core tenable ?
Causette, le nouveau magazine « plus féminin du cerveau que du capiton » a déjà interviewé Antoinette Fouque sur son nouveau livre ! (novembre 2009) – Bravo ! Longue et heureuse vie à Causette !
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Guilaine Depis, attachée de presse (Balustrade)
Rampe de lancement ! Appuyez-vous sur la balustrade !
Sexualité j’écris ton nom
Pilule, avortement, homosexualité, la révolution sexuelle est en marche et «faire l’amour est la plus merveilleuse façon de parler».
CHARLOTTE ROTMAN
QUOTIDIEN : vendredi 29 février 2008
On est en 1967. Un an avant l’effervescence de mai, c’est déjà la pleine ébullition… hormonale. Sur le campus de Nanterre, les garçons veulent pouvoir se rendre dans les chambres des filles. Le 16 mars, l’association des résidents abolit le règlement intérieur qui prohibe cette libre circulation. L’affaire monte jusqu’au Conseil des ministres.«On leur donne des maîtres, maintenant ils veulent des maîtresses»,maugrée le général De Gaulle. La révolution sexuelle est en marche. Quelques mois plus tard, la pilule est autorisée. Un cycle s’ouvre. Les femmes partent à la découverte de leur corps comme à la conquête de leurs droits.
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Joëlle Brunerie-Kauffmann termine ses études de médecine en 1965. Gynécologue, elle est l’une des pionnières du droit à la contraception. «A vant la pilule, il y avait la méthode Ogino et celle du retrait. Les femmes se débrouillaient.» Certaines se rendent dans l’un des 42 centres du Mouvement français pour le planning familial qui milite pour une «maternité heureuse» et choisie. On y commande des diaphragmes en Angleterre et on y forme les (rares) médecins militants. Dans une consultation, gérée par la Mnef, Joëlle Brunerie, elle, «bricole dans l’illégalité». Jusqu’à ce que «la société reconnaisse officiellement aux femmes le droit de faire l’amour». Sans peur au ventre.
Conquête. C’est l’Assemblée nationale qui va leur octroyer ce droit. Grâce à une proposition de loi du député gaulliste Lucien Neuwirth (UDR) qui, dit-il, va transformer «les conditions d’existence de millions de couples». «J’ai reçu de nombreuses lettres de femmes retraçant leurs drames lamentables, la recherche d’un médecin « compréhensif », puis, au fil des jours, l’affolement, les demandes pour obtenir une « bonne adresse » et, finalement, l’avortement clandestin chez une matrone qui faisait payer cher ses « services »», explique-t-il lors du débat parlementaire. A l’époque, l’Institut national d’études démographiques (Ined) estime qu’il y a 300 000 avortements clandestins par an. Les opposants comme Jacques Hébert (lui aussi UDR) s’emportent, évoquant une modification «du patrimoine héréditaire de l’espèce» et «une flambée inouïe d’érotisme». La loi sur la contraception est votée en décembre 1967. Première conquête de la liberté sexuelle.
«Pour la première fois, les femmes avaient le droit de dire qu’elles ne voulaient pas d’enfants ou pas tout de suite,se souvient Joëlle Brunerie. Ça a été un raz de marée de bonheur.»Et de baise.«Il y avait une liberté sexuelle, réelle, psychique, libidinale, conquise»,s’enthousiasme Antoinette Fouque, figure du féminisme.«A la Sorbonne, on dormait les uns sur les autres», se souvient un témoin. Les uns avec les autres. Les mots sur les murs invitent à «jouir sans entraves».On prône l’amour libre. On part à la découverte des écrits de Sade, publiés par Pauvert. Dans la foulée, les femmes se retrouvent… entre elles. A Vincennes, quelques intellectuelles organisent des rencontres non mixtes.«En AG, les femmes ne parlaient pas», se souvient Antoinette Fouque. Là, «sans oreille d’hommes», la parole se répand. «Le désir des femmes aussi, a circulé hors du contrôle et du mode de jouissance des hommes.»
