Actualitté, le site de référence, recommande « Un drôle de goût ! » d’Alain Schmoll

Un drôle de goût ! : un thriller sous le signe d’une cyber-attaque

Thriller hyperréaliste, Un drôle de goût ! fait suite à La tentation de la vague, roman publié chez L’Harmattan en 2019, et ressorti chez Cigas SAS en 2022. Les deux volumes peuvent toutefois se lire indépendamment l’un de l’autre, comme le précise Alain Schmoll sur le quatrième de couverture. Chronique par Étienne Ruhaud.

Remettant en scène les figures de Werner Jonquart et de Julia, l’auteur construit une intrigue pleine de suspense, mettant en scène divers réseaux. 

Un thriller international…

Issu de la grande bourgeoisie genevoise, Werner Jonquart adhère, encore étudiant, aux thèses d’extrême-gauche. À cette occasion, l’homme rencontre Julia, future avocate brillante avec laquelle il voyage, notamment à Cuba.

Ayant finalement repris l’affaire familiale, soit la fromagerie Jonquart, Werner s’éloigne peu à peu de Julia, fidèle à l’idéal révolutionnaire, et qui désormais ne voit en lui qu’un homme d’affaires. S’étant choisi un autre destin, Julia sort finalement avec un avocat bordelais, et donne naissance à une fille, Léna. Célibataire, donc, mais homme à femmes, Werner mène l’entreprise avec brio, signant de nombreux contrats. Et c’est là que les soucis arrivent.

Un « drôle de goût » apparaît effectivement dans les produits phares de la marque, tel le « Vieux Prioux ». Parallèlement deux sociétés proposent de racheter le groupe. L’une est dirigée par Matthew McFermack, tycoon américain particulièrement brutal, et dont le comportement n’est pas sans rappeler celui de Donald Trump. L’autre, Tofenum, est dirigée par des Chinois, et donc liée au parti communiste, et… aux Triades.

Toutes deux offrent un montant mirobolant, ce qui semble d’emblée suspect. Outre-Atlantique, Werner découvre un McFermack grossier, sinon menaçant, secondé par un certain Jason, lui aussi insistant. Faisant monter les enchères, il finit par vendre aux Chinois, mettant McFermack en fureur.

De nouveaux problèmes se font jour, toutefois. Un des cadres, le pentester (nommé justement pour découvrir les failles et déjouer les pièges) Dany Schlechter, meurt subitement, mystérieusement. Parallèlement, le groupe subit de plus en plus de cyberattaques, et Werner est physiquement menacé. Outre les Américains et les Chinois, l’ultra gauche, qui voit en Werner une incarnation polymorphe du Mal, détruit littéralement son appartement parisien, sur l’île-Saint-Louis.

L’homme d’affaires, qui s’est entre temps remis en couple avec Julia, craint également de voir sa belle-fille, la petite Léna, massacrée par un commando. Américains comme Chinois sont effectivement liés à des groupes mafieux particulièrement violents, pratiquant torture et assassinat. Werner peut toutefois compter sur le soutien d’une amie d’enfance, devenue major chez Interpol, Stéphanie.

La fin du livre est assez inattendue, et se déroule sur une île, au Sud de la Floride…

Un récit réaliste et haletant

Ayant lui-même eu d’importantes responsabilités, Alain Schmoll maîtrise parfaitement la culture d’entreprise, son vocabulaire et ses codes, ainsi que les notions économiques.

Nous sommes ainsi surpris par la précision des termes, par le réalisme balzacien propre à Schmoll, qui connaît vraiment ce milieu… Réalisme qui se trouve encore renforcé par le préambule, rédigé en… mai 2029 par un mystérieux (et fictif) écrivain public, censé avoir aidé Werner Jonquart dans la rédaction du livre !

Dans un premier temps, il [Werner Jonquart] avait voulu raconter lui-même ces péripéties troublantes, telles qu’elles se produisaient, au moment où il leur était confronté. Il avait commencé à en écrire les chroniques. (…) Puis tout s’est aggravé. (…) Écrire ne lui a plus été possible.

