Saisons de culture a aimé « Et cetera… » les poèmes de Hadlen Djenidi

Hadlen Djenidi : La poésie comme miroir et résilience dans l’ère du désenchantement

Dans Et cetera… Poèmes et proses, Hadlen Djenidi offre une œuvre lumineuse et tourmentée, où les mots transcendent les blessures pour explorer l’existence dans toutes ses nuances. Entre fulgurances intimes et interrogations universelles, il réinvente la poésie comme un acte de résistance et une quête de sens dans un monde fragmenté.

Un poète forgé par la douleur et l’exil

Hadlen Djenidi est né dans les Cévennes, au sein d’une famille algérienne ayant émigré dans les années 1960. Ce double héritage, culturel et identitaire, irrigue son œuvre poétique : « Cache tes racines pour survivre, mais ne les oublie jamais », écrit-il dans son récit autobiographique. Mais son enfance est marquée par la violence : celle d’un demi-frère tyrannique, dont les abus façonnent une part sombre de son identité. C’est l’écriture qui devient alors son refuge :

« Les coups ? Je les transforme en alexandrins.

La douleur devient mon encre, la peur mon inspiration. »

Comme Rimbaud, qui sublimait ses errances dans Une saison en enfer, ou Sylvia Plath, qui transfigurait ses souffrances dans Ariel, Djenidi fait de son vécu un matériau brut qu’il polit avec une maturité saisissante.

Quand l’ordinaire devient sublime

Avec In Extremis, Djenidi peint une scène quotidienne, celle d’un arrêt de bus sous la pluie, pour en faire une métaphore de l’absurde et de l’attente.

« La foule se défoule en se taisant sous le porche

Et elle épie les bus qui passent et qui s’effacent. »

Ce tableau, à la fois mélancolique et universel, n’est pas sans rappeler les Tableaux parisiens de Baudelaire, où la ville devient le théâtre des grandes tragédies intérieures. La pluie, omniprésente dans le poème, est à la fois un motif d’humiliation et de révélation : elle colle à la peau, elle isole, mais elle force aussi le regard à se poser sur l’autre, comme lorsque le poète offre un sourire à la vieille dame qui crie.

Une poésie de création et de transmission

Dans Papier Froissé, Hadlen Djenidi exprime une déclaration d’amour à l’écriture :

« Je veux flatter la vie des gens et leurs secrets,

Être un géniteur de bonheur sur du papier froissé. »

Ici, la poésie devient une arme pour capter l’éphémère et le rendre éternel. Ce désir de transcender le temps rappelle Mallarmé : « Tout, au monde, existe pour aboutir à un livre. » Mais là où Mallarmé célébrait une poésie hermétique, Djenidi revendique une écriture accessible, tournée vers l’autre, presque militante.

Son ambition est d’écrire « avant que le temps m’emporte », de transformer ses doutes et ses blessures en quelque chose d’universel. Ce faisant, il s’inscrit dans la lignée de Pablo Neruda, dont les Odes élémentaires chantaient les objets du quotidien pour en révéler la beauté cachée.

Le mythe réinventé : entre mémoire et critique

Dans Genèse, Djenidi revisite le récit biblique avec une audace qui lui est propre :

« Bibelots de genèse, et la voûte céleste se tut !

Qui aurait pu croire en de tels déboires ? »

En imaginant un dialogue entre Dieu et le diable, il interroge les notions de pouvoir, de justice et de responsabilité :

« L’enfer est mon royaume et je m’y sens protégé ! »

Ce poème rejoint les grandes œuvres critiques comme Le Paradis perdu de Milton ou Candide de Voltaire, où les récits classiques sont détournés pour questionner les dogmes religieux ou moraux. Chez Djenidi, cette réécriture devient une manière de réconcilier les mythes anciens avec les problématiques contemporaines.

L’intime comme champ de bataille : quand l’amour brûle

Dans Cruel Duel, le poète explore les contradictions du désir et de la domination :

« Tes mains chaudes se nichent entre les miennes,

Et le vent simplement nous coiffe de délicats baisers. »

Ce poème, mêlant douceur et violence, évoque les ambivalences de l’amour, où l’abandon devient à la fois une libération et une aliénation. L’intensité émotionnelle et charnelle qui s’en dégage rappelle les Sonnets de Shakespeare ou les poèmes de Verlaine, où la passion est à la fois salvatrice et destructrice.

