la confiance et de la fierté ! Mettons fin à la mauvaise habitude consistant à mélanger reconstruction du parti et préparation des présidentielles. Le temps n’est donc pas venu de savoir qui de François Baroin, Xavier Bertrand, David Lisnard, Valérie Pécresse ou Laurent Wauquiez portera nos couleurs aux présidentielles de 2027. Reconstruisons d’abord, projetons-nous ensuite.

Denis Lafay de « La Tribune » craque pour le premier roman de Svetlana Pironko

Quelle belle découverte que le premier roman de Svetlana Pironko, UNE HEURE AVANT LA VIE, qui parait en cette rentrée littéraire chez Le passeur. On voyage de Paris à Londres, d’Edimbourg à Assouan, de la mer Méditerranée aux steppes d’Asie centrale. Surtout, d’une plume virevoltante et incisive, l’autrice nous invite dans le corps et dans l’âme, dans les jouissances et les tourments d’une FEMME LIBRE. Et cela au travers des relations tour à tour insécables, enflammées, endormies, brisées, ressuscitées qui la lient aux femmes et aux hommes de son existence. Une phrase résume ses dilemmes et l’origine des bifurcations de son itinéraire : « Elle aime Grégoire, mais elle n’aime plus leur vie ». D’ailleurs on aimerait connaître son père, Taïa, Grégoire, Nina, Diego, Nounou, Clavell, Jean-Loup, Ptit’ Prince… , ceux dans les pas ou loin desquels elle avance et déchire le brouillard.
Une heure avant la vie parle aux tripes parce qu’il est composé avec les tripes. Il éveille le désir de rencontrer l’autrice, puis de l’interroger : « Où » êtes-vous dans le corps et dans l’âme de L., cette « femme-luciole » qui semble infaillible mais est lardée de lézardes ? Qui semble invulnérable mais est si fragile ? Qui semble indépendante mais dépend tant d’autrui ? Et qui, subtilement, ouvre ses brèches au lecteur pour qu’il questionne ses propres fragilités, là où sont nichés les trésors ?

Grand entretien de Laurent Sedel dans Lettres capitales

Interview. Laurent Sedel : Ce n’est pas un hasard si j’ai intitulé le livre «petite histoire», c’est pour m’opposer à la «grande», celle des historiens

 

Le Professeur Laurent Sedel, chirurgien orthopédiste de renommée internationale et ancien chef de service à l’Hôpital Lariboisière, publie sous le nom de Laurent Geoffroy un livre autobiographique où l’histoire personnelle rencontre l’Histoire majuscule, Petite histoire d’un juif français – Résurrections. Derrière ce sous-titre à nuances itératives, se cachent des circonstances incroyables qui poussent l’auteur à faire l’éloge de la solidarité humaine à laquelle il doit son existence et celle de sa famille.

Professeur, le public vous connait plutôt grâce à vos livres sur l’état de l’hôpital et sur les techniques des prothèses de hanche dont vous êtes un des grands spécialistes reconnus mondialement. Vous venez de publier un livre à forte connotation personnelle, Petite histoire d’un juif français – Résurrections. Quel a été le ressort intérieur qui vous a poussé à écrire et publier cette autobiographie signée en plus par votre nom de naissance, Laurent Geoffroy ?

J’ai beaucoup de plaisir à écrire : je l’ai fait sur différents supports : Libération, le Monde où je m’exprimais beaucoup sur l’hôpital, la recherche. Ceci m’a conduit à écrire deux livres publiés chez Albin Michel, livres très critiques sur l’administration hospitalière, le poids des mutuelles et assurances complémentaires. Publiés il y a respectivement 13 et 11 ans, ils n’ont pas pris une ride. A une époque, vous pourriez trouver dans le courrier des lecteurs du monde des textes dont j’étais l’auteur. C’était un challenge. Ces courts écrits, que je rédigeais dans la nuit, confortaient mon ego. Je savais qu’ils étaient sélectionnés à partir de milliers d’autres textes. C’était très amusant à écrire aussi.