 

– Extrait d’Un drôle de goût !

Réalité et imagination se mêleraient donc, ici.

Le suspense est également maintenu, l’histoire étant riche en rebondissements, souvent inattendus. Il s’agit ainsi d’un roman très actuel, parfaitement intégré au présent. L’entreprise Jonquart est par exemple victime de cyberattaques, comme il est hélas d’usage aujourd’hui.

L’action se situe également en mai 2024, juste avant les Jeux Olympiques, dans la confusion des travaux d’aménagement. Tout semble donc pensé pour que le lecteur adhère au propos, pour maintenir la vraisemblance.

À travers les discussions, parfois animées, de Werner et Julia, se dessinent les contours d’une authentique réflexion politique : demeurée marxiste, Julia souhaite un changement brutal, global, quand Werner désire maintenir une forme de capitalisme social-démocrate. Julia évoluera avec le temps.

Quelle est clairement la pensée d’Alain Schmoll ? La question reste ouverte. En tous cas, Un drôle de goût ! n’est pas qu’un banal thriller un peu primaire, sans qu’on puisse, pour autant, parler d’essai théorique. Par moments, Schmoll paraît également se laisser aller au lyrisme. Plusieurs passages sont ainsi très poétiques, écrits dans une langue sobre mais élégante :

L’après-midi tire à sa fin. La température a un peu fléchi. Le soleil, éblouissant, descend sur la Seine, irradiant ses eaux filantes d’une lumière presque blanche.

 

– Extrait d’Un drôle de goût !

Trop ambitieux ? 

La critique qu’on pourrait adresser à Schmoll, c’est peut-être d’en avoir voulu trop faire. Malgré les efforts pour maintenir le réalisme, et la vraisemblance, on ne peut que difficilement croire dans le caractère rocambolesque des aventures de Jonquart, homme menacé de partout.

De surcroît, on pourrait également reprocher à Schmoll d’user de certains clichés : le dirigeant américain est nécessairement trumpiste, égocentrique et libertarien, proche des cartels colombiens… Les Chinois sont proches des triades…

Toutefois, et en dépit de ces quelques réserves, Un drôle de goût ! demeure un roman cohérent, assez bien construit, et qui tient le lecteur en haleine. 

« Un roman qui titille la morale » : Tribune Juive a aimé « Un drôle de goût ! » d’Alain Schmoll

La Chronique estivale de Jérôme Enez-Vriad- “Un drôle de goût !” : le nouveau roman d’Alain Schmoll

Un drôle de goût ! : le nouveau roman d’Alain Schmoll

Alain Schmoll est de retour avec un roman à suspense. Son titre : Un drôle de goût ! L’intrigue se profile dans un monde inquiétant au sein duquel on reconnaît le nôtre par analogie. La seule limite de l’histoire est l’imagination fertile de son auteur. Voyons donc… 

Après son étonnant La tentation de la vague (L’Harmattan, 2019 ; Cigas, 2022) Alain Schmoll revient avec un thriller des plus haletant. Il s’agit d’une plongée dans les méandres d’un univers qui ressemble beaucoup au nôtre, où les problèmes quotidiens apparaissent au format d’une fable contemporaine en frontière avec la réalité. Inspiré de faits imaginaires que le lecteur est invité à croire réels, Alain Schmoll offre avec Un drôle de goût ! bien davantage qu’une simple histoire à suspense. 