Pourquoi la poésie est toujours essentielle

Dans une époque où l’attention est absorbée par les écrans et les flux d’informations, la poésie offre une respiration, une pause. Elle permet de redonner du poids aux mots et de reconnecter avec les émotions profondes. Hadlen Djenidi l’exprime parfaitement :

« Je veux vivre au subjonctif,

Fuir les méandres du vent passif. »

Comme Baudelaire, Lorca ou Prévert, il démontre que la poésie est intemporelle parce qu’elle interroge ce qui est fondamental : l’amour, la mort, le passage du temps. Dans Et cetera…, chaque poème est une tentative de capturer l’essence de ce qui nous échappe, tout en offrant une vision profondément humaine et accessible.

 Une voix singulière et contemporaine

Et cetera… Poèmes et proses est bien plus qu’un recueil de poésie : c’est une traversée de l’âme humaine, un dialogue avec les grands auteurs du passé, et une réponse aux incertitudes du présent. Hadlen Djenidi, par sa plume vibrante et sa capacité à transcender le quotidien, s’affirme comme un héritier des grandes voix poétiques, tout en mettant en exergue une identité profondément contemporaine.

Ce livre est une invitation à croire encore au pouvoir des mots, à leur capacité de guérir, d’émouvoir et de changer le monde. À lire, à ressentir et à partager.                                      Yves-Alexandre JULIEN

La poésie de Hadlen Djenidi envoûte la Bretagne ! Lisez « Et Cetera »

D’où vient cette impression tenace que la poésie serait d’un autre âge ? C’est précisément tout l’inverse. En cette époque nihiliste, jamais n’en avons-nous eu autant besoin, et jamais ne fut-elle tant d’actualité. Pour preuve, la prose et les vers de Hadlen Djenidi.

La poésie revient à étendre l’expérience esthétique individuelle à l’échelle de tout un chacun. En dépit de la variété des gens auxquels elle s’adresse, observe Dante, la puissance cachée de la poésie réside dans la conviction intime qu’elle fut inventée pour parler d’amour – per dire d’amore. Hadlen Djenidi parle effectivement d’amour. Mais pas seulement. Il est aussi question d’un voyage, celui qu’il propose au lecteur, de son Prologue à l’Oblation finale. Et Cetera…

Le droit du bonheur

Une société courtoise et élégante ne peut être dissociée de la constitution des formes poétiques, à tel point que ces dernières revêtent un caractère spécifiquement littéraire pour chaque époque. Dit comme cela, c’est un peu déclamatoire, certes ; mais il suffit de lire deux ou trois alexandrins et quelques haïku pour y voir l’esprit de la poésie se révéler d’une conception si large et si généreuse qu’aucun lecteur de bonne foi ne peut nier certaines évidences, en particulier celle qu’existe différents types de poésie, au point qu’à la fin du XIXe siècle, elle devient l’excellence de l’absolu littéraire.

Nul davantage que les poètes n’ont plus simplement et plus radicalement posé la question primordiale de l’écriture, c’est-à-dire de la nature, mais aussi de la raison d’un comportement de ce qui est d’abord une façon d’être au monde, en soi une philosophie. C’est en cela que les textes de Hadlen Djenidi enchantent, car ils répondent à la question de savoir ce qu’est un poète autrement qu’en jouant à cache-cache avec les images. Il est ici question d’un art de l’expression visant à suggérer une harmonie du langage par rythmes ; à travers l’ensemble de ses textes, se dessine une histoire qui s’épanouit comme un langage autonome et se dégage lentement de l’écriture proprement littéraire, pour aboutir à l’éclosion d’un indéniable plaisir au fur et à mesure de la lecture. Le poème a soudain tous les droits. A commencer par celui du bonheur.

Réconciliation avec l’envie

Le poète n’a que sa plume – ou/et sa parole – pour éclairer le monde ; il éclaire aussi par analogie le passage de soi à autrui en transmettant le mystère des choses. Le devoir du lecteur est de lire et relire afin de s’imprégner des correspondances symboliques destinées à son imaginaire. C’est précisément ce que réussit Hadlen Djenini, maintenant l’équilibre entre ses vers et autrui (le lecteur). Sa poésie donne à l’espoir un avenir – ou l’inverse : un avenir à l’espoir – telle une petite lueur dont on se rapproche en lisière des forêts. Une question essentielle perdure toutefois. Que se cache-t-il véritablement sous les mots dans une époque d’enfouissement nihiliste et de récession idéologique ? Quelles qualités ? … Quelles vérités ?… Quelle densité révèlent-t-ils ?…

« Jongleur de mots, prêcheur de faux ;
Tu m’as vendu ton bonheur,
Sur une rue comblée de monde.
Tu m’as souri tu es un voleur,
j’ai guetté ton regard qui gronde. »

Nul ne saura jamais vers quel voyage intérieur mène la poésie, car les multiples trajectoires qui y conduisent sont indépendantes à chacun de nous. Seul le poète s’approche en parcourant les abords du chemin. C’est ce que propose Hadlen Djenini : ses observations introduisent à une délicate compréhension du monde, des passions et des désirs qui ondulent sous la surface. En poèmes ou en prose, ses textes sont une invitations. « Tournons en rond comme des ricochets d’étoiles filantes et buvons la nuit ! » Ou encore ceci : « Quelques marmottes et de curieux écureuil veillent sur la dernière heure du vent léger […] » Manière de se réconcilier avec la vie. Mieux, avec l’envie.