Ce livre : Résurrections (le vrai titre, modifié par l’éditeur), n’est pas strictement une autobiographie, c’est l’histoire à peine romancée de mes parents, de leur histoire incroyable pendant la deuxième guerre mondiale c’est aussi l’exposition d’idées fortes que je n’assume que partiellement. C’est pourquoi, j’ai préféré en laisser la paternité à un alter ego : Georges, qui me permet de me mettre en retrait en quelque sorte. J’avais aussi réalisé que l’histoire de mes parents, ma naissance ne peuvent être autobiographiques. Je m’en explique dans différents passages du livre. Signer ce livre de mon nom de naissance me permettait de faire entrer immédiatement le lecteur dans l’histoire, et aussi dans cette incroyable brutalité : obliger une mère à faire déclarer son fils de père et mère inconnus, uniquement pour se protéger elle-même de la police de Vichy. Cela permettait aussi par cette couverture de faire entrer l’histoire de cette sage-femme admirable. L’histoire de mes parents autour de ma naissance me permettait surtout de traiter des sujets que j’ai à cœur : l’un prégnant est l’utilisation qui est faite de ce massacre des juifs (sans oublier les homosexuels, les roms). Cette utilisation prend différentes formes que j’explique dans le livre. Cette utilisation, je ne l’accepte pas quand elle permet à certains humains de s’en draper pour pouvoir impunément asservir d’autres humains. L’autre sujet est une certaine compassion que j’éprouve pour les descendants des actifs de l’époque qui n’étaient pas du bon côté de l’histoire, comme moi. Ils n’y étaient pour rien mais peuvent subir toute leur vie cette forme de culpabilité qui peut d’ailleurs les conduire vers des voies politiques extrêmes.

En donnant la parole à Georges, votre alter-ego, vous avouez le laisser « raconter à sa façon » l’histoire de votre famille, et « rendre hommage à tous ceux dont l’action […] a permis qu’il existe, que sa famille survive et qu’il soit encore là […] pour raconter ». Peut-on dire que votre livre est également né de ce besoin de gratitude et de cette exigence de mémoire ?

Bien sûr, ce besoin de témoigner de cette gratitude, dont le symbole est déjà dans ce faux nom de Geoffroy, attribué par la sage-femme qui délivre ma mère ; est ce son nom à elle ? J’aime le croire. Et la remercier ainsi. Et puis tous les autres : le gendarme qui adresse la lettre retrouvée sur le quai d’une gare où passe le train pour Auschwitz et l’envoie à ma mère alors cachée et qui la reçoit, et plusieurs autres ; des gens simples, la femme de ménage de mes parents, le maire d’Igny, pas forcément des justes qui ont été encensés. Des gens bien.

« Écrire sur l’histoire de ses parents, sur soi-même, c’est plus que délicat », écrivez-vous. Comment comprendre cette phrase, surtout lorsque vous reconnaissez dans le même paragraphe avoir besoin « d’introduire une distance » dans le récit des faits ? Et pourquoi Georges « a choisi de raconter ce qui arrivait comme dans un roman » ?

C’est une question que je ne cesse de me poser. Tous les faits, les lieux, les prénoms de mes parents sont faux. Pourquoi ? je crois que c’est le désir de rester caché, pas trouvé par l’ennemi, je m’en explique vers la fin où je tente de remettre les pendules à l’heure et les lieux à l’endroit. Le lecteur intelligent qui a suivi doit pouvoir le comprendre. C’est aussi une façon d’entrer dans la littérature, avec ce que l’écrit permet, en quittant le style d’une vraie biographie.

Quelle signification porte le sous-titre de votre roman ? Qu’entendez-vous par ces Résurrections dont le pluriel a ici toute son importance ?

Depuis quelques années, il m’est venu l’idée que mon existence était une anomalie, après cette naissance improbable d’une mère qui avait passé 4 mois à Drancy l’année précédent ma naissance, et puis après ma greffe du foie. C’est cette dernière qui m’a fait penser que ces résurrections étaient la base du bonheur : la palingenèse que j’évoque et dont mon père, au retour des camps a dû souffrir (ou bénéficier) aussi. On est là dans un essai philosophique : discussion sur le bonheur que l’on trouve dans l’oubli, thème récurrent, ou bien dans la résurrection à partir d’un traumatisme fort.

À travers l’histoire de Georges, vous abordez toute une série d’aspects que souhaiterais aborder avec vous. Le premier est celui de vos origines – dont celle de vos grands-parents, de vos parents et de vous-même –, de votre naissance et de votre judéité que vous apprendrez plus tard. Quelle place occupe pour vous cette problématique ?