Le sifflement du serpent

Alain Schmoll signe un cinquième roman ambitieux, mieux ! audacieux, surprenant par sa construction dans laquelle se superposent Feuillets et Chroniques intercalées, sorte de mise en abîme de l’auteur qui, dans le préambule, affirme être collaborateur du travail d’écriture de son héros, un certain Werner Jonquart. « Mon nom ne dira rien à la plupart d’entre vous. Il arrive pourtant que votre œil s’arrête sur mes mots, qu’il suive le fil de mes phrases. J’écris sur toutes sortes de sujets, importants ou mineurs, graves ou futiles, passés ou futurs ; j’écris pour des journaux, pour des magazines, pour des éditeurs. » Et. Un peu plus loin. Dans l’introduction. Nous apprenons ceci. « Tout a commencé de façon diffuse, impalpable. Comme le murmure introductif des cordes, avant que l’orchestre n’emplisse en force l’espace sonore. Comme le souffle éthéré d’une brise tiède annonciatrice de tempête. Comme le sifflement d’un serpent méditant une attaque sournoise. » De quoi diable ! s’agit-il donc ? D’une intrigue financière sur fond de contamination alimentaire et… Stop ! Ne dévoilons pas le complot, car c’est bien de cela dont il est question, et rien n’est plus frustrant pour le lecteur que d’en trop connaître avant d’entamer l’histoire. Disons qu’il y a du Robin Cook (on pense à Toxine) et du John Grisham dans ces pages. Alain Schmoll joue avec les nerfs de ses lecteurs comme le bourreau s’amuse à repasser le scalpel sur la plaie. 

Une étrange maladie

Un drôle de goût ! se lit comme une médication qui vous fait trembler de l’intérieur, à la manière d’un exorcisme horrifique accentué avec la dose supplémentaire du chapitre suivant ; nul ne prononce d’ordinaire le nom de cette étrange maladie méconnue par la nouvelle génération, pas même les professeurs qui semblent ne plus la connaître, elle se résume pourtant en quatre petits mots : le plaisir de lire. Au fil des pages, Alain Schmoll réussit à nous faire regretter une journée sans lecture, telle est l’étonnant pouvoir de son livre : si singulier, si étrange que l’on se fait d’une construction romanesque classique, puisque ses Chroniques et Feuillet intercalés transfigurent l’équilibre de son texte autant qu’ils en refondent l’agencement sans lourdeur ni maladresse. 

Chapitre 9 de la 1ère partie (page 134) : « Le soleil s’étendait en un vaste halo blanc, plus puissant que le bleu du ciel, qui lui cédait en intensité. Frappée par des rayons impitoyables, la neige prenait l’aspect d’une nacre éblouissante. » ; chapitre 13 de le 2ème partie (page 296) : « Marcher, tout seul. Une bonne méthode pour s’oxygéner l’esprit, pour tenter de réfléchir fructueusement à une solution aux problèmes qui se posent. » ; et, un peu plus loin : « À l’angle du pont et du quai, à une cinquantaine de mètres de l’entrée de leur immeuble, Werner s’arrête, s’accoude au parapet et contemple distraitement les flux de navigation montants et avalants. » Trois extraits qui donnent envie de renier ce que l’on vient de lire en poursuivant sa lecture. Je m’explique. Toute avancée romanesque est animée par le souffle paradoxal des contraires. Alain Schmoll exploite la fadeur de l’angoisse comme personne, grâce à des phrases et des images simples qui nourrissent un suspense construit sur une intrigue où s’entrecroise la primauté de deux imaginations fertiles : la sienne et celle du lecteur. 

Avant que l’histoire ne s’achève 

Du baptême au dernier verre de rhum, la vie est un livre ouvert dont nous refermons les pages sans toujours avoir eu le temps de les lire. Certains les parcours en diagonal… D’autres les dévorent de la première à la dernière ligne… Werner Jonquart, héros de notre histoire, ne laisse personne lire aucune page à sa place, et nous incite à en faire de même… S’il fallait deux bonnes raisons pour lire Un drôle de goût ! , la première serait de glisser un roman d’été instructif dans son sac de plage ; la seconde relève d’une intrigue qui ne vous glace pas seulement le sang, elle vous titille aussi la morale dans ce qu’elle a de plus géométriquement variable lorsqu’elle est davantage soucieuse de profit que d’éthique. 