Dernier mot et ultime confidence… La poésie est un savoureux mélange de culture et de ressentis grâce auxquels les poètes s’efforcent d’exprimer leur âme. Le travail de chacun d’entre eux est proche d’un nouvel Adam. Avec lui le monde recommence une nouvelle fois, telle l’aurore sans cesse renouvelée au bénéfice de l’heureuse surprise qui exalte joies et sentiments en des vers rappelant certaines mélodies. Ce sont ces effusions subjectives et leurs interprétations universelles qui en font de séduisantes illuminations. « Ma naissance est une parjure sur cette terre sans augure /Forcément j’étais/Passablement je suis/Heureusement je deviendrai tout ce que j’ai rêvé d’être/Un être d’ailleurs, un Vénusien voyageur. » Et Cetera…

Jérôme ENEZ-VRIAD
© Février 2025 –Esperluette Publishing & Bretagne Actuelle

Et Cetera, poèmes et proses de Hadlen Djenini – Write Éditions

Lecture de Hadlen Djenidi par Pierrick de Chermont

Hadlen Djenidi, Et cetera… Poèmes et proses, auto-édition, 2024.
Certes, l’au-édition n’a pas bonne presse et il y a de bonnes raisons à cette réserve quasi-instinctive de nombre d’entre nous. Mais nous n’ignorons pas que cette part immergée de l’iceberg poétique abrite parmi les plus célèbres recueils de la poésie française. Il est donc naturel de rester attentif à sa production. Voici donc le recueil d’un certain Hadlen Djenidi qui nous est présenté comme un français habitant Singapour, ville-état dans lequel je me suis souvent rendu, mais que je n’ai pas distinguée au fil des vers. D’ailleurs, n’est-ce pas étrange cette capacité de notre vie intérieure à être imperméable à l’extérieur, à se nourrir d’elle-même s’il le faut ? 
Dès le premier poème, s’avance une langue orale, rapide avec laquelle le poète va s’interroger sur son existence : « Si j’étais mort, / si j’étais fort. / si j’étais lui / Si j’étais joli » et dès ce  poème tombe la conclusion qui va courir le long des pages ; « Je suis un autre aux mille visages » ou encore, plus frappant avec cette amère pirouette: « je suis un tout revêtu de rien ». 
Parfois ses poèmes prennent un air de ritournelle quand ils se mettent à rimer et cela leur va bien ; le plus souvent, ils optent pour des vers longs, mais qui eux aussi pourrait être mis en chanson. On y trouve de la fraîcheur, de la fragilité provocante, de la plainte et une itinérance qui voulut se réchauffer par des rencontres. Ainsi, poème après poème, nous accompagnons un je qui se rend à l’Opéra Garnier, retourne sur ses terres d’enfance avec des « frivoles framboises », fête une après-midi enjouée avec des forains, traîne dans un bistrot de la rue Saint-Lazare. Nous tournons avec lui les pages mémorielles d’une France des années 80, quand vivaient Mitterand et Gainsbourg et que frappaient à sa porte les feux de la jeunesse. Suit le temps des amours, ici des amants, d’abord empreint d’une simplicité adolescente, avec ses grâces et ses sanglots, puis d’une recherche plus anxieuse, blessée, trompée, hallucinée par l’alcool et la drogue. Le je alors se revêt des habits d’« un comédien, un clown, un larbin », se plaint de vivre « à contresens », « à l’envers », se perd à force de mensonges (« je mens »), de s’étourdir en fumant « l’écume de mes regrets », de boire le fiel du remords qu’il voudrait couper par une confession enlarmée d’avoir été « un enfant de la malchance ». Avec une fierté encore debout, il s’insulte (se blesse) : « Sur mon visage de pauvre con / Et cetera… j’écris ma chanson » tandis que sa quête d’amour se mue en un appel à la détestation : « Et cetera… Exécrez-moi ». Reste qu’à travers ce recueil, le je jamais ne cesse de vouloir éprouver, en lui ou en d’autres, cette boule chaude qui bat en lui et qu’il étreint, qu’on appelle la vie, faut de mieux, ou poème si on trouve un papier buvard.