Curieusement, assez peu. Si j’ai quelques regrets d’être totalement incapable de remonter l’histoire de mes ascendants au-delà de mes grands-parents, je n’éprouve pas de réels besoins à ce sujet ; quand à ma judéité, elle ne m’intéresse pas. Je suis avant tout français, athée. Cette judéité m’interpelle uniquement par rapport aux autres. L’antisémitisme est un mystère que j’évoque souvent sans parvenir à en comprendre les mécanismes. J’ai aussi quelques réticences à adhérer à tous les aspects communautaires. Je sais bien que ma critique parfois acerbe de la politique israélienne participe en fait de l’exigence que j’éprouve pour cette communauté dont je me sais proche. Je suis sans doute plus exigeant avec elle que je le serai avec d’autres communautés, plus étrangères. Je place l’humain avant tout. Je l’ai beaucoup pratiqué dans mon métier, pense bien le connaître avec toute sa diversité dont je ne me lasse pas. Etant en contact avec différents milieux, je suis plus intéressé par ceux qui ne sont pas juifs, ceux qui peuvent avoir de la jalousie pour ce peuple, élu, pour ce peuple dont les souffrances sont exposées, magnifiées, presque encensées. Ces non juifs, en France peuvent imaginer leurs parents comme participants à ce crime odieux, c’est difficile. Ils s’exonèrent de différentes façons : certaines ridicules : c’est le négationnisme, d’autres plus habituelles : c’est pour moi l’explication des votes pour l’extrême droite : Marine Le Pen ou Zemmour ; ce dernier a su parfaitement jouer de ce ressentiment bien français en communicant sur ce que certains attendent : Pétain a aussi sauvé des juifs. Il y a gagné pas mal d’électeurs alors que tout son discours est contre les immigrés, symbolisant en quelque sorte une sorte de pétainisme à la française de 2021. La France est un drôle de pays où René Bousquet le haut responsable de la rafle du Vel D’Hiv a été pendant encore de nombreuses années le meilleur pote de Mitterrand.

Lié à vos origines, l’aspect générationnel est absolument intrinsèque, s’imbriquant comme des poupées russes tout au long de l’histoire du XXe siècle à travers l’immigration, la naturalisation, les affres de la guerre et des camps de la mort. Comment vit Georges toute cette épopée familiale ? Quels sont ses souvenirs, ses joies et ses peurs ?

Georges rapporte ces faits le plus objectivement possible ; il les reconstitue à partir de données qu’il a lui-même obtenues de ses proches ; il y a les écrits de son père qui avait comme lui ce gout de l’écriture. Il aurait bien aimé connaitre ce grand père Siga dont il porte le deuxième prénom : Sigismond. Les autres grands parents, il les a vraiment connus puisqu’ils vivaient ensemble dans cette grande maison de Bièvres. Comme dans toutes les familles, il regrette quand c’était possible de ne pas les avoir mieux interrogés. Georges menait sa vie comme d’autres, l’adolescence, les études ne sont pas propices à se poser des questions sur ses origines. Plus tard, on le regrette, c’est certainement mon cas. Je raconte mon voyage récent à Lviv, lieu de naissance de mon père et la surprise d’y avoir vu une belle et grande ville Mitteleuropa, lieu de naissance de mon père mais aussi du boucher de Pologne : Hans Frank ainsi que du procureur de Nuremberg, celui qui a défini le terme de Génocide appliqué aux crimes nazis. Je laisse en réalité l’histoire aux spécialistes, aux historiens. Ce n’est pas un hasard si j’ai intitulé le livre « petite histoire », c’est pour m’opposer à la « grande », celle des historiens.

Parmi ces peurs, Georges relève ce qu’il appelle « les peurs irraisonnées », en parlant de l’antisémitisme, y compris de nos jours. Selon lui, « il faut apprendre à remettre l’histoire, la vraie, au centre du débat ». Quel sens ont pour vous ces paroles qui appellent au sens de la responsabilité et de la sagesse afin d’éviter d’aviser les haines et les ressentiments ?

Là je fais un peu de politique. J’ai depuis longtemps compris que la peur est un socle de pouvoir, que la ou les peurs nourrissent les médias, et qu’il est de plus en plus difficile d’avoir un débat serein sur de multiples sujets de sociétés. Le racisme fait partie pour moi d’une certaine peur de l’autre. Le réchauffement climatique en est un : la température monte, c’est certain. Mais au-delà, le rôle de l’homme reste en débat : important pour le GIEC, plus restreint ou mal évalué pour d’autres dont je fais partie ; comme esprit rationnel je crois surtout que l’on retrouve dans cette affaite l’arrogance humaine qui se targue de régler le problème, ce dont je doute. Il faut reconnaitre notre impuissance, prendre sans doute des précautions, économiser nos ressources : soit, mais après ? Israël pour moi survit sur des peurs : peurs des arabes, des musulmans, peur d’une démographie qui n’est pas en faveur de ce petit pays qui veux à tout prix rester juif. Eliminer ces peurs, apprendre à vivre ensemble, c’est la base de toute solution, même si la prudence impose de rester armé et vigilant.