Un drôle de Goût

Roman d’Alain Schmoll

Éditions Cigas – 325 pages – 13,90 €

Jérôme Enez-Vriad

© Juillet 2024 – Tribune Juive & J.E.-V. Publishing

« Un cheminement de thriller passionnant » pour « Un drôle de goût ! » d’Alain Schmoll

Alain Schmoll, Un drôle de goût !

L’auteur reprend les personnages de La tentation de la vague, paru en 2020, pour distiller un nouveau thriller financier à la manière de Sulitzer (et de ses nègres) jadis. C’est plutôt réussi, avec les mêmes défauts que dans le roman précédent : un début poussif, trop long, qui s’étale sur la vie privée passée sans enclencher l’action. La « préface » (datée de « mai 2029 »!) d’un faux rédacteur qui aurait connu les personnages est inutile et alourdit l’intrigue, d’autant qu’elle n’ajoute rien. Mais, une fois parti et passé le premier quart, c’est passionnant.

Werner Jonquart est fils de famille entrepreneur, patron depuis sept ans d’une multinationale familiale suisse du fromage de bonne réputation. Il sait déléguer et il finit par s’ennuyer. Alors, pourquoi ne pas vendre ses parts ? Il en possède assez peu, conservées dans une holding de tête qui elle-même possède des participations qui… au total une fraction du capital, mais suffisant pour assurer la direction.

Une fois cette idée instillée en lui, il est approché par deux groupes, l’un américain et l’autre chinois. Tous deux sont des fauves redoutables du capitalisme. Le premier en égocentré libertarien qui n’hésite pas à user de tous les moyens pour parvenir à ses fins, y compris les alliances troubles avec les mouvements extrémistes de droite trumpiste et les cartels colombiens. Le second en mandataire de l’Etat-parti chinois qui a le temps et les moyens pour lui et qui n’hésite pas à manipuler les banquiers des Triades qui font du trafic en tous genres ; des malversations tolérées par le régime s’il affaiblit l’Occident.

Werner a la fatuité de vouloir lui-même fixer les règles du jeu : une date et heure précise pour les offres ultimes, la possibilité de refuser, le cautionnement de 90 % du prix proposé à l’achat qui sera ferme et définitif une fois l’offre acceptée, le tout scruté et bardé par une bataillon d’avocats. Comme si les requins de la finance allaient obéir à des règles…

D’ailleurs, un drôle de goût survient dans certains fromages du groupe, pas partout et pas tout le temps. C’est un hacking habile qui a introduit un cheval de Troie dans le système informatique régissant les dosages. Le pentester (je ne connaissais pas ce métier neuf !) mandaté pour trouver les failles est curieusement retrouvé mort peu après s’être vanté de pouvoir remonter à la source ; il aurait succombé à une overdose dans sa baignoire, lui qui ne prenait aucune drogue… Cette déstabilisation ne serait-elle pas opérée pour faire baisser les cours de bourse et disposer d’un moyen de pression sur le « deal » ?

Comme la pression ne fonctionne pas, objectif sa vie privée. Werner est un homme à femmes depuis tout petit, mais l’homme d’une seule femme depuis son adolescence attardée lorsqu’il fut gauchiste à Cuba. Julia est son alter ego, avocate vouée aux causes libératrices, des femmes battues aux écolos anti-pollution. Elle est restée idéaliste, lui devenu réaliste. Ils se voient, se quittent se remettent, s’ennuient et se séparent, se regrettent et se remettent : drôle de goûts… Julia est mère d’une petite fille qu’elle a eu avec un avocat de Bordeaux, duquel elle s’est séparée, et qui a refait sa vie avec une autre en lui enfournant quatre enfants, elle qui en avait déjà deux. L’auteur s’amuse.

Mais Julia fréquente à Paris des gauchistes attardés de plus en plus radicaux depuis qu’ils voient que ça ne marche pas et que la jeunesse se détourne de leurs idéaux utopistes et irréalisables. De quoi être prêts au terrorisme de type Brigade rouge ou Action directe. De dangereux « insoumis » qui provoquent et paradent, agitateurs professionnels pour bouter le chaos dans la politique, l’économie, la société. Bizarrement, pour un auteur très au fait de l’actualité, la connexion islamiste n’apparaît jamais dans ces dérives sectaires à la Mélenchon, pourtant elles existent dans les mentalités. Reste que le gauchisme activiste est aussi un ennemi pour Werner, outre l’extrême-droite affairiste yankee et les Triades du parti communiste chinois.