«Orgasme final». Deux ans après 68, le Mouvement de libération des femmes (MLF) ira déposer une gerbe en l’honneur de«la femme du soldat inconnu». Dans son sillage, le Front homosexuel d’action révolutionnaire (Fhar), mené par Guy Hocquenghem et Françoise d’Eaubonne, voit le jour. Son acte fondateur est l’irruption salle Pleyel, à l’émission de Ménie Grégoire sur RTL consacrée à l’homosexualité, «ce douloureux problème». «C’est l’orgasme final. Couchons-nous et demain les gouines et les pédales seront le genre humain», chantent les homos.
Le 20 novembre 1971, pour la première fois, le MLF appelle à une manifestation à Paris : «Travail, famille, patrie, y en a marre. Contraception, avortement libres et gratuits.» A l’église Saint-Ambroise, le cortège veut «libérer la mariée», quand les cloches sonnent. Petit à petit, les corps se dénudent. Après la minijupe (lancée par l’Anglaise Mary Quant en 1965), le short fait son apparition dans la rue. Les seins s’exposent pour la première fois à la piscine Molitor, à Paris. Le désir s’affiche.
«Apprenons à faire l’amour, car c’est là le chemin du bonheur. C’est la plus merveilleuse façon de parler et de se connaître», conseille aux lycéens le docteur Carpentier, après l’exclusion en 1972 de deux élèves du lycée de Corbeil-Essonnes qui s’étaient embrassés sur la bouche. Cette même année, le premier rapport sur le comportement sexuel des Français est un événement et la courbe des mariages amorce sa chute. Le 3 janvier, la loi reconnaît que «l’enfant naturel a en général les mêmes droits et les mêmes devoirs que l’enfant légitime dans ses rapports avec ses père et mère».
Les 13 et 14 mai 1972, se tiennent les journées de «dénonciation des crimes contre la femme» à la Mutualité, à Paris. Les murs sont couverts de slogans : «C’est nous qui portons, accouchons, avortons. C’est nous qui risquons notre vie. C’est nous qui nourrissons, qui lavons, qui veillons. Et pourtant c’est pas nous qui décidons, nous qui parlons.»L’entrée est gratuite pour les femmes, c’est 5 francs pour les hommes. Pour la première fois, on montre un avortement selon la méthode de l’aspiration (la méthode de Karman).
«Jugez-nous !». Le 11 octobre 1972, à Bobigny, s’ouvre le procès de Marie-Claire Chevalier, 16 ans, violée par un camarade de classe et jugée pour avoir avorté. Son avocate Gisèle Halimi (fondatrice de Choisir la cause des femmes) accuse la loi, «objectivement mauvaise, immorale et caduque».A la barre, Simone Iff, vice-présidente du planning familial, les actrices Françoise Fabian et Delphine Seyrig disent avoir eu recours à l’avortement. Dehors, les manifestantes clament : «Nous avons avorté, jugez-nous !» Marie-Claire est relaxée.
De fait, de plus en plus de médecins et de militants, au Mlac (Mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception), pratiquent des avortements. Il faut légiférer. Le 26 novembre 1974, face aux députés (presque exclusivement hommes), Simone Veil défend son projet de loi. Ce texte prévoit que «la femme enceinte que son état place dans une situation de détresse peut demander à un médecin l’interruption de sa grossesse» avant la fin de la dixième semaine. Le débat est d’une violence inouïe. On entend : «L’avortement, c’est un génocide légal.» Le 29 novembre 1974, le projet de loi est adopté à 3 h 40 du matin.
Après le succès du Dernier Tango à Paris et de Gorge profonde, sortis en 1972, les Valseuses de Bertrand Blier font un tabac (4 millions de spectateurs en six mois). Et Emmanuelle de Just Jaeckin, d’abord interdit par le gouvernement Pompidou pour «manque de respect envers le corps humain», fait 16 000 entrées le jour de sa sortie. Le Monde s’interroge : «Le sexe a-t-il remplacé la religion comme opium du peuple ?»