Vous évoquez vos grands-parents nés en Bucovine, appartenant à l’époque à la Roumanie. De tous les membres de votre famille, Siga, votre grand-père et sans doute la figure la plus puissante. Sa naturalisation, telle que racontée par Sara, la mère de Georges, représente pour lui un moment d’immense joie et de fierté. Décrivez-nous cette figure du grand-père. Et celle de tante Gisèle, figure pittoresque rendant visite à votre famille, de sa ville de Bucarest où elle habitait ?

Siga ou Sigismond est finalement le seul que je n’ai pas connu. Tout son souvenir m’a été rapporté par sa femme, sa fille ou son fils. J’ai pu aussi avoir quelques photos de lui déjà à un certain âge. J’imagine qu’il avait une forte personnalité, certainement très attachante. J’ai réalisé récemment qu’il a fait partie de la « rafle des notables » médiatisée par Anne Sinclair. Comme je le raconte dans le livre, il est parti à la place de sa fille qui était dentiste et que la police de Pétain avait ordre d’emprisonner. Lui n’était certainement pas un notable : représentant de commerce. Je n’ai jamais su de quels objets. Et sa fille, ma mère, jeune femme de 23 ans à l’époque était née à Paris, vivait à Montmartre. Sur quels critères la police réalisait ces arrestations ?

Sur Gisèle, j’ai simplement entendu parler d’elle par ma grand-mère ; j’avais dû la rencontrer petit garçon à l’occasion d’un de ses voyages . Elle a donc continué à voyager après la guerre. Pour le reste, j’ai brodé.

Il est temps d’évoquer les figures des parents de Georges, René et Sara. De leurs vies, on peut tracer deux périodes : celle pendant la guerre avec tous les calvaires des camps et ce que Georges appelle l’expérience de Drancy vécue par Sara, et celle plus calme d’après-guerre. Pouvez-vous dresser les portraits de ces deux êtres chers qui ont été vos parents ?

C’était un beau couple, ils avaient la même origine, avec une enfance dans la pauvreté, une complicité très forte qui explique le manque de prudence dont ils font preuve. Qui, à l’époque, pouvait imaginer la suite ? Ils avaient chacun une personnalité forte, généreuse,. Ils lisaient beaucoup, gout qu’ils ont transmis à leurs enfants. Ils étaient aussi exigeants avec nous, voulant à tout prix que nous soyons les meilleurs en tout. J’en plaisante maintenant, mais les remercie aussi de m’avoir poussé à faire du piano, ce que je continue à faire avec beaucoup de plaisir. Mon père, au retour des camps était très affaibli, mais il en parlait peu, portait beau et après ses 46 ans de vie normale dans une atmosphère sereine a certainement été très heureux.

Enfin, permettez-moi de clore notre discussion avec deux aspects que vous évoquez vers la fin de votre livre : « le sentiment de l’indicible » et « la culpabilité des revenants ». Les deux sont liés aux expériences de vie de votre père et de ceux qui sont revenus des camps, mais aussi de la mort de votre grand-père. Pensez-vous que ces sentiments ont encore un sens aujourd’hui, que l’Histoire soit encore capable de ressusciter ces peurs, ces haines et ces doutes ?

Mon père était, comme je le dis plus haut, très heureux. Cependant il gardait toujours une certaine tristesse difficile à analyser ; une partie était sans doute en relation avec cette notion d’indicible et les amalgames facilement faits entre le STO, les prisonniers militaires et les nuits et brouillards des camps de concentration. Il s’est beaucoup battu pour faire respecter cette histoire, rappeler l’état très particuliers des camps de concentrations : usines à tuer, à éradiquer. Il en a été un témoin direct. L’autre raison d’alimenter cette tristesse était cette forme de culpabilité d’en être revenu. C’est mon hypothèse, et c’est Georges qui l’exprime.

C’est aussi pour éviter que l’histoire ne recommence que j’écris. Il faut oublier ou au moins reléguer l’histoire aux historiens, sinon, nous sommes condamnés à ressasser en permanence, à monter des victimes les unes contre les autres, à susciter des haines qui peuvent, instrumentalisées, aboutir à des conflits armés. C’est pourquoi je tente de porter un message d’humanité : rappeler ceux qui se sont bien comportés, laisser les nazis et les extrémistes dans leurs marigots nauséabonds, mais aussi expliquer à leurs enfants, nés depuis qu’ils n’y sont pour rien. Et puis tous les humains ne sont-ils pas semblables ? Ce que les communautarismes tentent de réfuter.

Propos recueillis par Dan Burcea

Laurent Geoffroy, Petite histoire d’un juif français – Résurrections, Editions L’Harmattan, mars 2022, 232 pages.