De quoi s’en inquiéter, d’autant que l’affaire traîne à se faire. D’ailleurs, une question se pose : pourquoi diable un conglomérat américain et une entreprise chinoise veulent-ils à tout prix acheter une entreprise familiale suisse de fromages ? Certes, elle est installée à Genève, certes, elle a une excellente réputation auprès des banques, certes, elle est à proximité des Ports-francs et Entrepôts de Genève, zone peu réglementée qui abrite très souvent des œuvres d’art stockées comme en banque en dépôt sous douane illimité – parfois volées ou pillées. Est-ce la raison ? Mais la Fromagerie Jonquart ne loue aucun entrepôt dans les Ports-francs.

L’Américain mandate un commando de Colombiens pour zigouiller les Chinois, lesquels tentent d’enlever au GhB en plein Paris une Julia trop confiante. L’affaire se corse, si l’on ose dire. Werner va tout d’abord se rapprocher dune amie d’enfance devenue major à Interpol, puis, comme les enquêtes sont lentes et les menaces de plus en plus précises, il va devoir actionner ses petites cellules grises pour trouver une parade. Il s’agit de sauver sa vie, celle de sa compagne et de leur fille (il a adopté celle de Julia, dont son père biologique se désintéresse), et celle de son entreprise.

Il va trouver… et c’est plutôt original même si l’on se dit (mais après coup) que « bon sang, mais c’est bien sûr ! » Je ne vous en dis rien, ce serait ôter le suspense, même si c’est le cheminement du thriller qui passionne plutôt que la fin.

Alain Schmoll, Un drôle de goût !, 2024, éditions CIGAS SAS, 333 pages, €13,90, e-book Kindle €4,49 (mon commentaire est libre, seuls les liens sont sponsorisés Amazon partenaire)

Attachée de presse BALUSTRADE : Guilaine Depis, 06 84 36 31 85 guilaine_depis@yahoo.com

Les romans d’Alain Schmoll déjà chroniqués sur ce blog

« Un drôle de goût ! » d’Alain Schmoll : L’enquête vérité sur les cyberattaques, les narcotrafiquants et les secrets entrepreneuriaux

« Un drôle de goût ! »: L’enquête vérité sur les cyberattaques, les narcotrafiquants et les secrets entrepreneuriaux

■ Alain Schmoll
 

Par Yves-Alexandre Julien – Journaliste Culturel

Dans son cinquième roman, Un drôle de goût !, Alain Schmoll tisse une toile complexe où se mêlent intrigues entrepreneuriales, cyberattaques et réseaux de narcotrafiquants. Le retour de Werner Jonquart, personnage central de La tentation de la vague, ajoute une dimension riche en suspense et en réflexions sur les défis contemporains. Ce roman, ancré dans l’actualité de 2024 en amont des Jeux Olympiques, plonge le lecteur au cœur des enjeux économiques et societaux majeurs de notre époque.

I. Le monde entrepreneurial : Entre opportunités et menaces

Werner Jonquart, héritier et dirigeant du groupe laitier Jonquart basé à Genève, se retrouve face à des propositions de rachat alléchantes mais inquiétantes. Dans un contexte où les entreprises sont souvent des cibles privilégiées pour des conglomérats internationaux, Schmoll illustre avec brio les tensions et les pressions subies par les dirigeants modernes.

Les offres mirobolantes reçues par Werner soulèvent des questions sur la mondialisation et la consolidation des marchés. Comme le souligne Joseph E. Stiglitz dans La grande désillusion, “la mondialisation a conduit à une concentration de pouvoir sans précédent, où quelques multinationales dominent des secteurs entiers, souvent au détriment de la diversité et de la résilience économique” . Cette réflexion trouve un écho parfait dans les péripéties de Werner, qui doit naviguer entre opportunités économiques et risques systémiques.

II. Cyberattaques : La nouvelle arme des conflits économiques

Quelques semaines après la signature du protocole d’accord de vente, un Drôle de goût apparaît dans les produits du groupe, déclenchant une série de cyberattaques dévastatrices. Ces attaques, orchestrées par des conglomérats industriels en lien avec des narcotrafiquants, montrent à quel point la cybersécurité est devenue cruciale pour les entreprises modernes.

Comme l’affirme Bruce Schneier dans Data and Goliath, “les cyberattaques sont devenues un outil essentiel de l’espionnage industriel et de la guerre économique” . Schmoll illustre cette réalité avec une précision terrifiante, rendant palpable l’insécurité numérique à laquelle sont confrontées les entreprises.

Les entreprises doivent désormais faire face à des menaces cybernétiques croissantes, souvent soutenues par des États ou des organisations criminelles. La manière dont Werner et son équipe tentent de contrer ces attaques reflète les stratégies réelles employées par les entreprises pour protéger leurs actifs numériques et leur réputation.

III. Narcotrafiquants et blanchiment de capitaux : Une alliance Inquiétante

Le roman dévoile également les connexions obscures entre les conglomérats industriels et les réseaux de narcotrafiquants. Les menaces pesant sur Werner et Julia, kidnappée et utilisée comme monnaie d’échange, illustrent la brutalité de ces interactions.

Dans Narcotráfico, el gran desafío de América Latina, ( Narcotrafic , le grand défi de l’Amerique Latine) Ioan Grillo explique que “les narcotrafiquants cherchent constamment à légitimer et à blanchir leurs gains, et les entreprises internationales sont souvent des cibles idéales pour ces opérations” . Alain Schmoll dépeint cette réalité avec une acuité troublante, montrant comment les criminels utilisent les structures économiques légitimes pour leurs activités illicites.

Les Ports Francs et entrepôts de Genève, souvent associés à des activités de stockage d’œuvres d’art et autres biens de valeur, sont ici présentés comme des lieux stratégiques pour le blanchiment de capitaux. Cette utilisation détournée des infrastructures économiques montre à quel point le système financier global peut être vulnérable aux infiltrations criminelles.

« c’est devenu un petit peu plus compliqué pour les simples comptes bancaires. Une partie de l’argent sale passe maintenant par les Ports Francs, après avoir été blanchi en or, en bijoux, et surtout en œuvres d’art , en objets archéologiques, dont le trafic illicite a pris une ampleur considérable. » ( page 139)

IV. Débats sociétaux : Entre exigences professionnelles et vie personnelle

Au-delà des intrigues économiques et criminelles, Un drôle de goût ! explore également les dynamiques personnelles et les débats sociétaux. La relation entre Werner et Julia, compliquée par les événements tumultueux, illustre les défis de maintenir une vie personnelle stable face aux pressions professionnelles et aux dangers extérieurs « …quand de rares circonstances, nous mettaient face-à-face, Julia détournait les yeux .Etait ce par mauvaise conscience à mon égard? Était-ce pour ne pas me faire de mal sachant le pouvoir de son regard sur mon affectivité?Elle faisait en sorte de ne pas se trouver seule avec moi, comme si elle craignait que des pulsions sentimentales de ma part ou de la sienne ne prennent le dessus. C’était en tout cas ce que je m’imaginais… » ( page 87)

Les tensions entre les aspirations personnelles et les responsabilités professionnelles sont un thème récurrent dans les discussions sur l’équilibre travail-vie privée. Dans The Overworked American, Juliet Schor discute de l’impact des exigences professionnelles croissantes sur la vie personnelle, notant que “les individus sont souvent pris dans un tourbillon où les limites entre travail et vie privée deviennent floues” . Werner et Julia en sont des exemples poignants, illustrant comment les crises professionnelles peuvent exacerber les tensions personnelles.

V. Une œuvre rythmée et chronistique

Alain Schmoll utilise une structure narrative innovante, superposant des “feuillets” et des “chroniques” qui s’entrecroisent dans le temps. Cette technique donne au récit un rythme dynamique, permettant une immersion totale dans les événements. Le fait que Schmoll se présente comme collaborateur de son propre héros, ajoute une dimension méta-textuelle intéressante, brouillant les frontières entre réalité et fiction.

Malgré une mise en place initiale un peu longue, le roman capte rapidement l’attention du lecteur dès que les menaces se précisent. Les retournements de situation et le dénouement inattendu maintiennent une tension constante, rendant la lecture addictive.

VI. Un recit équilibré et inclusif pour aller au-delà des grands mouvements revendicatifs contemporains

Dans une époque où les mouvements comme #MeToo et le mouvement woke monopolisent souvent l’attention médiatique pour des causes de justice sociale, Un drôle de goût ! d’Alain Schmoll révèle une dichotomie insensée en mettant en lumière des problèmes profondément enracinés tels que les cyberattaques, les narcotrafiquants et les secrets d’entreprise. Tandis que les débats sur le sexisme, le racisme et l’égalité des genres sont absolument cruciaux et méritent une attention soutenue, ce roman nous rappelle que des menaces systémiques et souvent invisibles, comme les cyberattaques et le blanchiment d’argent par les narcotrafiquants, restent sous-traitées par les discours publics.

Les cyberattaques représentent une menace croissante et pernicieuse pour les infrastructures critiques et les entreprises, avec des conséquences potentiellement dévastatrices pour l’économie mondiale et c’est en lanceur d’alerte que Schmoll nous informe fictionnellement .

Dans son ouvrage Click here to kill everybody, Bruce Schneier explique que « les cyberattaques sont la nouvelle frontière du conflit économique et géopolitique, où les victimes ne sont souvent pas en mesure de se défendre adéquatement » . Cette menace, bien que moins visible et moins médiatisée que les questions de justice sociale, a des implications profondes pour la sécurité et la stabilité économiques.

Par ailleurs, le narcotrafic et le blanchiment d’argent représentent des défis colossaux qui sapent les fondements mêmes de l’économie légale et de la sécurité publique. Ioan Grillo, dans son livre El Narco: inside Mexico’s criminal insurgency, souligne que « les cartels de drogue et les réseaux de blanchiment exploitent les failles des systèmes financiers globaux, renforçant leur pouvoir et leur influence à un niveau inquiétant » . En se concentrant uniquement sur les problèmes immédiats et visibles, la société risque de négliger ces menaces insidieuses mais tout aussi destructrices.

« on parle couramment de cartel colombien et de triades Chinoise… ce sont des organisations criminelles dont les affaires génèrent des fortunes phénoménales et qui sont prêtes à tout même au meurtre et à la torture pour défendre leurs intérêts , des mafias au même titre que la Cosa Nostra ou la Camorra en Amérique du Nord et en Europe, des gens qui n’ont pas la moindre considération pour la vie des personnes… » ( page 250)

Alain Schmoll, à travers son récit haletant, pousse les lecteurs à reconnaître la nécessité d’un débat plus équilibré et inclusif. Il suggère que l’attention médiatique et sociétale doit également se tourner vers ces enjeux profonds, souvent éclipsés par des luttes plus visibles mais tout aussi importantes. Ainsi, Un drôle de goût ! ne se contente pas d’être un thriller captivant; il sert aussi de révélateur des priorités sociétales, nous invitant à une réflexion plus large et plus inclusive sur les menaces contemporaines.

En mêlant des intrigues entrepreneuriales, des cyberattaques et des réseaux criminels, Alain Schmoll offre à travers ce cinquième roman une réflexion interrogeant les interactions complexes et souvent dangereuses entre économie et criminalité. Les thèmes y étant abordés, font de ce roman de fiction une œuvre pertinente et captivante à promouvoir à la hauteur des enjeux majeurs de notre époque.